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Les binaires à éclipses
Algolides et apparentées

Aperçu
Certaines étoiles présentent des variations de magnitude (ou d'éclat apparent) non à cause d'une véritable variation de leur luminosité, mais parce qu'elles constituent des systèmes d'étoiles doubles, dont les composantes s'éclipsent mutuellement, au cours de leur révolution orbitale. De telles éclipses - qu'en toute rigueur, on devrait plutôt qualifier d'occultations - ne sont évidemment observables que si le plan de révolution du système est sensiblement aligné avec la direction de la Terre. [Les étoiles variables]
La plus connue de ces binaires à éclipses est l'étoile Bêta Persei = Algol, dans la constellation de Persée. Au cours d'un cycle de trois jours environ, pour laquelle, elle donne lieu à l'éclipse d'une étoile bleue très brillante par une étoile orange plus faible, puis à l'éclipse de l'étoile orange par sa compagne bleue. Le minimum déclat intervient quand l'étoile la plus brillante est cachée partiellement par l'étoile la plus faible. Un autre minimum d'éclat, appelé minimum secondaire et qui n'est pas toujours très net dans certains couples, s'observe lors de l'occultation de l'étoile la moins brillante par sa compagne.
La figure ci-dessous donne une idée de la forme de la courbe de lumière des étoiles à éclipses. En pratique, les courbes observées se révèlent nettement moins anguleuses. D'une part parce que la surface d'une étoile - et le Soleil nous en fournit déjà un parfait exemple - n'est jamais uniformément lumineuse. Les bords sont plus sombres que les régions centrales du disque, d'où nous parvient aussi de la lumière provenant de régions plus profondes. Ensuite, du fait de déformations des étoiles elles-mêmes, surtout sensibles pour les couples les plus serrés. [Le  Soleil]

Ce schéma représente les grandes phases traversées par une binaire à éclipses lors de son cycle.

Éclipses monstres

Le plus souvent l'observation d'une variation de magnitude apparente lors des éclipses s'explique parce que l'on a affaire à des systèmes dont le rayon de l'orbite est à peu près du même ordre de grandeur que le rayon des étoiles. Les périodes de révolutions sont ainsi très souvent inférieures à une dizaine de jours. On connaît cependant des exceptions: il existe des systèmes dont les périodes sont supérieures à un an. Mais il est des cas, plus rares, où les périodes de révolution sont très longues et dénotent des orbites importantes. Parallèlement, les éclipses durent très longtemps (plusieurs mois) et suggèrent des dimensions gigantesques pour les astres qui en sont responsables. On a peut-être affaire dans certains cas à des géantes de dimensions phénoménales comme VV Cephei (Céphée), dont la période orbitale est de 7430 jours (plus de 20 ans!) et dont la dernière éclipse en date, d'une durée de 491 jours, a commencé en avril 1997, pour ne se terminer qu'en août 1998, traduit un diamètre supérieur au rayon de l'orbite de Saturne.

Mais il est aussi des cas, plus étranges encore, à l'instar de celui de Epsilon Aurigae (Cocher). Ici, les éclipses, qui ont lieu tous les 27 ans, durent 700 jours (dernière éclipse entre juillet 1982 et juin 1984). Pour rendre compte de cet état de faits, l'objet responsable de l'éclipse doit avoir un diamètre dépassant les dimensions de l'orbite de Neptune. S'il s'agissait d'une étoile, elle devrait être intensément brillante (et il n'y aurait pas d'éclipse bien nette!). Il s'agit donc plutôt un objet géant et sombre. Probablement un gros nuage de gaz, partiellement ionisé, qui englobe une petite étoile compacte. Les électrons de ce gaz seraient responsables de son opacité.


Mise en ordre
Les binaires à éclipses sont ordinairement classés en trois types principaux, selon la forme de leur courbe de lumière. Les appellations comme d'habitude font référence au nom d'une étoile prototype :

EA : Algolides - Plusieurs milliers de ces étoiles, dont le modèle est Algol, sont répertoriées. Ce type regroupe des objets de types spectraux très divers. Leur minimum principal est le plus souvent bien marqué. Leur minimum secondaire peut, pour sa part être important ou presque indécelable.

EB : Bêta Lyrae - Ces systèmes dont le modèle est Sheliak, dans la Lyre, se comptent seulement par centaines. Ils sont formés d'étoiles souvent de magnitude très proche. Conséquence, leurs minimums secondaires s'avèrent presque aussi importants que les minimums principaux. De plus, la courbe de lumière se révèle beaucoup plus arrondie que celle des algolides proprement dites. La raison en est que la variation de magnitude de ces étoiles relève de deux phénomènes distincts. Le principal est celui des éclipses, comme c'est le cas pour les algolides proprement dites. Quant à la déformation de la courbe de lumière qui se superpose de façon importante aux effets des éclipses, elle est attribuable à la déformation (moins sensible mais cependant observée pour certaines algolides) des composantes du système sous l'action de l'attraction gravitationnelle qu'elle exercent l'une sur l'autre. Les deux étoiles dans de tels couples sont suffisamment proches qu'elles acquièrent des formes de poire, dont les extrémités se font face. Vus de la Terre, ces objets se présentent donc alternativement de face et de profil. Comme leur magnitude apparente est fonction de la surface dirigée vers nous, une petite contribution à la variation d'éclat provient de ce mécanisme. A cause de la proximité des composantes, les périodes des étoiles du groupe EB sont le plus souvent très courtes.


  • Les variables ellipsoïdales - Il existe aussi une petite poignée d'étoiles qui sont connues pour révéler seulement des variations déclat attribuées à leur forme allongée. Dans ce cas les éclipses ne sont pas observables parce que le plan de révolution des orbites est trop écarté de la ligne de visée. On qualifie ces objets, dont les variations ne dépassent pas quelques centièmes de magnitude, de variables ellipsoïdales. Citons : Atiks, dans Persée (encore!), ou bien Pi-5 Ori (Orion).

  • EW : W Ursae Majoris (Grande Ourse) - Cette famille regroupe des étoiles naines, relativement âgées, et de dimensions comparable. Elles produisent donc des éclipses dont le minimum secondaire est pratiquement de même importance que le minimum principal. Comme les Bêta Lyrae, les EW sont des binaires en contact. Ici, la confusion des enveloppes étant encore plus accentuée, les courbes de lumière se révèlent plus arrondies. Les périodes sont également très courtes : inférieures à la journée le plus souvent.

    Variations intrinsèques
    Les binaires à éclipses et les variables ellipsoïdales présentent des variation de magnitude du fait des propriétés de leurs orbites (par rapport à nous) ou de leur forme, et non, en première approche, à cause de variations d'éclat intrinsèques. On les qualifie de variables géométriques. Certaines de leurs composantes, parfois les deux, peuvent cependant présenter des variations de luminosité qui leur sont propre. Parfois, du fait de leur duplicité (conséquences du transfert de matière), parfois aussi à l'image des étoiles isolées. L'un des membres du système AS Cas (Cassiopée), par exemple, est une variable pulsante du type Delta Scuti (Ecu de Sobieski). Un groupe particulier est également représenté par les étoiles RS Canum Venaticorum (Chiens de Chasse). Ces étoiles, dont l'une des composantes est souvent de type G ou F, et que l'on rencontre aussi bien parmi les algolides proprement dites que parmi les Bêta Lyrae, semblent présenter à leur surface des irrégularité de brillance (taches sombres, points lumineux).
    [Les variables pulsantes]

    Rouages

    Variations de période

    Il n'est pas rare que des binaires à éclipses présentent des changements de période. Dans le Lézard, par exemple, la période de l'étoile SW a augmenté depuis 1913 de 6,7 millionième de seconde par jour. Pour cette étoile cela a fini par se traduire par un décalage de l'ordre de sa période de révolution en moins d'un demi-siècle. Des variations plus faibles ont également été observées pour i du Bouvier et pour WW de la Grande Ourse, dont la période est en phase raccourcissement actuellement, alors qu'elle était encore croissante entre 1968 et 1976. Ces étranges comportements s'expliquent par le jeu des transferts de matière d'une composante à l'autre. La modification du rapport de masse entre les deux objets, conduit à un déplacement du centre de gravité du système et donc à la modification des orbites. De façon générale, la période augmente (ainsi que le diamètre de l'orbite) si de la matière est perdue par  l'étoile la plus massive. Inversement, la période du couple (et des éclipses) diminue si c'est l'étoile la plus massive qui perd son enveloppe. Certains systèmes, à l'instar de U de Céphée, présentent des variations brutales de leur période.

    Collection

    La grande famille des algolides

    Le tableau ci-dessous présente une sélection de variables à éclipses réparties selon les trois types EA, EB et EW. Sont donnés : la période P de révolution du système (et donc des éclipses) en jours; la magnitude visuelle maximale V max. du couple; les variations de magnitude, lors du minimum principal (dV1) et du minimum secondaire (dV2); la durée des éclipses T1 et T2, exprimées en fraction de la période de révolution; les types spectraux de chacune des composantes; et enfin la masse en unités solaires du système, ou des composantes prises séparément.  Les informations qui suivent sont tirées de cette formidable mine que constitue l'ouvrage de Michel Petit : Les étoiles variables, Masson, 1982.

    On remarquera les curieux appariements de types spectraux et de masses présentés par certains couples. Avec i Boo, par exemple, on a affaire à deux astres dont le type spectral est exactement le même que celui de notre Soleil (G2 V), alors que les masses sont très différentes. Cette situation en apparence paradoxale est l'une des conséquences des transferts de matière d'un astre vers l'autre.

    Type Nom Constel. P (j.) Vmax. Éclipse 1 Ecl. 2 Spectres Masse(s)
    dV1 T1 dV2 T2
    EA Algol Persée 2,867 2,12 1,28 0,14 0,03 - B7 V - G8 IV 4,51
    Bêta Aur Cocher 3,960 1,90 0,10 0,06 0,09 - A2 IV - A2 IV 4,60
    Alpha CrB Couronne
    Boréale
    17,37 2,24 0,11 0,034 0,03 - A0 V - G3 V 3,75
    Lambda Tau Taureau 3,958 3,41 0,48 0,15 0,09 - B3 V - A4 IV 7,49
    Dzêta Aur Cocher 972,16 3,75 0,13 0,041 0,12 0,039 B6 V - K1 Ib 13,93
    Dzêta Phe Phénix 1,670 3,94 0,50 0,12 0,30 - B6 V - A0 V 9,09
    Delta Lib Balance 2,327 4,92 0,98 0,28 0,09 - A0 V - G1 IV 3,60
    Mu Sgr Sagittaire 180,45 4,34 0,13 0,11 - - B8ep Ia - nc 24,35
    EB Mu1 Sco Scorpion 1,440 3,02 0,28 - 0,11 - B5 Vp - B6 V 13,56 
    + 8,94
    Eta Ori Orion 7,989 3,14 0,21 - - - B05 - nc 12,76 
    +12,13
    Sheliak Lyre 12,908 3,34 1,00 - 0,5 - B8 IIpe - B6 9,85 
    +3,94
    Nu Sgr Sagittaire 137,94 4,51 0,10 - 0,05 - B8 Ip - F2 Ip 21,26 
    +18,10
    EW Epsilon CrA Couronne
    Australe
    0,591 4,79 0,26 - 0,21 - F2 IV - F3 V 3,27 
    +0,36
    i Boo Bouvier 0,268 5,85 0,59 - - - G2 V - G2 V 0,96 
    +0,48
    S Ant Machine
    Pneumatique
    0,648 6,45 0,52 - 0,56 - A9 V - F4 V 0,68 
    +0,33
    W UMa Grande Ourse 0,384 7,88 0,75 - 0,66 - F8 V - G8 V 7,30 
    +0,76
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