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Avocat (histoire romaine)

Avocat. - C'est à Rome, que la profession d'avocat prit naissance. Chez les Grecs, tout citoyen, demandeur ou défendeur, devait soutenir lui-même ses droits en justice; il pouvait seulement se faire assister d'un parent on d'un ami, qui prenait la parole après lui pour compléter ses explications. Souvent, il est vrai, les parties se bornaient à réciter en justice un discours qu'elles avaient fait rédiger d'avance par une personne plus expérimentée, et, sous le nom de logographes, beaucoup de rhéteurs ou de juristes, parmi lesquels on compte Isée, Lysias, Isocrate et Démosthène, firent profession de composer, à prix d'argent, les plaidoyers que les parties en cause devaient prononcer, Mais les logographes n'étaient pas de véritables avocats : ils n'intervenaient pas personnellement dans les débats; leurs discours, dans lesquels ils devaient faire tenir au plaideur un langage conforme à son caractère, étaient moins des oeuvres oratoires que de simples mémoires contenant l'exposé et la discussion des faits; enfin, cachant leur personnalité derrière celle de leur client, ils pouvaient, sans se compromettre, servir à la fois les deux adversaires, ce qui diminuait la dignité de la profession.

A Rome, il en était tout autrement. La procédure donnait sans doute en principe à chaque plaideur le droit de diriger lui-même son affaire in jure et in judicio; mais elle lui laissait la faculté d'appeler à son aide d'autres personnes, pour prendre la parole à sa place ou pour l'assister de leurs conseils et de leur présence. Ceux qui venaient plaider pour lui (postulare) s'appelaient patroni ou oratores; ceux qui l'assistaient et qui étaient ordinairement des jurisconsultes, portaient le nom d'advocati (quelquefois laudatores). Ces deux rôles, longtemps distincts. tendirent à se confondre vers la fin de la République et, à l'époque de Quintilien, il n'y avait plus que des advocati, qui à la fois plaidaient et conseillaient, et que l'on nommait également causidici, mais avec une nuance défavorable.

Le ministère du patronus et de l'advocatus fut longtemps considéré, dans l'ancienne Rome, comme un service d'honneur qui devait s'exercer gratuitement : pour le patricien, protecteur légal de son client, c'était un devoir de le défendre en justice; pour ceux qui aspiraient aux fonctions publiques, plaider était le moyen le plus sûr d'acquérir auprès du peuple la considération et l'influence qui devaient leur ouvrir l'accès de ces fonctions. A la fin du IIIe siècle avant l'ère chrétienne, ces principes commencèrent à s'altérer, et la loi Cincia (204-205) dut interdire "ne quis ob causam orandam donum munusve accipiata." Un sénatus-consulte rendu sous Auguste confirma cette interdiction, et l'aggrava en y ajoutant la peine du quadruple. Mais les moeurs furent plus fortes que les lois; le barreau cessa peu à peu d'être une occupation aristocratique et un acheminement aux honneurs, pour devenir une véritable profession et, à partir de l'empereur Claude, il fut permis aux avocats de recevoir des honoraires; mais on fixa un maximum (10.000 sesterces, sous Claude; 1.000 deniers, sous Dioclétien), et la jurisprudence considéra la promesse d'honoraires comme constituant une simple obligation naturelle qui rendait le paiement valable, mais dont l'exécution ne pouvait être poursuivie en justice par une action; ce fut seulement au IIIe siècle ap. J.-C., sous Alexandre Sévère, qu'une extraordinaria cognitio leur fut accordée pour en obtenir le paiement. Il leur fut toujours interdit sous des peines sévères de s'intéresser à l'issue du procès qu'ils plaidaient, soit par un pacte de quota litis, soit par la stipulation d'honoraires exceptionnels (palmarium) en cas de succès.

C'est pendant les deux derniers siècles de la République que le barreau romain, favorisé par les institutions, fut surtout florissant. L'organisation des tribunaux permettait aux avocats d'exercer, dans les débats judiciaires, une puissante action sur l'esprit des juges. Car le magistrat, sous le régime de la procédure formulaire, se bornait à indiquer la loi qui devait être appliquée dans chaque affaire et l'appréciation des faits, ainsi que la sentence, appartenait à de véritables jurés, ordinairement choisis parmi les sénateurs ou les chevaliers; les débats étaient publics et la parole entièrement libre, en matière criminelle comme en matière civile. Le plus souvent, devant la juridiction criminelle (quaestiones perpetuae), l'accusateur et l'accusé étaient assistés chacun de plusieurs avocats; les lois Pompeia et Julia en limitèrent le nombre à 12, et fixèrent la lus longue durée de chaque plaidoyer à 2 heures pour accusation et 3 heures pour la défense. Enfin, à côté des débats judiciaires, les luttes politiques du forum, dans lesquelles la parole était une arme nécessaire pour conquérir les suffrages du peuple, offraient aux avocats un vaste théâtre où brillèrent les plus célèbres d'entre eux; il suffit de citer Caton.

Mais après Auguste l'établissement du régime impérial imposa silence aux orateurs du forum. En matière criminelle, le partage de la juridiction entre le Sénat et l'empereur ou ses délégués, enleva aux débats toute ampleur, aux avocats toute liberté de parole; et quand prévalut, au IIIe siècle, la procédure extraordinaire, la défense des accusés fut entièrement à la discrétion des magistrats impériaux. C'est donc principalement aux affaires civiles que dut se restreindre, sous l'Empire, le ministère des avocats; à part Quintilien et Pline le Jeune, ils laissèrent peu de noms illustres; c'est parmi les jurisconsultes qu'il faut alors chercher les grands talents; ce sont eux qui, appelés par l'empereur dans les conseils administratifs et dans les tribunaux, succèdent à l'influence qu'exerçaient auparavant les avocats.

Pendant longtemps, chacun fut libre à Rome d'embrasser la profession d'avocat; étaient seuls exclus les mineurs de vingt-cinq ans, les femmes, les aveugles, les sourds et les personnes notées d'infamie. Le barreau ne formait pas un corps spécial et réglementé; toutefois, en pratique, on se soumettait, pour devenir avocat, à certaines études et à un apprentissage, dont Cicéron et Quintilien ont tracé le tableau; le Sénat exerçait sur les avocats une surveillance générale, et, en cas d'indignité, les suspendait de leur profession; de plus les magistrats pouvaient, à titre de peine, interdire à un citoyen de postuler devant lui.

Ce fut seulement à la fin du IVe siècle, sous Théodose, qu'un ordre des avocats (corpus togatorum) fut constitué, sur le modèle des corporations industrielles, civiles et religieuses qui couvrirent alors l'empire romain. Les avocats (advocati, togati, scholastici, causidici, defensores, patron), établis auprès de chaque tribunal, furent groupés en corporations (collegia), soumises aux réglements impériaux; leur nombre, dans chacune, fut limité et, pour être inscrits au tableau (matricula fori), ils durent justifier d'études suffisantes. Les plus anciens étaient les chefs (primates) de la corporation, dont les membres étaient accrédités (statuti) auprès du tribunal, à l'exclusion de tous les autres, prêtaient un serment professionnel et restaient placés sous la surveillance du juge qui intervenait au besoin pour assurer le paiement des honoraires. Ils jouissaient de nombreux privilèges qui leur donnaient dans l'Empire une situation très recherchée; c'était parmi eux que se recrutaient les conseillers et assesseurs des magistrats impériaux.

A partir d'Hadrien, le gouvernement impérial eut, dans chacune des principales villes de l'Empire, un avocat attitré (advocatus fisci), chargé de représenter et de défendre en justice les intérêts du fisc, dans les procès où il était engagé. Il recevait un traitement. Après la constitution des collèges d'avocats, ces fonctions furent dévolues de droit aux deux plus anciens membres de chaque collège.

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Dictionnaire biographique
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