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Histoire des arts décoratifs
L'art roman
Le style roman
Pendant que le style byzantin est en plein épanouissement en Italie et dans l'Europe orientale, l'Occident voit naître un style plus sobre, plus austère et plus froid sous le nom de style roman. On a également donné à ce style le nom de romano-byzantin en raison de certaines ressemblances qu'il présente avec le style byzantin pur. Il offre dans son développement diverses phases distinctes. A la période gallo-romaine succède la période dite latine qui nous montre le christianisme utilisant, sans les transformer essentiellement, les restes des traditions de l'art romain.

Le premier art roman.
On a donné le nom de style mérovingien à la période qui a son apogée au VIe siècle, sous Dagobert , tandis que l'art saxon ou anglo-saxon, principalement sous Alfred le Grand, conserve une originalité plus indépendante de l'influence latine.  On voit, sur le continent et grâce à l'impulsion de Charlemagne, fleurir l'art carolingien.

L'art mérovingien.
L'art mérovingien est caractérisé par des entrelacs, des lignes brisées, un ensemble de combinaisons de cordes tressées mêlées à des oiseaux d'un dessin grossier. L'orfèvrerie brille déjà d'un grand éclat sous l'impulsion de saint Éloi. Elle a le caractère du style romano-byzantin nombreux cabochons à hautes sertissures, filigranes dans les fonds. La Bibliothèque nationale possède, sous le n° 2711, une belle plaque d'or, à lettres découpées et cabochons, de style mérovingien.

L'art saxon.
Vers les Ve, VIe, VIIe et VIIIe siècles, l'art saxon en Angleterre produit des oeuvres d'un style particulier où se remarque une plus grande indépendance à l'égard du style dominant sur le continent. C'est une sorte de roman moins byzantin que le roman ordinaire. La bijouterie et l'orfèvrerie ont bien la recherche des cabochons, des pierreries colorées saillantes sur de hautes sertissures. Il y a  abondance de filigranes. Mais on peut noter une certaine originalité avec quelque chose de barbare, l'amour des formes monstrueuses et fantastiques. Les serpents entremêlés, les poissons tordus combinés en des ensembles compliqués se retrouvent dans les dessins d'orfèvrerie et de broderie, comme dans les lettres initiales dites dragontines, d'origine saxonne. Le procédé de l'émaillerie champlevée florissait en Angleterre pendant la période saxonne, comme le démontre le bijou connu sous le nom d'anneau d'Ethelwolff. Les historiens anglais de l'orfèvrerie attribuent une origine saxonne à Wolvinus, l'orfèvre auteur du célèbre parement de l'autel de Saint-Ambroise à Milan, parement fait en 835.

L'art carolingien.
L'époque carolingienne ou l'époque de Charlemagne comprend une partie du VIIIe et le IXe siècle. C'est la tentative d'une volonté organisatrice pour réveiller les arts de l'Occident, résurrection momentanée. En même temps que se déchirera l'unité de l'Empire, l'art un moment réveillé se rendormira. L'époque carolngienne est caractérisée par un retour vers une interprétation lourde de l'Atiquité. L'art n'est que l'amalgame d'emprunts hétérogènes combinés en des ensembles mal digérés. 

De même que pour la construction de ses édifices, l'Occident se sert des colonnes, des marbres arrachés aux monuments de l'Italie, de même les arts ne montrent que des velléités classiques qui s'arrêtent aux interprétations byzantines, msaïques, étoffes brodées, chapes, peintures des manuscrits sont des oeuvres d'esprit byzantin par la flore et par la faune ornementales. Les arabesques, les feuillages, les tendances à la forme carrée dans les ensembles, les applications de pierreries, de perles, tout est byzantin, mais d'un byzantinisme plus maigre et plus pauvre.

D'ailleurs les querelles des iconoclastes à Constantinople font fuir de nombreux artistes de Byzance qui se réfugient à Aix-la-Chapelle, à a cour de Charlemagne. L'Empereur les protège. Quoique ignorant, il aime les arts et les sciences. Il encourage Gottschalk à qui il fait peindre les miniatures de son Evangéliaire écrit en lettres d'or sur vélin de pourpre et qui inaugure la peinture des manuscrits. 

Cet amour des arts est secondé par le savant Alcuin : les abbayes qui sont, à cette époque, des ateliers en même temps que des couvents, sont l'objet des préoccupations de l'Empereur. C'est parce qu'ils connaissent ces goûts que les souverains étrangers envoient à Aix-laC-hapelle des oeuvres d'art industriel : le calife Haoun Ar-Raschid fait présent d'une horloge à sonnerie parce qu'il sait qu'un tel cadeau plaira.

A l'époque carolingienne appartient une pièce curieuse qui se trouve actuellement au British Museum à Londres. C'est un plat de cristal d'environ trois pouces de diamètre, sur lequel est représentée l'histoire de Suzanne: on compte quarante figures sur cette oeuvre d'un art déjà habile. L'inscription latine Lotharius rex Francorum fieri jussit - " Lothaire roi des Francs m'a fait faire " - donne la date.

Pour les oeuvres de l'époque carolingienne, voir au Musée de Cluny, n° 1374 : un coffret rectangulaire en marqueterie (ivoire et bois colorés), orné de rosaces, d'entrelacs encadrant des animaux fantastiques. - Même Musée, n° 8037, 8038, 8040 : boucle de ceinturon et agrafes.

L'art roman proprement dit.
A partir du Xe siècle et jusqu'à l'avènement du style ogival ou gothique, au XIIIe siècle, l'art garde le nom de roman. Les subdivisions que nous venons d'indiquer correspondent plutôt à des dates historiques qu'à des modifications bien caractéristiques et bien profondes du style roman proprement dit.

L'architecture romane.
L'importance de l'architecture, qui, à cette époque, impose la forme architecturale à tous les arts décoratifs, fait que, en indiquant les caractéristiques architecturales
de ce style, on donne celles du style décoratif lui-même.

L'arc roman est la plus importante de ces dernières : c'est l'arc plein cintre ou arcade formée d'une demi-circonférence. Avec lui on rencontre l'arc surbaissé et l'arc en fer à cheval nommé aussi arc byzantin, plus oriental qu'occidental. Les colonnes romanes sont courtes, cylindriques. Leur fût est orné de cannelures fantaisistes. Le
chapiteau en cône renversé, en corbeille évasée, en tulipe, en coeur (chapiteau cordé), est surmonté d'un abaque carré; son ornementation consiste en feuilles rondes à nervure simple, rigide, avec une extrémité en fleuron; on y rencontre aussi des dessins de vannerie, des animaux fantastiques, des personnages grotesques (chapiteaux historiés). La base sur laquelle repose le fût est écrasée et porte fréquemment, sur quatre de ses points, des empattements à crochets de feuilles ou à têtes grotesques. l'extérieur, les murs sont appuyés par des contreforts, sortes de rudiments de pilastres engagés et terminés à leur extrémité supérieure par une pente en glacis. Le contrefort roman fait corps avec le mur, tandis que l'arc-boutant gothique s'éloigne du mur et prend pied à une certaine distance. Les édifices ou les objets qui en affectent la forme sont coiffés de toits en batière, formant un angle largement ouvert et coupés à leurs deux bouts en pignons. Les fenêtres romanes, composées d'une arcade simple ou d'arcades géminées, embrassées par une arcade d'un diamètre double, sont parfois des baies aveugles dont le champ est une pierre découpée en ajours plus ou moins géométriques. 

L'ornementation.
L'ornementation caractéristique du style roman comprend surtout des ornements géométriques : imbrications, damiers, échiquiers, entrelacs rubanés, ajours polygonaux, étoiles, têtes de clous, zigzags, méandres crénelés, suite de losanges chevauchant, chevrons, chevrons contrariés, créneaux rectangulaires, créneaux à fonds arrondis. L'acanthe romane n'est, en somme, que l'acanthe byzantine le plus souvent réduite à un ruban à rares reliefs et rares découpures, ne rappelant la feuille que par son extrémité à trois dents. Parfois, des haies de fruits et des grappes se mêlent aux rudiments de feuilles. Les mascarons grimaçants forment des consoles et des modillons grotesques logés en culs-de-lampe sous des retombées d'arcs ou juxtaposés sous les voûtes des archivoltes.

Le mobilier.
Le mobilier roman est analogue au mobilier byzantin; mais il reste plus simple d'ornements. Les montants des meubles sont droits, ils offrent une section transversale carrée ou circulaire et une grosseur constante, le plus souvent. Ils se terminent ordinairement par une boule. Ils ont une forme très accusée et ne se noient pas dans le plan des surfaces. Les entrejambes ne sont pas évidés et le meuble est presque toujours limité par quatre faces qui descendent très bas. L'ornementation de ces faces (lits ou sièges), consiste en arcades à plein cintre caractéristique ou en sorte de balustrade à découpure en quatre-feuilles. Les lits sont rectangulaires, à couche basse, de grandes dimensions; les matelas sont souvent enfermés dans les quatre côtés du lit.

Matelas ou paille fournissaient la literie. La couche inclinée avait un chevet très élevé. Le baldaquin était attaché aux solives du plafond et portait de lourdes tentures on relevait celle du pied pendant le jour. Vers la fin de la période romane, et surtout grâce aux croisades et à l'introduction des tapis et des tissus orientaux, les tentures et les couvertures du lit devinrent luxueuses et riches, autant qu'on en peut juger par les miniatures qui, avec les chroniques, sont les seuls documents auxquels on puisse se reporter en l'absence de meubles authentiques de cette époque.

Les sièges en X, parfois repliables et articulés, sont nombreux dans la période romane. Les sièges sont fréquemment en forme de trône, avec dossier plein surmonté d'un fronton triangulaire, avec bras pleins joignant le dossier à la prolongation des pieds de devant et terminés par une boule, avec les entrejambes bouchés par des panneaux pleins. Un dorsal retombait sur le dossier; un coussin mobile garnissait le siège. Le bahut est le meuble par excellence connu pendant tout le moyen âge : il y joue tous les rôles, siège, coffre et parfois lit.

L'orfèvrerie.
L'orfèvrerie romane, dans les chasses et reliquaires, conserve la forme architecturale : ce sont de petits édifices à pignons latéraux, avec toit en batière orné d'une crête à ajours trilobés, où de loin en loin s'élèvent des boules de verre ou de cristal de roche. Des personnages, en métal repoussé ou émaillé, se dressent sous des arcades en plein cintre caractéristique. L'ornementation des surfaces consiste en doublets, en cabochons de verre ou de pierres colorées, en tables de grenats, en losanges, le tout à hautes sertissures faisant saillie sur des fonds ornés de filigranes, de dessins gravés et d'émaux. A l'émaillerie cloisonnée orientale et byzantine (qui ne disparaîtra complètement qu'au XIIIe siècle) a succédé, en Occident, dès le XIe siècle, l'émaillerie champlevée, qui triomphera au XIIe et aura son centre à Limoges. Cet amour des couleurs, des applications de pierreries saillantes, se manifeste dans l'ornementation des croix, des crosses, des ciboires, des couvertures de livres. Les ciboires, les calices, reposent sur des pieds bas, circulaires, portant à leur centre un fort pommeau : la coupe est hémisphérique. Dans les crosses, la volute, courte, figurant le plus souvent un serpent à tête de dragon, est d'un dessin presque circulaire et non pas ovale comme plus tard.

La serrurerie.
La serrurerie plaque sur les portes de belles pentures de fer ouvragé dont les rinceaux, simples et forts, sont formés de ramifications peu compliquées de l'acanthe romane. (Paul Rouaix).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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