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Les spectacles de magie
Illusionisme, prestidigitation
Les spectacles dits de magie consistent, par l'adresse des doigts (prestidigitation) ou par tout autre procédé, a réaliser de faits semblant impossibles et hors des lois de la nature. Le mot de prestidigitation encore souvent employé est impropre, car les spectacles de magie actuels ont recours à tous les moyens possibles pour produire des illusions; ils se servent de la chimie, de la physique, de la mécanique, de l'électricité et de l'électronique, de l'acoustique, de l'optique, autant que de l'adresse des mains. C'est justement la diversité des moyens employés par elle qui arrive à produire un tout inexplicable pour les non initiés. Le terme illusion (illusionniste) est  beaucoup plus juste.

La base de l'illusionnisme moderne fut d'abord l'escamotage, puis la physique amusante. Cette dernière se perfectionnant de jour en jour, ses adeptes crurent nécessaire de lui donner un autre nom, on essaya prestigiation qui n'eut aucun succès, et ce fut Jules de Rovère, physicien d'abord amateur, puis professionnel de la première moitié du XIXe siècle qui, le premier, afficha avec l'explication (presto-digiti) les termes prestidigitation, prestidigitateur, ensuite largement adoptés, avant qu'on ne les réserve, dès la fin du XIXe siècle, qu'à une forme particulière d'illusionnisme. 

La base de la prestidigitation est bien l'adresse, la prestesse, la vivacité des doigts, et un opérateur habile doit pouvoir donner une séance sans autre accessoire spécial qu'un jeu de cartes, quelques pièces de monnaie et un foulard; son adresse devra faire le reste et il présentera ainsi de la prestidigitation proprement dite. Toute opération de prestidigitation a pour base l'escamotage, c.-à-d. l'apparition, le passage ou la disparition invisible d'un objet, qu'il soit petit comme une muscade, plus gros, comme une pièce de monnaie, une montre, ou assez volumineux, comme
un oeuf, une orange ou un foulard. 

Nous n'entrerons pas dans le détail des manipulations nécessaires pour chacun de ces objets; disons seulement que le principe consiste surtout à sembler mettre la muscade, la pièce, etc. , tenue du bout des doigts d'une main, dans l'autre main, alors que cette première main retient l'objet et le dissimule, soit dans la fourche du médium et de l'annulaire pour les muscades, soit entre l'index et l'annulaire à la hauteur de la deuxième phalange pour les petites pièces de monnaie, entre le pouce et l'index pour les pièces plus grosses (disparition à l'italienne), soit dans le creux de la main pour les gros objets, tels que boules de billard, oeufs, citrons, etc. Cette dernière manière de tenir l'objet caché s'appelle empalmage. Le prestidigitateur habile empalme de même des foulards qu'il roule en boule serrée, devant le public, tout en ayant l'air de les chiffonner et de les déposer dans l'autre main. 

A côté de cette partie matérielle, si l'on peut s'exprimer ainsi, de la prestidigitation, il y a la partie intellectuelle, c.-à-d. celle qui consiste à aider les manoeuvres de disparition ou d'apparition des objets par l'influence de l'opérateur sur son public, et ce n'est pas l'opération la moins difficile. Un bon illusionniste (on dira "magicien" , si l'on veut bien jouer  le jeu) connaît la manière d'influencer son public, de l'hypnotiser, de forcer son attention sur tel ou tel point, par un regard, par un geste fait à propos; l'étude des différents moyens employés nous entraînerait trop loin, et plusieurs travaux scientifiques ont été faits sur ce sujet. L'illusionnisme est en effet devenu depuis longtemps à côté de la partie artistique, une science compliquée, et elle a attiré l'attention des hommes de science qui l'ont disséquée, étudiée et analysée. Citons les études fondatrices de Max Dessoir dans la Tribune américaine, de Ed. W. Rells dans la Revue scientifique, de Alfred Binet dans la Revue des Deux Mondes, les travaux photographiques et cinématographiques exécutés dès que ces technologies ont été disponibles, avec le chronophotographe Dumeny et Marey, pour déterminer la décomposition des mouvements invisibles et leur durée par rapport à la seconde. On a pu voir que l'escamotage d'un objet durait une seconde et demie, et cependant les mouvements à faire sont le dépôt fictif d'une main dans l'autre, le placement de l'objet dans la main qui semble déposer et l'ouverture de la main vide. Nous avons nous-même filmé quelques expériences et nous avons pu constater que l'escamotage d'une muscade durait un vingtième de seconde et que le saut de coupe se faisait à peu près en même temps.

La prestidigitation.
Le saut de coupe nous amène à parler du travail des cartes qui fait partie de la prestidigitation, et cette branche seule est assez compliquée pour qu'elle possède ses spécialistes. Tout prestidigitateur doit connaître et pratiquer le maniement des cartes, car on s'en sert dans beaucoup d'expériences, mais il n'est pas forcément un maître dans cette partie de la prestidigitation. 

La manipulation des cartes est délicate, compliquée et demande une étude constante; en effet, arriver à faire invisiblement, sous les yeux attentifs du public, l'échange, le filage ou l'enlevage d'une carte, à forcer la carte, à faire sauter la coupe, soit avec les deux mains, soit d'une seule main, suivant le cas, ne sont pas choses faciles et, nous le répétons, il faut pour cela un travail patient et soutenu non seulement des manipulations, mais encore des boniments ou circonstances qui donnent au tour une apparence extraordinaire. On connaît peut-être l'expression «-faire sauter la coupe-»; mais sait-on en quoi consiste cette opération de prestidigitation? Le saut de coupe, qui peut se faire de différentes manières, consiste en tenant le jeu de cartes des deux mains à faire passer sur le paquet les cartes du dessous. Voici une manière peu connue de faire le saut de coupe d'une seule main. Le jeu est tenu de la main gauche et le petit doigt est placé entre le paquet supérieur et le paquet inférieur qui doit passer dessus, l'index est allongé, le médium et l'annulaire s'appuient sur le paquet supérieur et aidés par le petit doigt, le font basculer; pendant ce temps, le pouce appuyant à sa naissance sur le paquet inférieur, le soulève et le fait passer sur le paquet supérieur. Ce saut de coupe d'une seule main, si rapide qu'il soit, ne peut être fait invisiblement et doit être masqué par un mouvement ou une gesticulation; il rentre plutôt dans les opérations du prestidigitateur proprement dit que du manipulateur de cartes; c'est pourquoi nous l'avons décrit. 

La technologie.
Toutes ces manoeuvres d'escamotage d'objets, de cartes, si intéressantes qu'elle soient et si bien présentées qu'elles puissent être, comme boniment, effets, accessoires, etc., ne pourraient guère être faites plus d'une fois ou deux sans fatigue devant les mêmes spectateurs; et, sous peine d'être aussi monotone que l'ancien escamoteur qui ne « faisait » que les gobelets, l'illusionniste doit trouver d'autres moyens d'intéresser, d'étonner et d'illusionner son public. Il cherchera ses moyens :

1° dans la chimie. Il fera passer la fumée d'une cigarette ou d'un coup de pistolet dans un bocal de cristal très éloigné et fermé. Cette illusion sera obtenue en mettant en présence de l'acide chlorhydrique et de l'ammoniaque, ce qui fera dégager d'épaisses vapeurs de chlorhydrate d'ammoniaque. Il se servira des encres sympathiques, et avec leurs réactifs habilement dissimulés ces encres apparaîtront au moment voulu;

2° Dans l'électricité, qui déclenchera des appareils faisant partie d'un tour comme le « coffre aux pièces » ; qui allumera brusquement certaines préparations comme dans l'expérience intitulée cent bougies allumées d'un coup de pistolet, qui fera marcher et sonner à volonté les pendules et les sonneries mystérieuses. 

3° Dans l'optique, qui permettra à petite distance de simuler le vide d'une boîte ou d'un verre alors qu'ils seront pleins d'objets. 

4° Dans l'acoustique, l'opérateur semblera verser dans un récipient quelconque des pièces déjà escamotées et ne versera rien, mais le bruit sera produit dans la coulisse. Le spectateur voyant le geste et surtout entendant le bruit dont il est impossible à une certaine distance de préciser le point de départ sera persuadé que les pièces ont bien été versées dans le récipient. 

5° Dans la mécanique, qui créera les accessoires nécessaires aux expériences à effets, tels que la guirlande de fleurs qui se garnit de mouchoirs et de pièces de monnaie, ou la tête de diable qui crache des montres, exhibe des cartes, etc.
Le boniment.
Tous les tours quels qu'ils soient et si bien exécutés qu'ils puissent être ne seraient rien et ne produiraient aucun effet sur le public s'ils n'étaient pas présentés avec ce que l'on appelle le boniment nécessaire, c.-à-d. avec la fiction qui les rendra merveilleux et qui en même temps fera accepter ce que ce merveilleux peut avoir d'impossible dans le raisonnement inconscient du spectateur. Pour faire de la bonne magie, il ne suffit pas, en effet, de savoir convenablement escamoter les objets, d'avoir la science des combinaisons pour en inventer de nouvelles, d'avoir l'esprit d'à-propos pour profiter de toutes les circonstances qui se présentent afin d'augmenter l'effet d'un tour ou pour rattraper un tour qui rate, car, hélas, cela arrive au plus adroit, quelquefois un tour rate, et pour le public il ne faut jamais manquer. Il faut encore avoir le talent de présenter ses expériences au public avec une bonhomie extérieure qui inspire la confiance, et avec autorité; il faut en imposer à ses spectateurs, qui du reste ne demandent qu'à vous croire et à être trompés par l' illusionniste qui est là pour cela; il est nécessaire d'être enjoué et amusant sans trivialité, faire au besoin preuve d'instruction sans pédantisme, etc.

On voit qu'il n'est pas donné à tout le monde d'être magicien et à tous les magiciens, même parmi les bons, d'être parfaits. Beaucoup des qualités indispensables s'acquièrent à force de persévérance, de travail et de goût, mais à la condition expresse d'avoir le feu sacré qui ne s'apprend ni ne s'achète. Le métier d'illusionniste n'est donc pas une profession qu'on peut embrasser comme beaucoup d'autres, par hasard, par coup de tête ou par suite des circonstances. Pour y réussir, il faut y avoir été poussé comme inconsciemment, en un mot avoir la vocation.

Il y a toujours un truc...
Les expériences d'illusionnisme peuvent se diviser en deux classes, celles dites de salon, sans installation préalable, et celles de théâtre ou de scène. Les premières, et ce sont les plus difficiles bien qu'elles produisent souvent moins d'effet, sont généralement faites par l'opérateur seul, sans le secours d'aucun aide ou d'appareils compliqués et pour ainsi dire au milieu du public; les autres, plus à effet sur les spectateurs et souvent plus faciles à exécuter, sont aidées: 

1° par le truquage de la scène, par les appareils qui y peuvent fonctionner;

 2° par l'éloignement du public, qui permet dans les allées et venues de dissimuler bien des manipulations; 

3° par l'aide du « servant » qui accompagne le prestidigitateur et des servants cachés derrière le décor, s'il y a lieu.

Le truquage de la scène comprend d'une manière générale une table de fond qui, malgré sa légèreté apparente, possède plusieurs trappes pour apparitions, disparitions ou échange d'objets, un jeu de pédales pour faire fonctionner les automates, des appliques ou crédences de côté également munies de trappes aboutissant hors de la scène, des guéridons machinés pour différentes expériences, des trappes de théâtre, soit dans le plancher, soit dans le décor pour les entrées et sorties invisibles de personnages, et une installation électrique complète avec branchements dans la salle qui permettent de faire fonctionner les pièces nécessaires aux prestiges, à l'endroit voulu.

Possédant les expériences d'illusionnisme dont nous venons de parler dues à l'adresse ou à l'application des sciences, le magicien peut enrichir son répertoire, surtout sur la scène, de « grands trucs » qu'il présente au public. Le mot présente est ici absolument à sa place, car dans ce genre de prestidigitation, il n'y a guère d'autre rôle pour l'opérateur que de présenter l'expérience, due en entier à des moyens mécaniques ou optiques, c.-à-d. l'agrémenter du boniment indispensable pour l'explication. Nous citerons dans cet ordre d'idée, parmi les trucs des plus réussis, le décapité parlant de Talrich, où l'on voyait une tête vivante sur une table; la suspension éthéréenne de Robert-Houdin, dans laquelle une personne est tenue horizontalement en équilibre sur un bâton; la malle des Indes, présentée au théâtre Robert-Houdin : une personne placée dans cette malle cachetée, ficelée et enveloppée, en sortait invisiblement ; la femme escamotée de Bualtier de Kolta : une femme assise sur une chaise, placée sur un journal, disparaissait instantanément après avoir été recouverte d'un foulard; la stronbaïka persane : un prisonnier lié, cadenassé, se débarrassait et disparaissait; la cage d'or de Méliès, suite d'apparitions et de disparitions fort bien réussies; la planche japonaise et la métempsycose de Voisin : avec la planche japonaise, on simulait à s'y méprendre l'expérience du jongleur lançant des couteaux qui viennent se piquer autour d'une personne sans la toucher; la métempsycose donnait l'illusion d'une tête de plâtre qui s'animait, devenait vivante et se changeait peu après en tête de mort; la lévitation, appelée aussi miracle du Brahmine ou mystère de Trilby; Amphitrite, etc. 

En Amérique, où les spectacles de magie ont eu très tôt beaucoup plus en faveur qu'en France, on a rajeuni ou modifié beaucoup de ces trucs, et il en a été créé aussi quelques nouveaux, dont les meilleurs sont : l'araignée, la cremation, la dame passant au travers d'une glace. Parmi les inventeurs les plus remarquables de ces trucs américains, il faut citer le prestidigitateur Burlingame, de Chicago, qui était aussi un écrivain distingué. Un certain nombre de prestidigitateurs se sont fait une renommée universelle en présentant surtout des « trucs » dans les capitales. Citons parmi ceux-ci Hermann et Bualtier de Kolta. Tous les trucs étant bien plutôt la gloire de la mécanique que de la prestidigitation ne prouvent rien quant à l'habileté de l'opérateur, et quelques illusionnistes français moins voyageurs et d'une renommée moins bruyante ont été et sont encore au moins aussi remarquables. Rappelons, après Robert-Houdin, Hamilton, Cleverman, Cazeneuve, Dicksonn, Duperrey, Verbeck, Isola, Harmington, etc. (Alber).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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