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La glyptique

Glyptique (du grec gluphéin, graver), mot qui signifie art de graver, mais que l'on emploie seulement dans le sens restreint de gravure sur pierres. Avant de graver une pierre, on la taille en rond ou en ovale, et on en polit la surface; si cette surface est bombée, la pierre se nommecabochon

Pour graver, on se sert d'un touret, espèce de tour auquel est fixée une bouterolle ou tartre : ce petit morceau de fer ou de cuivre, que le touret met en mouvement, use et entame la pierre, et, pour aider son action, on emploie des poudres et des liquides. Les Anciens se servirent du naxium, poussière de grès du Levant, puis du schiste d'Arménie, et enfin de l'émeri, qui est aujourd'hui en usage; on polissait les pierres avec l'ostracite ou os de seiche, et avec la poudre de diamant, qui a prévalu chez les Modernes. Les pierres gravées en creux s'appellent intailles, et les pierres gravées en relief camées

Toutes sortes de pierres ont été employées par les graveurs : les tendres ou communes ont ordinairement été travaillées par des artistes vulgaires, les plus dures et les plus précieuses par des artistes habiles. On a surtout choisi l'améthyste, l'aigue-marine, l'agate, (avec ses variétés : la calcédoine, la cornaline, la sardoine, le sardonyx), les jaspes, etc. 

Quand une gravure est terminée, on la polit avec du tripoli, et au moyen de petits instruments de bois ou d'une brosse; mais il ne faut pas un poli trop brillant, dont les reflets nuiraient à l'effet du travail. Les oeuvres de la glyptique sont précieuses, non seulement par la matière qu'emploient les artistes, mais encore par la difficulté du travail : il faut un grand art pour obtenir la perfection des contours, et pour conserver les proportions dans les formes du relief.

La connaissance des pierres gravées fournit d'utiles renseignements à l'archéologie : souvent celles de l'Antiquité représentent des épisodes mythologiques ou historiques qui ont rapport à des passages des poètes; ou bien elles reproduisent des statues et des bas-reliefs célèbres, dont elles nous conservent seules le souvenir; elles peuvent servir à restaurer des statues mutilées ou privées de leurs attributs, en offrant les mêmes sujets dans leur ensemble, avec tous les accessoires; elles ont conservé les noms de plusieurs habiles graveurs, et peuvent aider ainsi à déterminer l'époque à laquelle appartiennent quelques ouvrages de l'art. Pour réunir une suite de pierres gravées, il faut d'heureux hasards, des recherches longues et persévérantes, et beaucoup d'argent; il n'y a guère que les souverains qui aient pu former des collections considérables. Mais, par le moyen des empreintes, on a mis, pour ainsi dire, les pierres gravées en la possession de tous ceux qui attachent moins de prix à la matière elle-même qu'aux renseignements donnés par ces pierres : une collection d'empreintes a l'avantage de réunir les sujets épars dans les divers cabinets. 

A part quelques traits disséminés dans les oeuvres de Pline le naturaliste, on ne trouve pas, dans les écrits des Anciens, de détails sur leurs procédés de glyptique. S'il est présumable que nos procédés d'exécution mécanique sont plus parfaits, en revanche les meilleurs graveurs modernes n'ont pas encore atteint la perfection artistique des Grecs. Les pierres gravées ne servirent pas seulement aux Anciens pour leurs anneaux et leurs cachets, ils en firent des objets de toilette et de luxe : les femmes en ornèrent leurs coiffures, leurs bracelets, leurs ceintures, leurs agrafes, la bordure de leurs robes; les vases et les meubles précieux en furent enrichis.

La glyptique paraît avoir pris naissance chez les Égyptiens. Les plus anciennes pierres gravées sont les scarabées, - ainsi nommées parce qu'elles ont la figure de cet insecte, qui était sacré en Égypte : on y voit le plus souvent des hiéroglyphes gravés en creux, ou des images et attributs de divinités. Les Éthiopiens gravaient aussi des cachets. Le rational du grand-prêtre des Hébreux était orné de 12 pierres, sur lesquelles étaient gravés les noms des tribus. Comme monuments de la glyptique chez les Babyloniens, nous possédons un certain nombre de cylindres. 

Cylindres, corps en forme de cylindre et en matières dures (basalte, jaspe, turquoise, hématite, lapis , agate, porcelaine, terre cuite, etc.), servant de cachets et peut-être d'amulettes, variant de 3 à 9 centimètres de longueur et de quelques millimètres à 30 de diamètre, percés d'outre en outre dans le sens de la longueur, et dont la surface est couverte de figures et d'inscriptions. Les cylindres égyptiens portent des figures de dieux, avec leurs noms en hiéroglyphes; les cylindres persépolitains offrent des sujets tirés de la religion persane, avec des caractères cunéiformes. On en a trouvé un grand nombre dans le pays de Babylone. 
Alexandre le Grand scella des actes avec le cachet du roi de Perse Darius III

Les Étrusques pratiquèrent de bonne heure la glyptique. Leurs pierres gravées se reconnaissent : 

1° à la forme de scarabée, qui leur est assez ordinaire, et qu'ils ont sans doute empruntée à l'Égypte;

2° à un grènetis formé de points en creux qui cernent le champ de la pierre; 

3° aux inscriptions tracées généralement de droite à gauche.

Elles sont toutes percées de part en part dans le sens de leur longueur, sans doute parce qu'on les montait sur anneaux, ou qu'on les employait à des colliers et comme, amulettes. Les sujets qu'elles représentent sont, pour la plupart, empruntés à la religion ou à l'histoire héroïque des Grecs. Les faussaires ont beaucoup contrefait les pierres étrusques.

C'est aux Grecs qu'appartiennent les oeuvres les plus remarquables de la glyptique, parce qu'ils ont eu le goût le plus pur. On ne saurait dire à quelle époque ils commencèrent à cultiver cet art; mais la plus ancienne pierre gravée, de travail grec, qui nous soit parvenue, est une cornaline du cabinet de Berlin, où est représentée la mort du héros spartiate, Othryadès, événement du VIe siècle av. J.-C. Les pierres grecques sont, en général, de forme ovale et de peu d'épaisseur.

Pour les choisir on s'attachait à certains rapports de leur couleur avec le sujet à graver ; ainsi, on gravait une figure de Perséphone sur une pierre noire, Poséidon et les Tritons sur de l'aigue-marine, Dionysos sur une améthyste, Marsyas écorché sur du jaspe rouge, etc. Un nom gravé sur une pierre grecque doit être généralement considéré comme celui de l'artiste qui l'a exécuté, tandis que, sur les pierres romaines, c'est plutôt celui du propriétaire. On n'a recueilli le nom d'aucun des artistes égyptiens ou étrusques, mais on connaît bon nombre de graveurs grecs, entre autres Théodore de Saines, Apollonide, Selon Polyclète de Sicyone, Pyrgotèle, Disoscoride. Ils préféraient le nu aux figures drapées, et les sujets mythologiques ou héroïques à ceux de l'histoire contemporaine.

Il n'y eut pas d'école romaine de glyptique; les pierres gravées à Rome par les artistes grecs qu'on y attira appartiennent école grecque, mais représentent surtout des figures romaines. Toutefois , quelques Romains s'exercèrent à la glyptique, tels que Quintillus, Aquilas, Rufus, Félix (qu'on croit avoir été un affranchi de Cornelius Severus). La glyptique survécut aux autres arts dans le Bas-Empire, parce qu'elle était  inséparable de l'art de graver les coins pour les monnaies.

En Occident, après la chute de l'Empire romain, le goût des pierres gravées s'effaça. Heureusement, les Trésors des églises conservèrent pendant le moyen âge quelques oeuvres précieuses dans lesquelles une piété peu éclairée voyait des objets de dévotion (Camée); d'autres servirent d'ornements aux châsses, aux reliquaires aux vêtements sacerdotaux. Depuis la Renaissance des arts, le goût de la glyptique s'est ranimé, les pierres antiques ont été recherchées avec empressement, et les artistes ont essayé de marcher sur les traces des Anciens. Au XVIe siècle on remarque surtout Jean et Dominique, que leur habileté, l'un dans la gravure en creux, l'autre dans la gravure en relief, fit appeler Jean des Cornalines et Dominique des Camées. Sur leurs traces marchèrent Michelino, Marie di Pescia, Castel Bolognese, Valerio Vicentino ou Valerio Belli, Alessandro Cesari dit il Greco, etc. L'Italie a encore produit, au XVIIe siècle, André dit il Borgognone, et, au XVIIIe, Sirleti, les Costanzi, Ghinghi, les Torriccelli, Pichler, Rega.

La glyptique fut importée en France par Matteo del Nasaro, sous François Ier, et, dès le règne de Louis XIII, Julien de Fontenay, dit Coldoré s'y distingua. Les Siriès, qui se sont succédé de père en fils comme graveurs de la galerie et à l'École des beaux-arts de Florence, sont originaires de Figeac (Lot). Parmi les artistes français qui se sont fait un nom dans la glyptique, on remarque : Maurice, originaire du Milanais, mort en 1732; Barrier, mort en 1740; Jacques Guay, de Marseille; et au XIXe siècle, Jeuffroy, Desboeufs, Domard, Fauginet, Mongeot, Hewite, Simon, Tiolier. Un prix de gravure en pierres fines et en médailles a été institué, en 1805, à l'École des beaux-arts de Paris. En Allemagne, la gravure en pierres fines remonte au XVIe siècle, et les artistes de ce pays prétendent au premier rang après les Italiens : ils font encore beaucoup d'armoiries sur pierres dures. Les plus remarquables ont été Lucas Kilian, les Dorsch, Laurent Natter. L'Angleterre cite aussi quelques bons graveurs : au premier rang, Thomas Simon, qui grava le portrait de Cromwell
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Glyptothèque

Le mot glyptothèque vient du grec glupta, choses gravées, et thèkè, dépôt. Il s'agit d'une collection de pierres gravées. Marcus Scaurus, beau-fils de Sylla, fut le premier qui forma une collection de ce genre. Pompée suivit son exemple. César exposa dans le temple de Vénus Genitrix les pierres qu'il avait enlevées à Mithridate, et Marcellus, fils d'Octavie, laissa le public jouir de la collection qu'il avait formée dans le temple d'Apollon Palatin. 

Au XVIe siècle, les Médicis réunirent des pierres gravées, et trouvèrent bientôt des imitateurs dans le reste de l'Europe. Parmi les collections publiques, on distingue celles de la Bibliothèque de Paris, du Vatican à Rome, de Berlin, de Vienne, de Dresde, de Munich, de Copenhague, de Saint-Pétersbourg. Au nombre des cabinets appartenant à des particuliers, on cite ceux de Strozzi et de Ludovici à Rome, de Poniatowski en Russie, des ducs de Devonshire, de Carlisle, de Bedford et de Marlborough en Angleterre, du duc de Blasas, du comte Pourtalès et du baron Roger à Paris.

Certains caractères servent à distinguer les pierres gravées antiques des modernes. D'abord, il faut examiner si la matière de la pierre a été connue et travaillée par les Anciens, si elle provient d'un gisement d'où ils auront pu la tirer, si les bons artistes l'ont employée. Puis, le fini du travail, la fidélité du costume, le poli du fond de la gravure, sont encore des indices assez certains d'antiquité. L'entente de la perspective peut rendre une pierre suspecte, parce ue les Anciens ont ignoré jusqu'à un certain point cet art. Les faussaires ayant souvent inscrit des noms de graveurs célèbres sur des oeuvres médiocres ou modernes, on doit examiner si la beauté du travail répond à la réputation de l'artiste, et le comparer aux autres ouvrages connus de cet artiste. La manière dont les lettres des inscriptions ont été gravées peut être aussi un bon indice : les grands artistes inscrivaient, leur nom eux-mêmes avec beaucoup de soin; quelques graveurs modernes, tels que Pichler et Natter, se sont servis de caractères grecs. (B.).



En bibliothèque - Rossi, Gemme antiche figurate, Rome, 1707, 4 vol. in-4°; Gori, Thesaurus gemmarum antiquarum,  Florence, 1750, 3 vol. in-4°; Mariette, Traité des pierres gravées, Paris, 1750, 2 vol. in-fol.; Natter, Traité de la gravure en pierres fines, Londres, 1754; Winckelmann, Description des pierres gravées du baron de Stoch, Florence, 1760, in-fol.; Lachau et Leblond, Description des pierres gravées du duc d'Orléans, Paris, 1780, 2 vol. in-fol.; Eckhel, Pierres gravées du Cabinet impérial, Vienne, 1788, in-fol.; Millin, Introduction à l'étude des pierres gravées, Paris, 1797, et Pierres gravées inédites, 1817, in-8°; Dubois, Choix de pierres gravées antiques, égyptiennes et persanes, Paris, 1817, in-4°; Lenormant, Trésor de numismatique et de glyptique.
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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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