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Histoire de l'art > Le Japon
L'art au Japon
Les estampes japonaises
« Images du monde flottant »
Une estampe est une image produite par impression à l'aide d'une planche gravée. Les estampes japonaises sont le fruit de la rencontre de cet art xylographique et d'un mouvement artistique d'inspiration bouddhiste, dit des « images du monde flottant » (ukiyo-ye). L'ère de l'estampe japonaise s'étend depuis XVIIe siècle, au moment où cet art se sécularise, jusqu'à la fin du XIXe siècle (ère Meiji), où l'appartion au Japon de nouvelle techniques de gravure, en même temps que l'influence de l'art occidental, détournent les artistes de talent vers d'autres horizons.

Technique 

Les estampes japonaises sont issues de gravures sur bois. Il convient, avant tout, de remarquer que les dessinateurs auxquels on doit ces charmantes silhouettes ne gravaient pas eux-mêmes leurs oeuvres. Ils exécutaient leurs dessins au pinceau, avec de l'encre de Chine, sur du papier mince et transparent, puis ils les livraient à d'habiles graveurs. En principe, la technique de ces derniers était fort simple : ils travaillaient sur des blocs de cerisier ou de buis, qui, à la différence de la manière occidentale, étaient sciés dans le sens de la longueur du bois. Sur ce bois, ils retournaient face au bloc, puis collaient le dessin exécuté sur papier transparent; à l'aide de couteaux et de gouges, ils taillaient le bois de manière à laisser les traits en relief. Ce travail achevé, ils procédaient à l'impression. Après avoir garni leur planche d'encre de Chine, à la main ou au frotton, ils y appliquaient fortement une feuille de papier humectée, sur laquelle le dessin se trouvait reproduit.

Depuis les origines jusque vers la moitié du XVIIIe siècle, les estampes furent imprimées en noir sur blanc. Dès le début du XVIIIe siècle (vers 1715), on eut l'idée d'ajouter sur ces épreuves, mais à la main et au pinceau, diverses touches de couleurs. Il importe de ne pas confondre ces épreuves coloriées au pinceau avec les estampes imprimées en polychromie, lesquelles ne furent inventées que plus tard. C'est de 1743, en effet, que date la plus ancienne épreuve d'impression en deux tons : ces deux tons étaient (outre le noir des contours) le rose et le vert; vers 1760, un troisième ton fut ajouté : on eut alors le rouge, le jaune et le bleu; enfin, vers 1765, avec Harunobu (voir plus loin), on trouve employée la polychromie complète, qui pouvait comporter une quinzaine de tons. Les couleurs employées étaient des couleurs à l'eau, rendues adhérentes par un mélange de colle de riz. Chaque couleur supposait une planche spéciale. Le plus souvent, les différentes planches relatives à un même sujet étaient taillées sur le même bloc de bois. Le repérage, exécuté avec un soin minutieux, se faisait au moyen de deux marques spéciales, réserves en bas de la planche. L'impression en polychromie permettait la plus grande liberté dans l'art de varier les tons. Elle admettait non seulement la juxtaposition des couleurs, mais encore leur superposition : nouvelle ressource pour les coloristes. Enfin, au moyen d'une planche supplémentaire, on pouvait obtenir d'habiles effets de gaufrage.
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Tokoyuni : Aube dans la maison de vacances.
Lever de soleil sur la maison de vacances de Naniwa, triptyque de Utagawa Toyokuni.

Historique 

Par comparaison avec les autres arts qui ont fleuri au Japon, et spécialement à la peinture, l'art de l'estampe est un art récent. Il ne commence véritablement d'exister qu'à la fin du XVIIe siècle. Ce n'est pas que les procédés matériels de la gravure sur bois, du reste empruntés à la Chine, n'existassent depuis fort longtemps dès le VIIIe siècle, on gravait sur bois des caractères calligraphiques; postérieurement, vers le XIVe siècle, on imprima en noir, pour les besoins du culte bouddhique, des images de piété; puis, aux XVIe et XVIIe siècles, parurent les livres illustrés, où les figures et le texte se trouvaient gravés sur le même bloc; mais c'est à la fin du XVIIe siècle, vers 1760, que paraissent les premières estampes séparées. Relativement à la peinture, art essentiellement aristocratique et traditionnaliste, l'art de l'estampe est populaire : c'est l'ukiyo-ye (ukiyo-e) ou peinture du monde flottant (ou du monde contemporain - transitoire, vain); elle représente les moeurs de tous les jours. Néanmoins, il convient de ne pas creuser un abîme entre les deux arts. Presque tous les dessinateurs d'estampes sont des peintres. Si l'on considère l'estampe dans l'ensemble de son histoire, on doit reconnaître qu'elle est restée en somme un art idéaliste et décoratif, aussi bien que la peinture dont elle est comme un rameau détaché. Enfin, si l'estampe représente des tendances relativement réalistes, n'oublions pas que la peinture lui avait parfois donné l'exemple et que, dès le XVIIe siècle, le peintre Iwasa Matahei avait fondé à Kyoto l'école dite « vulgaire ».

Les primitifs. 
Le premier et le plus grand des primitifs de l'estampe est Hishikawa Moronobu, qui naquit vers 1618 et produisit surtout entre 1669 et 1694, année de sa mort. Dessinateur en broderies, peintre, illustrateur, il exécuta de grandes estampes en noir, rehaussées à la main de touches d'un rouge orange, où il traite en général des sujets légendaires. Son art est d'un archaïsme vigoureux, son style noble et non dépourvu de grâce. Il n'est rien de plus majestueux que ses belles robes aux larges manches et aux opulentes broderies.
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Moronobu : une jeune homme et une jeune femmes amoureux.
Un couple d'amoureux, par Hishikawa Moronobu.

Au début du XVIIIe siècle, Kwaigetsudo se distingue parmi les premiers dessinateurs de la femme japonaise, qu'il représente richement vêtue, avec la seule aide de la couleur noire heureusement distribuée. Mais presque toute la première moitié du XVIIIe siècle est occupée par l'école des Torii, fameuse par la représentation des acteurs. Le fondateur en est Torii Kiyonobu Ier (1663-1720), qui a traité ces silhouettes d'acteurs en noir rehaussé (à la main) de vermillon, avec fermeté et hardiesse et une espèce de sobre harmonie; dans la même voie s'est distingué son fils Torii Kiyomasu (né vers 1679, mort en 1763).

Vers la même époque, Okumura Masanobu, qui vécut entre 1685 et 1764 et qui fut élève de Moronobu, représente avec une élégance gracieuse des femmes dans leurs occupations journalières, des courtisanes des scènes d'amour. Il grava d'abord en noir; puis il put profiter de l'invention des tirages à deux et trois tons dont nous allons parler : ses impressions en vert et rose sont renommées. 
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Acteurs de kabuki (deux sont travestis en femmes), par Masanobu.

Entre 1674 et 1754, vécut Nisbikawa Sukenobu, de Kyoto, qui reprit la manière de Moronobu et dessina des courtisanes avec une molle suavité. On cite son recueil les Cent femmes de tout rang. La représentation des courtisanes atteint d'ailleurs un sommet vers la même époque (début du XVIIIe siècle) avec Kaigetsudo Ando et ses élèves.

L'impression polychrome.
On peut rattacher au nom de Nishimura Shigenaga (1697-1756) l'invention de l'impression en deux couleurs, qui date de 1743. Cet artiste, comme Masanobu, a dessiné de préférence des scènes de la vie des femmes. L'impression en trois couleurs, inventée peu après (vers 1760, est pratiquée par lshikawa Toyonobu (1711-1785), auteur de nombreux triptyques à figures de femmes, qui a su tirer un beau parti des superposilions de couleurs, du rouge sur vert par exemple, et par Torii Kiyomitsu (1735-1785), connu par ses silhouettes féminines au galbe déjà allongé, et par ses types d'acteurs. 
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Shigenaga : Geisha jouant de la cithare.
Shigenaga : le moine-soldat Benkei récompense des enfants qui ont ramassé des pommes de pin.
Geisha jouant de la cithare, par Shigenaga.
Le moine Benkei récompense des enfants

L'emploi de la polychromie (nishiki-ye ou nishiki-e) complète coïncide avec l'épanouissement d'un charmant artiste. La première épreuve en polychromie qui soit datée (1765) est l'oeuvre de Suzuki Harunobu, élève de Shigenaga, et qui vécut à Edo ou Yedo ( = Tokyo) de 1718 à 1770.

Avec lui, l'estampe atteint une perfection et une grâce toutes nouvelles; il est juste de dire qu'il fut servi par de merveilleux graveurs. Il prépara d'abord des estampes tirées à deux et à trois tons; puis il produisit en polychromie ces kakemonos (rouleaux déroulés verticalement et accrochés sur un mur), et surtout, dans un petit format carré, ces délicats surimonos (ce sont des feuilles artistement gravées que s'offraient entre eux les membres de sociétés d'artistes, d'amateurs, etc. et dont le mode de diffusion confidentiel permettait une grande liberté d'expression), où il représenta, avec des couleurs claires et vives, qui n'ont rien perdu de leur fraîcheur, de jeunes femmes japonaises dans leur intérieur, à leur toilette, en promenade, dans des scènes d'amour figures souples, charmantes de vie, de grâce et de naturel.

Son contemporain Koriusaï, qui travaillait aux environs de 1775, excella dans les mêmes sujets : habile à faire tenir plusieurs figures dans un étroit kakemono, coloriste rare, remarquable par ses beaux tons noir, orange et bleu. Kitao Shigemasa (1739-1819) peignit des animaux, des fleurs, et sut draper en perfection des vêtements féminins.
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Shunsho : Ichikawa Danzo I, acteur de kabuki.
Shunsho : Ichikawa Monnosuke II, acteur de kabuki
 Ichikawa Danzo I.
Ichikawa Monnosuke II.
Acteurs de kabuki, par Shunsho.

Katsukawa Shunsho (1726-1792), qui produisit vers 1770-1780, reprenant la tradition des Torii, mais celle fois avec le secours de la polychromie, représenta des acteurs avec une rare intensité de mouvement, de couleur, de vie et de pittoresque, et des femmes aux toilettes somptueuses. On doit à ce grand illustrateur le beau recueil : le Miroir des beautés des maisons vertes, un des chefs-d'oeuvre des livres à gravures au Japon. Son émule Ippilsusai Buntcho (mort en 1796), avec plus de finesse dans le dessin et de sobriété dans le coloris, représenta aussi des acteurs  de kabuki (théâtre japonais), et souvent dans des rôles féminins (on sait qu'au Japon les femmes ne pouvaient monter sur le théâtre). 

Un élève de Shunsho, Kalsukavva Shunyei (1762-1819), dessina des acteurs, des lutteurs. Utagawa Toyoharu (1733-1814), élève de Shigenaga et fondateur de la dynastie des Utagawa, produisit des estampes peu nombreuses, mais de grand mérite, où il se révèle un précurseur dans le paysage.
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Kiyonaga : Femmes avec leur serviteur et vendeuse de bonsai.
Kiyonaga : Femmes au bord d'une rivière.
La vendeuse de bonsaï.
Femmes au bord d'une rivière.
Estampes de Kiyonaga.

Les amateurs du pur art japonais s'accordent pour attribuer à Kiyonaga le mérite d'avoir conduit l'art de l'estampe à son apogée. Torii Kiyonaga (1749-1815) reçut de son maître Kiyomitsu les traditions de l'école des Torii : il dessina, lui aussi, des acteurs; mais, abandonnant toute convention et tout maniérisme, il les représenta dans des proportions vraiment humaines (encore qu'un peu allongées), avec une vigueur sereine, une rare intensité de vie. Il a dessiné surtout des scènes féminines, particulièrement dans ses beaux triptyques, dont il a garni le fond soit de décorations d'intérieurs, soit de paysages fraîchement verdoyants : car il est un des premiers paysagistes de l'estampe. Par la magnificence des draperies, l'harmonie des attitudes, la noblesse de l'expression, Kiyonaga atteint le plus haut style.
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Kiyonaga : Baigneuses.
Baigneuses, par Kiyonaga.

Après avoir cité trois élèves de Shunsho : Kubo Shunman, Katsukawa Shuntcho (mort vers 1841), qui imita d'ailleurs de préférence Kiyonaga, et qui a placé ses aimables figures de femmes dans de gracieux paysages, et Katsukawa Shunzan; après avoir signalé Kilao Keisaï Masayoshi (1761-1824), auquel on doit des croquis fort vivants, qui montrent un observateur exact, nous arrivons à trois artistes : Yeishi, Utamaro, Toyokuni, qui représentent un nouveau style, plein de noblesse encore, mais plus raffiné, avec un peu de maniérisme, se trahissant par l'allongement des corps et des visages.

Hosoi Yeishi travailla entre 1780 et 1800, et se consacra exclusivement à la peinture. On lui doit de grands et beaux triptyques, représentant des scènes de genre, Il s'est fait remarquer par un emploi très personnel des trois couleurs : noir, jaune et carmin.

Kitagawa Utamaro (né en 1754 à Kawagoye, mort en 1806) est, après Hokusaï, le plus connu en Occident de tous les dessinateurs japonais d'estampes. Elève de Toriyama Sekiyen (1712-1788), imitateur de Kiyonaga, il débuta par la peinture, puis illustra des livres, et particulièrement des livres d'histoire naturelle (insectes, coquillages, oiseaux). Enfin, il aborda le genre où il s'est rendu célèbre : la représentation de la femme. Il a montré tantôt la mère de famille dans son intérieur, nourrissant ses enfants, jouant avec eux, tantôt la courtisane des maisons de thé du Yoshiwara (le quartier galant de Yedo), dont il idéalise et poétise l'existence. 
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Utamaro : Visage de femme.
Utamaro : Courtisane entourée de deux serviteurs.
Un visage de femme, par Utamaro.
Courtisane entourée de deux serviteurs.

Plus que tous les artistes de son temps, il est porté à amincir le type féminin, à lui donner un corps souple, mince et frêle, un visage d'un ovale allongé, peu individuel, avec des yeux à peine ouverts, une toute petite bouche et une très haute coiffure. Cette manière ne manque ni de charme, ni d'élégance, mais elle tend vers l'affectation et la bizarrerie. Ses triptyques renommés et ses grandes compositions en plusieurs parties échappent heureusement à ces défauts, auxquels il ne s'est abandonné que pendant une partie de sa carrière. C'est un coloriste habile, qui sait admirablement varier les tons des étoffes.
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Signatures d'auteurs d'estampes japonaises.
Signatures de quelques auteurs célèbres d'estampes japonaises.

Toshusaï Sharaku, dans une courte période d'activité, dessina des acteurs, types bizarres, souvent grimaçants, à la bouche rentrée, aux prunelles presque retournées, et pourtant tracés d'un trait fin et hardi, avec un coloris harmonieux, une vigueur d'expression singulière.

Utagawa Toyokuni (1769-1825), dont la principale production se place entre 1785 et 1810, élève de Toyoharu, rivalisa avec Utamaro sur son déclin et avec Hokusaï à ses débuts. Il dessina, comme Sharaku, des acteurs d'une allure un peu heurtée, et comme Utamaro, des femmes d'un galbe allongé. On voit déjà se marquer chez lui l'influence occidentale. Les couleurs sont un peu voyantes, et il emploie volontiers un rouge sombre. On cite surtout de lui l'Averse, en 10 feuilles.

Katsushika Hokusaï (pron. Hok'-saï), né à Yedo le 5 mars 1760, mort le 13 avril 1849 (il a fréquemment changé de nom et de signature), est le plus célèbre en France de tous le dessinateurs japonais. C'est en effet un prodigieux artiste, tant par la vérité de l'observation que par la fécondité de l'invention. Celui qui s'est appelé lui-même le « vieillard fou de dessin » (Gwakio-Rôdjin) n'a cessé de travailler et de se perfectionner jusqu'à un âge fort avancé. Quand il mourut, à quatre-vingt-dix ans, il avait produit, dit-on, plus de 30.000 dessins. 
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Hokusaï : une maison de thé et le mont Fuji sous la neige.
Une maison de thé et le mont Fuji sous la neige, par Hokusai.

Elève de Shunsho, Hokusaï étudia ses principaux prédécesseurs, et aussi les maîtres occidentaux, et cultiva tous les genres : paysages, fleurs, animaux, portraits, scènes variées de la vie japonaise. Ses recueils de croquis de fantaisie, comme la célèbre Mangwa (1812-1878, en 13 volumes) et ses ouvrages d'enseignement, révèlent son étonnante richesse d'imagination, sa connaissance approfondie de l'anatomie, la gaieté de son talent humoristique, la liberté de son pinceau, qui, rejetant toutes les règles et toutes les traditions, n'a d'autre guide que sa merveilleuse fantaisie. Ses célèbres recueils de paysages : les Trente-Six vues du Fuji, puis les Cent vues du Fuji (en plus petit format, en noir et en gris, 1831-1836), les huit cascades, les Cinquande-trois stations du Tokaïdo, etc., sont composés avec une ingéniosité, une harmonie et une vérité extrêmes. Le réalisme si vrai par lequel il séduit les Européens le fit dédaigner longtemps des Japonais, pour lesquels, relativement à l'art idéaliste et de grand style des maîtres du XVIIIe siècle, tels que Kiyonaga, son art était une décadence.
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Hokusai : contours de l'une des 36 vues du mont Fuji.
Contours de l'une des 36 vues du mont Fuji, par Hokusaï.

Parmi ceux qui vinrent en même temps que lui ou après lui, les uns sont ses élèves, comme Teisai Hokuba, Uvoya Hokkei (1870-vers 1855), fécond illustrateur et dessinateur de surimonos (estampes souvent accompagnées d'un  texte de kyoka ou « poésie folle », genre en vogue à cette époque), auteur des Cinquante poètes et des Cinquante poétesses célèbres, Yanagawa Shighenobu (1786-1842), le gendre d'Hokusai, Sholu Kiosai (18311889), fameux par ses caricatures politiques, etc. 

Les autres reprennent la manière des maîtres du XVIIIe siècle, comme Katsukawa Shunsen, paysagiste, ou comme Katsukawa Shuntei, qui dessina des lutteurs et des acteurs. Citons encore Kikugawa Yeizan, qui produisit entre 1810 et 1820 et qui eut pour élève Keisai Yeisen (1792-1848), paysagiste remarquable et auteur de l'illustration des Quarante-sept Rônins; Utagawa Kuniyoshi (1800-1861), qui se distingua dans la peinture des guerriers et aussi dans celle des paysages; Kikushi Yosaï (1787-1878), qui tenta de revenir à la manière idéaliste traditionnelle, auteur du grand recueil en 20 volumes les héros célèbres.

Cependant, l'école des Utagawa, fondée par Toyokuni, était représentée dans la première partie du XIXe siècle par Utagawa Kuniasada (1785-1865), qui s'appela plus tard Tokoyuni II. Cet artiste n'est pas exempt de défauts. Ses personnages, des acteurs principalement, ont des allures fougueuses et désordonnées, des physionomies convulsées. Ses couleurs ont des oppositions heurtées.

L'histoire de l'estampe japonaise se clôt avec un nom très célèbre également : Motonaga Hiroshigé (1797-1858). Le paysage, qui jusque-là n'avait d'aube rôle que de servir de fond dans des scènes à personnages, devient un genre qui se suffit à lui-même. Hiroshigé, évidemment influencé par les maîtres occidentaux, est un paysagiste et aussi un peintre d'oiseaux et de poissons d'une singulière fécondité, à la vision nette, au faire simple et large, clair, lumineux, et qui surtout compose admirablement ses sujets, qualité par où il reste un vrai décorateur japonais. 
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Hiroshige : Voyageurs sur la route de Tokaïdo.
Voyageurs à la station de Yoshida, sur la route de Tokaïdo, par Hiroshige.

Ses effets de neige, ses clairs de lune, ses espaces ont beaucoup de vérité et non moins de véritable poésie. Il les complète de personnages de très petites dimensions, mais pleins de vie, de mouvement et de verve. Ses Stations du Tokaïdo, ses Vues de Yedo, ses Soixante-neuf stations de la route montagneuse de Kyoto à Yedo sont bien connues par les innombrables reproductions populaires qu'on en a faites, malheureusement diminuées par l'emploi de couleurs criardes. 

Après lui, l'influence européenne tend à enlever toute originalité à l'art de l'estampe japonaise.
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Hiroshige : paysage de neige.
Paysage de neige, par Hiroshige.

L'estampe japonaise en Occident

Les estampes japonaises ne commencèrent à être connues en France qu'à partir du dernier tiers du XIXe siècle. Les expositions universelles, notamment celles de Paris de 1867 et de 1878, contribuèrent à les révéler au public. Les artistes furent aussitôt frappés de leurs mérites. Les amateurs se mirent en quête, et ainsi commencèrent à se former ces belles collections privées ou publiques, comme celle du musée Guimet, à Paris.

Il s'est produit dans l'appréciation des estampes japonaises par les critiques et les  historiens d'art une sorte de renversement des valeurs. On fut d'abord frappé des qualités qu'à l'époque de leur découverte en Occident, admire le plus chez un artiste : la fidélité dans l'observation et dans l'expression artistique de la nature. De ce point de vue, le réalisme souple et vigoureux de Hokusaï parut l'expression la plus achevée de l'art japonais. D'autre part, l'étude attentive de ses prédécesseurs dans l'art de l'estampe et, d'une façon générale, celle de toute la tradition picturale du Japon, fit prévaloir une appréciation fondée, comme l'esthétique japonaise tout entière, sur un certain idéal de noblesse et d'élégance décoratives. Un art de cette sorte, essentiellement aristocratique, est quelque peu dédaigneux d'une simple imitation de la nature; son objet est de la styliser, de l'ennoblir, de manière à procurer à l'esprit la joie de visions conformes à une tradition artistique, à certains égards conventionnelles, mais d'une élégance exquise. De ce point de vue, la charmante et tendre harmonie d'un Harunobu et surtout la grâce noble et forte d'un Kiyonaga paraissent marquer le véritable apogée de l'estampe japonaise. 
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Shunsho : Cinq hommes autour d'un hibashi.
Cinq hommes se relaxant autour d'un hibashi, par Katsukawa Shunsho.

Du reste, cette distinction entre deux tendances ne doit pas faire oublier que le plus réaliste des dessinateurs japonais demeure avant tout un artiste japonais, c'est-à-dire un décorateur. 

C'est là un trait essentiel des dessinateurs et des peintres du Japon, comme aussi bien des artistes chinois qui ont été leurs premiers maîtres. En extrême Orient, l'art pictural est comme une dérivation de la calligraphie. On n'y trouve ni perspective (sauf la perspective linéaire), ni raccourci, ni ombre pour donner l'impression de l'épaisseur et du modelé : les attitudes, comme les proportions, sont souvent artificielles, insoucieuses de l'anatomie réelle et non exemptes de monotonie; mais la pureté et la finesse des contours, l'harmonie des fraîches couleurs, la richesse des tons, le sentiment raffiné de la composition en font un enchantement pour les yeux. Ces mérites expliquent la séduction exercée par les maîtres de l'estampe japonaise sur les artistes occidentaux et l'influence considérable qu'ils ont eue dans le renouvellement de l'art décoratif en Europe. (La Jarrie).
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Harunobu : femme cueillant des chrysantèmes au bord d'une rivière.
Jeune femme cueillant des chrysantèmes au bord d'un ruisseau, par Suzuki Harunobu.
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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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