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Emploi (au théâtre)

Tout comédien ne peut pas jouer toute espèce de rôles. Sauf quelque singularité de mise en scène, on estime que ceux dont il est chargé rentrent dans la nature de son sexe, de ses qualités physiques, de son âge, de sa voix et de ses aptitudes personnelles. Il est évident qu'un vieillard ne pourrait se montrer dans les amoureuses, non plus qu'une jeune fille ne pourrait paraître dans un personnage de père ou de tuteur. Il a donc fallu établir des catégories de rôles qui, dans leur ensemble, convinssent à tel ou tel individu, et c'est à ces séries de rôles qu'on donne, au théâtre, le nom d'emplois. II y a les emplois sérieux, les emplois comiques, les emplois jeunes, les emplois marqués, mais chacun d'eux à d'ailleurs son nom bien particulier. 

Depuis la création du théâtre régulier, ces noms ont changé, comme le théâtre lui-même a changé. Jadis, les emplois tenaient leur nom de la qualité des personnages représentés d'ordinaire par tel on tel acteur. Ainsi, dans la tragédie et dans l'opéra, on avait les rois, les reines, les princesses, et dans la comédie les valets, les petits-maîres, les paysans (comme on aura plus tard les financiers et les soubrettes). D'autres fois, c'était une particularité du costume qui servait à caractériser l'emploi; on avait alors les rôles à baguette (reines d'opéra), les rôles à manteau (premiers rôles et pères de comédie), les rôles à tablier (basses d'opéra-comique, personnifiant d'ordinaire un ouvrer avec un tablier de cuir), les rôles à corset (villageoises d'opéra-comique, qui se jouaient en corset et en jupon), etc. Il arrivait enfin que l'emploi prenait son nom du personnage qui semblait le caractériser dans un grand nombre de pièces où il portait ce même nom; c'est ainsi qu'on disait les Colins (amoureux d'opéra-comique), les Frontins (valets d'opéra-comique), les Betzis (ingénuités de vaudeville), les Margots (duègnes d'opéra-comique), les Arlequin, Colombine, Isabelle, Léandre, Pantalon, Pierrot, Polichinelle, Scapin, Scaramouche de la commedia dell'arte, Baillis et beaucoup d'autres encore.

Il faut encore remarquer que les noms d'emplois diffèrent selon le genre représenté, c.-à-d. selon qu'il s'agit du genre purement dramatique ou du genre lyrique. Pour ce dernier, ils se divisent même en deux catégories, relatives l'une à l'opéra ou drame lyrique, l'autre à l'opéra-comique. Voici du reste comme, aujourd'hui, les emplois sont régulièrement établis dans chaque genre 

1° Opéra : premier fort ténor; ténor léger; deuxième ténor; baryton ; première basse ou basse noble; deuxième basse; troisième basse; première forte chanteuse (soprano); première chanteuse (contralto); chanteuse légère, ou chanteuse à roulades; seconde chanteuse; seconde chanteuse légère, jouant les pages. 

2° Opéra-comique : premier ténor léger ; second ténor; trial, ténor comique; baryton; basse chantante; Laruette, seconde basse; troisième ténor et second trial; première chanteuse légère; première dugazon; seconde chanteuse; seconde du gazon; jeune mère dugazon; duègne.

 3° Drame, Comédie, Vaudeville : grand premier rôle; fort jeune premier amoureux, jeune premier rôle; second amoureux; premier comique; second comique; troisième rôle, raisonneur; financier, père noble; grime; caricature; troisième amoureux, second au besoin ; troisième comique, second au besoin; grand premier rôle (femme); forte jeune première amoureuse, jeune premier rôle; ingénuité; seconde amoureuse, jeune première au besoin; grande coquette, rôles de convenance; première soubrette; rôles travestis; seconde soubrette; mère noble, seconds rôles; duègnes, rôles de caractère.

On remarquera, dans cette énumération, les noms de certains artistes : Trial, Laruette, Mme Dugazon, Mlle Déjazet, dont les noms ont servi de type à l'emploi jadis tenu par eux, ce qui suffit à donner une idée de leur valeur et du talent qu'ils déployaient dans cet emploi.

Au XIXe siècle, il ne se produisait guère, d'ailleurs, à Paris, de comédien remarquable, sans qu'aussitôt son nom serve à caractériser le genre de rôles auquel il s'est attaché. C'est ainsi qu'on a dit successivement les Elleviou, les Martin, les Lays, les Solié, les Gavaudan, les Philippe, les Juliet, les Dozainville, les Potier, les Tiercelin, les Brunet, les Levassor, les Achard, les Arnal, les Bouffé, les Bressant, et pour les femmes les Philis, les Saint-Aubin, les Minette, les Aldégonde, les Rose Chéri, etc. Mais toutes ces dénominations disparaissaient à mesure que disparaissaient les artistes qui y avaient donné lieu. Seuls, les quatre noms cités plus haut ont résisté au temps et continuent peu ou prou de qualifier des emplois très précis. (Arthur Pougin).


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