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L'architecture en France
jusqu'en 1900
On peut distinguer, dans l'histoire de l'architecture (et de l'art en général) en France, trois grandes périodes : d'abord l'architecture antique, qui est apportée par les Grecs, et se cointinue avec l'art gallo-romain; puis l'architecture chrétienne, qui s'étend du Ve au XVIe siècle, embrassant l'art latin, l'art roman et l'art ogival ou gothique; enfin l'architecture de la Renaissance et l'architecture moderne, qui, avec son éclectisme, est de plus en plus une architecture européenne et mondiale et de moins en moins une architecture que l'on peut qualifier de française.

L'Antiquité.
Les colonies grecques du midi de la Gaule apportèrent leur système architectural : on voit, au bas de Vernégues, près de Pont-Royal, les ruines d'un temple grec; les musées des villes du Sud de la france renferment des stèles, des autels, et autres objets de cette époque. Les Romains répandirent dans la Gaule leurs légions de soldats et d'ouvriers, et la couvrirent de leurs monuments. Aujourd'hui encore nous pouvons admirer ces prodiges de construction qui ont survécu à tant de siècles : les ponts de Saint-Chamas, de Sommières, de Vaison; l'aqueduc de Nîmes dit le Pont du Gard; les aqueducs de Lyon et de Metz; les portes des villes de Saintes, de Nîmes, d'Autun et de Carcassonne; les Thermes de Cluny, à Paris, de Saintes, de Nîmes, etc.; les arcs de triomphe d'Orange, de Carpentras, de Reims, de Saint-Remy, de Cavaillon; les théâtres de Lillebonne, d'Orange, de Vienne; les amphithéâtres de Nîmes, d'Arles, de Saintes; la Maison carrée de Nîmes, le palais de Constantin à Arles, le palais Gallien à Bordeaux, le temple de Livie à Vienne, le temple de Riez; la pyramide funéraire de Couard près d'Autun, et celle de Saint-Remy; enfin, parmi les constructions militaires, la tour de César, à Provins

L'architecture du Moyen âge

Le christianisme ne modifia pas d'abord l'architecture romaine; il en adopta les formes et les règles jusqu'au XIesiècle. Les premiers chrétiens furent obligés de se réfugier dans des souterrains pour célébrer en secret les cérémonies de leur culte : ces premières églises ou cryptes sont en général petites, sans autre décoration que quelques peintures grossières. La crypte de l'église d'Ainay à Lyon, celle de Saint-Gervais à Rouen, et l'église Saint-Paul dans l'ancien cimetière de Jouarre, peuvent donner une idée de ces monuments primitifs de l'art chrétien. Lorsque Constantin eut permis aux chrétiens de célébrer en liberté les mystères de leur religion, ils élevèrent de tous côtés des oratoires et des églises, modestes constructions faites sur le modèle des basiliques latines, ce qui a fait donner à cette première architecture chrétienne le nom de style latin. Les Francs et les autres Germains, en s'établissant dans la Gaule, ne modifièrent pas davantage le système artistique qu'ils y trouvaient en usage : ils acceptèrent donc l'art latin, comme ils prirent la religion, la langue et les moeurs des Gallo-Romains. Jusqu'au VIIIe siècle, les constructions sont petites, le plus souvent en bois, avec une décoration d'un goût sommaire. Les monuments encore existants de l'époque mérovingienne sont : l'église de Saint-Jean à Poitiers, qui date du Ve ou VIe siècle; l'église de Savenières, dont la façade et la nef sont du VIe ou VIIe siècle; l'église de Saint-Jean à Saumur, et la Basse-Oeuvre de Beauvais, qui datent du VIIIe.

Avec Charlemagne on voit paraître les dômes' byzantins, et les formes arrondies de l'église funèbre de Jérusalem, de Sainte Sophie à Constantinople, et de Saint-Vital à Ravenne. Les relations du grand empereur avec l'Italie et l'Orient ont imprimé à l'architecture de nouvelles tendances; mais son règne est trop court pour que l'art prenne de la fixité et une détermination précise, et, après lui, de nouvelles ténèbres couvrent la France. Les monuments loi nous restent de l'époque carolingienne sont plusieurs églises d'Aix-la-Chapelle, de Cologne, et de Nimègue, l'église de Sainte-Croix à Saint-Lô, Notre-Dame d'Orbieu, les églises d'Orcival, d'Issoire, de Vermanton, de Saint-Nectaire, de Nantua, les abbayes de Fontenelle et de Tournus, !'église de Saint-Bénigne à Dijon, l'église Saint-Martin Angers, la Manécanterie de Lyon, et la crypte de Saint Denis, près de Paris.

Toutefois, il ne faudrait pas regarder comme frappés de stérilité ces longs siècles d'hésitations et de tâtonnements : il s'opère un travail lent, mais continu, de transformation, et lorsque les temps deviennent meilleurs, lorsque le calme renaît, on est tout étonné de voir se produire des idées mûries, des formes nouvelles et savantes

L'architecture romane.
Après l'an mil l'architecture romane se développe presque instantanément dans toute sa beauté. II semblait, selon l'expression d'un chroniqueur contemporain, que l'Europe se dépouillât de ses haillons pour revêtir la robe blanche des églises. II y a bien encore des réminiscences byzantines, mais le plan de la basilique s'est modifié : plus de sanctuaire absidal, de transept sans choeur, de nefs isolées : le sanctuaire et le choeur sont réunis et allongés; des nefs absidales et des chapelles rayonnantes les entourent; le transept s'est reculé et ne forme plus que la tête des nefs pour laisser plus de place aux fidèles; le plan a pris la forme de la croix grecque ou latine; la sculpturecommence a déployer ses richesses aux portails. L'art prend, en outre, un caractère national : tandis que l'Orient conserve des types et des règles hiératiques dans les représentations religieuses, l'Occident place dans ses monuments les costumes et les types nationaux, qui suivent les modifications du goût de chaque pays.

Les monuments de style roman ou romano-byzantin sont nombreux en France; nous citerons parmi les plus remarquables les églises de Saint-Germain-des-Prés à Paris, de Saint-Père à Chartres, de Saint-Sernin à Toulouse, de Sainte-Croix à Bordeaux, de Saint-Étienne à Caen, de Saint-Étienne à Beauvais, de Châlons-en-Champagne, de Noyon, de Saint-Georges de Boscherville, de Saint-Benoît-sur-Loire, de Vézelay, les parties inférieures et la crypte de la cathédrale de Chartres, les portails de Saint Trophime d'Arles et de Notre-Dame de Poitiers. A la même, époque, des édifices d'un genre différent, imités de l'art grec qui se développait dans Saint-Marc à Venise, s'élevaient dans quelques provinces, semblables a ces graines enlevées par les vents et qui donnent naissance à des arbres étrangers aux pays où elles ont été portées : un de ces curieux édifices est l'église de Saint-Front à Périgueux, copie exacte de l'église de Saint Marc, et qui a servi probablement de type aux cathédrales de Cahors et d'Angoulême, aux abbayes de Solignac et de Souillac, et peut-être à la cathédrale du Puy.

Il est à remarquer que les grandes provinces de France eurent chacune une école et un style particuliers. Dès le Xe siècle, des écoles d'architecture étaient établies dans les couvents : elles subissaient la domination exclusive des écoles grecques, dont la richesse se prêtait merveilleusement au luxe déployé dans les églises. Mais, au XIIe siècle, Saint Bernard tonna en chaire contre ce luxe; alors éclata une scission : l'école de Cluny conserva la richesse du style byzantin, tandis que celle de Cîteaux, revenant à la simplicité, à la sévérité, abandonna les formes luxuriantes. Cette dernière école prépara et amena le style ogival dans sa belle simplicité.

A partir du XIIesiècle, les écoles architecturales peuvent se reconnaître à la différence des matériaux qu'elles emploient et du style de leurs monuments ce sont : 

l'École ligérine, qui s'est développée le long de la Loire, dans le Blaisois, la Touraine, l'Anjou, le Maine et le Poitou; elle se distingue par l'élégance et la profusion des ornements qu'elle jeta autour des portes et des fenêtres, sur les murailles, les frises et les chapiteaux, tels qu'enroulements, guirlandes, bouquets, branches chargées de feuilles et de fruits, fleurs, dessins en arabesques, par la solidité de ses voûtes en plein cintre, par la grandeur, le choix et la régularité de l'appareil

l'École aquitanique, qui a conservé avec ténacité jusqu'au XIVe siècle le style romano-byzantin, et qui, remarquable, comme la précédente, par la pureté et l'élégance de ses sculptures, n'a employé qu'exceptionnellement les chevrons brisés, les méandres, les échiquiers ou damiers, les tores rompus, les losanges et toutes les moulures anguleuses, préférant les lignes arrondies et flexueuses; 

l'École auvergnate, dont les membres, se consacrant uniquement à l'architecture religieuse, s'intitulaient les logeurs du bon Dieu, les monuments quelle éleva offrent des contre-forts plus rares et moins prononcés que dans le Nord, des colonnes moins courtes et moins ramassées que celles du roman primitif, des tours peu développées, peu de richesse dans les moulures, une marqueterie décorative aux archivoltes, aux frontons, au pourtour des absides, enfin de petites et persistantes arcatures;

4° l'Ecole bourguignonne, qui conserva les pilastres cannelés de l'architecture antique;

l'Ecole normande, la plus importante, la plus féconde, la plus pure de tout alliage, inférieure par rapport à l'ornementation tant que dura le style romano-byzantin, mais qui prit un grand essor à l'époque ogivale, et dont les monuments, de vastes proportions, se couronnèrent de belles tours carrées et de flèches élancées.

L'architecture gothique.
Jusqu'au XIIe siècle les architectes ont emprunté leur système décoratif à l'étranger, et ils ont conservé les voûtes et les arcs à plein cintre de l'Antiquité. Une forme nouvelle apparaît; c'est l'ogive, qui est appelée à opérer une révolution radicale. Quelque opinion qu'on adopte sur l'origine de cette nouvelle forme, il paraît certain que la première application en fut faite en France, et que les artistes y furent les premiers à comprendre tout le parti qu'on pouvait en tirer. Dès la première moitié du XIIe siècle l'ogive fait son apparition : nous la voyons au portail de Saint-Denis en 1140, à celui de Chartres en 1145, au choeur de Saint-Germain-des-Prés en 1163, à celui de Notre-Dame de Paris en 1182. Les plus anciens monuments de la transition, ceux où l'on trouve l'art ogival (ou gothique) primitif, ne se rencontrent qu'en France; c'est un fait acquis. La première église ogivale d'Angleterre est celle de Canterbury, qui date de 1174 et a été bâtie par un Français, Guillaume de Sens; la cathédrale de Cologne est postérieure à celles d'Amiens et de Beauvais, et tracée sur leur plan; l'église de Wimpfen-en-Val fut bâtie de 1263 à 1278 par un Français; la cathédrale de Prague est due à Mathieu d'Arras et à Pierre de Boulogne, et celle d'Upsala en Suède, à Pierre Bonneuil, tailleur de pierre de Paris; Philippe Bonaventure et Mignot, tous deux de Paris, ont élevé le Dôme de Milan, et Hardouin l'église de Sainte-Pétronne à Bologne. Le gothique dura environ trois siècles; on le divise en France en style ogival primitif ou à lancettes (de 1150 à 1300), style ogival rayonnant (de 1300 à 1400), et style ogival fleuri ou flamboyant (de 1400 à 1550 ). Les monuments les plus remarquables de ces trois époques sont :
1° les cathédrales de Paris, Reims, Chartres, Rouen, Amiens, Bourges, Beauvais, Noyon, Soissons, Laon, Sens, l'abbatiale de Saint-Denis, les Saintes de Paris et de Vincennes

Saint-Ouen de Rouen, Saint-Urbain de Troyes, le portail de Saint-Antoine (Isère); 

3° Notre-Dame-de-l'Epine, le grand portail de la cathédrale de Rouen, l'église Saint-Maclou de la même ville, la flèche de Strasbourg, la nef de la cathédrale de Nantes, etc.

L'architecture militaire commença vers le XIe siècle à prendre un essor rapide, et le pays se couvrit de forteresses. Nous pouvons juger de leur importance par les magnifiques débris qui subsistent encore, tels que les remparts d'Aigues-Mortes, d'Arles, d'Avignon, de Carcassonne, de Die, de Montpellier, de Narbonne, de Saint-Guillhem, de Provins; les portes de Moret, de Cadillac, de Nogent-le-Roi, de Saint-Jean de Provins; les châteaux d'Alluye, d'Argental , de Blanquefort, d'Angers, de Beaucaire, de Bruniquel, de Chalusset, de Château-Gaillard, de Coucy, de Chinon, de Fougères, de Cesson, de Montlhéry, de Mehun, de Loudun, de Pierrefonds, de Saumur, de Vincennes, du Vivier; le château des Papes à Avignon, le Palais de Justice à Paris; les abbayes fortifiées de Saint Jean-des Vignes à Soissons et de Saint-Leu d'Esserant; les ponts fortifiés de Cahors et d'Aigues-Mortes, etc.

L'architecture civile ne resta pas en arrière, et bon nombre de villes conservent encore des maisons de ces époques.

L'histoire n'a pu enregistrer qu'un petit nombre de noms des artistes constructeurs du Moyen âge; parmi eux, nous citerons : Romuald, architecte de Louis le Débonnaire, qui commença en 840 la cathédrale de Reims, rebâtie plus tard; l'évêque de Chartres, Fulbert, qui donna les plans de sa cathédrale et en dirigea les premières constructions; l'abbé Suger, qui fit rebâtir, d'après ses propres plans, l'église abbatiale de Saint-Denis; Robert de Luzarches et Thomas de Cormont, architectes de la cathédrale d'Amiens; Pierre de Montereau, architecte de la Sainte-Chapelle à Paris; Robert de Coucy et Jean d'Orbais, architectes de la cathédrale de Reims; Jean de Chelles, un des architectes de la cathédrale de Paris; Eudes de Montreuil, qui construisit à Paris les églises de Sainte-Catherine-des-Écoliers, de l'Hôtel-Dieu, de Sainte-Croix de-la-Bretonnerie, des Cordeliers, des Blancs-Manteaux, des Mathurins et des Chartreux, tous édifices qui ont été détruits; Jean Ravy, qui termina l'église Notre-Dame; Hugues Libergier, architecte de Saint-Nicaise de Reims; Jean Langlois, architecte de Saint-Urbain à Troyes; Enguerrand le Riche, architecte de la cathédrale de Beauvais, etc. C'est vers la fin du XIIIe siècle et pendant le XIVe que se formèrent ces compagnies d'ouvriers maçons, charpentiers et sculpteurs, auxquelles les francs-maçons doivent leur origine. C'est alors aussi que, dans le midi de la France, les Frères pontifices construisirent les ponts d'Avignon et de Pont-Saint-Esprit, ouvrages merveilleux pour ce temps.

L'architecture de la  Renaissance

A la fin du XVe siècle, les artistes de l'Italie avaient répudié les traditions de l'architecture gothique, et se livraient avec succès à l'étude de l'Antiquité. Le travail de la Renaissance, c.-à-d. le retour vers l'antique, fut moins prompt en France. La peinture et une partie de la sculpture suivirent franchement les nouvelles voies; mais l'architecture et la sculpture monumentale cherchèrent à maintenir les formes ogivales; elles en augmentèrent outre mesure l'ornementation, et, en la surchargeant de détails prétentieux et de mauvais goût, en hâtèrent la décadence. 

Telle était la situation, quand les Français furent conduits en Italie par Louis XII. Georges d'Amboise, promoteur ardent et protecteur éclairé des arts, voulut faire profiter la France des merveilles de l'art italien, et y amena un célèbre architecte, Fra Giocondo, moine dominicain. Les artistes ne manquaient pas; mais ils bâtissaient encore en style flamboyant, malgré leurs tendances marquées vers le style italien; tels étaient, à Rouen, Roger Ango, architecte du palais de justice, Pierre Desaulbeaux et les frères Leroux, architectes et sculpteurs de Notre-Dame et de Saint-Maclou; à Solesme, Pilon l'Ancien ; à Troyes, François Gentil; à Nantes, Michel Columb; à Orléans, François Marchand et Viart; à Tours, Pierre Valence et Jean Juste. Giocondo n'eut qu'à diriger vers le style italien les talents de nos artistes, et l'on vit bientôt s'élever le charmant palais de la Cour des comptes à Paris, détruit par un incendie en 1737, et la splendide résidence du cardinal d'Amboise à Gaillon, dont Pierre Valence fut l'architecte et Jean Juste le sculpteur. 

La façade orientale du château de Blois date aussi de Louis XII. Toutefois, quelques artistes, fidèles à l'ancien style, élevaient les châteaux de Vigny et de Châteaudun, les hôtels de ville de Nevers, d'Arras, de Saint-Quentin, la jolie petite chapelle de l'hôtel de Cluny, et l'hôtel de La Trémouille à Paris. Sous le règne de François Ier, Serlio et Vignole, appelés en France, firent triompher les principes de Vitruve et de Palladio, aux dépens de l'architecture gothique, qui fut définitivement condamné. Serlio rebâtit le château de Fontainebleau, que le Primatice et le Rosso décorèrent à l'intérieur. Dominique Cortone (Boccador) construisit en 1533 l'Hôtel de Ville de Paris; puis on vit s'élever, comme à l'envi, dans le style italien, la grande façade du château de Blois, les châteaux de Madrid, de la Muette, de Saint Germain, de Villers-Cotterets, de Chantilly, de Follembray, de Nantouillet, d'Écouen, de Varengeville, d'Azay-le-Rideau, de Chenonceaux, et celui de Chambord, espèce de compromis essayé par Pierre Nepveu entre les deux styles rivaux.
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Château de Blois.
Château de Blois. façade de l'aile septentrionale. Il date des premières années
du règne de François Ier . Photo : © Serge Jodra, 2010.

L'architecture civile s'était rapidement pliée, et, sans trop de difficultés, aux exigences de la mode, d'autant plus que le style italien se prête mieux que le style ogival à la disposition intérieure des habitations; mais il n'en fut pas de même, pour l'architecture religieuse. Jean Texier continuait à élever la flèche septentrionale de la cathédrale de Chartres; d'autres architectes construisaient l'église de Brou, la flèche centrale de Notre-Dame et la tour de Beurre à Rouen, la tour Saint-Jacques-la-Boucherie à Paris, les flèches de Saint-André à Bordeaux, de Saint-Jean à Soissons, etc. Les chapelles des châteaux de Chenonceaux, de Blois, de Nantouillet, d'Écouen, sont de style ogival, lorsque toutes les autres parties de ces châteaux sont en style de la Renaissance. Philibert Delorme fut le premier à bâtir la chapelle du château d'Anet en style purement italien, en 1532

II y eut alors des protestations contre l'emploi de l'architecture étrangère dans les monuments religieux, par exemple, la flèche de la cathédrale de Beauvais, élevée en 1555 par Jean Wast et François Maréchal (elle s'écroula en 1573), et les églises'Saint-Etienne et Saint-Eustache à Paris. Mais ces efforts furent vains : une révolution s'était opérée dans les esprits depuis le XVe siècle, les croyances religieuses avaient faibli : les ordres gréco-romains l'emportèrent, et Vitruve devint le véritable chef des écoles françaises. Alors s'élevèrent le pavillon de l'Horloge et l'aile gauche du Louvre, la fontaine des Innocents, sur les dessins de Pierre Lescot; le pont Neuf, les hôtels Carnavalet et Bretonvilliers, la grande galerie du Louvre, sous la direction de Jacques Androuet Ducerceau; le nouveau château de Saint-Germain en Laye, aujourd'hui détruit, dont J.-B. Ducerceau fut l'architecte; une façade du château de Fontainebleau, par Jamin; le palais du Luxembourg et le portail de l'église Saint-Gervais, par Debrosses; le beau phare connu sous le nom de Tour de Cordouan, bâti par Louis de Foix.

L'architecture des Temps modernes

Le XVIIe siècle.
Au XVIIe siècle, pendant l'administration de Richelieu et de Mazarin, l'architecture de la Renaissance a perdu sa grâce et sa délicatesse; elle devient lourde, et se traîne péniblement dans l'ornière antique. Quelques architectes se placent cependant hors ligne : Charles Lemercier construit la Sorbonne, le Palais-Royal et une aile nouvelle au Louvre; Pierre Le Muet et François Mansart érigent le Val-de-Grâce; Louis Le Vau bâtit le Collège des Quatre Nations (auj. le palais de l'Institut de France), achève les Tuileries avec l'architecte d'Orbay, et élève le château de Vaux; Gérard Désargues donne les dessins de l'Hôtel de Ville de Lyon, qu'un autre architecte, Simon Maupin, eut la gloire de bâtir.
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Paris : la colonnade du Louvre.
La colonnade du Louvre ver 1770.
Tableau de Pierre-Antoine Demachy.

L'architecture, sous le règne de Louis XIV, sort des hésitations ont elle n'avait pas cessé de se trouver, soit qu'elle affectât une légèreté souvent plus étonnante que réfléchie, soit qu'elle fléchit sous la lourdeur des proportions; désormais sure d'elle-même, elle devient savante, pleine de grandeur, de majesté et d'unité. C'est encore l'Antiquité, mais servant uniquement de base et de modèle pour les proportions et la pureté des détails. Deux grands faits contribuèrent à cet important progrès, la création de l'Académie d'architecture, fondée par Colbert en 1671, et la publication des principaux édifices antiques de Rome, mesurés et dessinés par Desgodets, sur l'ordre du même ministre, en 1682. Les huit premiers membres de l'Académie furent Blondel, Le Vin, Bruant, Gittard, Le Paultre, Mignard, d'Orbay et d'André Félibien. On vit alors le château de Versailles et l'église des Invalides s'élever sous la direction de Jules Hardouin Mansart, la colonnade du Louvre et l'Observatoire de Paris faire la gloire de Claude Perrault, Blondel construire la Porte Saint-Denis, Bruant bâtir l'Hôtel des Invalides et passer en Angleterre pour ériger le château de Richmond; Saint-Cloud, Trianon, Marly, s'embellissent de constructions modernes; enfin Antoine Le Paultre s'occupe de la décoration intérieure des palais, et dessine la cascade de Saint-Cloud. Dans toutes ces oeuvres, la richesse s'allie avec la grandeur et la majesté. Simon de La Vallée fait adopter en Suède la manière française.

Le XVIIIe siècle.
L'impulsion donnée à l'architecture sous Louis XIV fut si forte, qu'elle se fit sentir pendant presque toute la durée du règne suivant, et que les architectes se maintinrent pendant un certain temps à la hauteur de leurs devanciers. Les Robert de Cotte, père et fils, bâtiment le colonnade de Trianon et l'église Saint Roch; Gabriel élève les colonnades de la place de la Concorde, l'École militaire de Paris, la salle d'opéra de Versailles et le château de Compiègne; Soufflot construit l'église Sainte Geneviève (Panthéon), l'École de Droit à Paris, et le grand hôpital à Lyon; Servandoni fait le portail de l'église Saint-Sulpice. D'autres architectes français, Peyre, Jardin, de la Guépière, Thomas, Thibaut, etc., construisent à l'étranger le palais de Coblence, la cathédrale de Copenhague, le palais de La Haye, l'hôtel de ville d'Amsterdam, le grand théâtre et la Bourse de Saint-Pétersbourg, etc.

Cependant la pureté du goût s'était altérée en Italie; Borromini et son école s'étaient jetés dans un système d'ornementation exagérée, tourmentée, prétentieuse; ils ne tardèrent pas à trouver des imitateurs en France : Oppenord fut le chef de cette nouvelle école capricieuse et fantasque, qui donna naissance au style dit de Louis XV, et dont le type est la merveilleuse résidence de Mme Dubarry à Luciennes. Boffrand, architecte de la même école, décora l'hôtel de Soubise (auj. Archives nationales), le palais de Nancy pour le roi Stanislas, la résidence de Wurzbourg, et le château de la Favorite, près de Mayence. Dans les monuments de cette période de l'art, on doit reconnaître que la grâce, la délicatesse, l'imprévu et l'originalité des ornements font pardonner ce qu'il y a d'incorrect, d'irrégulier et de faux.

Après Louis XV, il s'opéra un revirement dans les esprits : on se reprit d'une vive ardeur pour les arts antiques; les découvertes de Pompéi et d'Herculanum donnèrent une force irrésistible à ces nouvelles tendances, préparées par les savants écrits de Winckelmann. Alors on copia servilement l'Antiquité : Boullée dans l'architecture, comme David dans la peinture, fut le chef de la nouvelle école. Parmi les architectes de cette époque sévère, nous citerons : Gondouin, qui fit l'École de Médecine de Paris, Ledoux, qui construisit plusieurs beaux hôtels à Paris, entre autres l'hôtel de Thélusson, en face de la rue d'Artois, et les barrières de Paris, auj. détruites (Propylées de Paris); Louis, à qui on doit les galeries du Palais-Royal, le Théâtre français, l'ancien Opéra, et le théâtre de Bordeaux; Wailly, architecte de la salle de l'Odéon à Paris; Rousseau, qui donna les plans de l'hôtel de Salm (aujourd'hui hôtel de la Légion d'honneur); Chalgrin, qui bâtit le Collège de France et l'église Saint-Philippe-du-Roule; Antoine, qui construisit l'église des Monnaies et le Palais de Justice à Paris, le palais du prince de Salm-Kibourg en Allemagne, l'Hôtel de la Monnaie à Berne, et le palais du duc de Berwick à Madrid. On peut mentionner en second ordre Detournelle, Hubert, Van Clemputte, Poyet, Beaumont, Renard.

Sous le Premier Empire, puis sous la Restauration, l'architecture se borna à copier l'Antiquité; elle manqua de grandeur et d'originalité. Fontaine et Percier furent les chefs des écoles de ce temps. On vit s'élever l'arc de triomphe de l'Étoile sous la direction de Chalgrin, la Bourse sous celle de Brongniart, la colonne de la place Vendôme avec Gondouin et Peyre, l'arc du Carrousel avec Fontaine et Percier, presque tous les intérieurs du Louvre par les mêmes; le palais du Corps législatif (Palais Bourbon) par Poyet, celui du Conseil d'État et de la Cour des Comptes, sur le quai d'Orsay, par Lacornée; l'église de la Madeleine par Vignon et Huvé, etc.

Le XIXe siècle.
Au XIXe siècle, les architectes français en reviennent à des idées plus justes et plus sages; s'ils n'ont pas de style qui leur soit propre, du moins ils n'en répudient aucun, et nous ne se livrent à aucune copie servile; ils restaurent avec soin et pureté les monuments de tous les temps, ils cherchent le meilleur parti à tirer des divers styles. C'est l'éclectisme qui s'impose. Le gouvernement de Louis-Philippe a élevé la colonne de Juillet sur la place de la Bastille et le palais des Beaux-Arts. Sous le règne de Napoléon III, les travaux publics ont pris un essor considérable : nous citerons l'achèvement du Louvre, la prolongation et la construction de la rue de Rivoli, les boulevards de Sébastopol et de Malesherbes, l'aménagement en parcs anglais des bois de Boulogne et de Vincennes. L'école française d'architecture dans cette période est représentée par Lepère, Huvé, Achille Leclère, P. Debret, Blouet, Lebas, Duban, Hittorff, Visconti, Lassus, V. Baltard, Labrouste, de Gisors, Lefuel, Viollet-Le-Duc, etc.  (E. L.).



G. Denizeau, Larousse des monuments de France, Larousse, 2006.
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