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On a désigné
primitivement sous le nom d'apanage, en droit
féodal, la part faite aux cadets par l'aîné, seul
héritier du
fief, dans les pays et à
l'époque où prévalut le principe de l'indivisibilité
des fiefs. Ainsi que le mot l'indique (Apanare = panem porrigere),
l'apanage constituait une sorte de pension alimentaire; c'était
une rente ou des revenus assignés sur le fief, ou un domaine dépendant
du fief; ce pouvait être aussi la jouissance d'un domaine compris
dans le fief. On a des exemples d'apanage de ce genre à partir du
XIIe siècle. Dans ce sens l'apanage
est l'opposé du partage.
L'apanage royal n'a pas été
essentiellement différent de l'apanage féodal. Lorsque sous
la troisième dynastie des rois de France (Capétiens),
eut prévalais principe de l'indivisibilité du royaume, les
rois concédèrent à leurs fils cadets des domaines,
des seigneuries, qui furent nommés des apanages. Les théoriciens
de l'Ancien régime ont dit que les
apanages avaient été soumis successivement à quatre
régimes différents, les restreignant de plus en plus. Ce
système est démenti par les faits. Les apanages féodaux
n'étaient pas héréditaires; l'usage de l'hérédité
s'introduisit dans les apanages royaux, mais elle fut tantôt absolue
et tantôt restreinte à la ligne masculine directe.
Les premiers rois capétiens concédèrent
des apanages à leurs fils, mais ils n'aliénèrent ainsi
qu'une seule seigneurie importante. Le roi Robert investit son fils Henri
du duché de Bourgogne, et Henri,
devenu roi, le transmit à son frère Robert. Ainsi fut créée
une dynastie de Bourgogne indépendante, rivale de la maison de France
et qui lui fut souvent hostile. Elle était à peine éteinte
en 1362 par la mort de Philippe de Rouvre que le roi Jean eut l'imprudence
de concéder de nouveau la Bourgogne, sans exclusion de la ligne
féminine, à son quatrième fils Philippe, qui fut le
chef de la seconde dynastie des ducs de Bourgogne, non moins indépendante
du trône et plus puissante encore que la première.
Pour éviter que les apanages fussent
un obstacle à l'autorité royale, plusieurs rois concédèrent
à leurs fils des domaines dont l'exiguïté empêchait
que leurs seigneurs devinssent jamais des vassaux dangereux. Les comtés
de Dreux et de Courtenai furent ainsi donnés par Louis
VI à ses fils Robert et Pierre. Au XIIIe
siècle, les frères de Louis IX reçurent comme apanages
des domaines considérables, mais sous la condition qu'ils reviendraient
hla couronne après extinction de la ligne masculine directe. Il
en fut de même pour les comtés de Valois, d'Alençon
et de Clermont concédés par Louis IX
à ses fils.
L'autorité royale s'affermissant
toujours davantage, les légistes de la couronne en arrivèrent
à considérer que cette réserve était loin d'être
suffisante pour prévenir les conséquences funestes de ces
démembrements du domaine royal, et ils cherchèrent à
faire prévaloir le principe de l'inaliénabilité et
de l'indivisibilité des droits souverains. Une ordonnance de Charles
V, en 1374, décida qu'à l'avenir les apanages princiers ne
consisteraient plus qu'en rentes ou en revenus provenant des domaines ainsi
concédés, sans porter préjudice aux droits essentiels
de la couronne. Mais cette disposition resta longtemps lettre morte et
les rois, successeurs de Charles V, continuèrent
à aliéner des domaines pour constituer des apanages, sans
toujours stipuler l'exclusion des filles ou même des collatéraux.
Jusqu'au milieu du XVIe siècle il
y eut même des apanages constitués au profit de princesses
du sang (Marguerite, fille de Henri II, duchesse de Berry). La première
loi précise relative aux apanages fut inspirée parle chancelier
Michel de l'Hospital. L'ordonnance de Moulins,
en 1566, déclara le domaine royal inaliénable et décida
que tous les apanages devaient faire retour à la couronne, francs
et quittes de toute obligation, à l'extinction de la ligne masculine
directe.
Si depuis lors il n'y eut plus d'aliénation
des droits souverains, on n'en continua pas moins à concéder
des domaines, souvent immenses, à titre d'apanages, aux princes
du sang. L'apanage d'Orléans constitué en faveur de Philippe,
frère de Louis XIV, et qui s'accrut sous
ses descendants, en est un exemple.
A la Révolution
la Constituante et la Législative maintinrent d'abord les apanages
des princes du sang, mais en les réduisant à des rentes ou
pensions (lois des 13 août, 21 septembre, 1er
décembre 1790, 6 avril 1791). Abolis en 1792, ils furent rétablis
par le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, conformément
aux principes de 1790. Sous la Restauration,
les ordonnances du 18 et du 20 mai 1814 rendirent à la famille d'Orléans
son ancien apanage qui fut réuni à la couronne à l'avènement
de Louis-Philippe (loi du 2 mai 1832).
Depuis lors il n'a plus existé en
France d'apanages proprement dits; ce fut sous le nom de dotations que
les fils du roi Louis-Philippe reçurent
des domaines considérables. Lorsqu'en 1840 le ministère Soult
proposa aux Chambres d'allouer une dotation de 500,000 F au duc de Nemours
à l'occasion de son mariage, Cormenin publia deux de ses plus virulents
pamphlets : Lettre au duc de Nemours
et Questions scandaleuses d'un jacobin au sujet d'une dotation.
Dans les pièces justificatives de cette dernière brochure
il a réuni de nombreux et curieux renseignements sur les dotations
et apanages des princes, la liste civile, les biens de la famille
d'Orléans, etc. (Y.). |
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