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Anacoluthe
Anacoluthe (du grec a privatif, et acolouthein, suivre), terme de grammaire; sorte d'ellipse par laquelle on omet dans une phrase le mot, le terme qui est le corrélatif ordinaire de l'un des mots, des termes exprimés. Il ne s'emploie guère qu'en parlant de phrases grecques ou latines. Voltaire et les grammairiens de son temps entendent ce mot de la même façon, et citent des exemples de ce genre :« Qui est venu? - Notre voisin. » D'après cette définition, il y a anacoluthe dans ce vers de Racine (Les Plaideurs, I, 4) :
Ma foi sur l'avenir bien fou qui se fiera.
et dans cette phrase de Fénelon
"Telle est la faiblesse et l'inconstance des hommes : ils se promettent tout d'eux-mêmes et ne résistent à rien. " 
Il y a un autre genre d'anacoluthe, qui n'est pas une ellipse, mais une tournure non suivie jusqu'au bout, par exemple lorsque les compléments d'un verbe ne sont pas tous de même nature, si l'un est un substantif et l'autre un infinitif ou une proposition définie, comme dans les phrases suivantes :
"Étant né pour être roi, je ne suis pas destiné à une vie douce et tranquille ni à suivre mes inclinations." (Fénelon). 

"Ne faut-il pas quelquefois se faire une plus grande violence lorsque, poussé par le jeu jusqu'à une déroute universelle, il faut même que l'on se se passe d'habits et de nourriture, et de les fournir à sa famille? " (La Bruyère).

De même, Racine coordonne le subjonctif et l'infinitif dans cette phrase (Athalie, 1, 4) :
Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits, Et ne l'aimer jamais.
Il y a anacoluthe toutes les fois que la 1re partie d'une phrase ou d'une période fait présumer un tour qui change brusquement : 
"D'où croyez-vous que viennent les ca lamités publiques? Ce n'est que pour punir l'usage in juste que vous faites de l'abondance. " (Massillon).
L'anacoluthe est fréquente lorsque la phrase à peine commencée est interrompue par une parenthèse; car alors l'auteur reprend souvent sa pensée avec des termes ou un tour différents de ceux qu'il avait d'abord employés. On en trouve des exemples dans toutes les langues, soit en vers, soit en prose. En voici un dans Bossuet :
"C'est ce qui lui faisait dire (je puis bien ici répéter devant ces autels les paroles que j'ai recueillies de sa bouche, puisqu'elles marquent si bien le fond de son coeur), il disait donc... " .
Souvent une phrase commence par une tournure qui annonce un sujet, et à la fin de la phrase ce sujet se trouve devenu complément, comme dans ces vers de Racine (Athalie, II, 7) :
Ce Dieu, depuis longtemps votre unique refuge,
Que deviendra l'effet de ses prédictions?
et ailleurs (ib., II, 5) :
Et vous, qui lui devez des entrailles de père, 
Vous, ministre de paix dans les temps de colère, 
Couvrant d'un zèle faux votre ressentiment, 
Le sang à votre gré coule trop lentement!
L'anacoluthe n'est donc pas seulement une sorte d'ellipse, elle est une figure particulière du langage. Comme le pléonasme, comme l'ellipse, comme la syllepse, avec lesquels elle a plus d'un rapport, elle est en principe un défaut : elle ne doit donc jamais être recherchée; si le mouvement de la pensée et la vivacité du sentiment l'amènent sans effort, il ne faut pas la rejeter, car, comme toutes les autres figures, elle peut devenir alors une source de beautés littéraires et contribuer à la variété du style. (P.).
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