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![]() | Véronèse ou Veronese (Paolo Caliari ou Cagliari, dit Paul) est un peintre né à Vérone (d'où son surnom) en 1528, mort à Venise le 19 avril 1588. Le septième des dix enfants d'un sculpteur ornemaniste, Piero di Gabriele, dont les ascendants avaient exercé la même profession, il commença par travailler dans l'atelier de son père. Il y acquit une habileté de modeleur pour les figures et les ornements en relief, dès lors en usage comme encadrements des peintures décoratives, qu'il ne perdit jamais. Au XVIIIe siècle, Mariette montrait, dans sa collection, comme preuve du talent sculptural de Paolo, une maquette en terre cuite, Vénus![]() ![]() Paolo, avant sa vingtième année, avait déjà signé plusieurs retables dans les églises de Vérone et décoré plusieurs façades de maisons qui l'avaient mis en réputation. En 1551, l'illustre architecte San Micheli, son compatriote, le chargea, avec Battista Zelotti, son cadet de quelques années, de décorer la villa Soranza, près de Castelfranco, qu'il venait de construire. Le jeune homme y fit preuve d'une telle habileté que, l'année suivante, le cardinal ![]() Jésus et le Centurion à Capharnaüm, par Veronèse. Sa réputation toujours grandissante engagea alors son compatriote, le P. Torlioni, prieur de Saint-Sébastien à Venise, à le faire venir auprès de lui. En 1555, il inaugura, par le plafond de la sacristie, le Couronnement de la Vierge « Paolo, lui dit-il, tu es l'honneur de la peinture vénitienne ! »Dès lors, le nom de Paolo Véronèse était populaire à Venise. Le jeune artiste ne pouvait hésiter; il se fixa dans cette ville admirable où l'activité du port, le mouvement des canaux et des ruelles, la grâce et la gaieté de la population, la somptuosité des installations patriciennes, le luxe et la variété des costumes, la fréquence et la splendeur des cérémonies publiques et des fêtes particulières, la magnificence de la nature et la liberté des moeurs offraient à son observation éveillée et à son imagination avide un inépuisable champ de travail et de création. Titien et Sansovino l'y décidèrent d'ailleurs en le désignant, avec six autres peintres déjà célèbres, pour prendre part à la décoration du plafond, dans la grande salle de la Libreria. Avant d'abandonner sa ville natale, Veronèse, toutefois, alla y repasser quelques mois. L'église Santa Maria della Vittoria (Déposition de Croix), le musée municipal (Portrait de Pace Guarienti) et d'autres édifices de Vérone conservent les souvenirs de ce séjour. Une prime avait été offerte par la république sérénissime pour le peintre de la Libreria dont les oeuvres seraient estimées les meilleures par un jury d'artistes. Cette prime, un collier d'or, décernée à Paolo Véronèse pour ses trois allégories (la Musique, la Géométrie et l'Arithmétique, l'Honneur) lui fut publiquement remise par Titien. Dès lors, le Véronais devient le peintre à la mode, le décorateur favori des nobles et des ecclésiastiques, à Venise et dans les provinces de terre ferme. Les commandes de toute espèce, fresques ou tableaux, sujets profanes ou sujets sacrés, allégories ou portraits, lui affluent de toutes parts. Sa fertilité d'invention, sa prestesse de main, sa sûreté de science et de goût, son aisance merveilleuse à transporter dans le monde idéal des visions symboliques toute la beauté et toute la force des créations réelles et vivantes, aussi bien qu'à les fixer, à d'autres moments, sur la terre, dans la franche vérité de leurs apparences, lui permettent de suffire à tout. Soit qu'il ranime les scènes de l'histoire, de la légende, de l'allégorie par l'intervention libre et aisée de figures contemporaines, soit qu'il ennoblisse les scènes mêmes de la vie contemporaine par la simplicité douce et heureuse avec laquelle il les sait voir, il exalte et poétise, sans effort, sans manière, tout ce qu'il conçoit, observe, représente, dans l'enchantement irrésistible d'une orchestration incomparable de tonalités, à la fois brillantes et douces, vigoureuses et délicates, d'autant plus séduisante et pénétrante que la prodigieuse virtuosité du coloriste s'y développe, comme celle des grands artistes de la Grèce antique, avec une aisance plus naturelle et plus heureuse. Au Palais Ducal, c'est, dans la salle du Grand Conseil, Frédéric Barberousse reconnaissant comme chef de l'Église le pape Octavien (détruit dans l'incendie de 1577), puis, dans la salle della Bussela, le plafond de Saint Marc couronnant les Vertus théologales (musée du Louvre), les décorations de la Casa Nani alla Giudecca, du palais Erizzo à San Casciano, du palais Trevisani à Murano, etc. En 1560, il se rend à Rome sur l'invitation du procurateur de Saint-Marc, Girolamo Grimani; il y séjourne environ deux ans. ![]() La prédication de Saint Antoine, par Veronèse. Quels travaux fit-il à Rome où il ne resta sans doute pas inactif? Nous n'en savons rien; mais le musée du Louvre possède un témoignage bien significatif de l'impression qu'exercèrent sur le Véronèse, dans la ville éternelle, comme sur tous ses contemporains, l'art de l'antiquité et l'art de ses grands prédécesseurs, Michel-Ange et Raphaël. Le plafond du Jupiter C'est à cette époque, entre 1561 et 1570, qu'il immortalisa le luxe et la splendeur de Venise, la dignité de ses patriciens, la beauté de ses femmes, l'éclat de ses cérémonies, en peignant, sur des toiles colossales, sous des prétextes religieux, pour des réfectoires de couvents, cette série célèbre de banquets somptueux, les Cènes. Déjà, avant de partir pour Rome, en allant faire ses adieux à ses compatriotes de Vérone, il leur avait laissé, dans le réfectoire du S. Nazzaro, un premier essai en ce genre, la Madeleine ou le Repas de Simon le lépreux (auj. musée de Turin Sans doute, le sujet religieux disparaît dans l'éblouissement de cette fête princière; cependant, la hardiesse du peintre à manier et poétiser l'anachronisme pittoresque s'y montre si vive et si spontanée, que la dignité, noble et affable, du Christ et de sa mère, n'y semble nullement compromise par cette promiscuité de convives inattendus, non plus que les opulents seigneurs, les dames superbes, les libres artistes ne semblent déplacés et inconvenants dans cette apothéose pompeuse où l'enchantement de la lumière et de la vie associe et confond les divins humanisés et les mortels divinisés. Ce festin triomphal devait être bientôt suivi par quatre autres nouveaux banquets évangéliques qui, sans égaler les Noces de Cana ![]() Le mariage de sainte Catherine, par Veronese (1575). Son incroyable activité fut à peine ralentie durant un court séjour à Vérone, en 1566, pour épouser la fille de son ancien maître, Elena Badile, et l'on ne constate pas, sans admiration, qu'à cette période de maturité débordante, se rattache encore l'exécution du vaste ensemble de fresques qui décorent la villa des Barbaro, à Maser, près de Trévise. C'est dans ce palais champêtre, durant ses villégiatures, l'été, chez son ami Daniele Barbaro, que son génie abondant et aimable s'est répandu avec le plus de fantaisie aimable et de noble familiarité en visions ou représentations plastiques et pittoresques d'une haute et irrésistible séduction. Soit qu'au gré d'un caprice toujours magnifique et élégant, il assemble, dans les voûtes, les divinités de l'Olympe Le passage de Henri III, roi de France, à Venise, en 1574, la mort de Titien le 27 août 1576, l'incendie du Palais Ducal le 20 décembre 1577, qui anéantit les grandes oeuvres des maîtres du XVe et du XVIe siècle, marquent, dans la vie régulière et sédentaire de Véronèse, quelques circonstances où son génie trouva encore des occasions nouvelles d'affirmer sa supériorité. C'est durant les quinze dernières années de sa vie que, devenu, à son tour, plus que Tintoret trop excessif et trop personnel pour être suivi, le vrai chef de l'école vénitienne, il acheva, au Palais Ducal, la Sala del Collegio, et, dans la salle renouvelée du Grand Conseil, la Prise de Smyrne ![]() Allégorie de la Force et de la Sagesse, par Veronese (1580). Aux yeux de beaucoup d'artistes, Paul Véronèse est le plus grand des peintres de Venise. Non qu'il ait possédé un talent supérieur, ou même égal, comme créateur ou novateur, à ceux de Giorgione, Titien ou Tintoret, mais parce que, venu après eux et profitant d'eux, il se développa et s'épanouit, dans l'allégresse heureuse d'une assimilation spontanée, avec une aisance et une abondance incomparables. Déjà très formé, nous l'avons vu, à vingt-huit ans, par l'étude de ses compatriotes à Vérone, de Mantegna et de Jules Romain à Mantoue, lorsqu'il s'installa à Venise, il y apporta, entre Titien et Tintoret, l'un contemplateur calme de la beauté, l'autre agitateur violent de formes et de lumières, un renouvellement et un agrandissement inattendus dans l'art de la décoration épique. Le contact de ces maîtres puissants, comme plus tard celui de l'Antiquité et du Vatican à Rome, ne firent que développer et exalter en lui des qualités, naturelles ou acquises, déjà mises à l'épreuve, science de coloriste, dessinateur, compositeur, abondance et liberté d'imagination poétique, observatrice, vivante. Aucun peintre n'a été plus constamment, et avant tout, un peintre, un plus sûr charmeur des yeux par l'unité et la sensibilité des harmonies colorées que Paul Véronèse. Dans toutes ses toiles, petites ou grandes, c'est toujours la même aisance, tantôt grave et puissante, tantôt joyeuse et délicate, à transporter, en des visions poétiques, les forces, les beautés, les grâces du monde vivant. Aucun artiste, depuis les Grecs, n'a transformé si sincèrement, si naturellement, les créatures terrestres en créatures de rêve, les réalités en allégories. La sérénité avec laquelle il se meut, sans préjugés, sans pédantisme, sans effort, dans ses visions enchantées où se mêlent et se confondent l'histoire et la légende, le paganisme et le christianisme, le passé et le présent, les saintes et les courtisanes, ravit les yeux, en même temps qu'elle apaise l'esprit et berce la pensée. Si l'on remarque, en outre, que ce décorateur, festoyant et poétique, est aussi, par instants, quand il veut, un physionomiste délicat et un poète attendri, exprimant, dans ses figures de femmes, saintes et vierges, la tendresse, la souffrance, la douleur ( |
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