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Vénus
Le mystère atmosphérique
L'atmosphère de Vénus est sans doute la particularité que la planète a eu longtemps de plus irritante pour les astronomes. Il a d'abord fallu la mettre en évidence. Et les passages de Vénus devant le disque solaire, à la fin du XVIIIe siècle, ont fourni les premiers indices de son existence. Il a fallu ensuite en obtenir confirmation, puis essayer de comprendre progressivement en quoi elle consistait exactement. Les premières études spectrales destinées à la déceler avant même d'espérer en connaître la composition chimique ont été conduites à partir de 1866. Mais il faudra attendre les transits suivants (1874 et 1882) pour que l'affaire soit entendue. Il ne restait plus aux astronomes qu'à prendre la mesure de l'importance extravagante de cette atmosphère, du moins pour une planète par ailleurs aussi semblable à la Terre... 
Date clé :
1874, 1882 - Études de l'atmosphère vénusienne, lors des transits qui ont lieu ces années-là.
Vénus est entourée d'une atmosphère. On sait aujourd'hui qu'elle est même très épaisse. Et l'on en avait déduit existence depuis le XVIIIe siècle, d'abord à partir des observations du passage de la planète devant le Soleil en 1761 et 1769; mais on pouvait attribuer les effets observés à des illusions d'optique. Quelques décennies plus tard, cependant, Schroeter remarqua sur l'une des phases de ce globe, le long du bord éclairé, une faible lumière paraissant dénoter un effet crépusculaire. La discussion des observations conduisait même à supposer que cette pénombre ne pouvait être causée que par une atmosphère peu différente de la nôtre en épaisseur (plutôt plus élevée que moins). Les dessins du même observateur montrent des bandes sombres traversant le disque et attribuées à l'existence d'une atmosphère. Ces mêmes bandes ont été vues ensuite, notamment par lord Rosse, De la Rue et Buffham. Une autre preuve jugée peu contestable de l'atmosphère de Vénus avait été donnée par l'allongement du croissant dans sa longueur comme, dans sa largeur, allongement produit par la lumière du Soleil éclairant soit une atmosphère, soit des nuages; ce qui revient au même, car il n'y a pas de nuages sans atmosphère. D'autre part, la ligne (ou terminateur) qui sépare la partie éclaire de la partie dans l'ombre, et qui doit être droite au moment de la quadrature n'arrive pas, en général, aux dates calculées : il y a souvent une différence, d'un côté ou de l'autre, de trois ou quatre jours avec la date indiquée par le calcul. Enfin, l'existence de cette atmosphère a été confirmée, au XIXe siècle, par l'analyse spectrale, qui a fait voir dans Vénus, outre les raies du spectre solaire, celles du spectre de la vapeur d'eau. On a même pu dès cette époque en mesurer la réfraction et, par suite, la densité, qui est apparue à peu près double de celle de l'atmosphère terrestre.
Les premières études spectrales

Vers 1866, un astronome nommé Huygens (comme un autre plus ancien et bien plus célèbre), commença, en Angleterre, une importante étude des atmosphères planétaires. Ses premières recherches donnèrent les résultats suivants : 

"Quoique le spectre de Vénus soit brillant, et que l'on y voie très bien les raies de Fraunhofer, je n'ai pu y découvrir aucune raie additionnelle révélant la présence d'une atmosphère. L'absence de ces raies peut être due à ce que la lumière est probablement réfléchie non par la surface de ce globe, mais par des nuages situés à une certaine hauteur. La lumière qui nous parviendrait ainsi par réflexion sur les nuages n'aurait pas été exposée à l'action absorbante des couches plus denses de l'atmosphère de la planète".
Ces premiers résultats n'avançaient pas beaucoup la question. Huygens, ayant recommencé ces expériences en diverses conditions, finit par découvrir dans ce spectre des raies s'ajoutant celles du spectre solaire.

Par la suite, les observations de Vogel ont confirmé l'existence de ces raies, analogues aux raies d'absorption de l'atmosphère terrestre : 

"Les modifications apportées par l'atmosphère de Vénus au spectre solaire, écrit-il, sont très faibles; il faut en conclure que les rayons solaires, qui nous sont renvoyés par cette planète, sont réfléchis pour la plupart à la surface de la couche de nuages qui l'enveloppe, sans pénétrer dans l'intérieur. Cependant, il y a des raies particulières, parmi lesquelles on reconnaît celles de la vapeur d'eau. On peut donc admettre comme très probable que l'atmosphère de Vénus renferme de l'eau, cet élément si indispensable à la vie."
En Italie, le P. Secchi avait trouvé de son côté raies dans le spectre de la planète qui le conduisaient à conclure également que la vapeur d'eau agit dans l'atmosphère de Vénus pour absorber la lumière reçue du Soleil. De plus, Respighi, directeur de l'Observatoire du Capitole à Rome, y a trouvé les raies de l'azote. Huygens reprit, en 1879, l'analyse spectrale des planètes Vénus, Mars et Jupiter, et y retrouva les raies atmosphériques que l'on voit dans le spectre de l'atmosphère terrestre. En même temps il examina au spectroscope différentes régions de la surface lunaire, et toujours le résultat a été négatif quant à l'existence d'une atmosphère. Ainsi, pouvaient conclure les astronomes dès cette époque : 
1° la planète Vénus est certainement entourée d'une atmosphère;

2° cette atmosphère est aussi épaisse ou plus épaisse que celle que nous respirons;

3° elle est formée d'un gaz qui paraît analogue au mélange qui forme notre air;

4° elle est parsemée de nuages, en très grand nombre.
 

Les transits à la rescousse

Mais les astronomes vont devoir aux derniers passages de Vénus devant le Soleil qui ont eu lieu en 1874 et 1882 des documents plus précieux encore. Les expéditions envoyées pour l'observation de cet important phénomène céleste ont trouvé, en dehors du but spécial de leur mission, des résultats étrangers à ce but et tout à fait inattendus. Parmi ces résultats, l'un des plus importants et des plus intéressants, est sans contredit la vérification de l'existence de l'atmosphère de Vénus, sa mesure définitive et son analyse chimique.

La première relation des observateurs du passage de Vénus du 8 décembre1874, qui ait eu pour objet l'atmosphère de cette planète, est celle de Tacchini, de l'Observatoire de Palerme, chef de la mission italienne envoyée à Muddapur (Bengale). Dans une une lettre écrite le lendemain du passage, au ministre de l'instruction publique d'Italie, et publiée dans le Bulletin de la Société des spectroscopistes italiens, l'observateur exposait ainsi le fait : 

"Avant l'heure à laquelle Vénus allait sortir du Soleil, par un ciel pur, j'ai examiné le spectre solaire dans le voisinage de la magnifique bande obscure formée par Vénus. Ce spectre se présentait partout à l'état normal, à l'exception de deux positions, dans lesquelles, après le passage de la bande de la planète, on voyait un léger obscurcissement en deux points du rouge correspondant aux lignes d'absorption de notre atmosphère le phénomène paraît donc dû à la présence de l'atmosphère de Vénus, probablement de même nature que la nôtre."
Spécialement versés dans l'étude de l'analyse spectrale du Soleil, et habitués depuis plusieurs années à faire journellement cette analyse, les, astronomes italiens avaient surtout pour but d'appliquer le spectroscope à l'observation du passage de Vénus. Dans cette observation, ils ont inopinément non pas vu dans une lunette, mais constaté au spectroscope l'existence de l'atmosphère de cette planète voisine, et une analogie chimique avec celle que nous respirons.

Pendant que cette remarque se faisait au Bengale, on observait au Japon, et en Asie du Sud-Est (Indochine), un fait bien différent du précédent, mais qui, considérait-on, le confirmait singulièrement. A Saïgon, les astronomes de la mission française n'observaient pas au spectroscope, mais dans des lunettes ordinaires. Or voici ce qu'on note dans la relation du chef de l'expédition, Héraud : C'est qu'on n'y a pas constaté de la même façon l'action de l'atmosphère de Vénus sur la lumière solaire; mais qu'on l'a vue elle-même, cette atmosphère, directement et dans une circonstance également inattendue. On lit en effet dans la relation envoyée à l'Académie

"A 21 h 17 mn, la planète étant déjà entrée de plus des deux tiers sur le disque solaire, je remarque que la partie extérieure non encore entrée sur le Soleil est nettement indiquée par un filet lumineux pâle, qui, réuni aux franges de l'image intérieure, forme un cercle parfait. Ne m'attendant pas à ce phénomène, je ne puis noter l'instant précis de son apparition..."
Quel était ce filet lumineux environnant la planète et dessinant sur le ciel, à côté du Soleil, la partie de la planète entrée? C'était, déduira-t-on, l'atmosphère de Vénus elle-même éclairée par le Soleil et réfractant vers nous la lumière de l'astre du jour. C'est la seule explication possible du phénomène.

Le fait était signalé également à Saïgon, par un autre observateur, Bonifay, dont voici la relation : 

"A 21 h 17 mn, le contour de Vénus extérieur au disque solaire s'illumine légèrement, à commencer par le bas de l'image, qui reste constamment plus visible que le haut. La circonférence planétaire paraît ainsi complétée d'une manière très visible sur le ciel par cet arc lumineux, qui semble la continuer exactement. Cet effet subsiste quand la planète avance. Quand le moment du contact approcha, on continue à voir le bord de la planète, qui reste légèrement lumineuse..."
Remarque curieuse, ce phénomène de l'illumination du contour de Vénus ne s'est pas reproduit, à la sortie de la planète. Les deux observateurs précédents, croyant le voir se renouveler, le cherchèrent en vain. A quelle cause cette différence est-elle due? L'atmosphère de Vénus n'était-elle pas également transparente sur le méridien oriental et sur le méridien occidental? Était-elle pure dans le premier cas (réfraction visible) et chargée de nuages dans le second ?

Quoi qu'il en soit, telles sont les observations directes de ce fait inattendu. Mais ce n'est pas tout. Pendant que les astronomes italiens installés au Bengale et les astronomes français installés au Japon confirmaient ainsi l'existence de l'atmosphère de Vénus, une constatation analogue était faite en Égypte par les astronomes anglais. A Luxor, entre autres, l'amiral Ommanney, le colonel Campbell et Madame Campbell, avaient chacun leur télescope. On citera ici le passage du rapport de l'amiral qui concerne le sujet qui nous occupe, rapport publié par la Société royale astronomique de Londres

"Au moment où la planète eût entamé le bord du Soleil pour sortir, un phénomène remarquable se présenta. La portion du disque de Vénus qui était sortie du disque solaire s'illumina d'une bordure blanche, et resta visible et très lumineuse sur tout le contour de Vénus, jusqu'au moment où la moitié de la planète fut sortie. Alors la lumière diminua, et elle disparut environ sept minutes avant le dernier contact externe."
Ainsi, dans ce cas, l'observation a été faite, non avant l'entrée, comme à Saïgon, mais après la sortie. L'entrée était du reste invisible en Égypte. Pourquoi l'illumination de l'atmosphère de Vénus par le Soleil, vue à la sortie par les astronomes de Luxor, n'a-t-elle pas été vue par ceux de Saïgon? La cause est peut-être non astronomique, mais terrestre, et peut tenir à l'état de notre atmosphère à Saïgon à l'heure de la sortie.

En outre de ces quatre observations différentes sur l'atmosphère de Vénus, on trouve une cinquième remarque un peu moins directe, dans un rapport postérieur, dans celui de Janssen, établi à Nagasaki (Japon). Lorsque la planète arriva en contact avec le Soleil, l'image de Vénus se montra très ronde, bien terminée, et la marche relative du disque de la planète par rapport au disque solaire s'exécuta géométriquement. Mais il s'écoula un temps assez long entre le moment où le disque de Vénus paraissait tangent intérieurement au disque solaire et celui de l'apparition du filet lumineux qui apparaît au moment où Vénus, étant tout à fait entrée, quitte le bord du Soleil pour traverser l'astre. « Il y a là, écrivait Janssen (Académie des sciences, 8 février 1875), une anomalie apparente qui, pour moi, tient à la présence de l'atmosphère de la planète

Une photographie prise au moment même où le contact paraissait géométrique montre qu'en réalité le contact réel n'avait pas encore lieu en ce moment. Le fait a été expliqué en supposant que les couches inférieures de l'atmosphère de Vénus étaient plus ou moins chargées de brouillards ou de nuages formant écran. Dans une atmosphère pure même, la réfraction seule peut produire des différences analogues.

L'atmosphère de Vénus a été également signalée par Mouchez, chef de la mission française de l'île Saint-Paul. (Nous suivons dans cet exposé l'ordre chronologique des documents reçus; celui-ci a été publié dans les Comptes rendus du 15 mars 1875.) : 

"Un quart d'heure après le premier contact, quand la moitié de la planète était encore hors du Soleil, ou aperçut subitement tout le disque entier de Vénus, dessiné par une pâle auréole, plus brillante dans le voisinage du Soleil qu'au sommet de la planète.

A mesure que Vénus entra sur le disque solaire, les deux parties extrêmes plus visibles de l'auréole tendirent à se réunir en enveloppant d'une plus vive lumière le segment encore extérieur de la planète, et cette réunion anticipée des cornes par un arc de cercle lumineux fut rendue plus complète encore par un petit rebord très brillant de lumière terminant l'auréole sur le disque de Vénus.

Pendant presque toute la durée du passage, la planète a paru d'un noir très foncé et un peu violette, tandis qu'une auréole d'un jaune très pâle l'entourait sur le disque du Soleil."

Le même fait de la visibilité de Vénus en dehors du Soleil s'est produit pour les astronomes installés à Windsor (Nouvelle-Galles du Sud). On trouve en effet dans les Astronomische Nachrichten du 4 mars 1875, n° 2027, un passage caractéristique dont voici la traduction : 
"Aucune partie de la planète n'a pu être découverte avant l'entrée, en dirigeant le télescope vers le point où elle devait se trouver dix minutes avant ce moment. L'observation fut très précise. étais lorsque la planète fut entrée de moitié sur le disque solaire, la moitié encore extérieure au Soleil se dessina par une courbe de lumière grise, de moins d'une seconde d'arc d'épaisseur. Ce halo s'accrut graduellement, tant en largeur qu'en éclat, jusqu'à ce que le bord extérieur de Vénus fût arrivé en contact avec celui du Soleil. Cependant la planète projetée sur le disque solaire ne parut entourée d'aucun halo ni d'aucune pénombre."
Cette illumination de l'atmosphère de Vénus a également été observée en sortie. A Pékin, Watson a observé ce même phénomène de l'anneau atmosphérique entourant la planète sur tout son contour extérieur au Soleil. De Sydney, Australie, Russel envoyait, de son côté, la relation suivante : 
"On a vu apparaître, aussitôt après l'entrée de Vénus, un mince anneau de lumière dessinant la circonférence de la planète, autour de la partie du disque qui n'était pas encore entrée sur le Soleil. Tous. les observateurs l'estimèrent d'environ une seconde de large. Plusieurs plaques photographiques montrent une mince ligne d'argent bordant la planète.
Dans cet anneau de lumière, on remarque un élargissement, une sorte de tache, qui se trouve vers la place du pôle de la planète. Un assistant qui regardait le passage, et qui n'avait pas remarqué l'anneau, avait remarqué cette tache lumineuse vers le pôle. Les meilleurs dessins de cet élargissement de l'anneau lumineux ont été faits à une station élevée de 2200 pieds au-dessus du niveau de la mer, à l'aide d'un équatorial de quatre pouces et demi et dans une atmosphère si claire, que le bord du Soleil était d'une netteté parfaite.

On constate sur ces photographies australiennes que la partie du disque de Vénus qui était visible hors du Soleil, devait cette visibilité à l'anneau de lumière dont elle était entourée, et non pas à un contraste qui aurait existé entre cette partie du disque et le ciel environnant. Cet anneau était certainement causé par la réfraction des rayons solaires à travers l'atmosphère de Vénus. La région plus brillante remarquée près du pôle de la planète est particulièrement intéressante, d'autant plus qu'elle a été observée par divers observateurs tout à fait indépendants les uns des autres. Elle suggère la conclusion que l'atmosphère de Vénus possède une puissance de réfraction plus grande dans ces froides région, polaires, produisant une plus grande extension du crépuscule visible pour nous alors sous la forme d'une ligne brillante."

Lors du passage de Vénus du 6 décembre 1882 tous les observateurs se sont accordés pour décrire l'apparition de cette auréole atmosphérique. On sait que ce passage était astronomiquement visible de la France, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Angleterre, de la Belgique, de l'Allemagne, de l'Algérie, et surtout de l'autre hémisphère (Amérique du Sud, États-Unis, etc.); nous disons «astronomiquement», car « météorologiquement » la visibilité dépend de l'état de notre atmosphère, et, en France, par exemple, le ciel a été presque partout couvert d'une épaisse couche de nuages. A Paris, il a été impossible de distinguer même la place du Soleil. 
Passage du 6 décembre 1882, dessiné à Nice, par Paul Garnier qui a observé le phénomène à l'aide d'une petite lunette de 95 mm d'ouverture. L'arc lumineux était attribué à l'atmosphère de Vénus.

A Orléans, et dans presque tout l'Orléanais, tout le monde a pu observer le phénomène, grâce à une éclaircie fort étendue. A Orgères, le docteur Lescarbault a suivi le passage depuis 2 heures 9 minutes jusqu'à 3 heures 12 minutes, à l'aide de sa lunette de 5 pouces (135 mm), armée d'un grossissant de 250 : 

"Le bord du Soleil était très ondulant, écrivait-il le soir même dans une lettre adressée à C. Flammarion. Lorsque Vénus fut avancée d'un peu moins de son diamètre, son bord projeté sur le Soleil parut faiblement frangé, sur le contour de l'arc engagé, d'une auréole large de quelques secondes. Quand les trois quarts du diamètre furent engagés sur le disque solaire, la frange lumineuse, d'un,jaune grisâtre, faisait le tour complet du cercle noir, même sur le contour extérieur au Soleil, où elle était encore plus lumineuse. Ce phénomène persista jusqu'à l'entrée complète. Je l'attribue comme vous à l'atmosphère de Vénus."


L'observation de Lescarbault.

A Rome, Tacchini et Millosevich, favorisés par une heureuse éclaircie, ont obtenu d'excellentes observations. Tacchini est parvenu à voir arriver la planète en dehors du Soleil, sur les pointes aiguës des flammes chromosphériques de l'astre radieux. Peu après le premier contact, Millosevich s'aperçut le premier de l'atmosphère de Vénus. A l'aide du spectroscope, les observateurs ont constaté l'absorption produite dans le spectre solaire par cette atmosphère.

A Palerme, Cacciatore a vu l'auréole de Vénus en dehors du disque solaire au moment de l'entrée, et, pendant le passage, Ricco a observé, au spectroscope, que cette atmosphère donnait naissance a une faible raie d'absorption située près de la raie B du spectre solaire, et même à une seconde raie plus faible, située près de la ligne C. En Angleterre, Denning, à Bristol, Dreyer, à Armagh, ont observé, en dehors du Soleil, la même auréole lumineuse.

Les diverses. missions françaises envoyées au loin pour les mesures de la parallaxe solaire ont décrit le même phénomène. Leurs descriptions étaient toutes indépendantes les unes des autres, et néanmoins d'une concordance remarquable. Après les avoir réunies et comparées; le doute ne semblait plus possible sur l'existence de cette atmosphère, n'y eut-il que ces seules observations pour la démontrer.

Les estimations sur l'épaisseur n'en étaient pas pour autant concordantes. Cette épaisseur n'était pas la même partout, et, de plus, elle a semblé varier pendant la durée de l'entrée du disque de Vénus sur le Soleil. Tisserand l'a estimée entre 0"5 et 1"0 (soit, pour ce dernier chiffre, à près de 200 km d'épaisseur); Bouquet de la Grye à 0"6, et d'Abbadie à 2" à sa plus grande épaisseur. Les observations s'accordent cependant sur le fait que l'auréole a été beaucoup plus marquée pendant l'entrée, que pendant la sortie. On s'est alors posé la question de savoir si l'atmosphère de Vénus était plus pures sur son bord oriental que sur son bord occidental, ou peut-être les observateurs n'ont-ils pas observé plus minutieusement, à l'entrée qu'à la sortie...

Langley, directeur de l'Observatoire d'Allegheny (Pennsylvanie), a fait les curieuses observations suivantes : 

"Lorsque la planète fut entrée de presque la moitié de son diamètre sur le disque solaire, on put apercevoir un contour extérieur tracé par une légère auréole lumineuse. De plus, on remarqua une traînée de lumière s'allongeant sur une longueur de près dé 30° de la circonférence de la planète et s'étendant dans l'intérieur de son disque depuis sa périphérie jusque vers un quart de rayon. Cette lumière a été vue par moi à travers le grand équatorial. Muni d'un oculaire polarisant, dont le pouvoir grossissant était de 244, j'ai estimé son angle de position à 178°. Dans le même temps, mon assistant, M. Keeler, observant avec une lunette de 2 1/4 pouces seulement d'ouverture et un grossissement de 70 fois, aperçut la même lumière et estima sa position à 168°. L'angle de position de la planète elle-même sur le disque solaire était approximativement de 147°; ii en résulte que cette lumière énigmatique se trouvait au bout d'une ligne menée du centre du Soleil au centre de Vénus."
A l'Observatoire de Milan, le deuxième contact de l'entrée a pu être observé, à travers une éclaircie, par Schiaparelli, Celoria et Rajna, qui estimèrent l'instant de ce contact, à 2 heures 57 minutes 24 secondes; 2 heures 57 minutes 93 secondes, et 2 heures 57 minutes 21 secondes 5 respectivement. Les deux premiers observateurs aperçurent tout autour du disque de Vénus, à partir du moment où elle fut à moitié entrée sur le Soleil, une auréole lumineuse, parfaitement nette contre la planète, mais nébuleuse sur son contour extérieur. Schiaparelli attribue aussi cette lueur à la réfraction de la lumière solaire dans l'atmosphère de Vénus.

Birmingham a observé le passage à Millbrook, Tuam (Angleterre). Lorsque la planète fut entrée de moitié sur le disque solaire, il aperçut une faible ligne courbe, lumineuse sur le bord sud-est extérieur au Soleil. Cette ligne ne tarda pas à s'allonger et a compléter la périphérie de la planète. Il semble qu'au commencement de l'observation, le point du contour de la planète où la lumière était la plus vive indiquait une atmosphère très pure et une très grande réfraction en cette contrée de la planète. L'auréole disparut aussitôt que la planète fut complètement entrée sur le Soleil; mais le tour de la planète paraissait beaucoup plus sombre que la partie centrale, laquelle était absolument noire.

H.-K. Vogel, à l'Observatoire de Potsdam, a fait des observations qui offrent un intérêt particulier au point de vue de l'atmosphère de la planète. Vogel observait avec un réfracteur de presque 30 centimètres d'ouverture et un grossissement de 170 fois. A 3h 10 mn 8s, la partie du disque non encore entrée sur le Soleil (environ 90° de la périphérie de Vénus) parut bordée d'un mince filet lumineux; le disque même de le planète était parfaitement noir. A 3h 11 mn 6s, cette luminosité fut notée comme étant « très intense ». Cette lueur était plus accentuée à l'intérieur et pouvait avoir, de 1" à 1" 5 de largeur; elle se dégradait vers l'extérieur tout en étant également distribuée autour de la circonférence de Vénus.

En voici un dernier document : c'est l'observation faite en Amérique, par le professeur C. S. Lyman de Vénus sous la forme d'un anneau lumineux.

Déjà au moment de la conjonction inférieure de Vénus en 1866, l'auteur était parvenu à voir la planète sous la forme d'un anneau lumineux très mince il avait suivi attentivement et de jour en jour son croissant à mesure qu'elle s'était approchée du Soleil, et avait constaté que les deux extrémités de ce croissant s'étaient allongées et étendues graduellement au delà d'un demi-cercle, puis avaient atteint trois quarts de cercle, et avaient fini par se rencontrer et former un anneau lumineux.

Aucune occasion ne s'était présentée pour répéter ces observations, jusqu'au passage de Vénus du 8 décembre 1874. A cette époque, la planète étant de nouveau à une très grande proximité du Soleil, l'auteur a réussi a découvrir l'anneau argenté délicat qui enveloppait son disque, même lorsque la planète n'était éloignée du bord du Soleil que d'un demi-diamètre de celui-ci. C'était à 4 heures du soir, ou un peu moins de cinq heures avant le commencement du passage. La partie de l'anneau la plus proche du Soleil était la plus brillante. Sur le côté opposé, le, filet de lumière était plus terne et d'une teinte légèrement jaunâtre. Sur le bord, au nord de la planète, à 60 ou 80 degrés du point opposé au Soleil, l'anneau dans un petit espace était plus faible et en apparence plus étroit qu'ailleurs. Une apparition semblable, mais plus marquée, avait été observée sur le même limbe en 1866.


Vénus vue sous la forme d'un anneau lumineux
(les 8, 10, 11 et 12 décembre 1866), selon Lyman.

Le surlendemain du passage (10 décembre), le croissant de Vénus s'étendait à plus des trois quarts d'un cercle; on le voyait avec une netteté parfaite dans l'équatorial. Ce jour-là et les deux suivants, des mesures ont été prises au micromètre pour déterminer l'étendue des cornes, et la réfraction horizontale de l'atmosphère qui la produit. Ces observations donnent une moyenne de 44',5 pour la réfraction horizontale de l'atmosphère de Vénus. 

Les premières recherches de ce genre avait été faites par Schroeter. Le 12 août 1790, il avait les cornes prolongées au delà de leur limite géométrique, en un léger rayon de lumière, manifestant ainsi l'existence d'une illumination atmosphérique et prouvant l'existence de crépuscules analogues aux nôtres, probablement plus longs et indiquant une atmosphère plus dense. En 1849, Maedler avait trouvé ces pointes du croissant allongées jusqu'à 200° et même jusqu'à 240°, ce qui indiquait une réfraction environ 1/6 plus forte que celle de notre atmosphère : il avait conclu 43',7 pour cette réfraction à l'horizon. En 1857; Secchi avait évalué l'épaisseur du crépuscule à 19° 1/2.
En appliquant aux mesures de Lyman la correction du supplément de l'angle, on trouvait que la réfraction horizontale de l'atmosphère de Vénus devait être élevée au chiffre de 54'. Celle de l'atmosphère terrestre étant de 33', il en résultait qu'en désignant par 1000 la densité de notre atmosphère, celle de l'atmosphère de Vénus, à la surface de cette planète, devait être représentée par le nombre 1890.

En Angleterre, Noble a fait la même observation que Lyman : il a vu en 1874 le disque entier de Vénus entouré d'un anneau lumineux. Et, peu de temps après lui, à l'observatoire du mont Hamilton, Barnard a pu voir l'anneau presque complet.

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