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Lope de Vega

Lope Felix de Vega Carpio est un poète né à Madrid le 25 novembre 1562, de parents nobles, originaires de la vallée de Carriedo, mort à Madrid le 27 août 1635. Lope de Vega fit ses études à Madrid et à Alcalà. Poète et auteur dramatique d'une précocité extraordinaire, il dictait des vers à cinq ans, avant de savoir écrire, et il composa sa première comédie, El verdadero amante, entre douze et treize ans. Il eut pour premier protecteur, dans cette période de son existence, l'évêque d'Avila, D. Jeronimo Manrique. Ses études terminées, après une escapade d'écolier à Ségovie, il revint à Madrid vers 1578 et s'y éprit d'une vive passion pour une dame dont le nom est resté inconnu. Il a raconté lui-même, en le poétisant, cet épisode amoureux, dans son poème dramatique de Dorotea. En 1582 eut lieu une première rupture entre les amants. Lope s'en fut à Séville et à Cadix, et servit sous les ordres du marquis de Santa Cruz dans l'expédition aux îles Tercères (Açores). De retour à Madrid en 1584, il y renoua ses relations avec Dorotea, mais une seconde rupture ne tarda pas à se produire, et Lope se maria cette année même avec doña Isabel de Ampuero Urbina y Cortijas, fille d'un regidor de la capitale. Vers cette époque parurent dans divers recueils de romances les premières poésies qu'il ait publiées.

A cette même date également, il devint premier secrétaire du duc d'Albe, don Antonio Alvarez de Toledo y Beaumont. En 1585, à la suite d'une satire et d'un duel, il fut emprisonné, puis forcé de s'exiler à Valence où il trouva accueil dans un cénacle d'hommes de lettres distingués, parmi lesquels Guillén de Castro. En 1588, il s'engagea pour l'expédition projetée en Angleterre, et ce fut à bord dû galion le San Juan qu'il écrivit son poème dans le genre de l'Arioste, La hermosura de Angelica, imprimé seulement en 1602.. Après le désastre de l'Invincible Armada, Lope revint à Cadix, puis à Tolède, où il reprit ses fonctions auprès du duc d'Albe. On l'avait laissé reparaître à la cour, lorsqu'une nouvelle satire lui valut un second exil à Alba de Tormes, exil pendant lequel il perdit sa femme (vers 1592) et sa fille Teodora, l'unique enfant qui subsistât de leur union. C'est dans la période 1592-1596 que Lope de Vega paraît avoir écrit son Arcadia, roman pastoral en prose et vers, on sont racontées les amours du jeune duc d'Albe, dissimulé sous le nom du berger Anfriso. L'Arcadia fut publiée en 1598, la même année qu'un poème épique sur le fameux Francis Drake, intitulé La Dragontea. Deux ans avant, il avait été poursuivi en justice pour liaison coupable avec une dame, probablement doña Antonia ou Marcela Trillo de Armenta. Ce fut peut-être à cette occasion qu'il quitta le service du duc d'Albe. Il devint alors secrétaire du marquis de Malpica, puis (1598) d'un jeune seigneur protecteur des lettres, le marquis de Sarria, qu'il accompagna à Valence en 1599, lors de la célébration des mariages de Philippe III et de Marguerite d'Autriche, et de l'infante Isabelle Claire-Eugénie avec l'archiduc Albert. Lope composa pour cette circonstance un auto, intitulé Las bodas del alma con et arnor divino, et des poésies commémoratives Las fiestas de Denia. Cette même année il publia son poème de San Isidro.

Malgré une ordonnance qui, de 1597 à 1600, avait prohibé les comédies, la période de 1588 à 1600 fut pour Lope de Vega celle de ses plus brillants succès au théâtre. En 1600, il quitta le marquis de Sarria et se rendit à Séville auprès de son oncle, l'inquisiteur don Miguel del Carpio. C'est une époque agitée de sa vie. Il réside tantôt à Madrid, tantôt à Tolède, tantôt à Séville. En même temps, il a une liaison amoureuse avec une dame qu'il a appelée Lucinda, et qui fut, ou doña Antonia Trillo qu'il avait déjà aimée, ou plutôt doña Maria de Lujan, et de ces relations naissent deux filles, Mariana et Angela (vers 1601-3). A la fin de 1603, il publia un roman d'aventures, en prose et vers, El peregrino en su patria, où sont intercalés quatre autos et les titres des 233 pièces de théâtre déjà composées par l'auteur. A cette époque, il se brouille avec Cervantes; avec lequel il devait se réconcilier plus tard, puis se brouiller de nouveau. En 1604 on le retrouve, à Grenade, en voyage avec sa Lucinda; mais cette année même, il rompt avec elle et se marie avec doña Juana de Guarda y Collantes et se fixe à Tolède où il devait résider jusqu'en 1610. De ce mariage naquit en 1605 un fils, Carlos Félix, mort à sept ans; mais à peine, remarié, Lope avait noué ou renoué une liaison avec Maria de Lujan, qui en 1605 lui donna une fille, Marcela (entrée en religion en 1621, morte en 1688), et en 1606 un fils, Lope Felix, mort adolescent en 1634. En 1604 parut la première partie des Comedias del famoso poeta Lope de Vega Carpio, l'édition princeps, dont on ne connaît pas d'exemplaire, fut imprimée à Valence, et réimprimée l'année même à Madrid, Valladolid et Saragosse. En 1605 paraissait un recueil poétique; Rimas, où Lope avait inséré son Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo, où il dit avoir écrit déjà 483 pièces de théâtre. C'est à cette même date, à l'occasion d'un voyage à Madrid, qu'il entra en relations avec le duc de Sessa, don Luis Fernandez de Cordoba, Cardona y Aragon, relations bientôt converties en une étroite affection entre le poète et son protecteur et qui se poursuivirent jusqu'à la mort de Lope.
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Les pasteurs de Bethléem

[La Vierge Marie s'adresse à l'enfant Jésus couché dans la crèche].

« De Bethléem enfant divin, 
Dans la paille de votre crèche
La rose encore est douce et fraîche,
Et le fiel sera pour demain.

Dormez, doux trésor de ma vie,
Ne pleurez pas; car à l'instant 
Le loup viendra s'il vous entend. 
Dormez, Cher Agneau, je vous prie.

Que votre petit corps repose
Sur ce lit humide et malsain;
Pour vous tout n'est encor que rose,
Et le fiel sera pour demain.

Oui, cette paille est blanche et fine, 
Et douce encore à votre front; 
Hélas! ils vous la changeront
Demain en couronne d'épine.

Le moment présent est à nous;
Ce qui demain peut vous attendre, 
Moi, je ne veux pas vous l'apprendre... 
Peut-être, hélas! le savez-vous. »

(Lope de Véga, Poésies diverses).

En 1609 paraît la seconde partie des Comedias et un poème épique en vingt chants : Jerusalen conquistada. Vers cette époque le sentiment religieux semble se développer chez Lope : en 1608, il est déjà familier du Saint-Office de l'Inquisition; en 1640, il entre dans la Confrérie des Esclaves du Très Saint Sacrement; en 1611, il écrit ses premiers Soliloquios amorosos de un alma a Dios, et un petit livre de prose et de vers sacrés, les Pastores de Belén, qui ne parurent qu'un an plus tard, expurgés par le Saint-Office; à la même époque, il écrit la Veneracion de las reliquias, et en 1613 des Contemplativos discursos. Il était à un moment pénible de sa vie : en 1612 il avait perdu son fils Carlos; au commencement de 1613 mouraient sa femme, doña Juana, et une fille nouvellement née, Feliciana, et malgré ces deuils, il lui fallait suivre la cour lors du voyage entrepris par Philippe III, en septembre, à l'Escurial, à Ségovie, Burgos et Lerma, chez le duc, son ministre favori. En 1614, Lope résolut de se faire prêtre; en mars il reçut les ordres mineurs à Madrid, puis alla recevoir les ordres majeurs à Tolède, et revint à Madrid. L'année suivante le duc de Sessa l'emmenait comme chapelain dans son voyage à la frontière de France pour y remettre Anne d'Autriche et recevoir Isabelle de Bourbon, destinée à l'infant don Philippe. Cependant Lope n'avait pas renoncé au théâtre. L'année même de son ordination, où il publiait des Rimas sacras, un de ses amis éditait la quatrième partie des Comedias et, en 1615, presque en même temps que deux Coloquios en l'honneur de la Vierge, le poète imprimait la sixième partie de ses oeuvres dramatiques. Il est à remarquer qu'il n'a pas paru, du moins dans une édition approuvée par l'auteur, de troisième et de cinquième partie des Comedias.

En 1616, vers le 24-26 juin, Lope de Vega quitte subitement Madrid pour se rendre à Valence. Le prétexte apparent était d'y voir un de ses fils naturels, Fernando Pellicer, devenu franciscain sous le nom de Fray Vicente. Il semble bien qu'en réalité Lope allait rejoindre une actrice, qu'il appelait la Loca, peut-être Jeronima de Burgos, et qui revenait de Naples avec la troupe de comédiens du comte de Lemos. Ce fut sans doute un caprice passager, car à la fin de cette même année le poète, de retour à Madrid, contractait une liaison adultère, de notoriété publique, avec doña Marta de Nevares Santoyo, femme d'un petit propriétaire campagnard, Roque Fernandez de Ayala. Lope eut de doña Marta une fille, Antonia Clara, qui naquit le 12 août 1617. Doña Marta devint veuve en 1618-19; un peu plus tard, elle perdit subitement la vue et après avoir été folle quelque temps, elle mourut entre 1630 et 1633. Lope a raconté lui-même, avec quelques déguisements poétiques, l'histoire de ses amours avec Marta, qu'il a chantée sous le nom d'Amarilis, dans une églogue imprimée en 1633. Poète et littérateur jusque dans ses effusions amoureuses, lui-même autorisait sa fille Marcela à recueillir ses lettres à doña Marta et à les remettre au duc de Sessa qui récoltait avec un soin pieux tout ce qu'écrivait son ami et son protégé. Malgré cette conduite peu sacerdotale, Lope, grâce au duc, avait été nommé, en 1616, procureur fiscal de la chambre apostolique de l'archevêché de Tolède, et, tout en imprimant de 1617 à 1623 les parties sept à dix-neuf de ses comédies, il écrivait en 1617 le Triunfo de la Fé en los Reynos del Japon (paru en 1618) et Fuenteovejuna (publiée en 1619). Juge des concours poétiques institués à Madrid en 1620 et 1622, en l'honneur de la béatification et de la canonisation de saint Isidore, il publiait le recueil des pièces couronnées à la Justa poética, la relation des fêtes et deux comédies de circonstance que lui-même avait composées : La niñez de san Isidro et La juventud de san Isidro. Entre temps, en 1621, il avait donné au public un poème en octaves en quatre chants, Filomena, accompagné de divers autres Rimas, prosas y versos. Puis, en 1623, c'était la Circe, con ocras rimas y prosas, en 1624, et Orfeo, publié sous le pseudonyme de Juan Perez de Montalban.

En 1625 fut éditée la vingtième partie des comédies, la dernière parue du vivant de Lope. Cette même année, il entrait dans la congrégation des prêtres originaires de Madrid, destinée à secourir et à enterrer les ecclésiastiques pauvres, et dont il devint premier chapelain en 1628. Il composait dans la même période des recueils de poésies pieuses, les Triunfos divinos et le Romancero espiritual, et il donnait une nouvelle édition augmentée des Soliloquios amorosos de un alma a Dios (1626), qu'il disait traduits d'originaux latins d'un Père Gabriel Padecopeo dont le nom est l'anagramme de Lope de Bega Carpio. En 1627, c'est un poème historique : Corona tràgica, vida y muerte de la Serenissima Reyna de Escocia, Maria Estuardo, puis en 1630 son célèbre Laurel de Apolo où il a fait le dénombrement et l'éloge des poètes espagnols et portugais. En 1632, il fit imprimer sa Dorotea, histoire de ses premières amours, que suivit l'année d'après le récit de sa dernière passion : Amarilis. Ce furent avec une élégie et des Rimas, attribuées par lui à un personnage fictif, le licencié Tomas de Burguillos, ses dernières publications.

Toujours infatigable producteur dans le genre dramatique, il avait écrit, en 1631, sa quinze centième pièce, La moza de cantaro. Comme on avait donné au public, de 1630 à 1633, des éditions non autorisées des 22e, 24e et 25e parties de ses Comedias, il s'était mis à préparer une édition des 21e et 22e parties lorsque la mort l'arrêta, le 27 août 1635, après quatre jours de maladie. Son gendre, Luis de Usàtegui, acheva la publication des 21e et 22e parties, et imprima la 23e en 1638. Les parties 24 et 25 ne furent éditées qu'en 1644 et 1647. Il faut mentionner encore un recueil lyrico-dramatique posthume, La vega del Parnaso, et un livre écrit en son honneur par les poètes espagnols à la demande de Juan Perez de Montalvàn : Fama postuma a la vida y muerte det Doctor Frey Lope Félix de Vega Carpio y elogios panegiricos a la inmortalidad de su nombre... (1636). Cervantes qualifiait Lope de Vega de monstruo de naturaleza, monstre de la nature. Le fait est que personne ne l'a égalé en fécondité et en imagination créatrice. Nous avons signalé au passage ses principaux poèmes. Plus célèbre encore comme auteur dramatique, il avait composé plus de 1 800 pièces, dont une centaine furent écrites en vingt-quatre heures, et 400 autos, loas et entremeses. De cette oeuvre si nombreuse, il subsiste environ 800 drames ou comédies, dont 500 ont été publiés et une quarantaine d'autos.

C'est Lope de Vega qui a créé le type achevé de la comédie de cape et d'épée et établi la coutume de la division en trois actes ou,jornadas. Parmi ses comédies, drames et pièces religieuses, on peut citer : La hermosa fea; Dineros son calidad; Las bizarrias de Belisa; La esclava de su galan; El perro del hortelano; El acero de Madrid; La noche de San Juan; La niña boba; El premio de bien hablar; La dama melindrosa; El anzuelo de Feniza; El ruyseñor de Sevilla; Por la puente Juana; El mejor alcalde el Rey; El castigo sin venganza; La estrella de Sevilla; El principe perfecto; Los caballeros comendadores de Cordoba; Roma abrasada; El Nuevo Mundo de Cristobal Colon; El ultimo Godo; Las mocedades de Bernardo; El casamiento en la muerte; Et bastardo Mudarra; El sabio en su casa; La doncella Teodora; Los cautivos en Argel; El nacirniento de Christo; La creacion del mundo; San Isidro de Madrid. (H. Leonardon).



En bibliothèque - Une centaine de pièces de Lope de Vega ont été publiées par Hartzenbusch dans la Biblioteca Rivadeneyra, et depuis 1890 l'Académie espagnole a entrepris une grande édition de ses oeuvres sous la direction de Menendez y Pelayo.

C.-A. de La Barrera, Nueva biografia, formant le t. I de l'édition des Obras de Lope de Vega, publ. par l'Académie espagnole; Madrid, 1890, petit in-fol. - Cf. Morel-Fatio et Rouanet, le Théâtre espagnol, dans Biblioth. des bibliographies critiques; Paris, 1900, in-8.

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Dictionnaire biographique
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