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Thiers

Louis Adolphe Thiers est un homme politique et historien français, né à Marseille en 1797, mort en 1877; était d'une famille de commerçants ruinés par la Révolution, et parent des Chénier; fut reçu avocat à Aix en 1820, mais quitta bientôt le barreau pour l'étude de la philosophie et de l'histoire; fut couronné par l'Académie d'Aix pour un Éloge de Vauvenargues (1821); vint à Paris, et entra, par la recommandation de son compatriote Manuel, à la rédaction du Constitutionnel, s'y fit bientôt un nom comme polémiste et comme critique d'art, et réunit en volumes ses articles sur le Salon de 1822 et sur les Pyrénées et le midi de la France (1823). En même temps il se faisait remarquer par la vivacité de son esprit, par l'éclat et la solidité de sa conversation, dans les salons de l'opposition, et était reçu familièrement chez Laffitte et Talleyrand
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Thiers.
Adolphe Thiers, par Léon Bonnat, 1877.

Son Histoire de le Révolution française (10 volumes, 1823-1827) eut un immense succès, surtout après 1830, parce qu'elle présentait, en face de la Restauration, une réhabilitation partielle des actes et une apologie assez résolue des principes de la Révolution. Il allait s'embarquer, en 1829, pour un voyage autour du monde, quand fut constitué le ministère Polignac (août 1829); il resta pour défendre les opinions libérales contre les tendances absolutistes du nouveau ministère, fonda le National pour soutenir cette maxime constitutionnelle que "le roi règne et ne gouverne pas", posa nettement en face de la monarchie de droit divin la candidature éventuelle du duc d'Orléans au trône; fut poursuivi et condamné pour un de ses articles; rédigea, le 26 juillet 1830, la protestation des journalistes contre les Ordonnances, organisa la résistance légale, et, après les journées des 27, 28 et 29, décida le duc d'Orléans à accepter le titre de lieutenant général du royaume (1er août), puis celui de "roi des Français" (9 août).

Il devint alors conseiller d'État, sous-secrétaire d'État au ministère des finances sous le baron Louis et sous Laffite, et député d'Aix. Ministre de l'intérieur, après la mort de Casimir Périer, dans le cabinet du 11 octobre 1832, il mit un terme aux menées légitimistes par l'arrestation de la duchesse de Berry; fut un instant ministre du commerce et des travaux publics, et donna une grande activité à ces derniers travaux par le vote d'un crédit de cent millions; rentra au ministère de l'intérieur pour lutter contre l'agitation révolutionnaire, fit écraser les insurrections de Lyon et de Paris en avril 1834; et, après l'attentat de Fieschi (28 juillet 1835), fit voter des lois restrictives sur la presse et le jury, connues sous le nom de Lois de septembre. En 1836, comme ministre des affaires étrangères, il était partisan d'une intervention en Espagne; mais, n'ayant pu vaincre la résistance du roi, il céda la présidence du Conseil à Molé, qu'il renversa bientôt par la coalition des diverses oppositions (1838). C'est à ce moment que commence entre Thiers et Guizot une rivalité d'ambition et de talent, dans laquelle le premier personnifie le centre gauche de la Chambre, et le second le centre droit. 

De nouveau président du Conseil et ministre des affaires étrangères, dans le cabinet du 11, mars 1840, Thiers prit parti pour Méhémet-Ali contre la Turquie, et vit la France exclue du concert européen par le traité du 15 ,juillet, fit des préparatifs de guerre, fit construire les fortifications de Paris, mais, ne se sentant pas appuyé par le roi, se retira, céda la place à  Guizot, et passa dans l'opposition, ou il resta Jusqu'à la chute de la dynastie de Juillet. Devenu membre de l'Académie française en 1833, et de l'Académie des sciences morales et politiques il consacra à l'histoire le temps que lui laissait la politique, et entreprit l'Histoire du Consulat et de l'Empire, ouvrage monumental, dont les 20 volumes lui coûtèrent vingt ans de travail (1842-1862). 
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Jugement sur Napoléon Ier

« Pour nous Français, Napoléon a des titres que nous ne devons ni méconnaître ni oublier, à quelque parti que notre naissance, nos convictions ou nos intérêts nous aient attachés. Sans doute, en organisant notre état social par le Code civil, notre administration par ses règlements, il ne nous donna pas la forme politique sous laquelle notre société devait se reposer définitivement et vivre paisible, prospère et libre; il ne nous donna pas la liberté; mais, au lendemain des agitations de la Révolution française, il ne pouvait nous procurer que l'ordre, et il faut lui savoir gré de nous avoir donné avec l'ordre notre état civil et notre organisation administrative. Malheureusement pour nous et pour lui, il a perdu notre grandeur; mais il nous a laissé la gloire, qui est la grandeur morale et qui ramène avec le temps la grandeur matérielle. Il était par son génie fait pour la France comme la France était faite pour lui. Ni lui sans l'armée française, ni l'armée française sans lui, n'auraient accompli ce qu'ils ont accompli ensemble. Auteur de nos revers, mais compagnon de nos exploits, nous devons le juger sévèrement, mais en lui conservant les sentiments qu'une armée doit au général qui l'a conduite longtemps à la victoire. Étudions ses hauts faits, qui sont les-nôtres; apprenons à son école, si nous sommes militaires, l'art de conduire les soldats, si nous sommes hommes d'État l'art d'administrer les empires; instruisons-nous surtout par ses fautes; apprenons, en évitant ses exemples, à aimer l'a grandeur modérée, celle qui est possible, celle qui est durable, parce qu'elle n'est pas insupportable à autrui; apprenons en un mot la modération auprès de cet homme, le plus immodéré des hommes; et; comme citoyens enfin, tirons de sa vie une mémorable leçon.- c'est que, si grand, si sensé, si vaste que soit le génie d'un homme, jamais il ne faut lui livrer complètement les destinées d'un pays. »

(A. Thiers).

Chef de la gauche dynastique, et peu partisan des agitations de la rue, Thiers ne prit pas part à la campagne des banquets réformistes de 1847; et même quand le ministère interdit le banquet du XIIe arrondissement de Paris, il fut d'avis d'y renoncer; mais il conseilla à l'opposition de donner sa démission collective. Lorsque éclata la révolution de Février, il fut, avec Odilon Barrot, chargé par Louis-Philippe de former un ministère, qui fut impuissant à maîtriser les événements. Après la proclamation de la République, il devint suspect de regrets dynastiques, et, aux élections générales, il ne put se faire renommer député par les Bouches-du-Rhône; mais au 4 juin, il fut élu par quatre départements, vint siéger à droite, et se posa comme un des chefs les plus résolus du parti de l'ordre : c'est à cette époque que se place la publication de son livre du Droit de propriété.

II vota, au 10 décembre, pour la présidence du prince Louis- Napoléon, dont il soutint quelque temps la politique, notamment pour l'expédition de Rome (1849), pour la loi sur l'instruction publique (15 mars 1850); mais bientôt ilse mêla activement aux conflits entre la Chambre et l'Élysée, dénonça les projets de restauration impériale, et, au coup d'Etat du 2 décembre 1851, fut arrêté, enfermé à Mazas, puis conduit à la frontière. Autorisé à rentrer en France, après la proclamation de l'Empire, il vécut pendant onze ans dans la retraite, s'occupant de lettres et de beaux-arts; donnant de nouvelles éditions de quelques-unes de ses anciennes études (Law et son système de finances, le Congrès de Vienne, etc.), et achevant son Histoire du Consulat et de l'Empire

Quand ce liv re fut terminé, il se laissa porter comme candidat de l'opposition à Paris, et, rentré dans la carrière parlementaire, engagea contre le second Empire une lutte d'autant plus redoutable qu'elle n'avait rien de violent dans la forme. En juillet 1870, il combattit le projet de guerre contre la Prusse; au 4 septembre, il se tint à l'écart du mouvement révolutionnaire d'où sortit la République, mais prêta au gouvernement de la Défense nationale l'appui de son influence personnelle auprès des grandes puissances européennes, dont il alla vainement solliciter l'intervention en faveur de la paix (La Guerre de 1870). 

Aux élections du 8 février 1871, il fut élu député par vingt-six départements et opta pour Paris nommé chef du pouvoir exécutif par l'Assemblée nationale, il négocia avec le prince de Bismarck les conditions de la paix, qui dut être achetée par cinq milliards et par la cession de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine, mais le territoire de Belfort était maintenu à la France (26 février), il soutint contre l'insurrection du 18 mars et contre le gouvernement révolutionnaire de la Commune une lutte de plus de deux mois, prit alors envers les représentants de quelques grandes villes de province l'engagement de maintenir la République, s'opposa dès lors énergiquement à toutes les tentatives des partisans de la monarchie, fut proclamé président de la République, donna tous ses soins à la libération du territoire, et s'imposa la mission d'acclimater en France « la République conservatrice »; mais; ne se voyant pas suivi dans cette voie par la majorité de l'Assemblée, il se retira devant un vote de défiance (24 mai 1873), fut remplacé par le maréchal de Mac-Mahon, et prit place comme simple député au centre gauche. Ses obsèques (en septembre 1877), faites avec un grand éclat à Paris, furent l'occasion d'une manifestation contre le ministère du 16 mai, dont de Broglie et de Fourtou étaient les chefs. (A19).

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Dictionnaire biographique
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