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Tabarin

Jean Salomon, dit Tabarin, est un charlatan né sans doute à Paris vers 1584, mort le 16 août 1633 sans doute à Paris également. On manque de renseignements et surtout de renseignements positifs en ce qui concerne sa biographie. On a souvent prétendu qu'il était Milanais ou Lorrain; on a supposé aussi qu'il pouvait être natif de Rouen. Le nom qu'il prit vient presque certainement de l'italien tabarrino = mantelet. On a dit, mais sans le prouver, que « Tabarin », nom que l'on trouve porté avant lui, servait à désigner un des personnages de la comédie italienne. Ce qui est sûr seulement, c'est qu'il apparaît brusquement aux côtés de son associé Mondor, sur les tréteaux de la place Dauphine (non pas sur le Pont-Neuf), qu'il arrive tout de suite à la renommée et que seul, de tant de bateleurs de son temps, il est resté véritablement fameux.

Grâce à lui tout au moins, son surnom est devenu un nom commun. Son habillement se composait d'une blouse et d'un pantalon de toile blanche avec un manteau de même étoffe et un chapeau de feutre gris, auquel il faisait prendre toute sorte de formes; il portait une barbe en trident de Neptune et s'armait d'une épée de bois. Ainsi accoutré, monté sur une simple estrade, il obtint un succès étonnant; on s'étouffait à ses représentations auxquelles venaient assister tous ceux qui le pouvaient. Une représentation avait lieu chaque soir, et il se contentait le plus souvent de dialoguer avec son associé et maître, l'opérateur, c.-à-d. le vendeur des « drogues », qu'il s'agissait avant tout de placer. Mais les vendredis, il donnait une représentation extraordinaire où figuraient quelques autres personnages, dont un Maure et notamment une femme, Francisquine ou Isabelle. 

Doué d'un fort embonpoint, aimant à boire, il était sans cesse appelé par Mondor « gros porc; gros âne, gros lourdaud, grosse masse de chair ». Il jouait le rôle d'un personnage assez niais et bouffon, mais ses plaisanteries fréquemment très grossières étaient fines parfois. Il improvisait ses calembredaines et il lui arrivait d'en trouver d'étourdissantes. Aussi dès 1619 lui attribuait-on toute espèce de pamphlets. On a même pu penser qu'il n'a pas été sans quelque influence sur Molière et sur La Fontaine. Non seulement La Fontaine, mais Boileau, TTallemant des Réaux, Voltaire ont cité son nom. 
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Tabarin et Mondor.
Tabarin et Mondor sur scène.

Son Adieu au peuple de Paris date de 1623, année où il demeurait dans l'île de la Cité; il ne quitta cependant la place Dauphine que vers 1628, pour se retirer vraisemblablement à Chantecoq (cent. de Courtenay, arr. de Montargis), dans sa seigneurie de Coudray et de Fréty que lui apporte à cette époque un second mariage avec Vittoria Bianca, veuve d'un frère de Mondor. Sa première femme avait du être sa camarade Francisquine, dont ce n'était apparemment pas là le nom réel. Suivant une légende, des nobles, ses voisins, jaloux de lui, l'auraient tué au cours d'une dispute amenée par eux pour une question de chasse; on a raconté aussi qu'il aurait succombé victime d'une gageure de cabaret. On ne sait rien en réalité des circonstances de sa mort. Sa fille, Léonor ou Aliénor, épousa Gaultier-Garguille

On possède ses oeuvres, qu'il n'a pas publiées lui-même et qu'ont fait imprimer des anonymes. Le Recueil général des rencontres et questions tabariniques avec leurs réponses commença à paraître en 1622 (108 feuillets), au prix de 6 sous; l'Inventaire universel des oeuvres de Tabarin (124 feuillets) est une publication différente, à peine postérieure. Mais antérieurement, il y avait en des publications partielles de pièces facétieuses, imprimées séparément sous le nom ou à l'occasion de Tabarin et non comprises, du reste, dans les deux premières éditions collectives, comme n'étant sans doute pas, du moins pour la plupart, de l'invention de Tabarin, alors même qu'elles étaient de son répertoire : la principale de ces pièces a pour titre les Amours de Tabarin et d'Isabelle

Des éditions suivantes, publiées jusqu'en, 1625, servent à compléter celles de 1622. Il a paru en 1858 deux éditions des Oeuvres complètes de Tabarin, comprenant avec ses questions ou facéties dialoguées, des bouffonneries dites rencontres, inventions, fantaisies, farces : la première, publiée par G. Aventin [A. Veinant], en 2 vol. in-18, plus complète; la seconde, par G. d'Harmonville [Émile Laurent, dit Colombey, et Paul Lacroix], en 4 vol. in-18 (Cf. polémique entre les deux éditeurs dans le Bulletin du Bibliophile, 1858, pp. 1262-1269, et 1859, pp. 194-203). On a une estampe d'Abraham Bosse, qui représente ce charlatan, son contemporain; Fernand Fau, vers 1910 le représente (façon Robin-des-Bois hollywoodien) sur un affiche pour cabaret de Pigalle. Tabarin est aussi le héros de deux oeuvres lyriques : Tabarin, opéra en deux actes de Paul Ferrier, musique de Pessard (1885); et la Fille de Tabarin, opéra-comique en trois actes, de Victorien Sardou et P. Ferrier, musique de Gabriel Pierné (1901). (Marius Barroux).

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