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Struensee

Johann-Friedrich, comte de Struensee est un ministre danois, né à Halle (Prusse) le 5 août 1737, décapité à Copenhague le 28 avril 1772. Il fut à vingt ans docteur en médecine et médecin de la ville d'Altona où il s'occupa surtout de journalisme et se fit beaucoup d'ennemis par son humeur combative et par l'indépendance de son esprit formé à l'école des encyclopédistes français (Les Lumières). Il y fit la connaissance du comte Rantzau-Ascheberg, partisan comme lui d'une réorganisation complète de la société, par qui il fut introduit dans la noblesse danoise où son charme personnel lui valut beaucoup de succès. Grâce à ces relations, il réussit à se faire attacher à la personne du roi Christian VII dont les excès de son mode de vie avaient altéré la santé et affaibli l'intelligence, pour l'accompagner dans un voyage à travers la France et l'Angleterre où il sut si bien s'emparer de l'esprit du roi, qu'au retour (janvier (1769), étant devenu indispensable, il fut nommé médecin particulier du roi et conseiller d'Etat.
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Struensee.
Johann Friedrich Struensee (1737-1772).

Son ambition avait trouvé le champ qui lui convenait. Il commença par gagner la reine Caroline-Mathilde, Celle-ci, voyant en lui un intrigant, ne lui avait d'abord témoigné que de l'aversion. Négligée du roi malgré sa beauté, haïe de la noblesse et tenue à l'écart des affaires, elle était très malheureuse. Le roi, par méchanceté, la força à prendre Struensee pour son médecin. Elle subit la fascination qu'il exerçait sur tous ceux qu'il approchait et se prit pour lui d'une ardente passion qu'elle ne cherchait même pas à dissimuler, et dont le roi, loin d'en prendre ombrage, se faisait un amusement. 

Lecteur du roi, secrétaire du cabinet de la reine, membre du Conseil, Struensee avait à la cour une grande influence, mais dont son ambition n'était pas satisfaite. Revenant à son rêve de jeunesse qui lui apparaissait maintenant réalisable, il conçut le dessein d'une refonte complète de l'Etat danois dans le sens du despotisme éclairé de Frédéric le Grand : avec l'aveuglement du spéculatif et l'obstination fatale du joueur, faisant abstraction de toute réalité, de la tradition et de sa force, des personnes, de leurs intérêts, de leur préjugés et de leurs passions, il se mit à adapter violemment l'organisation du pays à son idéal d'une monarchie absolue où régnerait une stricte justice, sous une autorité unique, la sienne, qu'il exercerait à la place et au nom du roi.

Il éloigne le ministre Bernstorff qui était populaire et le comte de Holk qu'il remplace auprès du roi par son ami Brandt; il fait rappeler Rantzau, son ancien ami d'Altona, qui, détesté de Catherine Il, suscite des difficultés avec la Russie; c'est à grand peine que Struensee réussit à maintenir la paix dont il a besoin pour exécuter son vaste programme de réformes. II charge son frère, ancien fonctionnaire prussien, de l'administration des finances, avec mission d'y faire régner une sage économie. Il substitue partout le gouvernement personnel à celui des assemblées qui détiennent une partie du pouvoir; il dissout jusqu'au conseil privé; il supprime les fonctions inutiles, annule ou réduit les pensions au mépris même des droits acquis; il simplifie la justice, la rend moins lente, moins coûteuse, plus humaine surtout et égale pour tous; supprime la torture, efface les derniers vestiges du servage, multiplie les institutions philanthropiques, proclame la liberté de la presse, fait preuve de tolérance en autorisant les frères moraves à s'établir au Danemark et songe à réduire l'armée de moitié. 

Ces réformes, dont quelques-unes étaient de véritables révolutions, et beaucoup d'autres conçues dans le même esprit, suscitèrent à Struensee et à la reine la haine de la noblesse, du clergé et de l'armée. Le peuple lui-même était mécontent; beaucoup de grandes familles avaient quitté Copenhague, causant au commerce local un préjudice considérable. Une presse vénale, abusant de la liberté, qui lui avait été donnée, trompa le pays sur les véritables intentions du favori, dénaturant ses actes, le présentant comme un tyran qui méditait, avec la complicité de la reine, de se débarrasser du roi et du prince héritier pour usurper le pouvoir. 

Ce furent surtout ses relations avec la reine qui le perdirent dans l'esprit du peuple. Quand le 7 juillet 1771 Caroline-Mathilde accoucha d'une fille, l'opinion publique se refusa à reconnaître dans cette enfant une princesse légitime. Cependant Struensee, bravant ses ennemis, se fit décerner, ainsi qu'à Brandt, le titre de comte avec un présent de 60.000 écus, et un ordre du 15 juillet lui conférait, avec le titre de ministre du cabinet, le droit, que jamais sujet danois n'avait eu, de publier des ordres de cabinet qui, sans même porter la signature du roi, auraient force de loi. Struensee voyait réalisé son rêve ambitieux et, sûr qu'il était de la reine, plus éprise que jamais, et qu'il croyait, être du roi qui ne comptait plus, il s'endormit dans une profonde sécurité d'où il ne tarda pas à être cruellement tité.

Des le mois d'août, des placards hostiles et le ton de plus en plus agressif des journaux où il est traité de tyran et d'ennemi de la langue nationale - il ne se donnait même plus la peine de faire traduire ses ordres de cabinet en langue danoise et les publiait en allemand - l'obligent à restreindre la liberté de la presse. Des menaces de mort anonymes le décident à faire garder le palais royal qu'il habite avec les souverains. Des émeutes éclatent où il trahit quelque hésitation. Au bout de dix mois, il n'avait plus dans l'Etat, la reine exceptée, que des ennemis; ses créatures elles-mêmes, Rantzau en tête, le détestaient, et si Brandt partagea son sort, c'est uniquement parce que ses projets de trahison n'eurent pas le temps d'aboutir.

Une vaste conspiration fut ourdie dont Rantzau fut l'âme et la reine mère Juliane-Marie le chef. Dans la nuit du 16 au 17 janvier 1772, après un bal masqué au château de Christiansborg, les conjurés pénètrent brusquement dans la chambre du roi, le terrorisent par l'annonce d'un complot contre sa personne et lui arrachent l'ordre d'arrêter Struensee, la reine et Brandt. Struensee fut lâche et signa l'aveu de ses relations criminelles avec la reine qui, après avoir été retenue prisonnière au château de Kronborg avec sa fille qu'elle allaitait, vit son mariage dissous; quant à Struensee et à Brandt, ils furent condamnés à avoir le poignet droit et la tête tranchés, et cette dure sentence fut exécutée.

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Struensee en prison
Struensee dans sa prison.

La destinée tragique de Struensee a souvent défrayé le théâtre et le roman. Citons : Bertrand et Raton, de Scribe; les pièces de Meurice, Pierre Barbier, et, en Allemagne, les tragédies de Michel Beer (frère de Meyerbeer) et de Henri Laube, le roman de Bouterwerk, ou encore, plus récemment, le film de  Nikolaj Arcel Royal Affair (En kongelig affære, 2012). (H. Laudenbach).

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Dictionnaire biographique
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