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Septime Sévère

Septime Sévère ou Sévère Ier(Lucius Septimius Severus), empereur romain (193-211), né à Leptis Magna, en Tripolitaine, le 11 avril 146 ap. J.- C., mort à Eboracum (York) le 4 février 211. Sa famille appartenait à l'ordre équestre; deux de ses oncles, Aper et Severus, avaient même atteint le consulat; un autre de ses parents, Septimius Severus, fut deux fois consul et favorisa les débuts du futur empereur dans la carrière publique. Septime Sévère, après avoir fait de bonnes études latines et grecques dans sa ville de naissance, vint à Rome pour les compléter. Questeur en 172, il exerça cette fonction en Sardaigne; en 175, il fut légat du proconsul d'Afrique; tribun de la plèbe en 177, préteur en 179, il fut adjoint en qualité de legatus juridicus au gouverneur de l'Espagne citérieure. Dès lors, sa carrière se déroule avec éclat; il est chargé de commander la légion IVe Scythique en Syrie; en 186, il est nommé légat propréteur de la Gaule lyonnaise, et il laisse dans cette province la réputation d'un gouverneur aussi ferme qu'impartial; en 189, il devient proconsul de Sicile; deux ans plus tard, il obtient le gouvernement beaucoup plus important de la Pannonie supérieure (191). Ce fut pendant cette période de sa vie qu'il exerça son premier consulat, sans que l'on sache exactement quelle année. Il ne fut, d'ailleurs, que consul suppléant. Après le meurtre de Commode en 193, il reconnut Pertinax; mais, lorsque Pertinax fut tombé sous les coups des prétoriens, le honteux avènement de Didius Julianus souleva l'indignation des légions de Pannonie, qui proclamèrent empereur leur général, Septime Sévère (avril 193). Septime Sévère hésita, dit-on, pendant quelque temps; mais lorsque sa résolution fut prise, il agit avec une rare vigueur et une rapidité qui déconcerta tous ses ennemis. Il avait alors à lutter contre Didius Julianus, que les prétoriens soutenaient encore, et contre Pescennius Niger, gouverneur de Syrie, en faveur duquel s'étaient déclarés, outre plusieurs provinces d'Orient, le Sénat et le peuple de Rome. 

Sévère se présenta d'abord comme le vengeur de Pertinax. Reconnu par les légions de l'llyricum et de la Gaule, il se dirigea en toute hâte de Carnuntum vers l'Italie et Rome. Didius Julianus le fit déclarer ennemi public, et envoya en même temps un centurion pour le tuer. Mais Sévère franchit les Alpes, apparut en Italie, s'empara facilement de la flotte de Ravenne, et battit le préfet du prétoire Tullius Crispins. Didius Julianus essaya alors de l'arrêter, en l'associant à l'empire; Sévère, dédaignant cette proposition, continua sa marche sur Rome. Les prétoriens effrayés massacrèrent Didius Julianus. Arrivé à Interamna, dans le Sud de l'Ombrie, Sévère reçut une délégation de sénateurs chargés de le reconnaître. Il était dès lors maître de l'Italie et de Rome. Mais il avait encore deux rivaux redoutables, Pescennius Niger, toujours soutenu par les légions d'Orient, et Clodius Albinus, que les légions de Bretagne avaient proclamé empereur. Il voulut les diviser. Afin d'être plus libre contre Pescennins Niger, il offrit à Clodius Albinus le titre de césar; puis il s'empara des enfants de Niger, qui se trouvaient à Rome. Quant aux prétoriens qui avaient tué Pertinax et vendu le pouvoir impérial à Didius Julianus, Septime Sévère les fit venir désarmés dans son camp, les destitua et leur ordonna de s'éloigner de Rome. Toutes ces mesures prises, il fit son entrée solennelle dans la capitale de l'empire (7 juin 193). Ses premiers actes furent consacrés à venger Pertinax, dont il fit célébrer l'apothéose; il fonda un collège de prêtres, spécialement chargés de célébrer le culte de ce nouveau dieu. Enfin, il promit de ne pas faire périr de sénateurs, et il réorganisa le corps des prétoriens en décrétant qu'il se recruterait désormais parmi les légionnaires.

Septime Sévère ne resta à Rome que trente jours. Son rival Pescennius Niger faisait de grands progrès en Orient ; il venait d'occuper Byzance. D'autre part, Sévère redoutait que Niger n'envoyât des troupes à travers l'Égypte et la Libye, jusque dans les provinces africaines; pour l'empêcher d'occuper ce grenier de Rome et d'affamer ainsi l'Italie, il fit passer des légions en Afrique. Lui-même partit pour l'Asie. La campagne contre Pescennius Niger dura un peu plus d'un an. Niger eut d'abord un léger avantage près de Byzance, à Périnthe; mais il fut bientôt obligé de reculer. Tandis qu'un lieutenant de Septime Sévère assiégeait Byzance, l'empereur battait son ennemi à Cyzique, le poursuivait en Asie Mineure, franchissait après lui les Portes de Cilicie et lui infligeait une défaite décisive près d'Issus. Niger fut tué pendant qu'il essayait de fuir au delà de l'Euphrate, chez les Parthes (novembre 194). Septime Sévère exila toute la famille de son malheureux compétiteur et confisqua les biens de ses principaux partisans. Il marcha ensuite contre plusieurs princes et peuples d'Orient qui avaient soutenu Pescennius Niger, contre Abgar, roi d'Edesse, contre les Adiabéniens, les Arabes et les Parthes. Ses troupes remportèrent quelques succès qui lui permirent de prendre les titres d'Adiabenicus et d'Arabicus (194-195). En 196, Byzance succomba, après un siège de trois ans. Septime Sévère la traita cruellement; il lui enleva tous ses privilèges et la subordonna à la cité voisine de Périnthe. A ce moment, il fut rappelé en Occident par la révolte de Clodius Albinus, qui ne se contentait plus du titre de césar et que les légions de Bretagne avaient proclamé auguste. Clodius Albinus avait été reconnu par les provinces gauloises, et il se dirigeait vers l'Italie. Septime Sévère revint d'Asie en toute hâte. Ses légions par la vallée du Danube et la Rétie gagnèrent la Gaule afin de barrer la route à l'armée d'Albinus. Sévère lui-même, se rendit à Rome et força le Sénat à déclarer Albinus ennemi public, malgré les sympathies qu'il éprouvait pour le gouverneur de la Bretagne. De Rome, Sévère revint se mettre à la tête de ses troupes en Gaule; les deux rivaux se rencontrèrent près de Lyon le 19 février 197. La bataille fut acharnée, sanglante et demeura longtemps indécise. A la fin, Sévère l'emporta. Sa vengeance fut terrible. Albinus s'était tué après sa défaite; le vainqueur outragea ses restes. La famille, les amis, les partisans d'Albinus furent cruellement traités. Sa femme et ses enfants furent mis à mort; tous ceux qui lui avaient montré quelque sympathie furent poursuivis; à Rome même, soixante-quatre sénateurs furent mis en accusation; vingt-neuf furent exécutés, les autres rigoureusement punis.

La guerre contre Albinus était à peine terminée que Septime Sévère reprenait la route de l'Orient. Pendant son absence, les Parthes avaient envahi l'Arménie et la Mésopotamie; un des meilleurs lieutenants de l'empereur, Laetus, était assiégé par eux dans Nisibe. Sévère, arrivé en Orient dès la fin de 197, repoussa les Parthes, délivra Laetus, et prit l'offensive. Il pénétra en Babylonie, s'empara de Séleucie et de Ctésiphon. Le roi de Parthes, Vologèse IV, s'enfuit avec quelques cavaliers; son trésor tomba entre les mains du vainqueur; plus de 100 000 prisonniers furent envoyés à Rome et vendus comme esclaves. Septime Sévère prit le titre de Parthicus Maximus. Il alla ensuite mettre le siège devant la ville fortifiée d'Atra, mais il ne put s'en emparer. Néanmoins, les victoires de Sévère imposèrent aux Parthes le respect des frontières de l'empire; la paix régna désormais en orient pendant tout le règne de Septime Sévère. Après cette campagne victorieuse, l'empereur parcourut l'Orient; il traversa. la Syrie, la Palestine, visita l'Égypte, remonta le Nil, et pénétra jusqu'à Thèbes. Il fit restaurer le colosse de Memnon. De là, il retourna en Syrie. Il ne rentra à Rome que vers le milieu de l'année 202. Des jeux magnifiques furent célébrés en l'honneur de ses victoires, et le Sénat vota l'érection d'un arc de triomphe : c'est l'arc de Septime Sévère, que l'on voit encore aujourd'hui à l'extrémité septentrionale du Forum romain. L'empereur resta à Rome depuis 202 jusqu'en 208. En 204, il célébra des jeux séculaires; l'année suivante, il laissa égorger en sa présence, sur l'ordre de son fils Caracalla, le préfet du prétoire Plautien, accusé de conspirer contre lui. En 206, il fit exécuter quelques sénateurs qui lui étaient suspects.

Mais bientôt la situation de la Bretagne attira son attention. Depuis que les légions d'Albinus avaient quitté cette province, les Méates et les Calédoniens, peuplades insoumises et turbulentes du Nord de l'île, n'avaient pas cessé d'attaquer les garnisons romaines. En 197, elles avaient forcé le gouverneur Virius Lupus à leur acheter la paix à prix d'argent. En 205, leurs incursions avaient été repoussées par L. Alfenius Senecio, mais chaque année leurs attaques recommençaient. Septime Sévère résolut d'aller châtier lui-même ces ennemis de l'empire. Accompagné de ces deux fils, Caracalla et Geta, il quitta Rome en 208, traversa la Gaule, passa en Bretagne, et pénétra dans le pays des Calédoniens. Il parvint même jusqu'à l'extrémité septentrionale de l'île. Il répara le mur d'Hadrien (vallum Hadriani), qui par endroits tombait en ruines; en 210, il prit le titre de Britannicus Maximus. Une nouvelle révolte des Calédoniens le retint encore en Bretagne. Son fils, Caracalla, impatient de gouverner seul l'empire, essaya de provoquer contre lui une sédition militaire, et même voulut peut-être le tuer. Septime Sévère, épuisé et désespéré, mourut peu de temps après à Eboracum (York). Son dernier mot fut : Laborernus = Travaillons. Les cendres de l'empereur furent ramenées à Rome, et le Sénat lui décerna l'apothéose.

Le règne de Septime Sévère n'est pas seulement important par les guerres que cet empereur dirigea contre ses rivaux, contre les Parthes et contre les Bretons. Il fut encore caractérisé par plusieurs changements considérables dans le gouvernement général et dans l'administration de l'empire. La préfecture du prétoire, fonction d'abord toute militaire, fut revêtue d'une compétence juridique très étendue; c'est à partir du règne de Septime Sévère que les préfets du prétoire furent à la fois, selon l'expression de Bouché-Leclercq, les grands justiciers et les grands jurisconsultes de l'empire. Pendant les dernières années du règne de Sévère, la préfecture du prétoire fut occupée par Papinien. Septime Sévère traita le Sénat avec la plus grande dureté; il ne lui laissa aucun pouvoir. Loin d'avoir pour lui le respect, la condescendance que lui avaient témoignés la plupart des Antonins, il se montra souvent cruel à son égard. Il gouverna vraiment en monarque. La véritable, la seule force sur laquelle il s'appuya, ce fut l'armée. Les prétoriens ne jouèrent plus le rôle si important qu'ils avaient joué au Ier et au IIe siècle de l'empire; le vrai soutien du pouvoir impérial fut constitué par les légions. Septime Sévère les combla de cadeaux; le don de joyeux avènements qu'il distribua à ses soldats fut le plus considérable que l'on eût encore vu. 

L'administration de l'Italie subit un grand changement. Pendant les deux premiers siècles de l'empire, le gouvernement impérial avait laissé aux villes italiennes, en matière administrative, juridique, financière, une autonomie au moins apparente; déjà sous les Antonins, cette autonomie avait été limitée, entamée; à la fin du règne de Septime Sévère, elle avait tout à fait disparu. L'Italie ressemblait déjà à une province. L'administration des provinces échappa complètement au Sénat. Au IIIe siècle, on ne fait plus de distinction entre les provinces sénatoriales et les provinces impériales. Les gouverneurs de toutes les provinces de l'empire sont, en fait, désignés par le prince. L'édifice si habilement échafaudé par Auguste s'écroule. Les apparences ménagées par le fondateur de l'empire sont brutalement écartées : l'empire se montre, tel qu'il est réellement, essentiellement monarchique. Septime Sévère, sans qu'on puisse lui attribuer toute cette oeuvre, est du moins le premier empereur qui ait franchement déchiré les voiles. Parmi les Antonins, Hadrien l'avait précédé dans cette voie, mais avec beaucoup plus de prudence et en s'efforçant de respecter les formes.

Il serait injuste, toutefois, de porter sur Septime Sévère un jugement défavorable. La transformation, que l'aspect général de l'empire subit sous son règne, était préparée depuis longtemps. Et d'autre part, ce ne fut nullement un empereur mauvais ou médiocre. S'il n'atteint pas la hauteur des grands Antonins, il s'élève pourtant bien au-dessus de ceux qui le précédèrent immédiatement et de ceux qui lui succédèrent sur le trône. Il ne connut pas leurs turpitudes et il eut de grandes qualités. Sa vie privée fut relativement digne et correcte. S'il se laissait trop souvent emporter par la colère et si ses vengeances furent sanguinaires, s'il était dans sa conduite publique dénué de scrupules, il déploya du moins dans la guerre comme dans la paix une vigilance, une fermeté, un esprit de décision vraiment remarquable. Il sut maintenir dans les légions une stricte discipline. Il administra les finances de l'État avec une rigoureuse économie. Lorsqu'il mourut, les greniers publics étaient remplis de blé, et l'approvisionnement de Rome assuré d'avance pour plusieurs années. Sous son règne, la prospérité générale des provinces ne subit aucune atteinte sérieuse; partout des monuments nouveaux furent construits, des statues furent érigées par les cités ou par les provinciaux en reconnaissance de la paix et de la sécurité assurées au monde romain. L'Afrique fut surtout favorisée par Septime Sévère. L'empereur combla de bienfaits son pays natal.

Septime Sévère avait épousé la Syrienne Julia Domna; il en eut deux fils, Bassianus, surnommé Caracalla, et Geta. Il associa de bonne heure Caracalla à l'empire; dès 196, il lui fit décerner par le Sénat le titre de césar; deux ans plus tard, Caracalla fut proclamé auguste. Geta, césar en 190, reçut en 203 le titre de princeps juventutis. En même temps qu'il s'efforçait d'assurer l'empire à ses fils, Septime Sévère voulut se rattacher à la dynastie des Antonins; aussitôt après sa victoire de Lyon sur Albinus, il commença de s'intituler frère de Commode et fils de Marc-Aurèle. Beaucoup d'inscriptions le nomment fils de Marc-Aurèle, petit-fils d'Antonin le Pieux, arrière-petit-fils d'Hadrien, descendant de Trajan et de Nerva.

Les statues, surtout les bustes de Septime Sévère, sont nombreuses dans les musées et les collections archéologiques de l'Europe. On cite en particulier le buste du Capitole, la tête de bronze du Vatican, un buste du musée du Louvre et un buste de la Glyptothèque de Munich. La physionomie de l'empereur est bien celle qui répond à son caractère; elle est énergique, presque dure; les traits manquent de finesse, mais l'ensemble est loin d'être banal. A coup sûr, Septime Sévère ne peut pas être compté au nombre des plus grands empereurs de Rome; néanmoins, sa figure est parmi les plus intéressantes et les plus originales du monde romain. (J. Toutain).

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