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Saurin

Elie Saurin est un théologien protestant, né à Usseau (Dauphiné) en 1639, mort à Utrecht en 1703; il desservit d'abord l'église de Venterol, puis celle d'Embrun. Condamné, en 1664, au bannissement perpétuel pour ne s'être pas découvert devant le viatique, il s'enfuit en Hollande et fut nommé pasteur à Delft (1665). Il eut avec Jurieu une polémique si violente qu'à plusieurs reprises les synodes menacèrent les deux adversaires de suspension du ministère. 

Pour « réfuter la doctrine de Jurieu », Saurin a beaucoup écrit. Nous nous bornerons à indiquer le plus remarquable de ses livres, encore lisible aujourd'hui : Réflexions sur les droits de la conscience éclairée et ceux de la conscience errante; on réfute le commentaire philosophique et le livre intitulé Droits des deux souverains, et on remarque les justes bornes de la tolérance civile en matière de religion (Utrecht, 1697). 

On a présenté souvent Saurin comme un des précurseurs français de la tolérance au XVIIe siècle; en réalité, sa doctrine a été flottante : après avoir déclaré que le souverain avait le droit de se mêler des affaires de la religion et d'user de son autorité pour l'extirpation des fausses religions et hérésies, effrayé des conséquences d'une telle doctrine dont il voyait une douloureuse application en France, il estima, par la suite, que le prince pouvait user d'autorité, à condition que sa religion fait la bonne, mais qu'aucun péché ne pourrait être toléré même « si l'on s'en promettait la conversion de tout un royaume on même de tout l'univers ». 

Plus généreux que logique, Saurin oubliait que chaque prince croit être en possession de la seule vraie religion, et il ne voyait pas que sa doctrine permettait ainsi toutes les persécutions. (Ch. Schmidt).

Joseph Saurin est un mathématicien, frère du précédent, né à Courthézon (Vaucluse) le 1er septembre 1655, mort à Paris le 29 décembre 1737. Il fut nominé en 1679 ministre protestant à Eure, dans le Dauphiné. Mais son caractère
violent le porta à des propos un peu vifs contre la gouvernement, qui venait de restreindre les privilèges de ses coreligionnaires, et il dut se réfugier en suisse, où il obtint la cure de Bercher, près d'Yverdon.

Revenu en France, en 1689, afin, raconta-t-il, de se soustraire aux tracasseries que lui avaient suscitées ses doctrines religieuses, mais plus vraisemblablement, ainsi qu'on l'a depuis établi, dans le but d'échapper à une condamnation pour vol, il abjura solennellement, l'année suivante, le protestantisme, fut présenté par Bossuet à Louis XIV, qui lui octroya une pension de 1500 livres, et se consacra désormais tout entier à l'étude des mathématiques, où il fit en peu de temps de si extraordinaires progrès qu'il fut bientôt en état de se mesurer avec les plus célèbres géomètres de l'époque : Huygens, Rolle, etc. 

En 1702, il devint l'un des principaux rédacteurs du Journal des savants et, en 1707, fut élu membre de l'Académie des sciences de Paris. Il fit paraître par la suite dans le recueil de cette compagnie toute une série de remarquables travaux sur la pesanteur et le système cartésien (1709), sur la courbe de la plus vite descente (1710), sur les tangentes (1720), etc. 

Entre temps, il fut accusé, concurremment avec J.-B. Rousseau, d'être l'auteur des couplets diffamatoires et odieux, qui se colportaient, an début du XVIIIe siècle, dans les cafés de la capitale et qui firent, plusieurs années durant, si grand scandale. Six mois il demeura emprisonné. Mais le Parlement le déclara finalement innocent et ce fut Rousseau qu'il bannit. En réalité, ni l'un ni l'autre ne paraissent avoir écrit ces pamphlets. Il est moins certain que Saurin ne trempa pas dans la ténébreuse intrigue qui aboutit à la condamnation de Rousseau. (L. S.).

Jacques Saurin est un célèbre prédicateur protestant, né à Nîmes en 1677, mort à La Haye en 1730. Il était à peine âgé de neuf ans, lorsque son père, avocat distingué, fut chassé par la révocation de l'édit de Nantes. Il fit ses premières études à Genève sous la direction de Turretin, puis s'engagea au service du Piémont, pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg; la paix faite, il revint à Genève et trouva sa vocation définitive : la théologie. 

En 1701, l'Eglise wallonne de Londres l'appela à son service; en 1705, il devint ministre des nobles à La Haye (charge créée pour lui); il remplit cette fonction jusqu'à sa mort. L'action de Saurin s'exerça surtout par la parole :

« Il a le premier rompu avec la tradition didactique et intellectualiste de la prédication réformée, et par ce fait il est devenu chef d'école. Ce n'est plus, en effet, la controverse ardente contre Rome ou la défense vigoureuse de l'Eglise qui occupe la première place; les discussions les plus délicates que soulèvent la morale et l'exposition des vérités dogmatiques deviennent le sujet de ses discours. Ce qui établit entre lui et ses prédécesseurs une différence si grande, c'est qu'il a été un orateur éloquent. Il s'est frayé un chemin là où les autres ne pensaient pas même qu'on peut pénétrer, et a parlé avec passion une langue jusqu'alors froide et austère sur les lèvres des prédicateurs protestants. Ce qui marqua surtout sa puissance oratoire, c'est l'invention... » (F. Puaux).
Le fond même de sa prédication était encore le dogme calviniste; cependant il s'attacha plus qu'on ne l'avait fait jusqu'alors an développement moral. Cette tendance est manifeste dans les sermons Sur les plaisirs, Sur les travers de l'esprit humain. Comme oeuvres de grand art oratoire, on cite souvent la péroraison de son sermon Sur les dévotions passagères et le sermon Sur le jeune de 1706.

La réputation de Saurin, partout répandue, lui créa des jaloux qui prirent prétexte des idées exprimées dans ses sermons et dans ses livres pour attaquer ses convictions et son caractère. La Chapelle, Chion, Chais, Huet l'accusèrent de scepticisme; il répondit par des brochures ou des livres, et la lutte dura de 1720 à 1730.
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Égoïsme et Vanité

« Quand je vois certains hommes qui ne font entrer qu'eux-mêmes dans leurs projets, des hommes qui disent toujours Mon honneur! ma fortune! ma famille! quand je vois de ces hommes qui ne vous adressent jamais de discours, qui ne vous appellent jamais dans leur société, qui ne vous invitent jamais à leur table et qui ne vous favorisent jamais d'un de leurs regards ou de leurs sourires, qu'ils n'aient quelque intérêt pour motif; je l'avoue, je crains fort de ces sortes d'hommes; je ne sais par quel endroit aborder leur coeur pour y faire entrer l'esprit du christianisme, qui est un esprit de charité.  »

La Mort

«  Où vas-tu, riche, qui te félicites de ce que tes champs ont foisonné et qui dis à ton âme : Mon âme, tu as des biens amassés pour beaucoup d'années; repose-toi, mange et bois et fais bonne chère? A la mort. Où vas-tu, pauvre, qui traînes une vie languissante, qui mendies ton pain de maison en maison, qui es dans de continuelles alarmes sur les moyens d'àvoir des aliments pour te sustenter et des habits pour te couvrir, toujours l'objet de la charité des uns et de la dureté des autres? A la mort. Où vas-tu, noble, qui te pares d'une gloire empruntée, qui comptes comme tes vertus le nom de tes ancêtres et qui penses être formé d'une boue plus précieuse que celle du reste des humains? A la mort. Où vas-tu, roturier, qui te moques de la folie du noble et qui extravagues toi-même d'une autre manière? A la mort. Où vas-tu, guerrier, qui ne parles que de gloire et d'héroïsme, et qui, au milieu de tant de voix qui retentissent à tes oreilles et qui crient sans cesse : Souviens-toi que tu es mortel, te berces de je ne sais quelle immortalité? A la mort. Où vas-tu, marchand, qui ne respires que l'augmentation de tes fonds et de tes revenus, qui juges du bonheur ou du malheur de tes journées, non selon les lumières que tu as acquises et selon les vertus que tu as pratiquées, mais selon le gain que tu as fait ou que tu as manqué de faire? A la mort. Où allons-nous tous, mes chers auditeurs? A la mort.

Les avant-coureurs de la mort sont les mêmes chez le riche que chez le pauvre; chez l'un et chez l'autre, angoisses mortelles, maladies violentes, douleurs insupportables, incertitudes cruelles. Traversez ces vastes appartements dans lesquels un riche semblait braver cette ennemie qui le menace et qui s'apprête à le saisir; percez cette foule de domestiques qui l'entourent; jetez les yeux sur ce lit où l'art et la nature contribuèrent également à la mollesse. Dans cette maison superbe, au milieu de cette foule de courtisans, dirai-je de vils esclaves? vous apercevrez l'objet le plus triste et le plus humiliant; vous verrez un visage pâle, livide, décharné, vous entendrez les cris d'un malheureux tourmenté par la goutte; vous découvrirez une âme atterrée par la crainte de ces livres éternels qui vont être ouverts, de ces trônes redoutables qui vont être dressés, de ces sentences formidables qui vont être prononcées.

Les ravages de la mort sont les mêmes chez le riche que chez le pauvre : elle condamne également leurs yeux à une nuit impénétrable, leur langue à un éternel silence, toute l'économie de leur corps à une destruction totale. Je vois un superbe mausolée, j'approche de ce. grand objet; je vois des inscriptions magnifiques; je lis les titres fastueux de noble, de puissant, de héros, de potentat, de monarque, d'arbitre de la paix, d'arbitre de la guerre. Je m'enfonce plus avant dans l'intérieur de cet édifice : je lève la pierre qui couvre celui à qui on a consacré toute cette pompe. J'y trouve, quoi? un cadavre, des vers, de la pourriture. O vanité des grandeurs humaines! vanité des vanités, tout est vanité! Les jours de l'homme mortel sont comme le foin; il fleurit comme la fleur d'un champ; le vent étant passé par-dessus, elle n'est plus, et son lieu ne la reconnaît plus. »
 

(J. Saurin, Sermons).

Oeuvres principales : Sermons sur divers textes de l'Ecriture sainte (La Haye, 1708-1732,9 volumes). On ne saurait se servir sans critique des éditions posthumes. Le meilleur recueil est celui que Saurin publia lui-même (1708-1725, 5 volumes); Discours historiques, critiques, théologiques et moraux sur les événements les plus considérables de l'Ancien et du Nouveau Testament (Amsterdam, 1720-1728, 2 volumes), continué et achevé par Roques et de Beausobre. Ce fut à l'occasion de cet ouvrage que commencèrent les polémiques qui attristèrent les dernières années de Saurin. Abrégé de la théologie et de la morale chrétiennes en forme de catéchisme (Amsterdam, 1722); Etat du christianisme en France (La Haye, 1727). (Ch. Schmidt).

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