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Salluste

Salluste est un historien romain. De famille plébéienne, Salluste (C. Sallustius Crispus) naquit à Amiternum, en Sabine, l'année 86 av. J.-C. On ne sait rien de sa jeunesse. Il fut probablement questeur à vingt-sept ans, en 59. Sept ans plus tard, il fut tribun de la plèbe. Rome était alors en proie aux divisions les plus terribles. C'était le moment ou Clodius et Milon se disputaient à main armée la possession du Forum, Salluste entra dans les rangs du parti démagogique et se déclara l'ennemi de Cicéron. En l'année 50, lorsque Pompée et ses partisans l'emportèrent dans Rome, Salluste fut rayé de la liste des sénateurs par les censeurs App. Claudius Pulcher et L. Calpurnius Piso; on lui reprochait d'avoir eu des relations adultères avec Fausta, fille de Sylla et femme de Milon. En réalité, il subit dans cette circonstance la loi des partis. Ce fut pour son attitude politique, bien plutôt que pour la supposée dépravation de ses moeurs, qu'il fut chassé de l'Assemblée sénatoriale. Mais, après la victoire de César sur Pompée, Salluste fut élu préteur et reprit son rang au Sénat. Il fut un des partisans les plus actifs du dictateur, qu'il accompagna en Afrique. Après avoir aidé César dans la campagne dirigée contre les Pompéiens, Salluste fut nommé gouverneur de la Numidie, enlevée au roi Juba Ier et réduite en province romaine. Il administra ce pays avec le titre de proconsul et se livra à toutes sortes d'exactions : 
César, rapporte Dion Cassius, préposa Salluste de nom au gouvernement, en fait à la ruine du pays. 
En effet, Salluste rapporta de Numidie d'immenses richesses, fruit de ses rapines, grâce auxquelles il se fit construire un superbe palais sur le Quirinal, au milieu de très beaux jardins qui furent longtemps célèbres sous le nom de Jardins de Salluste (Horti Sallustiani). Les habitants de sa province l'accusèrent à Rome, mais César intervint, et le procès que les Africains voulaient intenter à Salluste n'eut même pas lieu. Dès lors, Salluste ne joua plus aucun rôle politique. Retiré de la vie publique, il mena une vie somptueuse jusqu'en l'année 34, où il mourut.

Salluste est plus connu et mérite mieux de l'être comme historien que comme homme politique. Il a écrit plusieurs ouvrages historiques, dont deux nous sont parvenus complets, la Conjuration de Catilina et la Guerre de Jugurtha. Nous savons en outre qu'il avait écrit une Histoire romaine en cinq livres. Il ne nous en reste que des fragments. Dans l'Antiquité, on attribuait en outre à Salluste deux Lettres sur l'organisation de la République (Epistolae de Republica ordinanda) et une diatribe contre Cicéron (Declamatio in Ciceronem); mais la critique moderne n'admet pas l'authenticité de ces opuscules et refuse d'y reconnaître l'oeuvre de Salluste.

On ne connaît pas avec précision la date à laquelle Salluste composa ses livres. Il est vraisemblable qu'il écrivit la Conjuration de Catilina (Bellum Catilinarium sive de conjuratione Catilinae) pendant les deux années qui suivirent son expulsion du Sénat. Quant à la Guerre de Jugurtha (Jugurtha seu Bellum Jugurthinum), il paraît difficile qu'elle ait été composée avant le séjour de Salluste en Numidie; Salluste raconte en effet (Bell. Jugurth., 20) qu'il a consulté des livres puniques, qui passaient pour être de la main du roi numide Hiempsal; suivant toute probabilité, ce fut pendant son gouvernement de Numidie qu'il se livra à ses recherches sur l'histoire de l'Afrique; l'ouvrage fut donc composé entre les années 46 et 34. Quant à l'Histoire romaine, nous avons  trop peu de renseignements sur cette oeuvre pour pouvoir en fixer la date; il est toutefois fort naturel de penser que Salluste s'y consacra pendant les loisirs de sa retraite. 

Comme leurs titres l'indiquent, les deux livres de Salluste qui se sont conservés traitent-: l'un, de la conjuration de Catilina; l'autre, de la guerre que Jugurtha soutint contre le peuple romain. Chacun d'eux forme un tout, bien complet, indépendant; ni l'un ni l'autre ne saurait être considéré comme un morceau détaché d'un grand ensemble. Quelques critiques ont supposé que Histoire romaine de Salluste, qui paraît avoir été consacrée surtout à la période intermédiaire entre la Guerre de Jugurtha et la Conjuration de Catilina fut composée pour relier ensemble ces deux épisodes, dont l'un aurait formé l'introduction et l'autre la conclusion de cet ouvrage. Mais il est à remarquer que les anciens citent toujours le Jugurtha et le Catilina de Salluste comme des livres isolés, non comme les fragments d'une grande histoire. D'ailleurs, toutes les tentatives faites jusqu'à présent pour déterminer les limites de la période dont Salluste s'occupait dans les cinq livres de son histoire romaine et pour reconstituer le plan du livre sont restées vaines, et rien ne prouve que cette histoire commençait précisément à la fin de la guerre de Jugurtha pour se terminer avec le début de la conjuration de Catilina.
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Prise d'une forteresse

[Marius cherche à s'emparer d'un fort construit sur un roc inaccessible, clans lequel sont renfermés les trésors de Jugurtha].

« Après tant de travaux inutiles et de jours perdus, Marius se demandait avec inquiétude s'il devait renoncer à une entreprise jusqu'alors sans résultats, ou en attendre le succès de la fortune qui l'avait servi tant de fois. Il avait déjà passé des nuits et des jours à flotter entre ces deux partis, lorsque le hasard voulut qu'un Ligurien, simple soldat des cohortes auxiliaires, sorti du camp pour chercher de l'eau, aperçut, du côté de la citadelle opposé à l'attaque, des colimaçons qui grimpaient le long des rochers. Il en prend un, puis deux, puis un plus grand nombre, et dans son ardeur pour en trouver encore, il gravit peu à peu jusqu'au sommet de la montagne. Là, se voyant seul, il céda à la curiosité naturelle à l'homme de voir du nouveau, et comme en cet endroit un grand chêne avait poussé entre les fentes du rocher et, après s'être courbé en avant, s'était redressé en hauteur, le Ligurien, s'appuyant tantôt sur les branches de l'arbre, tantôt sur les saillies du rocher, parvint à l'esplanade du chateau, pendant que les Numides combattaient du côté opposé. Après avoir examiné avec soin tout ce qui pouvait servir son dessein, il descendit par le même chemin, non pas au hasard, comme il était monté, mais en étudiant le terrain et en observant tout attentivement [...].

[Marius, ravi, donne à cet homme quelques soldats des plus agiles; ensemble ils tentent la périlleuse ascension.]

Le Ligurien marche devant sur les rochers; il attache aux vieilles racines qu'il rencontre des cordes qui aident ses compagnons à monter; quelquefois il tend la main à ceux qu'effraye un chemin si nouveau pour eux; quand la montée devient trop rude, il les fait passer devant lui l'un après l'autre, sans leurs armes, qu'il leur porte ensuite; il tente le premier les passages qui paraissent dangereux, montant et descendant plusieurs fois; puis, se jetant de côté pour leur faire place, il les encourage et les excite à passer. Enfin, après de longues et nombreuses fatigues, ils arrivent à l'esplanade entièrement déserte de ce côté, les Numides étant tous, comme les jours précédents, occupés du côté opposé à combattre l'ennemi [...].

Tandis que Romains et Numides, également acharnés, sont aux prises et combattent avec fureur, les uns pour la gloire, les autres pour leur salut, le son des trompettes et des clairons se fait entendre derrière eux; les femmes et les enfants, qui s'étaient approchés pour voir le combat, s'enfuient les premiers; leur exemple entraîne ceux qui sont sur le rempart, et bientôt, armés ou non, tous prennent la fuite. A cette vue, les Romains redoublent d'ardeur; ils se précipitent, ils blessent, et, avides de gloire, ils passent sur les morts pour escalader les murailles, et pas un seul ne s'arrête pour piller. » (Salluste, Guerre de Jugurtha).

Salluste est le premier en date des historiens romains qui soit en même temps un grand écrivain. Avant lui, Rome avait eu des annalistes, des chroniqueurs, des compilateurs d'histoire; elle n'avait pas encore eu d'historien digne de prendre rang dans la littérature. Salluste est remarquable à la fois comme historien et comme écrivain. On a parfois mis en doute son impartialité; on l'a accusé, par exemple, d'avoir beaucoup diminué le rôle joué par Cicéron au moment de la conjuration de Catilina, et d'avoir insisté, dans le Jugurtha, sur les vices et la corruption de l'oligarchie. Ces accusations ne semblent pas justifiées. Les livres de Salluste n'ont pas l'allure ni la physionomie de pamphlets politiques; ce ne sont pas des oeuvres de parti. L'auteur s'efforce, au contraire, de tenir la balance égale entre les diverses factions et de défendre la cause de la morale et de l'honnêteté. Il n'est pas plus indulgent pour Catilina et ses complices que pour les nobles romains que Jugurtha put acheter si facilement. Il n'est pas étonnant, d'autre part, que Salluste ait moins exalté Cicéron  que Cicéron lui-même ne l'a fait. 

A l'impartialité, à la vérité historique, Salluste a ajouté la vie, ce que l'on pourrait appeler la vérité dramatique. Ses récits sont moins des narrations que des tableaux, tracés avec un art subtil. Les principaux personnages, Catilina, Jugurtha, Marius, Metellus sont puissamment dessinés, avec un relief parfois saisissant; les faits sont représentés en action, pour ainsi dire; l'intérêt ne faiblit pas un instant. Les discours que Salluste a mis dans la bouche de plusieurs hommes politiques, Marius, Caton, César, ont été composés par lui; souvent ils expriment les idées de l'auteur; on y distingue quelquefois l'écho de ses passions politiques.

Comme écrivain, Salluste serait un grand artiste, si toute rhétorique et toute affectation étaient bannies de son oeuvre. On sent trop la main de l'ouvrier dans la concision voulue, souvent obscure, de la phrase, dans la recherche des mots et des tours archaïques. Il est possible que Salluste ait pris Thucydide pour modèle; mais, comme il arrive fréquemment en pareil cas, ce sont les défauts du grand historien grec, qu'il a surtout imités. D'autre part, le style de Salluste n'est pas exempt de toute déclamation; cette tendance se marque en particulier dans les prologues du Catilina et du Jugurtha, prologues qui ne se rattachent pas étroitement au sujet, et dont on a pu dire, avec exagération peut-être, mais non sans vraisemblance au fond, que l'auteur, en écrivant ces tirades morales, avait voulu donner le change sur les exactions du gouverneur de Numidie. Salluste n'en est pas moins l'un des écrivains les plus remarquables de Rome; il garde, à côté de Cicéron, de César, de Tite-Live, une physionomie très originale; il occupe dans les lettres latines l'un des premiers rangs. (J. Toutain).

Salluste, philosophe néo-platonicien du IVe siècle, né dans les Gaules, où il fut préfet sous Constance, ami de Julien qu'il suivit en Orient, consul en 363. Il refusa l'empire, à la mort de Julien, et fit nommer Valentinien par les soldats. Il vivait encore en 372. Disciple d'Edésius qui succéda à Jamblique, il exposa la théologie néoplatonicienne dans Des Dieux et du Monde, dont les principales divisions sont : 
Rapports de la mythologie et de la philosophie; Nature divine, monde, âme et intelligence, Providence, destin et hasard; Distinction du vice et de la vertu; la Meilleure forme de gouvernement; Origine et nature du mal; Culte et Sacrifices; Rémunération des bonnes et des mauvaises actions; Metempsycose et immortalité de l'âme. 
Il soutient que la religion doit être enseignée par des symboles ou des mythes qu'il groupe, comme Olympiodore, en théologiques, physiques, psychiques, matériels et mixtes. Le culte et la prière nous purifient des souillures morales, les sacrifices de victimes vivantes surtout nous préparent à nous unir à Dieu, car une vie seule peut être un médiateur entre la vie humaine et la vie divine. (F. Picavet).
Salluste le Cynique, né à Emèse en Syrie, étudia l'éloquence avec Eunoius, le droit, puis la philosophie à Athènes avec Proclus. Il vécut ensuite à Alexandrie en cynique, se faisant remarquer par son austérité et la hardiesse de ses critiques. Il nous est connu par Photius et Suidas. Ses discours sont perdus, et on ne sait rien de son enseignement philosophique. (F. P.).
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