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Rutebeuf

Rutebeuf ou Rustebeuf est un  trouvère du XIIIe siècle, né sans doute à Paris ou aux environs et mort à Paris vers 1280 ou même 1290. On manque de renseignements sur sa vie. Clerc marié, il avait pour principal protecteur le comte de Poitiers. A l'exemple des poètes de son temps, il mena une existence errante et misérable. Les premières de ses poésies doivent dater de 1255. Certaines ont dû être faites sur commande. 

Il a excellé dans des genres très divers et il est l'auteur à la fois de pièces lyriques, de poèmes allégoriques, de poèmes dramatiques, de fabliaux et de pièces satiriques. On a remarqué qu'il n'a composé aucune chanson d'amour.  Il a le premier, semble-t-il, chanté sincèrement ses sentiments réels. Il s'oppose par là aux poètes du gai savoir, qui prennent l'amour comme thème artificiel. (La littérature bourgeoise et satirique au Moyen âge

Dans ses satires, il s'attaque à tous les abus et fait connaître ainsi la société du XIIIe siècle; représentant de l'esprit laïque, il défend avec la vigueur d'un pamphlétaire l'Université de Paris contre les frères mendiants.
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La Povreté Rutebeuf

« Je ne sais par ou je coumance 
Tant ai de matyere abondance 
Por parleir de ma povretei.
Por Dieu vos pri, frans roi de France,
Que me doneiz queilque chevance, 
Si fereiz trop grant charitei.

J'ai vescu de l'autrui chatei
Que hon m'a creü et prestei;
Or me faut chascuns de creance; 
C'om me seit povre et endetei; 
Vos r'aveiz hors dou reigne estei 
Ou toute avoie m'atendance.

Entre chier tens et ma mainie
Qui n'est malade ni fainie,
Ne m'ont laissié deniers ne gage. 
Gent truis d'escondire arainie 
Et de doneir mal enseignie :
Dou sien gardier est chacuns sages.

Mors me r'a fait de granz damages
Et vos, boens rois, en deus voiages
M'aveiz bone gens esloignié, 
Et li lointainz pelerinages 
De Tunes qui est leuz sauvages,
Et la male gent renoié. 

Granz rois, c'il avient qu'a vos faîlle,
A touz ai ge failli sans faille : 
Vivres me faut et est failliz,
N'uns ne me tent, n'uns ne me baille; 
Je touz de froit, de fain baaille, 
Dont je suis mors et maubailliz.

Je suis sans coutes et san liz, 
N'a si povre jusqu'a Senliz. 
Sire, si ne sai quel part aille : 
Mes costeiz connoit le pailliz, 
Et liz de paille n'est pas liz,
Et en mon lit n'a fors la paille.

Sire je vos fais a savoir
Je n'ai de quoi do pain avoir : 
A Paris sui entre touz biens, 
Et n'i a nul qui i soit miens.... » 

(Rutebeuf).

Dans sa célèbre Dispute du croisé et du décroisé, il a, partisan des croisades, exprimé toutes les idées qu'on peut faire valoir comme argument pour ou contre. Sa courte poésie des Ribauds de Grève a été appelée la « chanson des gueux » du XIIIe siècle. 

Les prières qu'il a composées font preuve, d'autre part, d'une grande délicatesse. Il a laissé, comme poèmes allégoriques, Renard le Bestourné et la Voie de Paradis; comme oeuvres dramatiques, le Dit de l'herberie, extravagant boniment de charlatan de foire, en vers et en prose, et le Miracle de Théophile, drame assez faible. 

En tant que conteur, il a composé deux longs poèmes où il raconte les vies de sainte Marie l'Égyptienne et de sainte Elisabeth de Hongrie, mais il est surtout l'auteur de fabliaux remarquables dont le sujet est parfois emprunté à des aventures contemporaines, ainsi : la Vengeance de Charlot et Frère Denyse. Sa poésie est à moitié populaire de forme. 

On peut voir, dans Rutebeuf, le plus remarquable des trouvères et qui est en même temps bohème et poète, le véritable ancêtre de Villon; avec l'originalité, il a la verve, la clarté; il abuse seulement des jeux de mots. (M. Barroux).



En bibliothèque - Les pièces qu'on a de lui sont au nombre de cinquante-six. Il était oublié depuis des siècles lorsqu'en 1839 A. Jubinal a publié ses oeuvres complètes (Paris, 2 vol. in-8) qu'il a réimprimées avec quelques modifications en 1874-75 (Paris, 3 vol: in-8). Une édition meilleure a paru depuis; elle est due à A. Kressner (Wolfenbüttel, 1885, in-8). Voir aussi les pièces de Rutebeuf insérées par A. de Montaiglon et G. Raynaud dans leur Recueil genéral des fabliaux (t. III. Paris, 1878, in-8.).

P. Pâris, Hist. litt. de la Fr.,1812, t. X,X, pp. 719783.- L. Petit de Julleville, les Mystères, t. 1, pp. 107114 et t. II, pp. 223-23, Paris, 1880, 2 vol. in-8. - C. Lenient, la Satire en France au moyen âge; Paris, 3e édit.. 1883, pp. 52-66, in-12. - P.-H. Tjaden, Untersuchungen über die Poetik Rutebeufs...;Marbour, 1385, in-8.- E.Schumacher, Zur Syntax Rustebuef; Kiel,1888, in-8. - L. Jordan, Melrik und Sprache Rutebeufs; Wolfenbüttel (Gœttingue), 1888, in-8. - L. Clédat, Rutebeuf; Paris 1891, in-8. -  J. Bédier, les Fabliaux; Paris, 1893, pp.366-74. - H. Strohmayer, dans Romania, 1891, pp. 601-606 (le Miracle de Théophile).

En librairie - Rutebeuf, Oeuvres complètes, Le Livre de Poche, 2001. - Oeuvres poétiques, Gallimard, 1990, 2 vol.  - Le miracle de Théophile, Flammarion, 1993. - Poèmes de l'infortune, Gallimard, 1986.

Jeannine Guichardet, Errances et parcours parisiens, de Rutebeuf à Crevel, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1995. - Jean Dufournet et Roger Dragonetti, Du Roman de Renart à Rutebeuf, Honoré Champion.

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