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Raynouard

François Juste Marie Raynouard est un écrivain français né à Brignoles (Var) le 8 septembre 1761, mort à Passy (Seine) le 17 octobre1836. Avocat dans sa ville natale, il y acquit dès sa jeunesse des sympathies qui lui valurent d'être élu en 1791 député suppléant à l'Assemblée législative. Incarcéré pendant la Terreur pour cause de modérantisme, il composa en prison sa première tragédie (Caton d'Utique, 1794). Après le 9 thermidor, il reprit sa place au barreau. Mais le goût des lettres la lui fit déserter à l'époque du Consulat. Son poème de Socrate au temple d'Aglaure fut couronné par l'Institut en 1802. Mais ce fut l'éclatant succès de la tragédie des Templiers, représentée au Théâtre-Français par ordre de l'empereur en 1805, qui attira surtout sur lui l'attention du grand public. 
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La Mort des Templiers

« Un immense bûcher dressé pour leur supplice 
S'élève en échafaud, et chaque chevalier 
Croit mériter l'honneur d'y monter le premier.
Mais le grand-maître arrive, il monte, il les devance; 
Son front est rayonnant de gloire et d'espérance. 
Il lève vers les cieux un regard assuré;
Il prie, et l'on croit voir un mortel inspiré. 
D'une voix formidable aussitôt il s'écrie 
« Nul de nous n'a trahi son Dieu, ni sa patrie.
Français, souvenez-vous de nos derniers accents;
Nous sommes innocents, nous mourons innocents;
L'arrêt qui nous condamne est un arrêt injuste;
Mais il est dans le ciel un tribunal auguste
Que le faible opprimé jamais n'implore en vain,
Et j'ose t'y citer, ô pontife romain!
Encor quarante jours!... je t'y vois comparaître. » 
Chacun en frémissant écoutait le grand-maître 
Mais quel étonnement! quel trouble! quel effroi! 
Quand il dit : « O Philippe! ô mon maître! ô mon roi! 
Je te pardonne en vain, ta vie est condamnée,
Au tribunal de Dieu je t'attends dans l'année. » 
Les nombreux spectateurs, émus et consternés, 
Versent des pleurs sur vous, sur ces infortunés.
De tous côtés s'étend la terreur, le silence;
Il semble que du ciel descende la vengeance. 
Les bourreaux interdits n'osent plus approcher.
Ils jettent en tremblant du feu sur le bûcher 
Et détournent la tête... Une fumée épaisse 
Entoure l'échafaud, roule et grossit sans cesse. 
Tout à coup le feu brille... A l'aspect du trépas, 
Ces braves chevaliers ne se démentent pas. 
On ne les voyait plus; mais leurs voix héroïques
Chantaient de l'Éternel les sublimes cantiques. 
Plus la flamme montait, plus ce concert pieux 
S'élevait avec elle et montait vers les cieux. 
Votre envoyé paraît, s'écrie... Un peuple immense, 
Proclamant avec lui votre auguste clémence,
Aux pieds de l'échafaud soudain s'est élancé...
Mais il n'était plus temps... Les chants avaient cessé. »
 

(F. Raynouard, extrait des Bons livres).

Deux ans plus tard, Raynouard succédait au poète Lebrun comme membre de l'Institut (classe de littérature française). Les États de Blois, représentés en 1810 devant Napoléon, déplurent pour quelques hardiesses à ce souverain qui interdit la pièce (elle ne fut donnée qu'en 1814 au public, qui, du reste, ne l'apprécia guère). 

Le poète, présenté par le département du Var, était entré en 1806 au Corps législatif. Il y siégea de nouveau à partir de 1811 et fit, à la fin de 1813, partie de la commission dont le rapport sévère sur l'état de l'Empire amena la suspension de cette assemblée. Il y reparut en 1814, défendit la liberté de la presse contre les ministres de Louis XVIII et fit aussi partie en 1815, mais seulement de nom, de la Chambre des représentants. Après la réorganisation de l'Institut (1816), il demeura membre de l'Académie française, aux travaux de laquelle il participa très activement à partir de 1817 comme secrétaire perpétuel. Il fut aussi, à partir de 1816, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

Outre les tragédies citées plus haut, il en avait écrit d'autres qui ne furent pas jouées (Scipion, Eléonore de Bavière, don Carlos, Charles Ier, Jeanne d'Arc à Orléans, etc.). Mais dans ses dernières années, il s'adonna particulièrement et avec grand succès à l'étude des langues romanes, dont il s'attacha à mettre en lumière la gloire passée et les monuments oubliés. 

Dans cet ordre de travaux, il a laissé d'importants ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Éléments de la grammaire romane (Paris, 1816, in-8); Choix de poésies originales des troubadours (Paris, 181621, 6 vol. in-8); Des Troubadours et des Cours d'amour (Paris, 1817, in-8); Grammaire comparée des langues de l'Europe latine dans leurs rapports avec la langue des troubadours (Paris, 1821, in-8); Observations philologiques sur le roman de la Rose (Rouen, 1829, in-8; Lexique roman, ou dictionnaire de la langue des troubadours (Paris, 1838-1844, 6 vol, in-8). (A. Debidour).

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