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Rachel

Elisabeth-Rachel Félix, dite Rachel, est une tragédienne française, née à Aarau (Suisse) le 28 février 1821, d'une pauvre famille juive. Elle commença, avant d'entrer dans la carrière où elle devait trouver la gloire et la fortune, par chanter, en s'accompagnant de la guitare, dans les rues des villes qu'elle traversait avec les siens. Ses parents étant venus se fixer à Paris, elle entra dans l'école de musique religieuse de Choron, qui, voyant bientôt qu'elle n'avait aucune aptitude pour le chant, la recommanda au comédien Saint-Aulaire. Celui-ci s'intéressa à elle, la fit travailler et la produisit sur un théâtre où il exerçait ses élèves. 

Elle passa ensuite quelque temps au Conservatoire, et enfin fut engagée au Gymnase, où elle débuta, le 4 avril 1837, dans une pièce intitulée la Vendéenne. Ce n'était pas, là le milieu qui lui convenait : on le comprit, et Samson, l'excellent auteur de la Comédie-Française, se chargea de son éducation scénique et, lorsqu'il la sentit prête, la fit engager à ce théâtre.
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Rachel.
Rachel (1820-1858). - Elle a maintenu en pleine
période romantique le culte de la tragédie classique.

Rachel n'avait que dix-sept ans lorsque, le 12 juin 1838, elle se montra sur la première scène du monde dans le rôle de Camille des Horaces, après quoi elle joua Cinna et Hermione dans Andromaque. Le public, surpris, fut d'abord un peu hésitant en présence de cette nouvelle venue, appelée à renouveler la fortune de la tragédie classique; mais il ne tarda pas à comprendre et à apprécier les qualités de chaleur, d'énergie, de passion qui distinguaient son talent naissant et qui se développaient de jour en jour, à mesure qu'elle prenait conscience d'elle-même et de la puissance de ses facultés. Bientôt le succès vint, succès colossal, et tout Paris courut entendre la jeune tragédienne qui se révélait d'une façon si triomphante.

Rachel, en effet, fut bientôt en pleine possession de ce talent merveilleux, qui, s'il péchait du côté de la tendresse, était admirable par sa vigueur, sa grandeur, sa noblesse hautaine et son énergie farouche. Une articulation superbe, une diction irréprochable, un sens merveilleux des situations, avec des élans d'une flamme incomparable, arrachaient aux spectateurs des cris d'enthousiasme et des applaudissements furieux. La grande artiste se constitua peu à peu un répertoire qui comprenait Esther, Nicomède, Polyeucte, Bajazet, Ariane, Phèdre, Oreste, Don Sanche d'Aragon, Athalie, Britannicus, Mérope, etc., et quelques tragédies plus modernes : Jeanne d'Arc (Soumet), Frédégonde et Brunehaut (Lemercier), Marie Stuart (Lebrun). Elle joua même Lucrèce de Ponsard et Angelo de Victor Hugo, ainsi que plusieurs tragédies nouvelles : Judith et Cléopâtre de Mme de Girardin, Virginie de Latour Saint-Ybars, le Vieux de la Montagne du même, et Valeria d'Auguste Maquet et Jules Lacroix. 

Elle voulut aussi se produire dans la comédie, où elle fut moins heureuse. C'est ainsi qu'après s'être montrée sans succès dans Célimène du Misanthrope, elle joua Mademoiselle de Belle-Isle et Louise de Lignerolles et créa Diane d'Émile Augier et la Tsarine de Scribe, tout cela sans profit pour sa renommée. Cependant elle se fit applaudir dans Lady Tartufe de Mme de Girardin et, dans Adrienne Lecouvreur de Scribe et Legouvé. Ce dernier ouvrage fut même un de ses triomphes. Elle se fit bien accueillir aussi dans deux petites comédies antiques, le Moineau de Lesbie d'Armand Barthet, et Horace et Lydie de Ponsard.

Mais c'est à la tragédie que Rachel a du sa gloire, et c'est comme tragédienne que son nom passera à la postérité. Elle a été dans ce genre, comme Talma un demi-siècle plus tôt, une personnalité exceptionnelle et admirable, par la grandeur, l'ampleur, la chaleur et la sûreté d'un jeu d'une puissance incomparable.

Malheureusement, la gloire ne suffisait pas à cette grande artiste qui, partie de si bas; avait su s'élever si haut. L'amour du lucre, la soif de l'or étaient effrénés chez elle et devaient la mener à une fin précoce. Ses démêlés avec la Comédie-Française pour des questions d'intérêt sont restés célèbres. Mais les 60.000 F qu'elle finit par gagner à ce théâtre ne lui suffisaient pas, et les quatre ou six mois de congé qu'elle exigeait chaque année étaient employés par elle, non à se reposer, mais à faire en province et à l'étranger : en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Allemagne et jusqu'en Russie, des tournées à la fin desquelles elle rentrait à Paris épuisée, exténuée, n'en pouvant plus; et incapable alors de reprendre son service. Elle ruinait ainsi sa santé délicate par des fatigues dont l'excès ne pouvaient que lui être fatal. 

En dernier lieu elle alla faire un immense voyage en Amérique, d'où elle revint presque mourante et condamnée au repos le plus absolu. Cette fois elle avait trop abusé de ses forces. Les médecins l'envoyèrent à Nice, puis en Egypte, mais ses jours étaient comptés. De retour en France, elle alla s'installer au Cannet, où elle dépérit de jour en jour et où elle mourut le 4 janvier 1858, avant d'avoir accompli sa trente-septième année, laissant le souvenir d'une des plus grandes artistes dont la scène ait jamais pu se glorifier. (Arthur Pougin).

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Dictionnaire biographique
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