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Histoire de la philosophie > Philosphie grecque > Aristote |
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La doctrine d'Aristote,
l'Aristotélisme, est aussi connue dans l'histoire de la philosophie
sous le nom de Péripatétisme (du grec Peripatein,
se promener) parce que ce philosophe avait l'habitude
d'enseigner en se promenant dans les galeries du Lycée.
Pour résumer la philosophie d'Aristote, et la saisir dans ses traits généraux, il faut d'abord bien entendre la théorie qui la domine et qu'il a exposée dans le traité connu sous le nom de Métaphysique. II est nécessaire à qui veut avoir, de quelque chose que ce soit, une science accomplie, d'en connaître : 1° la substance ou matière première, c.-à -d. ce dont la chose est faite;Ainsi, d'une statue, nous savons tout ce que nous en pouvons savoir lorsque nous en connaissons la matière, la forme, l'auteur, la destination. Comme cela est également vrai des plus grands et des plus vastes objets, et du monde entier, toute science en définitive se résout dans la science des principes, et tel est en effet le caractère, telle est la nature de la philosophie première. Elle est la science des premières causes et des premiers principes. Les principes sont au nombre de quatre : la Matière, la Forme, la Cause motrice ou efficiente, la Cause finale. Mais en y regardant de plus près, on voit qu'ils sont susceptibles de simplification; effectivement, si la matière existe indépendamment de la forme; si le marbre, avant de devenir, sous la main du sculpteur, Dieu, table ou cuvettle (La Fontaine), existait à l'état de bloc informe, la forme que celui-ci lui communique n'est indépendante ni de son travail, ni de la pensée dans laquelle il l'a exécuté. Donc, en réalité, le nombre des principes doit être réduit de quatre à deux : 1° la Matière par elle-même indéterminée;En raison de cette aptitude à devenir indifféremment tel ou tel objet, Aristote nomme la matière, considérée dans son universalité, la Puissance des contraires, ou simplement la Puissance; là cause qui lui donne l'être actuel, il la nomme l'Acte. Tout ce qui existe réellement (et, disons-le en passant, ce qui existe réellement, suivant Aristote, et contrairement à l'opinion de Platon, ce sont les êtres individuels) existe par l'union de l'Acte et de la Puissance C'est en cela que consiste l'Entéléchie péripatéticienne. Ces principes posés, il s'agit d'en saisir
les rapports, et d'en suivre les développements dans la nature,
dans les animaux, dans l'humain, dans son âme, dans
les différentes fonctions de celle-ci. De là une physique,
une histoire naturelle, une psychologie,
une logique, une morale,
une politique, toutes en relation plus ou moins
étroite avec la métaphysique : c'est la
métaphysique qui fait le lien et l'unité de toute
la doctrine péripatéticienne. La physique d'Aristote, trop systématique,
trop en dehors de l'observation, a fini par
perdre tout crédit. Il n'en est pas de même de la philosophie proprement
dite; le Traité de l'âme et les petits écrits qui s'y rattachent,
les écrits logiques réunis sous le nom d'Organon Nous indiquerons ici un petit nombre de résultats positifs, les solutions données par ce système aux questions fondamentales de la philosophie: sur la nature de l'âme, elle est, non seulement dans l'humain, mais dans tout être vivant, le principe intérieur du mouvement et de la vie, "l'acte d'un corps naturel qui a la vie en puissance". C'est à elle surtout qu'Aristote applique le nom d'entéléchie. Distincte du corps sans pouvoir en être séparée, elle préside ans fonctions de la nutrition et de la génération, de la sensibilité, de intelligence, sans qu'on puisse affirmer bien décidément (c'est un des côtés les plus faibles de la philosophie d'Aristote) si l'on doit entendre qu'il y a, dans l'humain par exemple, trois âmes différentes : une âme nutritive, une âme sensible, une âme raisonnable; ou seulement trois fonctions du même principe. Même incertitude en ce qui concerne l'immortalité,qui, en tout cas, ne serait le partage que de l'âme raisonnable. Les parties vraiment expérimentales de la psychologie péripatéticienne, la description de la sensibilité, des appétits, des passions, de la raison, etc., sont plus satisfaisantes., "Aristote, dit H. Martin, a signalé l'entendement et le libre arbitre comme conditions de la Morale. Mais, au lieu de s'adresser à l'entendement et à la conscience, qui lai auraient donné le devoir comme principe de la morale, il a demandé le principe à l'empirisme, et il a cru le trouver dans le désir du bonheur. Suivant lui, le bonheur, et par conséquent le devoir de l'être intelligent c'est de faire passer autant que possible toutes les facultés de la puissance à l'acte; c'est de les développer complètement et simultanément. Ce développement des facultés doit résulter, non d'efforts isolés, mais d'une habitude durable, qui est la vertu."Aristote distingue des vertus intellectuelles et des vertus morales. II fait consister toutes ces dernières dans un juste milieu, entre deux excès contraires, ce qui exclut du nombre des vertus morales le désintéressement absolu et le dévouement sans bornes. Pourtant sa morale se recommande par d'excellentes observations et de profondes analyses. Sa Politique est fondée de même empiriquement sur le principe de l'utile. Elle est la conclusion de sa morale, où il s'est proposé moins de donner des règles de conduite que de montrer quelles sont les qualités qu'il faut développer dans l'humain. Dans sa Politique, il enseigne, dune part, comment l'ordre social sert à ce développement; d'autre part, comment le politicien doit se conduire sous diverses formes de gouvernement, pour en tirer la meilleur parti possible, et non pour le réformer. II approuve l'esclavage comme un fait utile et consacré par l'usage; il semble même le considérer comme un fait fondé sur la nature. Aristote érige ainsi en lois des faits condamnables. Comme doctrine philosophique, c'est incontestablement
dans la théodicée qu'Aristote a été le plus
loin et le plus haut; non pas que sa science soit parfaite et irréprochable
de tout point; nous allons en signaler les principales erreurs : la matière
y est indépendante de
Dieu pour son existence;
elle est éternelle comme Dieu. Dieu, quoique moteur
universel, reste enfermé dans sa
pensée solitaire,
parce qu'il meut, c.-Ã -d. gouverne la monde, non comme cause efficiente,
par un acte exprès de volonté, mais comme cause finale et comme objet
de désir, toutes choses gravitant vers lui comme
vers leur fin et leur bien suprême. Mais en réduisant la matière Ã
n'être que la puissance des contraires, c.-à -d. en la rapprochent autant
que possible du non-être, en repérant sans cesse que Dieu est le premier
moteur, malgré la fausse interprétation quo l'on vient de signaler, en
affirmant enfin de la manière la plus explicite l'identité de Dieu, du
bien et de la cause finale, Aristote a propagé dans la philosophie des
idées qui auront une immense et durable influence;
de là cette tradition qui, après avoir exercé son action sur les autres
écoles anciennes, modifié le Platonisme,
pénétré chez les Épicuriens, les Stoïciens,
les Alexandrins, s'étendit avec tant
de force à la scolastique et à la philosophie arabe, et provoqua, au
moment de la Renaissance, des luttes furieuses; qui, enfin, malgré la
réaction dont elle devint alors l'objet, loin de s'effacer dans la philosophie
moderne, a fait naître encore une foule de savantes et excellentes recherches
qui résument, condensent, rectifient, tant au point de vue historique
qu'au point de vue dogmatique, tout ce que les générations précédentes
ont entassé sur Aristote d'interprétations, de commentaires et de polémiques.
Pour tracer cette esquisse, il faut se débarrasser de deux conceptions toutes modernes ou tout au moins absolument étrangères au monde grec. En premier lieu, sous l'influence des idées judaïques, selon lesquelles celui-là seul est un vrai disciple qui accepte intégralement les doctrines du maître et des idées romaines, selon lesquelles toute nouveauté est condamnable, nous sommes tentés de voir dans le disciple un penseur qui n'affirme en toutes choses ni plus ni moins que le maître. Chez les Grecs, au contraire, tout philosophe croit faire honneur à celui dont il a suivi l'enseignement en pensant par lui-même, en continuant et parfois même en combattant le maître. Platon se dit disciple de Socrate, comme Euclide, Antisthène ou Aristippe; Aristote se dit platonicien. En second lieu, on a, de nos jours, accordé avec raison une grande importance à la Métaphysique d'Aristote; mais on a été amené plus d'une fois à ne pas considérer comme de vrais péripatéticiens ceux qui n'ont pas après lui et comme lui abordé les questions métaphysiques. Or, chez Aristote, les idées ne sont pas, comme chez Platon, un monde à part; elles se trouvent dans les choses : il faut donc étudier celles-ci en elles-mêmes et dans leurs rapports. Aussi Aristote est-il, en même temps qu'un métaphysicien, un érudit et un savant, dont les recherches ont porté surtout le domaine de la connaissance positive ou historique. Ses ouvrages, exotériques ou acroamatiques, constituaient une véritable encyclopédie, dont les parties principales, logique, physique et astronomie, histoire naturelle, psychologie, morale, économique et politique, esthétique, monographies critiques ou historiques, servent de base, de confirmation ou de complément à ses doctrines sur la philosophie première. Nous devrons donc tenir pour péripatéticiens tous ceux qui, se réclamant du maître ou parfois même le combattant, lui ont emprunté certaines de ses doctrines ou «se sont promenés» à sa suite dans les sciences diverses, à la recherche de vérités nouvelles. De ce point de vue, on s'aperçoit que
la première période de l'école - qui va de 322 av. J.-C. au 1er
siècle avant l'ère chrétienne - est des plus fécondes dans l'histoire
du péripatétisme. D'abord le stoïcisme et
l'épicurisme tirent, à l'origine, une bonne
partie de leurs théories logiques, physiques et morales, du péripatétisme.
Comme l'a bien vu
Ravaisson, ils pourraient
en ce sens passer, tout aussi bien que, certains scolarques du Lycée,
Straton,
par exemple, pour des continuateurs d'Aristote. Et quand le stoïcisme
pénètre à Rome, Panétius s'appuie sur Aristote,
Théophraste
et Dicéarque, comme sur Platon,
Xénocrate
et les stoïciens.
Posidonius mêle à son
tour le
platonisme et le péripatétisme.
De même, il serait aisé de signaler chez Carnéade,
notamment sur la liberté, des affirmations qui rappellent Aristote. Et
Antiochus
d'Ascalon Malheureusement, il ne nous reste guère de la plupart d'entre eux que des fragments, leurs oeuvres ayant été oubliées ou dédaignées par les philosophes, surtout théologiens, qui ont dominé aux époques ultérieures. Si nous examinons successivement les divers domaines du savoir antique, nous voyons que les successeurs d'Aristote les ont tous explorés, en commentant, en continuant, en complétant le maître et en conservant pour la plupart une certaine originalité, comme l'avouent d'ailleurs implicitement la plupart des historiens, qui les accusent d'avoir modifié plus ou moins les doctrines péripatéticiennes. En métaphysique même, il y aurait bien des travaux à mentionner, notamment ceux de Théophraste, d'Eudème, de Pasiclès de Rhodes, à qui l'on a attribué le second livre de la Métaphysique, même de Straton, qui la mêle à la physique. Pour la logique, Prantl, qui a plus de cinquante pages pour les anciens péripatéticiens, montre que leurs recherches ont été recueillies et mises en oeuvre par les commentateurs ultérieurs, auxquels nous sommes trop souvent disposés à en faire honneur. En particulier, nous savons par Boèce, que Théophraste et Eudème ont ajouté cinq modes à la première figure, un septième à la troisième. L'école fait une grande place aux mathématiques, à l'astronomie (Eudoxe, Callippe), à la théorie de la musique, qui acquiert, avec Aristoxène, un haut degré de perfection. Elle étudie la physique dans son ensemble et dans ses divisions, dont elle tend à augmenter le nombre, comme l'établissent surtout les titres des ouvrages de Théophraste et de Straton. Les sciences naturelles s'enrichissent de monographies et de travaux considérables, parmi lesquels nous avons conservé ceux de Théophraste sur les plantes. Il en est de même pour la médecine, pour la psychologie empirique et métaphysique. Il y a des péripatéticiens moralistes qui décrivent les moeurs telles qu'elles sont et qui cherchent ce qu'elles devraient être. D'autres s'occupent d'éducation et de politique. L'histoire, divisée en domaines spéciaux, s'attache aux institutions, aux gens et aux événements, aux lettres et aux arts, aux sciences, arithmétique, astronomie. géométrie, musique, à la médecine et à la philosophie. La géographie se joint à l'ethnographie. L'esthétique porte surtout sur la rhétorique et la poétique, mais s'appuie parfois sur ce que l'on appellera dans la suite les beaux-arts. C'est Démétrius de Phalère qui organise la bibliothèque d'Alexandrie, où se formeront des érudits et des exégètes, des poètes et des savants, des grammairiens et des philosophes. A Pergame et à Rhodes, on pourrait constater de même l'influence péripatéticienne. Du Ier
siècle av. J.-C. au IXe siècle de l'ère
chrétienne, c'est dans l'empire romain, puis en Occident et en Orient,
chez les défenseurs du polythéisme et
chez les chrétiens, qu'il faudrait suivre l'aristotélisme. D'abord, il
y a des exégètes, des commentateurs et de purs péripatéticiens, Andronicus
de Rhodes, Nicolas de Damas, Alexandre d'Egée. Adraste
et surtout Alexandre d'Aphrodise,
l'exégète par excellence qui occupe à Athènes la chaire de péripatétisme
(198-211). Puis il y a des éclectiques qui
mêlent, comme on le voit nettement chez Cicéron
et ses successeurs. des doctrines aristotéliques au stoïcisme,
au platonisme et même à l'épicurisme.
C'est ce que l'on constate également chez les platoniciens pythagorisants
( « La Métaphysique d'Aristote, dit Porphyre, est condensée tout entière dans les Ennéades... On lit dans les conférences de l'école les ouvrages des péripatéticiens, d'Aspasius, d'Adraste, d'Alexandre d'Aphrodise et des autres qui se rencontraient.»Et Bouillet a montré, par des citations typiques, tout ce que Plotin a emprunté à Aristote. Au temps de Porphyre, la lutte éclate contre les chrétiens. Ceux-ci, avec Origène, unissent l'Ancien ![]() ![]() ![]() Et tous ceux qui, par la suite, étudieront directement ou indirectement les néo-platoniciens, relèveront d'Aristote, comme tous ceux qui liront Aristote l'expliqueront en suivant ses commentateurs néo-platoniciens. En ce sens, les chrétiens néo-platoniciens, saint Basile, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, saint Augustin, Synésius, Nemésius, Enée de Gaza relèvent d'Aristote. Quand la rupture est complète entre les deux directions religieuses, les chrétiens continuent à s'occuper d'Aristote et s'efforcent de faire entrer, dans leur philosophie, tout ce que le christianisme peut accepter de ses doctrines. Jean Philopon, David l'Arménien, commentent Aristote et, tout en faisant bon nombre d'emprunts au Néo-platonisme, transmettent à leurs successeurs des ouvrages et des doctrines du maître. Boèce - que le Moyen âge a considéré comme chrétien - traduit et commente les ouvrages logiques d'Aristote et l'Isagoge de Porphyre. Avec Cassiodore,
Isidore
de Séville et Bède le Vénérable, il fournira
aux scolastiques occidentaux, du IXe
au XIIe siècle, le cadre dans lequel ils
feront entrer des théories chrétiennes et néo-platoniciennes. Enfin
Jean
Damascène, qui vit vers 700, donne, dans la Pègè gnôseôs,
une exposition des doctrines chrétiennes où la logique et l'ontologie
péripatéticiennes tiennent une place considérable. Son influence n'a
jamais cessé dans l'Orient chrétien et elle se fait sentir sur l'Occident
à partir du XIIe siècle.
Dans la première, la philosophie compte
des représentants chez les Byzantins Les travaux des Juifs - dont les plus célèbres
sont Ibn Gabirol et Maïmonide
- peuvent être rapprochés de ceux qu'on a appelés les péripatéticiens
arabes, mais dénotent une infIuence bien plus grande encore du néo-platonisme.
Toute fois, ils ont conservé et transmis, à l'Occident chrétien, les
oeuvres arabes et contribué ainsi à lui faire connaître leur péripatétisme
néo-platonicien. L'Occident chrétienn connaît directement d'abord que
certaines parties de l'Organon d'Aristote, Catégories et interprétation
- les Analytiques et la théorie de la démonstration
ne seront connus qu'au XIIe siècle, au
temps de Jean de Salisbury Du XIIIe au XVe siècle, il n'y a rien à signaler chez les Arabes, il y a peu de chose chez les Juifs. On trouve encore, chez les Byzantins, des commentateurs d'Aristote. Mais c'est surtout dans l'Occident chrétien que l'aristotélisme prend une importance considérable. D'abord, on y connaît la plupart des oeuvres d'Aristote et de ses commentateurs néo-platoniciens, puis tous les travaux arabes, juifs et chrétiens de l'époque antérieure. Des traducteurs, comme Constantin l'Africain, comme Gundisalvi et Jean d'Espagne, à Séville, sons la direction de l'archevêque Raymond, ceux qui figurent à la cour de Frédéric II, ceux qui travaillent, comme Guillaume de Moerbecke, sur des manuscrits grecs qui viennent de Byzance après l'établissement de l'empire latin (1204), font de cette époque une de celles où il a été le plus facile de réunir toutes ses théories scientifiques et philosophiques. Toutefois, Aristote ne fut jamais, dans cette période, le maître incontesté dont parlent les manuels modernes. D'abord il a des adversaires. On condamne sa physique et sa métaphysique en 1210; si le pape en autorise l'étude après 1231, il ne manque pas de philosophes, comme Roger Bacon, qui tendent à penser par eux-mêmes ou à invoquer l'expérience, plutôt qu'à reproduire purement et simplement ses doctrines; il y a des mystiques et des platoniciens. Puis ceux qui le commentent, comme Albert le Grand et saint Thomas, l'interprètent, en se servant des commentateurs néo-platoniciens et surtout en mettant ses doctrines en accord avec le dogme chrétien. Enfin, il y a un pseudo-Aristote, dont les éléments viennent surtout de Plotin et de ses disciples, a été des plus considérables, En somme, on connaît Aristote, mais on le complète, on le corrige, on l'adapte au christianisme. Au XIVe siècle et au début du XVe, les études philosophiques, comme toutes les recherches spéculatives, fléchissent par suite des guerres, des pestes, des famines. Aristote est lui-même beaucoup moins étudié qu'au XIIIe siècle. Toutefois, avec Occam et ses contemporains, qui reprennent la question des universaux, les doctrines fondamentales du péripatétisme reviennent au premier plan. La Renaissance est l'époque où l'Occident reçoit à la fois des manuscrits et des savants de Byzance. Elle compte de purs humanistes - pour qui la forme vaut infiniment plus que la pensée - des néo-platoniciens qui unissent Platon, Plotin, Proclus et ses successeurs, des philosophes qui renouvellent les théories stoïciennes, académiciennes, sceptiques et épicuriennes; des adversaires passionnés d Aristote, comme Ramus, mais aussi des péripatéticiens averroïstes ou alexandristes, qui essaient de reconstituer la doctrine du maître, qui entendent parfois rester chrétiens, tout en indiquant que les doctrines d'Aristote ne s'accordent pas avec le christianisme. La Réforme se prononce d'abord, avec Lutter,
contre Aristote; mais avec Mélanchthon,
celui-ci reprend sa place dans les écoles protestantes, comme avec les
Jésuites Avec le XVIIe
siècle naît la philosophie moderne, qui, par delà l'époque théologique
où se développèrent christianisme et le néo-platonisme, rejoint la
philosophie des anciens péripatéticiens, fondée sur les recherches positives.
Mais les sciences d'observation, aidées par des instruments puissants,
font des progrès aussi grands que les sciences mathématiques. Et, chose
curieuse, ce sont les savants ou les philosophes comme Galilée
et Bacon, Descartes,
Gassendi,
Pascal
ouMalebranche, en qui l'on verrait avec raison
les vrais continuateurs d'Aristote, qui l'attaquent avec le plus d'énergie
et aussi d'injustice. C'est que ceux qui se disent alors ses disciples,
qu'ils enseignent chez les jésuites ou dans l'Université, en ont fait
ce qu'il ne fut jamais auparavant, un maître dont les doctrines doivent
être acceptées sans discussion, comme on reçoit, sans y rien changer,
les dogmes catholiques. C'est que le Parlement de Paris
défend, en 1624, sous peine de mort, d'enseigner rien de contraire Ã
la doctrine d'Aristote. Et il faut, vers 1670, que Boileau
et ses amis composent l'Arrêt burlesque, pour empêcher le Parlement
de reproduire sa condamnation de 1624. Aussi l'influence d'Aristote va-t-elle
en diminuant, au XVIIe et au XVIIIe
siècle,
sur les penseurs et les savants qui dédaignent le péripatétisme des
écoles. Certes, bon nombre de philosophes, comme Descartes,
Spinoza,
même les logiciens de Port-Royal Mais Leibniz presque seul cherche à faire une part à Aristote dans son système éclectique. Ses disciples l'imitèrent et il n'y eut jamais, dans l'Allemagne protestante, une rupture complète entre les écoles où Mélanchthon avait installé le péripatétisme et le monde des savants et des penseurs. Kant parle, comme Aristote, d'une table des catégories et d'une distinction de la matière et de la forme. Et les philosophes de l'Allemagne contemporaine, qui, en dehors des mystiques, se rattachent, plus ou moins étroitement, à Kant, ont travaillé à publier le texte exact des oeuvres d'Aristote et de ses commentateurs, à les éclaircir, à les rendre plus accessibles, parce qu'ils ont cru que les bien connaître était nécessaire, non seulement à l'historien, mais encore à celui qui poursuit l'explication dernière des choses. Les savants français du XVIIIe siècle, en lisant Aristote et non plus ceux qui prétendaient l'interpréter dans les écoles, s'aperçurent que ses recherches positives méritaient de figurer dans l'bistoire des sciences. Des philosophes, comme Ravaisson, ont estimé, au XIXe, que l'étude de la Métaphysique d'Aristote peut nous être fort utile et qu'elle constitue la partie la plus importante de son oeuvre. Dès lors, Aristote a été lu et cité par les naturalistes, par les psychologues, par les logiciens et les historiens des arts et des institutions, par les métaphysiciens, les moralistes et les politiques. On l'a édité, traduit et commenté eu France comme en Allemagne. Enfin, depuis l'encyclique Aeterni Patris, adressée par Léon VIII aux catholiques, le néo-thomisme a trouvé des adhérents ou augmenté le nombre de ceux qu'il avait conservés en Belgique et en Hollande, en Allemagne et en France, en Autriche et en Hongrie, en Italie et même en Amérique. En résumé, Aristote compte des disciples
originaux, des disciples qui ont commenté et conservé sa doctrine. Les
philosophes qui l'ont suivi dans le monde polythéiste
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