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Oken (Lorenz),
de son vrai nom Ockenfuss, est un naturaliste et philosophe né
à Bohlsbachle le 1er août
1779, mort à Zurich le 14 août 1851. Oken est le plus célèbre
des philosophes appartenant à l'école dite des Philosophes
de la nature, qui s'efforça de faire pénétrer
dans les sciences et d'appliquer au monde réel
le système d'idées générales
qui, depuis Kant, et à travers Fichte
et Schelling, avait donné une direction
nouvelle et originale à la métaphysique
allemande. Déjà Schelling, en 1797, avait publié un
livre intitulé De l'Ame du monde, hypothèse de haute métaphysique,
pour expliquer l'organisme universel, dans lequel il indiquait comment
on peut retrouver dans le monde, dans la vie même, les lois abstraites
de la philosophie transcendantale.
Oken se lança avec passion dans la voie de ces audacieuses constructions
tout en essayant de leur donner, par une étude approfondie de l'histoire
naturelle, une rigueur plus scientifique.
L'idée générale, qui
se dégage de son oeuvre puissamment et aussi témérairement
synthétique, est celle de l'unité-absolue
du plan de l'univers, qui réalise, à travers tous ses degrés
et par l'infinité même de ses formes,
l'unité divine. Un panthéisme
universel, dans lequel il est possible de suivre et de retrouver, jusque
dans les plus infimes détails de l'organisation matérielle,
l'unité logique du développement
divin, un infini qui se répète en se diversifiant: tel est
le monde. Tous les êtres représentent Dieu,
chaque être particulier manifestant une ou
plusieurs qualités d'un être supérieur
et résumant en lui les qualités des êtres inférieurs.
La continuité est ainsi établie dans le monde, expression
directe de l'activité divine, et l'oeuvre d'Oken apparaît
comme une exacte application, au domaine des sciences naturelles, du système
de la monadologie.
La vie d'Oken donne l'exemple d'une prodigieuse
activité intellectuelle. Dès 1802; il donne une vaste esquisse
de sa théorie dans un premier ouvrage
intitulé Grundriss der Naturphilosophie, der Theorie der Sinne,
und der darauf gegründeten Classification der Thiere. Il expose
dans ce livre que les classes d'animaux
ne sont virtuellement rien de plus que la représentation des organes
des sens : d'où la distinction des animaux
en cinq classes :
1° les
Dermatozoa ou Invertébrés;
2° les Glossozoa
ou Poissons;
3° les Rhinozoa
ou Reptiles;
4° les Otozoa
ou Oiseaux;
5° les Ophtalanozoa
ou Mammifères.
En 1805, il publie la Génération
(die Zeugung) où il soutient que tout être organique
consiste primitivement en vésicules,
masses protoplasmiques
d'où sortent et se développent, par évolution,
tous les êtres, hypothèse de génie
dans laquelle les découvertes ultérieures de l'analyse anatomique
pourront se reconnaître d'une certaine façon. L'année
suivante, en 1800, Oken publiera un ouvrage intitulé Beiträge
zur vergleichenden Zoologie, Anatomie, Physiologie, où l'on
trouve des recherches neuves sur l'origine des intestins dans la vésicule
ombilicale.
La récompense de ces travaux fut
la nomination d'Oken comme professeur à l'Université d'Iéna,
en 1807. A cette occasion, Oken prononça un discours d'ouverture
en présence de Goethe, conseiller privé
et recteur de l'Université, où il traitait de la signification
des os
du crâne.
Il en tira ensuite un mémoire qu'il publia sous le titre de Ueber
die Bedeutung der Schädelknochen, où se trouve développée
une idée entrevue, eu même temps, par Goethe en Allemagne
et par Dumeril en France, à savoir que la tête est composée
de vertèbres
modifiées : découverte qui apportait une confirmation éclatante
aux idées générales d'Oken, puisqu'elle montrait l'unité
réalisée dans le détail divers de l'organisation anatomique.
En 1808, publication d'un traité Ueber das Universum als Fortsetzung
der Sinnensystems, où il expose que le monde et l'organisme
ne se tiennent pas seulement en harmonie l'un avec l'autre, mais qu'ils
sont un en espèce.
En 1809, Okenb fait paraître Lehrbuch
der Naturphilosophie, classification
nouvelle des éléments, minéraux, végétaux,
animaux,
d'après ses théories philosophiques. Chaque groupe d'animaux
et de végétaux est caractérisé par le développement
qu'y acquiert un des systèmes organiques, en sorte que les séries
botaniques et zoologiques sont déterminées par les divers
degrés de l'évolution organique. Oken y montre également
que, de même qu'en chimie les combinaisons dérivent d'une
loi définie numériquement, de même
en anatomie les organes, en physiologie les fonctions, en histoire naturelle
les classes, familles
et genres, présentent entre eux des rapports
arithmétiques semblables. Ce livre procura à Oken le titre
de conseiller à la cour.
En 1816 commence, sous sa direction, la
publication de l'Isis, eine encyclopädische Zeitschrift vorzüglich
für Naturgeschichte, vergleichende Anatomie and Physiologie -
revue générale, qui comprend non seulement des articles sur
les sciences naturelles, mais aussi des articles littéraires et
des bulletins politiques. Cette revue attira à Oken les remontrances
des États allemands, et la cour de Weimar
le mit en demeure de supprimer l'Isis ou d'abandonner sa chaire.
Oken choisit ce dernier parti. La publication de l'Isis fut interdite
à Weimar : mais elle continua à paraître, jusqu'en
1848, à Rudolstadt. C'est dans l'lsis qu'en 1821 Oken avait,
le premier, exposé l'idée d'un congrès général
périodique de naturalistes et de médecins allemands. Le premier
de ces congrès eut lieu l'année suivante à Leipzig.
C'est sur le modèle de ce congrès qu'a été
organisée la British Association pour l'avancement de la science.
En 1828, Oken reprit son humble poste de
privat-docent à l'Université de Munich, récemment
créée. Mais il fut obligé de la quitter en 1832, à
la suite d'attaques et de calomnies. Il se réfugia à Zurich
où venait de se fonder une université.
Oken a ouvert à l'étude de
la nature des voies nouvelles et pressenti des notions dont plusieurs ont
fait leut chemin en biologie et ailleurs. Carus,
Geoffroy Saint-Hilaire, Blainville,
Owen lui doivent beaucoup. Peut-être son oeuvre
est-elle gâtée par une forme emphatique, une trop grande place
accordée aux hypothèses métaphysiques et, allant avec
celle-ci, une trop grande systématisation d'idées. Il y avait
là un obstacle important, obstacle que les élèves
d'Oken n'ont pas toujours su éviter. Oken a écrit en français
un ouvrage intitulé Esquisse d'un système d'anatomie,
de physiologie et d'histoire naturelle (1812). (Da Costa). |
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