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Les Mozarabes

On nommait Mozarabes ou Muzarabes les chrétiens d'Espagne soumis à la domination musulmane. Lors de la conquête arabe par Tarik et Mousa (711), les vainqueurs laissèrent aux chrétiens de la Péninsule, outre leurs juges et leurs lois, le droit d'assembler des synodes, le libre exercice de leur culte avec la plupart de leurs églises. Il était pourtant interdit d'en élever de nouvelles sans le consentement des Arabes. Les processions devaient se faire à l'intérieur des temples. Ces libertés accordées aux Mozarabes furent fort mal observées dans la suite; aussi les voit-on se soulever sans cesse pendant les guerres civiles des musulmans. 

Tolède insurgée tint tête à plusieurs califes de Cordoue et réussit à s'affranchir presque entièrement. Elle était secondée par les walis révoltés et par les rois de Léon, Abd-er-Rahman III la remit sous le joug en 930. Cruellement persécutés sous Abd-er-Rahman II et Mohammed Ier, les mozarabes, dans l'exaltation de leur foi, outrageaient le Prophète pour obtenir le martyre et mouraient avec le plus ferme courage (Perfectus, Sisenand, Sancho, Theodomir, le diacre Paul, etc.). Celui dont la parole n'avait cessé d'exhorter les suppliciés, saint Euloge, fut décapité le 11 mars 859. Dans un synode, le métropolitain de Séville, Rekafred, avait condamné ce zèle, le considérant comme une manière de suicide. 

Pendant les guerres d'Omar Ibn Hafsoun, l'allié des Mozarabes, le calife Abdallah fit trancher la tête à un millier de prisonniers chrétiens qui refusaient d'embrasser l'islam. Un seul abjura. Les historiens arabes n'ont pas parlé de ces persécutions, exagérées probablement par les chroniqueurs et les écrivains ecclésiastiques. 

Quand Alphonse VI le Brave s'empara de Tolède (1085) et y rétablit le culte catholique, les Mozarabes affranchis persistèrent à conserver le vieux rituel des Goths. Il avait été composé par saint Léandre et saint Isidore et adopté par le quatrième concile de Tolède, en 634. Depuis le concile de Burgos (1076), la Castille et le Léon ne reconnaissaient plus que l'office romain, grâce aux efforts du cardinal Richard, légat de Grégoire VII.

Les deux partis convinrent de s'en remettre au jugement de Dieu. Chacun choisit son chevalier, et le combat eut lieu, en champ clos, le dimanche des Rameaux. Le champion mozarabe, Juan Ruiz de Matanza, vainquit son adversaire. Sur les instances de la reine doña Costanza, fille du duc Robert de Bourgogne, de l'archevêque Bernardo et du légat Richard, Alphonse le Brave fit tenter une seconde épreuve, celle du feu. Après avoir jeûné et prié, on jeta les deux missels dans un même brasier. Celui des Goths ressortit intact. 

Les chrétiens tolédans conservèrent le rituel ancien ainsi que leurs fueros; ils eurent un alcade partienlier qui jugeait au civil comme au criminel, suivant le code wisigoth. Contrairement à l'opinion commune, Florez prétend que ces faits se seraient passés avant la reprise de Tolède, lors du concile de Burgos, en 1077. Le vieux missel finit enfin par tomber en désuétude. Le cardinal Ximenez de Cisneros fit dans la suite construire une chapelle mozarabe à Tolède, avec l'approbation du pape Jules Il. Elle fut confirmée par deux bulles apostoliques, celle de 1508 et celle de 1512. 

Sous la domination des Almoravides, les Mozarabes de Grenade, ceux que les Maures nommaient Mouhahidines ( = alliés, confédérés) appelèrent à leur aide le roi d'Aragon, Alphonse Ier le Batailleur (1125). Ils promettaient de se soulever en masse et de lui livrer le pays. L'Aragonais partit de Saragosse et vint assiéger Grenade en ravageant tout sur sa route. Il ne put s emparer de la ville. Le wali d'Andalousie, Témim ibn Yousef, contint les chrétiens par la terreur; des renforts arrivaient du Maroc. Après une brillante victoire à Arnisol, parvenu jusqu'à Malaga, le Batailleur reprit le chemin de l'Aragon, ramenant avec lui 10.000 Mouhahidines. 

Les autres restèrent exposés à la vengeance des musulmans. Sur l'ordre de l'émir almoravide Ali ibn Yousef ibn Téchoufin, un grand nombre de chrétiens furent dépouillés de leurs biens, déportés en Afrique, à Méquinez, à Salé. La plupart succombèrent, tués par la fatigue, les coups ou les mauvais  traitements. D'autres périrent dans des supplices affreux, horrendis suppliciis, rapporte le chroniqueur Orderic Vital (1126).

Les derniers Mouhahidines de Grenade, alliés d'Ibn Mardanich, émir de Valence et Murcie, furent presque tous massacrés par les Almohades, en 1162. Au XIIIe siècle, quand Jaime le Conquérant reprit Majorque et Valence, Ferdinand le Saint, Séville et Cordoue, Alphonse X, Murcie, il n'y restait plus un seul Mozarabe; les chrétiens qu'on délivra étaient les captifs, les prisonniers de guerre. Il en fut de même lors de la conquête de Grenade par Ferdinand le Catholique, en 1492; on brisa les chaînes de 500 esclaves espagnols. (Lucien Dollfus).

La langue mozarabe.
La langue mozarabe était une langue romane parlée par les chrétiens vivant sous domination musulmane dans la péninsule ibérique, principalement dans le sud de l'Espagne, pendant la période médiévale. Cette langue est issue du latin vulgaire, avec des influences de l'arabe parlé dans la région. En raison de la cohabitation avec les musulmans, la langue mozarabe a subi l'influence de l'arabe, notamment dans son vocabulaire. Certaines études suggèrent également des emprunts lexicaux à d'autres langues, telles que le berbère.

Elle était parlée par les chrétiens ibériques sous le règne musulman entre les VIIIe et XVe siècles. Elle a commencé à décliner après la Reconquista chrétienne de l'Espagne, qui a conduit à l'expulsion progressive des musulmans de la péninsule ibérique. Les locuteurs de la langue mozarabe ont été assimilés aux autres populations chrétiennes, et la langue elle-même a fini par disparaître. 

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