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Ménandre

Considéré comme le le plus fameux représentant, en Grèce, de la Comédie nouvelle Ménandre appartient par la date de ses oeuvres à la période dite alexandrine de la littérature hellénique (IIIe et IIe siècles av. J.-C.); mais par le lieu de sa naissance comme par le cachet de son talent original qui subsiste dans les fragments conservés et surtout sous les imitations parfois presque serviles des poètes latins, le vrai maître du genre comique à l'âge classique, celui que les écoles byzantines nommaient à juste titre l' « astre de la nouvelle comédie », est un pur Attique. On sait que la période attique correspond aux Ve et IVe siècles antérieurs à l'ère chrétienne; or, d'après la division, contemporaine d'Aristote (Éthique à Nicomaque, IV, 14), qui a prévalu dans l'usage, la Comédie nouvelle occupe exactement toute la fin du IVe siècle et la première moitié du siècle suivant (336-250).

Sa vie.
C'est à Kèphisia, dème ou canton de la tribu Erekhthéïde, dans l'Attique, que Ménandre naquit, un peu avant 340 (V. Prolégom. Didot, III. V. aussi la Notice de Suidas, Menandros), de parents riches, considérés, et issus d'une famille noble : sa mère s'appelait Hègèsistratè; son père, Diopithès de Kèphisia, ne doit pas être confondu avec le général Diopithès de Sunium, qui commanda les forces athéniennes sur l'Hellespont et que Démosthène défendit dans son discours Sur les affaires de Chersonèse. On conte que l'enfant reçut du bon poète Alexis, son oncle, les premiers éléments de son art. Il subit, en philosophie, une double influence: celle de Théophraste le Moraliste, chez qui il devint le compagnon d'études de Dèmètrios de Phalère, et celle du jeune Épicure, dont il fut le camarade d'enfance, le condisciple, et dont il demeura l'ami fidèle. Il brilla par sa précoce et mûre éloquence.

« A lui seul, opinait Quintilien, excellent juge en la matière (Institution oratoire, X, 1, 69), j'estime que, si on le lisait avec soin, Ménandre suffirait à montrer la mise en oeuvre de tous nos préceptes »;
 et il le vante comme un modèle à suivre pour quiconque veut acquérir, avec le don oratoire, l'art délicat de prêter à chaque personnage, à chaque âge, à chaque condition, le langage exprès qui lui convient. Ménandre se révélait ainsi l'élève d'Euripide, dont il goûtait fort le génie, et en qui, d'ailleurs, on salue avec raison l'un des précurseurs de la Comédie nouvelle; comme lui, sagace observateur de la vie pratique et subtil analyste des âmes, il abonde en sentences brèves, aiguës, pathétiques au besoin, toujours magistralement frappées : formules ordinairement réduites à un seul vers, et dont plusieurs ont mérité de rester quasi proverbiales. Citons quelques exemples : 
« Entre amis, tout est commun.
Les pays où la vie est dure font les hommes courageux. 
La fortune en son cours a de prompts changements. 
Celui que les dieux aiment meurt jeune.
Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs. » 
(Fragm. 9, 63, 94, 125, 218 de l'éd. Rock; le dernier de ces fragments est invoqué par saint Paul, Cor., XV, 33).
Les Anciens tenaient ces maximes pour de vraies leçons morales, et, de bonne heure, ils en firent des compilations ad usum scholarum.

Sa première pièce de jeune homme fut jouée en 322-214, environ un an après la mort d'Alexandre le Grand. Les graves événements, les troubles, les luttes intestines dont la Péninsule fut agitée alors ne semblent pas l'avoir outre mesure dérangé. Il coulait cependant sa facile adolescence au milieu de joyeuses compagnies; le commerce de la jeunesse dorée, folâtre et désoeuvrée d'Athènes plut à son humeur inquiète, avide de plaisirs mais inassouvie, tout ensemble érotique et mélancolique. Phèdre ne trace pas tout à fait un portrait de fantaisie quand il plaisante ce muscadin imprégné de parfum, vêtu de sa robe flottante, et qui passe, libre d'allure, d'une démarche molle et languissante :

Unguento delibutus, vestitu adfluens,
Veniebat gressu delicato et languido.
Enlacé par les bras despotiques de l'élégante courtisane Glycère, qui le retint près d'elle - sincèrement épris peut-être - en sa villa du Pirée, il préféra ses caresses, ou celles de Thaïs aux prunelles de violette, ou celles de l'hétaïre Nannion, aux offres de Dèmètrios Poliorcète et de Ptolémée Soter, qui tâcha sans succès de l'attirer en Égypte. On prétend même que les souverains, non contents de le rechercher et de l'appeler à leur cour par des ambassadeurs, lui envoyèrent des vaisseaux de guerre pour le transporter dans leur pays. Il refusa tout. Quant aux femmes qu'il courtisait, elles le trahirent galamment, comme de ,juste de quoi il se vengea en les jouant sur la scène. Donc il est permis d'induire que le séjour parmi les siens et la faveur volage, mais infiniment flatteuse, de ses concitoyens parurent à l'écrivain et au poète plus enviables que l'opulence et la sympathie des rois.

Au physique, il est difficile de décider s'il fut beau ou laid. L'iconographie a fixé les traits d'un homme déjà mûr, mollement assis sur un siège à dossier; la mine est agréable, bien que le regard ne soit pas droit; la physionomie est méditative et rêveuse, avec, au front, une ride assez amère. C'est cette statue - très connue - du Vatican (musée Pio-Clémentin) qui fut longtemps au musée de Paris, statue en marbre pentélique dont la photographie se trouve insérée dans le Ménandre de Guillaume Guizot; mais elle a passé longtemps pour être celle de Marius (?).

C'est en 200 av. J.-C., vers la troisième année de la 122e olympiade (comme l'atteste une inscription grecque du Recueil de Gruter), que termina sa vie cet épicurien raffiné, qui se frottait d'essences rares, adonisait sa personne, soignait sa mise et son maintien, tout en composant, à ses heures, de charmantes pièces comiques et sérieuses. Nous avons placé sa naissance entre la date de 342 avant notre ère (2e année de la 109e olympiade) et celle de 340; on ne saurait préciser davantage. Eusèbe, Apollodore, Aulu-Gelle, l'auteur anonyme du traité Sur la Comédie, indiquent l'époque de sa mort sans en spécifier la cause, qui reste problématique; un scoliaste d'Ovide (Ibis) déclare qu'il se noya dans une baignade, au Pirée. Ses compatriotes lui construisirent non loin de là, sur la route conduisant du port à Athènes, un tombeau voisin du cénotaphe d'Euripide; et le géographe Pausanias, qui voyageait en Grèce au IIe siècle de notre ère, vit ce monument, ainsi que la statue du doux poète, érigée dans le théâtre d'Athènes avec celles des trois grands tragiques.

Son oeuvre.
Ménandre était âgé de cinquante-deux ans quand il mourut. En un espace de trente ans à peu près, il avait, lorsqu'il ne faisait pas l'amour, employé ses studieux loisirs à écrire 108 comédies (Prolég. Didot, III; Suidas); 109, selon d'autres (Aulu-Gelle, XVIII, 4) ; 105, au dire d'Apollodore. Au surplus, suivant ce thème Apollodore, il n'obtint que huit fois ce prix tant ambitionné; un vers de Martial en fait foi (Epigr., V, 10) :

Rara coronato plausere theatra Menandro.
Sans compter que ses ennemis l'accusèrent de plagiat Caecilius prétend que Ménandre transcrivit d'un bout à l'autre une comédie d'Antiphane dont il aurait modifié tout bonnement le titre d'Augure en celui de Superstitieux. Il éprouva donc maint déboire, mainte disgrâce au cours de sa carrière littéraire. Philémon triompha de lui souvent; le vaincu, néanmoins, gardait la conscience de sa supériorité. Un jour, narre Aulu-Gelle, il rencontre, après une nouvelle défaite, son habituel adversaire :
« Dis-moi franchement, Philémon, interroge-t-il, quand tu l'emportes sur moi, n'en ressens-tu pas quelque honte?  » 
On ignore la réplique de Philémon. Celui-ci survécut environ trente années à son malchanceux rival.

Outre les comédies, on a attribué à Ménandre des Épigrammes dont l'authenticité est au moins douteuse, des Lettres adressées au roi Ptolémée Soter, et des Discours en prose sur divers sujets, que nous négligerons. Quintilien ne conteste pas la tradition qui lui attribuait des Harangues, publiées sous le nom de Charisius.

La critique ancienne fut unanime à l'admirer. Ménandre fut, en réalité, un très grand poète que les Modernes ont apprécié surtout, parce que ses théories étaient voisines des leurs; à vrai dire, il ne devint populaire qu'après avoir essuyé plusieurs échecs de son vivant. Les comiques romains, qui ne se sont pas fait faute de le piller (nous avons quatre pièces latines imitées et en grande partie traduites de lui), ne l'ont point surpassé, pas même égalé. Suétone (Vie de Térence) rapporte que César, pour donner une haute idée de l'ingéniosité de l'auteur des Adelphes et de l'Andrienne, ne trouva rien de mieux que de saluer en lui un « demi-Ménandre ». On attribue aussi ce mot au docte grammairien Aristophane de Byzance

« Ô Ménandre, et toi, vie humaine, lequel de vous deux a copié l'autre? » (Syrianus ad Hermogenem, in Rhetores Graeci de Walz, IV, p. 101).
Ses pièces embellissaient les fêtes publiques et privées, et c'était proprement un pur délice de les entendre; il circulait même un adage :
 « Il est plus aisé de se passer de vin que de Ménandre. » 
Les juges les plus compétents et les mieux informés de l'Antiquité, Dion Chrysostome (XVIII, 30), Quintilien (X, 1, 69), Plutarque (Parallèle d'Aristophane et de Ménandre, - très faible d'ailleurs en ce qui concerne le premier, - lI), s'accordent à prôner l'adresse supérieure du poète, la fine convenance et le sobre relief des rôles qu'il confiait à ses interprètes, l'excellence de ses vers, la décence de ses pièces qui, malgré la nature parfois scabreuse des sujets, pouvaient sans inconvénient être mises entre les mains de la jeunesse. C'est depuis lors que les comédies se sont accoutumées à finir vertueusement par un mariage.

Par malheur, aucune pièce intacte n'est parvenue jusqu'à la postérité. S'il faut admettre le témoignage de Leo Allatius, préposé à la bibliothèque du Vatican, vingt-trois pièces entières existaient encore, au XVIIe siècle, à Constantinople (Fabricius, Biblioth. gr., X, 69). Mais on peut affirmer que Ménandre revit, en quelque sorte, à travers les Bacchides, le Stichus et peut-être le Paenulus de Plaute, à travers l'Andrienne, les Adelphes et l'Heautontimorumenos de Térence. En outre, il reste beaucoup de fragments - plus de mille - des oeuvres perdues. Signalons, parmi ceux-ci, les Sentences monastiques (en un seul vers, petite éd. Boissonade), anthologie formée sans doute à l'époque romaine, où des vers de Ménandre se mêlent à d'autres de source obscure. On peut énumérer ainsi, par ordre alphabétique, les titres que les érudits ont ressuscités des comédies de Ménandre :

L'Accusateur, l'Amante, l'Andrienne, l'Androgyne, les Aphrodisies, l'Apparition, les Arbitres, l'Arréphore ou la Joueuse de flûte, la Bague, la Béotienne, le Bouclier, le Bouquet, les Buveuses de ciguë, le Calomniateur, la Canéphore, la Carienne, le Carthaginois, la Caution, Chalceis, la Cithariste, la Cnidienne, le Cocher, la Colère, le Collier ou Plocium, les Compagnons, les Consanguins, les Convives, les Cousins, la Cruche, Dardanos, le Dépôt, la Devineresse, le Double trompeur, l'Enfant supposé, l'Ephésien, l'Esclave, l'Eunuque, le Faux Héraclès, la Femme battue, les Fêtes d'Héphaistos, le Flatteur, les Frères, Glycère, le Haï, l'Héritière, le Héros, l'Homme inquiet, l'Homme qui se plaint, l'Homme qui se punit lui-même (Heautontimorumenos), l'Homme triste, Hymnis, les Imbriens, l'Incendiée, les Joueuses de cottabe, les Jumelles, le Laboureur, le Législateur, la Leucadienne, les Locriens, le Misogyne, la Nourrice, l'Olynthienne, le Palefrenier, la Pallace (concubine), la Parole rétractée ou la Messénienne, la Pâtissière, le Patron du navire, les Pêcheurs, le Perfide, la Périnthienne, Phanium, les Philadelphes, les Pilotes, le Poignard, le Prêtre de Cybèle, la Prêtresse, le Racoleur, le Réseau, le Sacrifice avant la noce, la Samienne, le Sicyonien, les Soldats, la Superstition, Thaïs, la Thessalienne, Thrasyléon, la Tondue, le Trésor, Trophonios, les Vendus, la Veuve.
Les mérites dont il n'est plus guère loisible de juger, à l'heure actuelle, sont ceux relatifs à la structure même de ces petits drames familiers et bourgeois. Le thème devait en être intéressant, quoique un peu banal; l'action vive, alerte et bien ajustée, peu compliquée, d'ailleurs, et peu fertile en surprises; les incidents plaisants sans trivialité. L'intrigue, d'une simplicité un peu nue, se ramenait presque toujours à un type de convention. L'amour en faisait le fond : Fabula jucundi nulla est sine amore Menandri, observe Ovide. Un jeune garçon aime éperdument une jeune fille de condition servile qui est au pouvoir d'un marchand, comme cela se passe, par exemple, dans l'Étourdi de Molière. Après maintes péripéties variées, on finit par apprendre qu'elle appartient à une famille honorable et distinguée, mais qu'elle a été, dès sa petite enfance, ravie par des pirates, lesquels l'ont vendue comme esclave. Au dénouement, elle retrouve ses parents et elle épouse celui qui la chérit. Canevas invraisemblable? il paraissait fort plausible au gré des spectateurs d'alors. Pères débonnaires ou durs, grondeurs ou un peu sots, roquentins sentencieux, marchands d'esclaves roués, soldats aventureux et matamores, valets fripons et adroits, mères et nourrices avisées, adolescents et vierges ingénus, entremetteuses malhonnêtes, courtisanes séduisantes et avides, misanthropes et misogynes bourrus, hommes de toutes professions (avouables ou autres) et de toute origine, cuisiniers experts, parasites flatteurs et gloutons, esclaves rusés et fertiles en ressources, pêcheurs, laboureurs ou pilotes de Béotie; d'Ephèse, de Messénie, Thessalie ou Carie, de Carthage  et de mille autres lieux, tel est le personnel ordinaire qui s'agite sur la scène, capable assurément de fournir un tableau complet et instructif des moeurs de l'époque. Et tous s'expriment avec enjouement et grâce, avec bon sens et belle humeur, pour l'amusement, voire pour l'édification du public. Telles seront encore, et conçues dans le même esprit, les créations de Plaute, de Térence et de Molière.

Les héros et les héroïnes de ces farces aimables conversent avec une grâce naturelle, souple et charmante. Peut-être le mieux est-il, pour s'en assurer, d'interroger Térence lui-même qui, sans s'astreindre, bien entendu, à suivre trop docilement la trace de son devancier, s'est comporté vis-à-vis de lui en traducteur tout ensemble élégant et exact, indépendant et respectueux. Il a pris garde de marquer les détails de moeurs d'une empreinte authentiquement romaine. Il apporte à l'intrigue d'importantes modifications , resserre les monologues, abrège les apartés, coupe les tirades par de brusques interruptions, complique suivant son caprice et fond deux pièces du modèle en une seule : c'est le procédé nommé contaminatio, que ses ennemis lui reprochaient tant; comparez, en particulier, l'Andrienne, fabriquée avec l'Andrienne et la Périnthienne du poète grec. Plaute, lui, s'adresse plus volontiers à Diphile et à Philémon ; pourtant, il emprunte à notre auteur le plan de ses Bacchides et de son Stichus.

Disciple de Théophraste le Moraliste, Ménandre dut en partie, sans doute, à ses leçons ses facultés de contemplateur pénétrant et de peintre profond de caractères. Il se soucie peu, d'ailleurs, de diversifier le type élu par lui une fois pour toutes, et il n'innove guère que dans les circonstances accessoires. Ce sont toujours mêmes conjonctures et même imbroglio, quasiment stéréotypé. Il faut chercher la variété dans le ton, dans l'analyse des âmes où les nuances sont marquées avec une extrême délicatesse. Par la bouche des acteurs parlent en un style châtié sans excès la raison ornée d'agrément, l'expérience et la sagesse revêtues d'une forme accessible au gros des spectateurs comme aux dilettanti. L'auteur a souligné non seulement les travers spéciaux à son siècle, mais encore et surtout les passions et les vices généraux. Un des premiers aussi, il introduit dans le dialogue, comme élément dramatique, un amour sans mensonges, déjà pur et presque rêveur. Il préfère les scènes tendres et suaves, où son génie voluptueux et fier se sent les coudées franches.

Au total, la manière de Ménandre, inférieure sans conteste à celle d'Aristophane, ce puissant et hardi rieur, sous le rapport de la verve personnelle, de la force comique, du tour, du mouvement et de l'effet scéniques, apparaît comme le résultat très artistique d'une sympathie discrète et communicative et d'un goût exquis : à cet égard, les dernières productions de Ménandre devaient être, au jugement de Plutarque, fort supérieures aux premières. Ainsi, réduits à des morceaux incomplets, tronqués, ou à des imitations plus ou moins voisines de son texte, si les critiques d'aujourd'hui sont incapables de surprendre et de reconstituer le développement dans sa teneur, du moins ils devinent sans peine que le sujet était posé dès l'abord d'une main nette et sûre, puis distribué en une suite de scènes claires et dûment proportionnées; que les incidents étaient naturels, hormis les conventions usitées et, partant, acceptables (reconnaissances et dénouements amenés selon une formule identique). Quant aux personnages, chacun d'eux possédait sa physionomie propre et tranchait fortement avec ses partenaires. Leur langage, conforme, comme le souhaite Horace, au trait dominant fixé dès le principe, séduisait par une grâce vantée souvent; car cette muse était tantôt pleine de mansuétude et de sérénité, et tantôt ironique ou spirituelle, tour à tour grave et amère ou pimpante et moqueuse, mélancolique ou folâtre, pathétique, sombre ou sémillante. Leur voix touchait les coeurs ou déridait les fronts, remportant les suffrages des raffinés de lettres tout aussi bien que ceux des gens de condition moyenne, des oisifs, des mondains et des philosophes. Plein de pitié pour les déshérités du sort, Ménandre n'a pas craint d'étaler sur le théâtre les misères des humbles et des petits; il a voulu tourner les intelligences vers la compassion, en même temps qu'il aimait à conquérir les applaudissements par son beau talent et à récolter ample moisson de lauriers.

On conçoit qu'il nous est impossible d'aligner ici les citations qui seraient pourtant indispensables pour justifier et appuyer nos éloges. Contentons-nous donc de renvoyer, en terminant, le lecteur jaloux de vérifier par lui-même la vérité saisissante des sentiments, la vivacité dramatique et vivante de l'action, à certains fragments, topiques entre tous, et dont quelques-uns permettent de reconstruire vaguement quelques scènes de ces comédies. Ce sont les fragments 13 (Allégresse d'un homme de retour parmi les siens (d'après l'édition Kock); fragm. 67 (Récit d'une orgie organisée à Byzance ); fragm. 97; fragm. 154 (Imprécations d'un mari furieux); fragm. 217 et 257 (Contre la coquetterie et l'impudence); fragm. 402, assez long (Accès de rage d'un mari débonnaire enfin révolté contre son joug, à propos du renvoi d'une jeune servante dont sa femme était jalouse); fragm. 223 (Diatribe divertissante contre la corruption du temps); fragm. 534 (Sentiment de la misère et de la faiblesse humaines); le fragment que cite Plutarque est relatif à ce lieu commun, que toute condition a ses peines. Guillaume Guizot a traduit deux ou trois de ces morceaux. - Ailleurs, c'est une satire en règle, une vraie charge à fond contre la noblesse dégénérée. Gardons d'omettre les esquisses de notation de moeurs mordante ou de revendication sociale (fragm. 93,  165, 290 et 370). - On l'avouera, si le regard de Ménandre n'était pas aussi droit qu'on l'eut pu désirer, il n'y a rien de louche dans son oeuvre si franche, si directe, à la fois légère et substantielle. C'est déjà la vigoureuse gaieté de Molière. Il y eut, certes; chez cet enfant d'Athènes, à coté du comédien professionnel noblement inspiré, un psychologue (risquons ce mot trop moderne) et un sage habile à démêler les mobiles secrets du coeur humain. (Victor Glachant).

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