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Hans Memling
ou Memmeling est un peintre
flamand, né à Moemlingen, Mimlingen, près de Mayence,
vers 1440, mort à Bruges le 14 août
1494. Il a été quelquefois appelé par erreur Hemling.
Le P. Dussart a prouvé par un document d'archives son origine allemande.
Il était connu au XVIe siècle
sous le nom de Hans l'Allemand. Sa vie est très peu connue
: en 1478, on le trouve à Bruges ( L'école
de Bruges); en 1480, il y achète trois maisons, il est
membre de la Gilde de Saint-Luc; il fait partie des bourgeois notables
imposés pour les frais de la guerre entre Maximilien et la France;
en 1487, il perd son épouse, Anne; à sa mort, il laisse trois
enfants, qui seront encore mineurs, c.-à-d. âgés de
moins de vingt-cinq ans, en décembre 1495. Il a travaillé
pour Jeanne de France, pour les Clifford, pour les Portinari, pour les
Sforza. Tout porte à croire qu'il a été l'élève
de Roger Van der Weyden. Les détails romanesques racontés
sur lui par Descamps sont controuvés. L'âge de ses enfants
et le fait qu'un tableau lui fut commandé en 1464 par l'abbé
de Saint-Bertin, à Saint-Omer, font
supposer qu'il est né vers 1440, ou un peu avant.
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Portrait
d'un inconnu, par Memling.
(galerie
des Offices, Florence)
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Portrait
de Barbara de Vlaenderberch,
(Musée
des Beaux-Arts, Bruxelles).
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Wauters a évalué à
cinquante-quatre le nombre de ses ouvrages, grâce à l'addition
d'une dizaine d'oeuvres attribuées jusqu'ici à Van
der Weyden ou à des inconnus; mais plusieurs de ces attributions
ont été discutées. Wauters a sans doute raison de
lui rendre le portrait d'homme du musée d'Anvers
donné jusqu'ici à Antonello de Messine, où le feuillé
des arbres et la facture des nuages rappellent beaucoup le maître
de Bruges. Ce serait, en ce genre, le chef-d'œuvre du peintre, qui a fait
plusieurs très beaux portraits, notamment
celui de Nieuvenhove du musée Saint-Jean à Bruges
et l'exquis Saint Benoît de Florence,
qui a l'air d'un portrait idéalisé.
Quelques-uns des sujets traités
par Memling appartiennent à la légende religieuse. La célèbre
Châsse
de sainte Ursule raconte en six tableaux, qui sont presque de grandes
miniatures
aux couleurs vives, le pèlerinage
de la fille d'un
roi d'Angleterre,
qui alla à
Rome par Cologne
et Bâle et qui fut massacrée, au
retour, par les païens de Cologne, avec ses compagnes et ses chevaliers.
Le doux Memling a conservé à ces scènes le caractère
d'une gracieuse légende. Ursule et ses compagnes ressemblent à
des princesses d'un conte de fées, ce qui
n'empêche pas la vérité des expressions, des attitudes,
des gestes éperdus dans les scènes du martyre.
Néanmoins il y a un art bien plus
élevé dans le Mariage mystique de sainte Catherine
du même musée, un pur chef-d'œuvre où, sur un fond
de paysage d'une surprenante vérité,
parmi d'autres figures charmantes, on admire la Vierge sur un trône,
une des plus parfaites réalisations du type rêvé par
Memling; sainte Catherine, une vraie grande dame de ce temps-là;
peut-être plus encore sainte Barbe, agenouillée dans un flot
de plis; son visage aux yeux mi-clos, empreint d'une gravité sereine,
formant avec son cou et ses épaules découvertes une seule
masse lumineuse, modelée par des ombres claires, pure comme un marbre
et souple comme la vie même. Sur les volets, peints des deux côtés,
la même élévation d'art se révèle dans
les admirables portraits des donateurs comme dans les figures symboliques,
par exemple celle d'une sainte Agnès au visage délicat, au
corps souple et frêle, qui semble onduler au souffle du vent, type
d'innocence et de grâce, de noblesse et de douceur.
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Cinq
anges musiciens (détail, Musée des Beaux-Arts, Anvers).
Tout le reste de son oeuvre est tiré
des Evangiles. La plus belle de ses Nativités, datée
de 1479 et commandée par J. Floreins, est au Musée Saint-Jean.
Dans cette oeuvre admirablement composée, la Vierge, au cou grêle,
est d'une exquise élégance et le roi noir, presque adolescent,
est un délicieux échantillon d'humanité. Sur un des
volets, la Vierge qu'on retrouve tendant les bras à son fils nouveau-né,
agenouillée dans les plis nombreux d'une robe d'un bleu divin qui
cache et révèle à la fois son corps d'enfant, ressemble
à une fleur autant qu'à une femme. Le sujet de la Vierge
avec l'Enfant, tantôt seule (National Gallery) tantôt entourée
de donateurs et de saints (Chatsworth,
Vienne,
etc.) l'a presque toujours bien inspiré.
Parfois il réunit en un seul panneau
les principales scènes de la vie de Jésus,
chacun formant une composition ravissante, bien que l'ensemble du panneau
soit quelquefois un peu confus (les Sept joies de la Vierge, à
Munich;
les Sept douleurs de la Vierge, à Turin).
Dans le Crucifiement de Lübeck,
son dernier ouvrage daté (1491), la Marche au Calvaire (panneau
central à Pesth, volets à Vienne) et la Mise au Tombeau
(musée Saint-Jean), il s'élève jusqu'au pathétique,
sans rien perdre en style ni en largeur de modelé. L'Ascension
se retrouve, avec variantes, à Lübeck et au Louvre,
ce dernier panneau ayant pour volet un délicieux Saint Sébastien,
dont l'analogue est au musée de Bruxelles.
Comme couronnement, il faut citer un de
ses plus parfaits chefs-d''oeuvre, le Jugement dernier, de Sainte-Marie
de Gdansk, exécuté pour les
Portinari et capturé sur un navire en 1473. Il faudrait des pages
pour décrire cette oeuvre vaste et complexe. Le panneau central
représente la Pesée des âmes : en haut, le Christ
et tous les habitants du paradis; en bas, une
foule de figures, à genoux, debout, sortant de terre, ou se tordant
sur le plateau d'une balance que tient saint Michel en armure d'or.
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Le
Jugement dernier.
(ca.
1470, Gdansk)
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La
Mise au tombeau,
Volet
droit (1591, Lubeck).
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Sur le volet de gauche, les Damnés
- plus de cinquante figures - dans les attitudes les plus émouvantes,
sont précipités par les démons. Sur celui de droite,
les Elus, en foule, s'agenouillent l'un après l'autre devant saint
Pierre, passent devant les anges qui leur revêtent leurs costumes
terrestres d'évêques, de moines, etc., et entrent enfin dans
un riche édifice au-dessus duquel une troupe d'anges
fait retentir tous les instruments de
l'orchestre
divin. Mais, outre l'intime concordance des expressions et des attitudes
avec le sujet, ce qu'il faut admirer sans réserve dans cette triple
composition, c'est l'élégance de proportion de toutes ces
figures nues, leur jeunesse de formes, la beauté de leur dessin,
la largeur de leur modelé, les qualités, en un mot, purement
picturales et même sculpturales qui sont l'essentiel de toute oeuvre
d'art.
Memling compte parmi les trois grands primitifs
flamands (si l'on considère les frères Van
Eyck comme un seul artiste, faute de pouvoir distinguer ce qui appartient
à chacun). Van Eyck le dépasse par la grandeur presque hiératique
et l'harmonie solennelle de ses compositions, par le caractère aigu
de ses portraits, ou l'on sent pourtant un reste de la manière des
miniaturistes; Roger Van der Weyden est parfois
plus puissant que lui par le dessin, plus résolument naturaliste
dans le bon sens du mot; mais Memling, bien que certains de ses portraits
- non pas tous - pèchent par un peu de mollesse, bien qu'il soit
resté quelquefois à mi-côte du grand art, comme dans
sa légende, d'ailleurs ravissante, de Sainte Ursule, a mis dans
son oeuvre entier le rêve d'une âme tendre, délicate
et passionnée, un amour presque raphaélesque de la grâce
et de l'élégance la plus aristocratique, et, dans ses meilleurs
moments d'inspiration, il s'est élevé par ses qualités
de dessinateur, de modeleur et de coloriste, au niveau de ses plus grands
confrères de l'art flamand. (E. Durand-Gréville).
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Détail
d'un panneau de la Châsse de Sainte-Ursule.
(Musée Memling, Bruges, 1490).
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