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La Lune
Étapes de la sélénographie
Comme son étymologie l'indique, la sélénographie est à la Lune, ce que la géographie est à la Terre. Les principes sont les mêmes, mais les mesures, restées pendant très longtemps indirectes, ont rendu ce terme synonyme avant tout de cartographie lunaire. L'observation en 1609, par Galilée et ses contemporains de la surface de la Lune à l'aide des premières lunettes a mis en évidence la présence de montagnes associées aux régions claires de notre satellite. Mais la question qui s'est posée aussitôt a été de savoir si les régions sombres, à l'opposé, n'étaient pas des mers. On a vite renoncé à cette idée. La nomenclature actuelle de la Lune, dont les premiers jalons remontent aux cartes d'Hévélius et de Riccioli, porte cependant encore la trace de ces interrogations. A la suite de ces travaux fondateurs, il convient de signaler les efforts cartographiques de Cassini, Tobias Mayer, de Schroeter, de Lohrmann, et de Schmidt, et surtout de Beer et de Maedler dont la carte, achevée en 1837, représente le dernier grand achèvement de la sélénographie avant l'usage de la photographie. 
Dates clés :
1609 : Premières observations de la Lune par Galilée à l'aide d'une lunette.

1830-37 : Publication par Beer et Maedler de leur Carte de la Lune.

1840 : Premières photographies de la Lune.

1894 -1910 : Parution de l'Atlas photographique de la Lune de Loewy et Puiseux.

Premières observations

On fait ordinairement remonter aux observations de Galilée, en mai 1609, les premières observations de la Lune à l'aide d'un instrument optique. Les premiers dessins de la Lune à partir de ces observations datent de cette époque et sont dus aussi bien à Galilée qu'à Harriot. En eux-mêmes, ces documents restent d'un intérêt limité, tout comme le sont ceux laissés à peu près à la même époque par Scheiner et Schyrle de Rheita. Ils constituent finalement un progrès mineur en comparaison de dessins déjà réalisés à partir d'observation à l'oeil nu, comme par exemple ceux de Léonard de Vinci (1505 et 1513). Les découvertes qui sont faites à l'occasion de ces premières observations télescopiques sont, tout au contraire, très importantes.
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Scheiner : dessin de la Lune.
Détails à la surface de la Lune,
d'après Ch. Scheiner, Disquisitiones mathematicae, 1614.

Galilée remarque ainsi que la surface de la Lune est irrégulière, fait en contradiction avec les idées reçues héritées d'Aristote, et selon lesquelles les corps célestes devaient être des sphères parfaites. Ce que vont confirmer les observations ultérieures, lorsqu'il disposera d'une lunette grossissant 30 fois. Il découvre que les montagne lunaires forment des anneaux enserrant des cuvettes profondes. Autrement dit, il observe les cratères lunaires. Il constate l'existence de points lumineux isolés dans la partie sombre près du terminateur, et en déduit qu'ils sont des hauts sommets éclairés par le Soleil, alors que leurs bases sont encore dans l'obscurité. Ce qui va lui donner l'idée d'estimer les altitudes des montagnes à partir de la mesure des ombres au sol (une méthode qui sera adoptée par ses successeurs). 

Les observations de Galilée le conduisent par ailleurs a conclure, d'accord en cela avec l'opinion déjà émise notamment par Léonard de Vinci et Maestlin, que la lumière cendrée devait être attribué à la lumière de la Terre, «qui se réfléchit sur la Lune et que la Lune nous renvoie par une seconde réflexion.» La vue «des océans, des continents, des montagnes et des vallées», qui lui apparurent dans la Lune, et dont il comparait une partie à l'aspect de la Bohème (regio consimilis Bohemiae), lui fit par ailleurs supposer que, notre satellite pouvait être habité.
A l'époque de ces premières études, on pense généralement, à la suite de Kepler, que les régions sombres de la Lune sont des mers, et que les zones claires correspondent aux continents. Idée qui va être à l'origine des grandes divisions de la nomenclature lunaire toujours en usage. Galilée, on l'a vu, avait adopté cette opinion dans un premier temps. Mais il se montrera plus prudent par la suite. Et il semble même y avoir finalement renoncé complètement, considérant que tout est continent sur la Lune. En tout cas, cette opinion à propos de ces prétendues mers paraît avoir complètement été abandonnée à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Elle laissera la place à une opinion qui aura une plus grande longévité, et que l'on trouve déjà dans la Micrographie, publiée en 1666, par Hooke. Celui-ci y soutient que les grandes taches de la Lune sont probablement de vastes espaces couverts de végétaux analogues à nos gazons, ou à nos forêts peuplées d'arbres et d'arbrisseaux. Il appuyait son opinion sur ce que ces taches restent toujours ternes, plus ou moins verdâtres, quelle que soit la direction de la lumière solaire qui les éclaire, tandis que les montagnes environnantes, stériles brillent d'un vif éclat.

Les remarques de Hooke, à propos d'observations de la région
du cratère Hipparque, effectuées en octobre 1664 :

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La Lune du Paradis Perdu

Milton, qui avait plusieurs fois rencontré Galilée, lors de son séjour à Florence, fait allusion à celui-ci à deux reprises dans son Paradis Perdu (publié un an après la Micrographie de Hooke). Dans ces deux passages (dans le premier la Lune y est comparée au bouclier de Satan, et dans le second, l'archange Raphaël observe la Terre), on ne trouve plus aucune allusion à des mers lunaires. L'auteur se contente de parler de "régions", et s'il évoque des îles dans le second passage, c'est pour signifier l'isolement des planètes :

Livre I
"Son pesant bouclier, de trempe éthérée, massif, large et rond, était rejeté derrière lui; la large circonférence pendait à ses épaules, comme la Lune, dont l'orbe, à travers un verre optique, est observé le soir par l'astronome toscan du sommet de Fiesole ou dans le Val d'Arno, pour découvrir de nouvelles terres, des rivières et des montagnes sur son globe tacheté."

[...]

Livre V
"Aucun nuage, aucune étoile interposés n'obscurcissant sa vue, il aperçoit la Terre, toute petite qu'elle est, et ressemblant assez aux autres globes lumineux : il découvre le jardin de Dieu couronné de cèdres au-dessus de toutes les collines : ainsi, mais moins sûrement, pendant la nuit, le verre de Galilée observe dans la Lune des terres et des régions imaginaires; ainsi le pilote, parmi les Cyclades voyant d'abord apparaître Delos ou Samos, les prend pour une tache de nuage. Là en bas Raphaël hâte son vol précipité, et à travers le vaste firmament éthéré, vogue entre des mondes et des mondes." (Milton, Le Paradis Perdu, 1667).

Origine de la nomenclature
Les premières cartes de la Lune un peu détaillées datent du milieu du XVIIe siècle. L'introduction des premiers principes de nomenclature lunaire est due à van Langren (Langrenus) (1645), qui, à la demande du roi Philippe IV d'Espagne, propose en particulier l'utilisation de noms de personnages historiques pour nommer les taches et les principales formations lunaires (l'actuel océan des Tempêtes, par exemple, est appelé par lui Oceanus Philippicus, en l'honneur de devinez qui). Après lui, la première description systématique de la surface de la Lune sera donnée par Hévélius dans sa Sélénographie (1647). L'auteur, repris la distinction entre mers et continents de Kepler, et baptisa les diverses contrées lunaires de désignations tirées de la géographie terrestre : mer Méditerranée, mer Adriatique, Propontide, Pont-Euxin, Mer Caspienne, Sicile, Palestine, Mont Sinaï, Mont Etna (dont Riccioli fera le cratère Copernic) ou encore le Grand lac Noir (qui deviendra avec Riccioli le cratère Platon), etc. 

On doit également à Hévélius la découverte des principales librations de la Lune. Galilée avait détecté la libration en latitude, et avait soupçonné l'existence de la libration diurne. Hévélius montra que des taches près du bord oriental et occidental étaient plus proches du bord à certains moments et plus éloignés à d'autres. Il montra non seulement que cela correspondait à une libration en longitude, mais que cela s'expliquait par le mouvement non uniforme de la Lune sur son orbite.
Au moment de la publication de cet ouvrage, Peiresc et Gassendi qui avaient eux aussi entrepris l'élaboration d'une carte de la Lune, renoncèrent à achever leur travail. Un seul feuillet de leur carte fut publié. 
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-La carte d'Hévélius (1647).
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L'ouvrage d'Hévélius, avec ses nombreuses figures télescopiques, est encore aujourd'hui, malgré son âge, l'un des plus curieux que l'on ait écrits sur la Lune. Pour comparaison avec cette carte antique, on pourra examiner aussi celle de Riccioli, Almagestum novum (1651) de la même époque comme on le voit, sur laquelle les configurations lunaires portent une nouvelle nomenclature : comme le rappelle Flammarion dans ses Terres du Ciel (1884), les plaines appelées mers, sont nommées d'après les idées anciennes sur les influences lunaires mers du Sommeil, des Songes, du Nectar, de la Fécondité, des Humeurs, des Tempêtes, de la Sérénité, de la Tranquillité, des Crises, etc.; terres de la Santé, de la Chaleur, de la Sécheresse, de la Vie, de la Vigueur, de la Stérilité, etc.; monts Tycho, Copernic, Kepler, Archimède, Platon, Aristote, Eudoxe, Aristarque, Eratosthène, Ménélas, Zoroastre, Hypathia, Posidonius, Pythagore, Pythéas, Hyginus, Galilée, Cardan, Bayer, Kircher, etc., sans compter plusieurs saints chrétiens Ste Catherine, St Cyrille, St Théophile, St Isidore, Saint Denis l'aréopagite, Bède le vénérable, Alcuin, Raban Lévi, etc.

Notre auteur note encore qu'on lit aussi en tête de cette carte du savant jésuite :

"Il n'y a pas d'hommes dans la Lune; les âmes n'y émigrent pas non plus."

Carte de la Lune de Riccioli.
La carte de Riccioli (1651).

L'usage a fait adopter la nomenclature de Riccioli de préférence à celle d'Hévélius, à l'exception cependant des «terres» dont les noms sont tombés en désuétude. Quant aux montagnes, à part quelques noms comme ceux des Alpes, des Apennins et des Pyrénées, qui rappellent les chaînes de montagnes terrestres, on a continué à leur donner ceux des astronomes et des savants. On peut dire, notait en son temps Flammarion, que la Lune est le cimetière des astronomes. C'est là qu'on les enterre : lorsqu'ils ont quitté la Terre, on inscrit leurs noms sur les terrains lunaires comme sur autant d'épitaphes... 
 

De Cassini à Lohrmann

Dominique Cassini, dès 1673 et dans les années suivantes, fit dessiner par Patigny toutes les phases de la Lune, marquées de jour en jour [a]. L'artiste se servait pour cela de la lunette de 31 pieds de focale que l'on conserve encore à l'Observatoire de Paris. A la suite de ces dessins, Cassini donna une première carte de la Lune d'un diamètre de 54 centimètres. Elle ne montrait pas beaucoup de détails supplémentaires, mais elle valait d'abord pas sa méthode de construction. Les emplacements des principales formations lunaires avaient été mesurés avec précision et se trouvaient localisés sur la carte avec exactitude, en tenant compte des effets de libration. En 1680, Cassini publia une seconde carte. Curieusement cette carte, que l'on qualifierait aujourd'hui de "grand succès de librairie", tant elle fut rapidement épuisée, s'avérera plus complète que celle d'Hévélius, mais moins exacte. Cette carre ne trouve réduite à une petite échelle, et accompagnée d'un texte explicatif, dans les Mémoires de l'Académie des sciences, année 1692. La Hire, qui lui-même était fort bon dessinateur, voulut faire une carte semblable. Il fit aussi construire un globe lunaire tel qu'Hévélius l'avait proposé. Ce globe, et la carte de La Hire changèrent plusieurs fois de propriétaire.

L'exemple de Cassini et de La Hire fut suivi par Tobias Mayer, directeur de l'observatoire de Göttingen. Ce sera la première carte lunaire véritablement fiable. Au départ, l'astronome se proposait seulement d'observer une éclipse de Lune en 1748, et de suivre à cette occasion la progression de l'ombre de la Terre sur la surface de notre satellite, en se repérant grâce aux différentes formations lunaires. Mais pour cela, il lui fallait disposer d'une carte plus exacte que celles qui existaient alors. Il ne lui restait plus qu'à en élaborer une lui-même. Il envisagea ainsi une carte à grande échelle, sur laquelle les différentes formations auraient été placées sur la base de mesures micrométriques. Trop occupé par ailleurs, il ne put finalement réaliser ses plans. On retrouva cependant dans ses papiers, après sa mort, une carte plus petite (diamètre de 7 1/2 pieds de Paris, tout de même), qu'il avait finalement réalisée. Elle fut publiée à Göttingen en 1775, treize ans après sa disparition, parmi ses Opera Inedita, et resta jusqu'en 1824, la meilleure carte de la Lune disponible.

Il convient ensuite de signaler deux autres entreprises cartographiques, avant la grande oeuvre de Beer et de Maedler. Il s'agit, en premier lieu de celle de Schroeter. Celui-ci étudia la Lune avec beaucoup de soin, d'abord avec un réflecteur de 7 pieds de focale, puis avec un instrument de 18 pieds, et enfin avec un télescope de 27 pieds. Les dessins qu'il produira ont cependant été souvent critiqués (peut-être injustement) par ses successeurs qui reprocheront à Schroeter de s'être montré plus préoccupé de discerner des changements, plus ou moins imaginaires, sur la Lune que de représenter ce qu'il voyait vraiment. Mais controversée est la deuxième carte, celle que va dessiner Lohrmann. On y verra même la première tentative de représentation des détails de notre satellite réellement scientifique. Lohrmann avait initialement prévu de réaliser une carte de la Lune à très grande échelle, en 25 sections. Il publia les quatre premières en 1824. Mais sa vue devenant déficiente, il ne put poursuivre son entreprise. En 1838, il fit dessiner et publia malgré tout une excellente carte de la Lune de 15,25 pieds de diamètre. 

La carte de Beer et Maedler

Un des grands achèvements de la cartographie lunaire est représenté par la carte de la Lune de Beer et Maedler, commencée en 1830 et terminée en 1837. Elle se fondait sur des observations effectuées avec un instrument de seulement 4 pouces (une dizaine de centimètres) d'ouverture.

[a] Ces dessins habilement faits au crayon sont restés inédits. Lalande le vit à l'époque de la révolution entre les mains du comte Cassini, fils de Cassini de Thury.
"Dessinée d'après la projection orthographique, elle avait 1 mètre de diamètre. Les auteurs, explique à l'occasion de la troisième livraison de ce travail un compte rendu de l'Académie des sciences, se sont engagés à n'y porter que ce qui aura été vu, observé, mesuré et calculé par eux-mêmes. Ils ont déjà déterminé les positions absolues de 106 points principaux [a]. Les objets du second ordre sont rapportés aux précédents à l'aide de triangles, comme dans nos canevas géodésiques. En passant aux points de moindre importance, aux points du troisième ordre, les auteurs se contentent de simples alignements.

La nomenclature reste celle de Riccioli : tous les anciens noms d'hommes célèbres sont conservés. Au besoin, de nouveaux noms propres ont été introduits; on en comptait déjà 29 de cette espèce dans la première livraison de la nouvelle carte. Quant à des centaines de petits objets qui peuvent cependant intéresser les astronomes, les auteurs les marquent par les lettres de l'alphabet latin, s'il s'agit de cratères, et par celles de l'alphabet grec, lorsqu'ils ont à désigner de petites montagnes.

Dans les livraisons déjà publiées de la belle carte de la Lune qu'il exécute à Dresde, Lohrmann a employé, pour la représentation des montagnes, la méthode assez généralement adoptée aujourd'hui par les topographes : la teinte plus ou moins noire du dessin donne la mesure de la rapidité des pentes. Beer et Maedler se sont rigoureusement conformés aux mêmes principes dans toutes les parties de leur grand travail.

La Lune renferme des régions brillantes et d'autres régions très sombres : le jour de la pleine lune, chacun a pu le remarquer, même à l'oeil nu. Beer et Maedler sont parvenus avec des mélanges convenables de blanc et de noir, à donner aux diverses parties de leur carte les degrés comparatifs de clarté dont les objets naturels eux-mêmes sont doués.

Les auteurs ont poussé le scrupule jusqu'à désigner par un genre particulier de hachures les espaces où, dans des circonstances atmosphériques très favorables, ils assurent avoir aperçu des couleurs, le rougeâtre, le brun-jaune et surtout le verdâtre. Dans le nombre de ces espaces colorés, Beer et Maedler placent au premier rang l'intérieur du mare serenitatis.

La nouvelle carte a été très habilement gravée sur pierre par Vogel sous la direction immédiate de Maedler. La 4e et dernière livraison paraîtra en 1837. D'après les engagements que les auteurs ont bien voulu contracter, les astronomes peuvent espérer de voir publier en même temps un ouvrage où seront consignés les nombreux résultats mathématiques et physiques qu'une si longue, qu'une si minutieuse contemplation de notre satellite a dû nécessairement révéler."

En présentant cette 3e livraison de la carte de la Lune à l'Académie, Arago rappela les curieux mémoires que Beer et Maedler ont déjà publiés sur la constitution physique et le mouvement de rotation de Mars et de Jupiter
"En très peu de temps, ajouta-t-il, l'observatoire de Berlin que Guillaume Beer a fait construire à ses frais, aura ainsi pris rang parmi ceux de ces dispendieux établissements auxquels la science est le plus redevable. Dès aujourd'hui, la famille Beer, qui déjà pouvait se glorifier d'avoir donné au monde le célèbre poète dont une mort prématurée a si malheureusement brisé la brillante carrière, et l'illustre musicien auteur de Robert le Diable, a le droit d'inscrire le nom du troisième frère parmi ceux des astronomes les plus zélés, les plus scrupuleux et es plus habiles de notre époque."


L'observatoire de Berlin, au XIXe siècle.
Source : Deusches Museum.

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Les rivières de la Lune

Que la Lune n'ait pas eu de mers véritables a été une chose assez vite comprise. Et l'on a aussi compris rapidement qu'elle n'avait pas non plus de rivières (seraient-elles asséchées). La découverte de rainures et autres fissures à la surface du sol lunaire a cependant éveillé durablement des interrogations sur l'origine de ces formations.
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Rainures de la région d'Hyginus.

Schroeter est le premier a avoir aperçu des rainures à la surface de notre satellite. Il en découvrit 11 de 1788 à 1801. Lohrmann en découvrit 75 nouvelles pendant la période de 1823à 1827, qu'il consacra à la construction de son immense carte de la Lune à la suite de laquelle il perdit la vue. Maedler en ajouta 55 nouvelles, de 1832 à 1841, et Jules Schmidt, 278 de 1842 à 1865. Depuis cette époque, Neison (auteur d'une carte lunaire parue en 1876), Webb, Birt, Gaudibert en ont découvert un grand nombre d'autres et leur nombre s'élèvera à la fin du XIXesiècle à près d'un millier - autrement dit, pratiquement toutes celles qui sont accessibles depuis la Terre avait été répertoriées. Les plus belles et les mieux visibles étant celles d'Hyginus, de Triesnecker et d'Archimède.

La rainure d'Hyginus (la première découverte : 5 décembre 1788) traverse dix cratères, dont Hyginus lui-même est le cinquième, en comptant du nord-est. La rainure traverse Hyginus en brisant sa paroi et en passant avec ses bords élevés par son intérieur, preuve évidente qu'elle s'est formée plus tard que ce cratère. Quant aux 9 autres cratères, leur petitesse empêche de constater le fait; mais sur d'autres points de la surface lunaire on trouve encore des rapports semblables. Un fait dans lequel les astronomes ont vu l'un des indices qui leur permettrait de comprendre l'origine de ces formations.

Les rainures leur paraissaient ainsi appartenir exclusivement à une époque tardive de la formation de la surface lunaire. Même si certaines crevasses, certains ravins (par exemple; la Vallée des Alpes et quelques fissures dans les montagnes qui, par leur direction en ligne droite et leurs parois escarpées, rappellent tout à fait les rainures) remontaient probablement, estimait-on, à une époque antérieure. Mais, en général la formation des grandes montagnes circulaires, comme aussi celle des cratères de diamètres moyens, était certainement déjà terminée, ajoutait-on, lorsque des forces purement locales se sont fait jour et ont donné naissance aux rainures.

Malgré certaines analogies, il paraissait tout de même difficile de voir, en dépit des premières affirmations, dans ces sillons des fleuves, ou des lits desséchés de fleuves lunaires qui auraient existé dans les temps primitifs. On ne pouvait certainement nier de façon formelle que de l'eau ait pu autrefois couler dans ces lits maintenant arides, car, expliquait-on, notre Terre avait été elle-même autrefois entièrement recouverte d'eau (Déluge), et maintenant plus d'un quart de sa surface est composé de terre ferme, et la masse des eaux continuait, semblait-il, à diminuer.

Cependant un examen plus approfondi de la nature de ces rainures conduisait à une explication contraire. Plusieurs de ces formations parcourent des pays de montagnes sans atteindre les plaines; d'autres naissent et se terminent dans une plaine, ou s'étendent d'une montagne à une autre en traversant un bas pays. Elles ont presque toutes une largeur constante, ou sont au milieu plus larges qu'aux deux extrémités. Il est rare que plusieurs se réunissent. Un grand nombre s'étendent en ligne directe et toutes ont une profondeur considérable. Il est invraisemblable qu'une eau courante ait pu creuser de tels canaux, d'autant plus que la pesanteur est environ 6 fois moins intense sur la Lune que sur la Terre. Si donc, à une époque quelconque, il y avait eu de l'eau dans ces canaux, on n'en devait pas moins penser que ce n'est pas à elle qu'ils devaient leur existence.

Ces formations apparaissaient en fait tout à fait spéciales à la Lune et il n'y avait rien d'analogue sur la Terre. Et jusqu'au milieu des années 1960, c'est-à-dire jusqu'au renouveau des études lunaires qui a accompagné les premiers temps de l'exploration spatiale, elles resteront inexpliquées.


 

[a] Ils en détermineront au total 919, et y ajouteront 1095 déterminations d'altitudes, dont celle du mont Newton. Sa hauteur sera par eux estimée à 23 800 pieds, au-dessus du fond du cratère qu'elle enserre.

Les travaux de Schmidt

Les travaux de Schmidt peuvent également être considérés comme parmi les plus importants en matière de sélénographie. L'astronome a commencé les observations en 1839, à l'aide du réfracteur de 6 pouces de l'observatoire d'Athènes, et c'est seulement à partir de 1865 qu'il va les combiner et les utiliser pour réaliser sa carte. Il s'était d'abord proposé de dessiner une carte de 6 pieds de diamètre, divisée en quatre quadrants, comme la carte de Beer et Maedler. En avril 1868, son travail était suffisamment avancé pour qu'il puisse juger de sa qualité. Peu satisfait, il recommença tout depuis le début. Conservant la même échelle, il décida cette fois de diviser la carte en 25 sections, comme l'avait fait Lohrmann. Cela lui permit un tracé plus précis, mais la carte de Schmidt tarda encore dix ans avant d'être achevée. 
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Carte (réduite) de Bullialdus et Lubienitzky dessinée par Schmidt, et montrant sa méthode de délinéation.
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