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John Locke

John Locke est un philosophe anglais né à Wrington, près de Bristol, en 1632, mort à Londres en 1704. Il peut être considéré comme le fondateur de l'empirisme moderne et l'initiateur de la psychologie expérimentale. Fils d'un greffier de justice de paix qui servit comme capitaine dans l'armée parlementaire, il fit ses études d'abord à Westminster, puis à l'université d'Oxford. A vingt-sept ans, il lut pour la première fois Descartes et en reçut une très vive impression. Il renonça dès lors à l'état ecclésiastique auquel il se destinait et résolut d'être médecin. C'est en cette qualité qu'il s'attacha à lord Ashley (Ashley Cooper), plus tard comte de Shaftesbury et chancelier d'Angleterre, qui lui confia l'éducation de son fils, et qui, devenu ministre, le chargea de rédiger les constitutions de la Caroline (1669), puis le fit nommer secrétaire des présentations aux bénéfices (1672).
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Portrait de John Locke.
John Locke, par Godfrey Kneller.

De 1672 à 1679, John Locke voyagea en France et demeura quelque temps à Montpellier. De retour en Angleterre, il partagea la disgrâce de son protecteur, devint suspect aux Stuarts et suivit Shaftesbury dans son exil en Hollande (1682). Il fut lui-même accusé en son absence d'avoir pris part à une conspiration contre Charles II, et se vit expulser du Collège du Christ. Il resta en Hollande jusqu'à la Révolution de 1688, s'occupant d'études philosophiques. Revenu en Angleterre avec le prince Guillaume d'Orange, il fut nommé commissaire des appels, puis commissaire du commerce et des colonies (1695), avec un traitement considérable. 

En 1700, l'affaiblissement de sa santé - il était phtisique depuis sa jeunesse - le détermina à résigner ses fonctions, et il refusa, malgré les instances du roi, de conserver les émoluments d'une place qu'il ne remplissait plus. Il se retira à Oates, auprès de lady Masham, fille du docteur Cudworth, et son amie; c'est là qu'il mourut en 1704, à l'âge de soixante-douze ans.  Il mérita par ses vertus et par la modération de ses opinions d'être surnommé, par Voltaire, « le sage Locke ».

Ses écrits valent plutôt par la solidité du fond que par le style, qui est souvent lourd et traînant. Les principaux sont : une Épître sur la Tolérance à Limborch, en latin, 1889 (il y ajouta depuis 3 autres lettres sur le même sujet); An Essay concerning human Understanding (Essai sur l'entendement humain) (Londres,  plusieurs fois réimprimé du vivant de l'auteur avec corrections et additions; 1690; trad. fr. par Coste, Amsterdam, 1700; en latin par Burridge, Londres, 1701, etc.); deux Traitéssur le gouvernement civil, 1690, où il combat les partisans du droit divin; Pensées sur l'éducation des enfants, 1693, où l'on trouve le germe des réformes proposées plus tard dans l'Émile de Rousseau; Lettre sur la tolérance, d'abord en latin (1685-1690-1692); Reasonableness of Christianity (le Christianisme raisonnable), Londres, 1695, qui le fit accuser de Socinianisme; et quelques écrits posthumes, parmi lesquels la Conduite de l'entendement, la Vie du comte de Shaftesbury, et un Recueil de Lettres.
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John Locke fut pendant sa vie considéré surtout comme l'apôtre de la liberté politique et religieuse; aujourd'hui il est principalement connu comme philosophe; on le regarde comme un des pères de la métaphysique moderne. Ces idées ont été combattues en Angleterre par Stillingfleet, en Écosse par Reid, en Italie par Gerdil, en France par Royer-Collard et V. Cousin. Surtout, il a été très sévèrement jugé, en Allemagne, par Leibniz qui n'en écrivit pas moins les Nouveaux Essais pour répondre à l'Essai sur l'entendement humain

« M. Locke, dit-il, avait de la subtilité et de l'adresse, et quelque espèce de métaphysique superficielle qu'il savait relever. » 
Et il traite sa philosophie de paupertina philosophia. Cependant Locke tient une place importante dans l'histoire de la philosophie moderne. C'est qu'il inaugure une nouvelle manière de philosopher : avec lui se fonde une nouvelle école, l'école empirique, qui représente, en somme, une tendance légitime de l'esprit humain; avec lui commence une réaction contre l'idéalisme-cartésien qui, poursuivie pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle, en Angleterre et en France, exercera durablement son influence sur la philosophie. II y a eu parmi les modernes de plus grands philosophes que Locke (non seulement Descarteset Leibniz, mais encore Malebranche, Spinoza, Berkeley, Hume, etc.); il y en a peu qui aient exercé sur le développement de la philosophie moderne une action aussi décisive et aussi durable. Cependant Locke a subi l'influence de Descartes bien plus profondément que celle de Bacon ou de Hobbes : lui-même proclamait hautement le plaisir et le profit qu'il avait trouvé à le lire, le regret qu'il avait de ne pas avoir connu plus tôt un tel guide. 
« Il est hors de doute, dit H. Marion, que Descartes le fit penser, le réconcilia avec la philosophie (dont les scolastiques l'avaient dégoûté), et, par ses témérités mêmes, aiguillonna sa curiosité en provoquant ses critiques. » 
Comme Descartes, John Locke se réfère sans cesse à la règle de l'évidence ou des idées claires et distinctes; il admet la distinction de l'étendue et de la pensée; il voit dans la pensée l'attribut constitutif de l'âme; mais il se sépare de lui sur la question capitale de l'origine et de la valeur de la connaissance humaine, qu'il fait dériver tout entière de l'expérience.

Par cela même, il substitue à la métaphysique l'étude des facultés de l'esprit humain, et on a pu voir en lui le fondateur de la psychologie expérimentale ou tout au moins de l'idéologie qui, au XVIIIe siècle, devient dans l'école empirique la philosophie spéculative presque tout entière. Il peut même être considéré, en un sens, comme le précurseur de Kant. Le problème qu'il s'est posé dans l'Essai est, à peu de chose près, celui qui fait aussi l'objet de la Critique de la raison pure
« Étudier l'origine, la certitude et l'étendue de la connaissance humaine, montrer par quels moyens notre entendement vient à se former les idées qu'il a des choses, marquer les bornes de la certitude, définir les limites qui séparent l'opinion de la connaissance, examiner quelles règles il faut observer pour déterminer exactement les degrés de notre persuasion à l'égard des choses dont nous n'avons pas une connaissance certaine. » 
Kant lui-même l'a bien vu :. 
« On a pu croire un instant, dit-il, que dans les temps modernes le célèbre Locke, par sa physiologie de l'esprit humain, avait dû mettre fin à toutes les querelles des dogmatiques et des sceptiques et taire à chaque prétention sa part. »
L'Essai sur l'entendement humain se compose de quatre livres. Dans le premier, qui fut certainement écrit après les trois autres, John Locke fait la critique de la théorie -cartésienne de l'innéité : il s'efforce de démontrer qu'il n'y a pas d'idées innées. Dans le second, il montre que l'expérience est l'origine de toutes les idées. Le troisième traite des mots dans leurs rapports avec la pensée. Le quatrième a pour objet la connaissance.
« Il est remarquable, dit H. Marion, que Locke n'est pas parti d'une négation, comme l'ordre actuel de son livre le ferait croire. Il n'a pas commencé par nier à la légère les idées innées de Descartes, se condamnant ainsi à expliquer sans elles, bon gré mal gré, toute la connaissance. C'est la marche inverse qu'il a suivie. Esprit positif, au sens propre du mot, il a, de son point de vue exclusivement empirique, lentement analysé l'esprit humain et compté, pièce à pièce, les éléments de la connaissance; après quoi, se croyant en mesure d'expliquer par l'expérience seule la formation de toutes nos pensées, il tint pour bonne son hypothèse (jusque-là provisoire) de la table rase. Il ne se mit en devoir de ruiner expressément le rationalisme cartésien qu'après avoir acquis la conviction qu'il était possible de s'en passer. »
John Locke entend, d'ailleurs, la théorie-cartésienne de l'innéité dans un sens tout à fait littéral, comme s'il s'agissait de notions et de vérités imprimées dans l'âme dès la naissance; et il n'a pas de peine à démontrer qu'il n'en existe pas de telles. S'il y avait des idées innées, l'âme en aurait toujours conscience; elles seraient connues de tous les humains; on n'aurait pas besoin de les acquérir ou de les apprendre. Or toutes ces conséquences sont démenties par les faits. Les enfants, les idiots, ignorent les prétendues vérités innées; le consentement universel qu'on allègue en leur faveur n'existe pas. Du reste, ce consentement, s'il existait, ne serait même pas une preuve; car il s'expliquerait par une expérience commune à toute l'espèce humaine. L'hypothèse de l'innéité est une excuse à la paresse et un prétexte à l'arbitraire des philosophes, qui se dispensent ainsi de chercher ou de donner des explications.

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Extraits des oeuvres de J. Locke

 Comparaison de l'entendement avec un cabinet obscur

« Il me paraît que l'entendement ne ressemble pas mal à un cabinet entièrement obscur, qui n'aurait que quelques petites ouvertures sur le dehors pour laisser entrer par dehors les images des objets extérieurs et visibles, tellement que si ces images venant à se peindre dans ce cabinet obscur, pouvaient y rester et y être placées en ordre, en sorte qu'on pût les trouver dans l'occasion, il y aurait une grande ressemblance entre ce cabinet et l'entendement humain par rapport à tous les objets de la vue, et aux idées qui existent dans l'esprit. » (Essai, liv. II, ch. II, § 17).

Contre les idées de la raison et sur l'innéité des idées

« Il y a des gens qui supposent comme une vérité incontestable qu'il y a certains principes, certaines notions primitives, autrement appelées notions communes, empreintes et gravées pour ainsi dire dans notre âme, qui les reçoit dès le premier moment de son existence et les apporte au monde avec elle. Si l'avais affaire à des lecteurs dégagés de tout préjugé, je n'aurais, pour les convaincre de la fausseté de cette supposition, qu'à leur montrer que les hommes peuvent acquérir toutes les connaissances qu'ils ont par le simple usage de leurs facultés naturelles, sans le secours d'aucune impression innée, et qu'ils peuvent arriver à une entière certitude de certaines choses sans avoir besoin d'aucune de ces notions naturelles ou de ces principes innés; car tout le monde, à mon avis, doit convenir sans peine qu'il serait ridicule de supposer, par exemple, que les idées des couleurs ont été imprimées dans l'âme d'une créature à qui Dieu a donné la vue et la puissance de recevoir les idées par l'impression que les objets extérieurs feraient sur ses yeux. Il ne serait pas moins absurde d'attribuer à des impressions naturelles et à des caractères innés la connaissance que nous avons de plusieurs vérités, si nous pouvons remarquer en nous-mêmes des facultés propres à nous faire connaître ces vérités avec autant de facilité et de certitude que si elles étaient originairement gravées dans notre âme [...].

L'esprit est une table rase; l'esprit est vide; et c'est la sensation qui le remplit. La réflexion ne rend que ce qu'elle a reçu de la sensation. » (Essai, liv. 1 ch. Ier).

Sur la preuve de l'existence de Dieu par son idée

« Je crois être en droit de dire que ce n'est pas un fort bon moyen d'établir l'existence de Dieu et de fermer la bouche aux athées, que de faire porter tout le fort d'un article aussi important que celui-là sur ce seul pivot, et de prendre pour seule preuve de l'existence de Dieu l'idée que quelques personnes ont de ce souverain Être. Je dis quelques personnes : car il est évident qu'il y a des gens qui n'ont aucune idée de Dieu, qu'il y en a d'autres qui en ont une telle idée qu'il vaudrait mieux qu'ils n'en eussent pas du tout, et qui, pour la grande partie, en ont une idée telle quelle, si j'ose me servir de cette expression. C'est, dis-je, une méchante méthode que de s'attacher trop fortement à cette découverte favorite, jusqu'à rejeter les autres démonstrations de l'existence de Dieu, ou du moins de tâcher de les affaiblir et d'empêcher qu'on ne les emploie, comme si elles étaient faibles ou fausses, quoique dans le fond ce soient des preuves qui nous font voir si clairement et d'une manière si convaincante l'existence de ce souverain Être par la considération de notre propre existence et des parties sensibles de l'univers, que je ne pense pas qu'un homme sage puisse y résister; car il n'y a point, à ce que je crois, de vérité plus certaine et plus évidente que celle-ci, que les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité sont devenues visibles depuis la création du monde, par la connaissance que nous en donnent ses ouvrages. »  (Essai, liv. Vl, ch. x).

 De la spiritualité

« Peut-être ne serons-nous jamais capables de connaître si un être purement matériel pense ou non, par la raison qu'il nous est impossible de découvrir par la contemplation de nos propres idées, sans révélation, si Dieu n'a point donné à quelques systèmes de parties matérielles, disposées convenablement, la faculté d'apercevoir et de penser, ou s'il a joint et uni à la matière ainsi disposée une substance immatérielle qui pense [...]. Car comment peut-on être sûr que quelques perceptions, comme le plaisir et la douleur, ne sauraient se rencontrer dans certains corps modifiés et mus d'une certaine manière, aussi bien que dans une substance immatérielle, en conséquence du mouvement des parties du corps? » (Essai, liv. IV, ch. III, §6).

Sur l'idée de la liberté

« Notre idée de la liberté s'étend aussi loin que la puissance d'agir ou de s'empêcher d'agir, mais elle ne va point au delà; car, toutes les fois que quelque obstacle arrête cette puissance l'agir ou de ne pas agir, ou que quelque force vient à détruire l'indifférence de cette puissance, il n'y a plus de liberté, et la notion que nous en avons disparaît tout à fait [...]. La volition est visiblement un acte de l'esprit exerçant avec connaissance l'empire qu'il suppose avoir sur quelque partie de l'homme, pour l'appliquer à quelque action particulière, ou pour l'en détourner. ». (Essai, liv. II, ch. xx, § 1).

Principe du droit de propriété

« Encore que la terre et les créatures inférieure; soient communes, chacun pourtant a un droit particulier sur sa propre personne.

Qu'on fasse différence entre un arpent de terre où on a planté du tabac ou du sucre, ou semé du blé ou de l'orge, et un arpent de la même terre qui est laissé en commun, sans propriétaire qui en ait soin, et l'on sera convaincu que les effets du travail font la plus grande partie de la valeur de ce qui provient des terres. Je pense que la supputation sera bien modeste si je dis
que, des productions des terres cultivées, neuf dixièmes sont
des effets du travail. La conséquence de cette doctrine, c'est que
je suis bien propriétaire de la chose que mon travail a créée. car je puis dire que j'ai créé ce qui sans moi serait absolument inutile. Un champ en friche n'est rien; il ne devient quelque chose que par le travail humain. Il appartient donc de droit à celui qui l'a ensemencé et fécondé [...].

Qui, je vous prie, s'imaginera qu'un autre homme lui fait tort en buvant, même à grands traits, de l'eau d'une grande et belle rivière, qui, subsistant toujours tout entière, contient et présente infiniment plus d'eau qu'il ne lui en faut pour étancher sa soif?

En s'appropriant une terre par son travail et par son adresse, on ne fait tort à personne, puisqu'il reste toujours assez de terre et d'aussi bonnes, et même plus qu'il n'en faut à un homme qui ne se trouve pas pourvu [...].

Si l'on passe les bornes de la modération et que l'on prenne plus de choses qu'on n'en a besoin, on prend ce qui appartient aux autres. » (Essai sur le gouvernement civil, ch. VI).

D'où viennent donc toutes nos idées? De l'expérience, qui est double : sensation et réflexion. Par la sensation, nous connaissons les objets extérieurs; par la réflexion, les opérations intérieures de notre âme. Ces idées sont simples et complexes. Les idées simples sont celles que l'esprit reçoit passivement ou de la sensation seule : idées des couleurs, sons, saveurs, etc.; idées de l'espace, de la figure, du repos et du mouvement, qui sont communes à plusieurs sens; ou de la réflexion seule a idées de la perception, de la volition, du plaisir ou de la peine; enfin de la sensation et de la réflexion à la fois : idées de la puissance, de l'existence, de l'unité et de la succession.

Les idées complexes sont celles que l'esprit forme lui-même par la combinaison des idées simples, et elles sont de trois sortes idées de modes, de substances et de relations. Il s'ensuit que l'esprit ne connaît, à proprement parler, que des qualités ou phénomènes dont l'expérience seule lui montre la liaison. Ainsi, l'idée de la substance n'est que

« l'idée de je ne sais quel sujet qu'on suppose être le soutien des qualités qui produisent dans notre âme des idées simples ». 
Tout ce qu'il y a de réel dans la substance, c'est donc la combinaison de qualités ou d'idées inséparablement unies que nous lui attribuons. De même, l'idée de l'infini se forme en additionnant toujours une quantité finie à elle-même. Telle étant l'origine de notre connaissance, elle a nécessairement pour bornes les bornes mêmes de notre expérience. Ainsi, nous ne pouvons rien savoir de la nature interne des choses, ni, par exemple, si la matière est capable de penser.

John Locke professe donc une sorte de scepticisme à l'égard de la métaphysique, dont les problèmes lui semblent insolubles par cela même qu'ils dépassent la portée de notre expérience et, du même coup, celle de nos facultés intellectuelles; mais ce scepticisme ne va pas jusqu'à mettre en doute l'existence de l'âme ou celle de Dieu

Tout au contraire, dit H. Marion, « l'existence de Dieu lui semble, à lui si franc dans la critique, si réservé dans l'affirmation, non un objet de foi, mais une vérité scientifiquement démontrée. Comme tous les grands penseurs de son siècle, il est théologien en même temps que philosophe. Comme Leibniz, il admet que certaines vérités peuvent passer notre raison; mais non qu'il y ait des vérités contre la raison. La raison, selon lui, peut prouver que Dieu existe; ce qui passe nos forces, c'est de le comprendre entièrement; ce qui est insensé, c'est la prétention d'en prendre une connaissance adéquate, ou, inversement, de le nier parce que nous ne comprenons pas son mode d'action. »
En politique, Locke se sépare de Hobbes, qui avait fait la théorie du despotisme. Il défend, au contraire, la théorie du libéralisme moderne, qu'il a formulée le premier. L'état de nature n'est pas l'état de guerre. L'humain a des droits naturels, antérieurs à la société, que la société doit non seulement respecter, mais protéger : droit de liberté personnelle; droit de propriété; droit de légitime défense. En entrant dans la société, l'individu ne renonce à aucun de ses droits; il remet seulement au pouvoir social l'exercice de son droit de légitime défense, qui se transforme ainsi en droit de punir.

Le souverain est le mandataire de la nation, qui peut toujours lui reprendre le pouvoir s'il en abuse. L'État doit la tolérance à toutes les croyances et à tous les cultes (sauf à l'athéisme, que Locke regarde comme une doctrine antisociale, et au « papisme » qu'il tient pour incompatible avec la liberté). Aux nuances près, on peut dire que toute la philosophie sociale et politique du XVIIIe siècle s'inspira de ces principes, même si elle s'en écarta parfois assez pour faire naître bien des malentendus. En particulier, J.-J. Rousseau empruntera à Locke ses deux théories de l'État de nature et du contrat social, non sans en forcer et en fausser un peu le sens. De même, les Pensées sur l'éducation ont fourni, on l'a dit, à l'Émile de Rousseau ce qu'il contient de plus solide. Locke ne sépare pas plus l'instruction de l'éducation morale que celle-ci de l'éducation physique, et de même que toutes ses prescriptions touchant l'éducation physique n'ont pour objet que de faire du corps « un instrument docile, aussi apte que possible à exécuter les ordres de l'esprit », de même, tout ce qu'il écrit sur les moyens de façonner l'intelligence et le caractère n'a qu'un but :
« former des esprits droits, disposés en toute occasion à ne rien faire que de conforme à la dignité et à l'excellence d'une créature raisonnable ».
La philosophie de John Locke, devenue populaire en Angleterre, où elle a exercé sur l'éducation anglaise une influence qu'il serait difficile d'exagérer, fut propagée en Hollande par Leclerc et S'Gravesande, introduite en France par Voltaire
« Descartes, dit ce dernier, a écrit le roman de l'âme; Locke en a écrit l'histoire. » 
On sait comment Condillac s'assimila en la simplifiant la doctrine de l'Essai sur l'entendement humain. D'autre part, comme le fait remarquer H. Marion (J. Locke, sa vie et son oeuvre, 1878), Berkeley n'était pas possible avant Locke, ni Hume avant Locke et Berkeley; et, comme il est notoire que Kant, à son tour, procède de Hume, il s'ensuit que cette humble philosophie de Locke a eu, en métaphysique, infiniment plus d'importance qu'on ne lui en reconnaît communément. (E. Boirac).
« C'est d'elle que part cette branche si forte et si vivace de la spéculation moderne qui, par l'idéalisme de Berkeley et le phénoménisme de Hume, aboutit à la Critique de la raison pure et au criticisme contemporain. [...] Même dans l'ordre purement spéculatif ou il a été si fort dépassé, Locke a joué, sciemment ou non, un rôle capital, nécessaire, historiquement immense; tandis que, par sa philosophie pratique, la partie de son oeuvre la plus vivante et la moins vieillie, il est tout à fait au premier rang parmi les penseurs modernes et les promoteurs de l'esprit nouveau. » (H. Marion).


Éditions anciennes - On a plusieurs éditions des oeuvres de John Locke : une des plus complètes est celle qui a été publiée à Londres, 1824, 9 vol. in-8. La plupart des ouvrages de ce philosophe ont été traduits en français : l'Essai sur l'entendement, par Coste, 1700; l'Éducation des enfants et le Christianisme raisonnable, par le même, 1695; la Lettre sur la tolérance, ainsi que les œuvres posthumes, par Leclerc, Rotterdam, 1710. Thurot a réuni les œuvres philosophiques de Locke, trad. en français, en 7 vol. in-8, Didot, 1821-25. Lord King a donné la Vie de Locke, Londres, 1830.

En librairie - L. Fontaustier, Locke, Michalon, 2004.

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