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Kircher

Le P. Athanasius Kircher est un savant et philologue allemand, né à Geisa (Geysen), près de Fulda, le 2 mai 1602, mort à Rome le 28 novembre 1680. Elève des jésuites, il entra en 1618 dans leur ordre, passa les années qui suivirent, comme étudiant et comme répétiteur, dans leurs collèges de Munster, de Cologne, de Coblentz, de Mayence, fut nommé en 1630 professeur de philosophie, de mathématiques et de langues orientales à Wurzbourg, s'enfuit en 1531 à l'approche des troupes de Gustave-Adolphe, qui avaient envahi la Bavière (La Guerre de Trente Ans), puis quitta tout à fait l'Allemagne et vint chercher un refuge à Avignon (1633-1635). De là il se rendit à Rome, on il fut pendant huit ans professeur de mathématiques au Collegio Romano (1635-1643). II consacra presque exclusivement le reste de sa vie à des travaux de linguistique et d'archéologie. 
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Athanasius Kircher.
Athanasius Kircher (1602-1680).

Homme d'un vaste savoir et d'une brillante imagination, mais superficiel, présomptueux et crédule, le père Kircher manquait, pour mériter la grande célébrité dont il jouit parmi ses contemporains, de deux qualités essentielles que ne pouvaient malheureusement remplacer ni sa remarquable puissance de travail, ni sa prodigieuse mémoire : le jugement et le sens critique.

Il voulut en outre trop embrasser, et ses nombreux ouvrages, qui traitent tour à tour de magnétisme (propriété par laquelle il voulait tout expliquer et qu'il appliquait même au traitement des maladies), d'optique, de gnomonique, d'acoustique, de musique, d'astronomie, de mécanique, d'arithmétique, d'histoire naturelle, de médecine, de philosophie, de théologie, de philologie, d'histoire, d'archéologie, de géographie, voire même de prestidigitation et de magie, n'eurent jamais, malgré leur vif succès, qu'assez peu de valeur intrinsèque. Il voulut aussi renouveler l'art de Raymond Lulle et imagina une pasigraphie, ou écriture universelle, que chacun pût lire dans sa langue. 

Tout au plus y trouve-t-on quelques savantes dissertations sur la musique des anciens, sur la nature et la propagation du son, sur les miroirs d'Archimède, sur le Latium, et de précieux documents pour l'étude des écritures chinoise et copte (Kircher fut un des premiers à étudier cette langue et à tenter d'expliquer les hiéroglyphes). 

« Tous ses ouvrages, dit Montucla, attendu la profusion d'érudition et d'imagination qui y règne, et leurs nombreuses gravures, ont du prix dans la bibliographie. » 
Comme ils n'offrent plus guère en tous cas qu'un intérêt de curiosité, nous nous bornerons à donner les titres des plus importants. 
Ouvrages scientifiques : Ars magnesia (Wurzbourg, 1631 , in-4, très rare); Specula Melitensis encyclica (Messine, 1638, in-12, très rare); Magnessive de arte magnetica (Rome, 1641, in-4; 3e éd., 1654, in-fol.); Ars magna lucis et umbrae (Rome, 1646, in-fol. ; 2e éd., Amsterdam, 1674); Musturgia universalis (Rome, 1650, 2 vol. in-fol. ; 2e éd., Amsterdam, 1662); Mundus subterraneus (Amsterdam, 1664, 2 vol. in-fol. ; 3° éd., 1678); Magneticum naturae regnum (Rome, 1667, in-4); Phonurgia nova de prodigiosis sonorum effectibus (Campidona, 1673, in-fol. ; trad. allem., 1684); Iter Exstaticum coeleste, ouvrage dans le goût du Songe de Képler, mais plein de rêveries dont son modèle ne lui avait pas donné l'exemple; Tariffa Kircheriana, sorte de barème (Rome, 1679, in-8). 

Ouvrages de philologie, d'archéologie et de théologie : Prodromus coptus sive aegyptiacus (Rome, 1636, in-4); Lingua aegyptiaca restituta (Rome, 1644, in-4.); Oedipus aegyptiacus, son oeuvre la plus considérable et où il a fait connaître un fragment de zodiaque, auquel Bailly  n'accordait pas une grande confiance (Rome, 1652-54, 4 vol. in-fol.); Polygraphia, essai de pasigraphie (Rome, 1663, in-fol., rare; 2e éd., Amsterdam,1680); China monumentis illutrata (Amsterdam, 1667, in-fol. ; trad. franc. par d'Alquié, 1676); Latium, id est Latii tum veteris tum novi descriptio (Rome, 1669, in-fol. ; 2e éd., Amsterdam, 1671); Arca Noe (Amsterdam, 1675, in-fol.); Turris Babel (Amsterdam, 1618, in-foI.); Epistolarum fasciculus, recueil posthume publié par J.-A. Langenmantel (Augsbourg, 1684, in-8).

Kircher a inventé plusieurs instruments et machines, entre autres un arithmomètre, un pantomètre, un orgue, mathématique - ces deux derniers décrits par le P. Schott. 

Il avait réuni à Rome l'un des plus riches cabinets de physique, d'histoire naturelle et d'antiquités, le Museum Kircherianum, qui est depuis 1870 la propriété de l'Etat.

L'Ars magna lucis et umbrae.
Ars magna lucis et umbrae est un ouvrage, un peu bizarre, commence par une espèce d'arbre au pied duquel est un jésuite à genoux. Sur toutes les branches de l'arbre
on voit des cadrans polaires pour toutes les provinces de l'ordre des Jésuites. A chacun des quatre côtés on voit un jésuite en prières, qui prononce dans toutes les langues connues, a Solis ortu usque ad occasion laudabile nomen Dei.

Après la dédicace de son Ars magna, Kircher nous donne le portrait en pied d'un comte de Waldstein, à qui cette dédicace est adressée. Comme Scheiner, il cherche à flatter son protecteur. On remarque dans Riccioli, jésuite comme les deux premiers, à peu près la même affectation et cette espèce de goût bizarre pour les dessins et les gravures allégoriques. C'est une chose bien singulière que, parmi ce grand nombre de professeurs jésuites qui ont écrit sur les sciences et même sur les lettres, il ne s'en trouve aucun qui se soit vraiment distingué, soit par une découverte, soit par un ouvrage véritablement bon. Au reste, nous voyons avec Schyrle de Rheita, par exemple, que cet esprit adulateur et de mauvais goût, que nous reprochons à nos trois jésuites, ne fait pas le caractère distinctif de cet ordre fameux, et qu'un humble capucin va les égaler, sinon les surpasser, dans cette science.

Kircher commence par parler du Soleil et de ses taches, qu'il compare aux scories qui se forment sur un métal en fusion. Il rapporte, d'après Suétone, qu'à la mort de César on avait vu autour du Soleil une vapeur épaisse et fuligineuse. Virgile avait dit avant lui :
Cum caput obscura nitidum ferrugine texit.
Au temps de Justinien, le Soleil parut, pendant un an, couvert d'un voile si obscur, qu'il ressemblait tout-à-fait à la Lune. Les Arabes observèrent le même phénomène en l'an 64 de l'Hégire. Paul Diacre nous apprend qu'en l'an 970, pendant 17 jours, par un ciel très serein, le Soleil n'eut qu'une lumière faible et obscure. Peu de jours après, on vit une comète

Cornélius Gemma, dans sa Cosmocritique, dit qu'en 1569 le Soleil se montra à toute l'Europe, pendant plusieurs jours, d'une couleur sanglante, et que ce phénomène fut encore suivi d'une comète, et même de troubles civils. En 1625, un peu avant la guerre de Suède, pendant toute une année, le disque solaire fut singulièrement couvert de taches. En 1628, Cysatus, dans l'éclipse solaire du jour de Noël, remarqua l'atmosphère de la Lune ou des vapeurs qui s'exhalaient de son globe. Weidler nous dit que ce même Cysatus, professeur de mathématiques à Ingolstadt, fut le premier (en 1618), qui employa la lunette pour observer une comète, et qu'il remarqua quelques inégalités ou fissures dans le noyau. Au livre II, page 94, Kircher parle de la Lanterne magique, qui n'est pas de son invention, quoiqu'elle lui soit attribuée. C'est lui-même qui nous l'apprend. 

Ego sane memini me ed methodo Christi D. N. crucifixionem exacte in obscuro loco repraesentatam vidisse. Hac methodo Rudolpho II° imperatori ab insigni mathematico omnes praedecessores Romanos Caesares a Julio Caesare ad Mauritium usque recta specie repraesentatos esse ita ad vivum ut quotquot praesentes fuerint id magica arte ant necromanticâ adjuratione feri putaverint, a magni nominis viro, huic spectaculo praesente, accepi. 
Il est vrai que Kircher paraît avoir perfectionné cette invention, dont il traite spécialement à la page 768; il semble même, qu'à la lumière de la lampe il imagina de substituer celle du Soleil, qu'il recevait sur un miroir sur lequel étaient peints les objets qu'il voulait représenter.
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Kircher.
Kircher et la lanterne magique...
(Planche extraite de son Ars magna lucis et umbrae).

Ce grand Art de la Lumière et de l'Ombre n'est guère autre chose qu'un long traité de gnomonique, riche en applications curieuses ou bizarres, mais dans lesquelles on ne remarque rien de neuf en théorie. Il enseigne à décrire toutes les espèces de cadrans, soit par les moyens ordinaires, soit par des moyens moins directs et moins sûrs, comme, par exemple, de décrire le cadran tout entier d'une seule ouverture de compas; il montre à tracer des cadrans sur chacune des faces des cinq corps réguliers, dans un hémisphère, dans un cube et dans un cône creux. Il abonde en pratiques pour la description des arcs des signes; il nous dit comment on pourra déterminer les deux points extrêmes d'une ligne horaire quelconque, par leurs distances à un point donné. Ce qu'il y a de plus neuf dans ce gros traité, est l'art des cadrans par réflexion. Le problème n'était ni bien difficile, ni d'une utilité bien grande. (L.Sagnet / A19 / Delambre).

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