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![]() | Jacques Boé, dit Jasmin, est un poète agenais, le plus célèbre précurseur des Félibres, né le 6 mars 1798, mort le 4 octobre 1864. Fils d'un pauvre tailleur bossu et d'une mère boiteuse, il vint au monde dans le bruit d'un charivari de carnaval![]() Occupé quelque temps, à d'humbles besognes, Jasmin fut enfin mis en apprentissage chez un coiffeur qui avait été soldat de Bonaparte. Là son goût des contes et de la causerie fut à l'aise. Il y trouva du temps pour la lecture. Mais de quels livres! Florian et Ducray-Duminil lui révélèrent son imagination. A dix-huit ans, rêvant toujours et rimant en français, il devenait perruquier lui-même, et bientôt se mariait. Son esprit et ses goûts littéraires achalandaient, « argentaient » sa boutique. Parmi les vers patois qu'il composait pour le carnaval Son premier ouvrage important, Lou Chalibary, poème héroïco-burlesque Il commençait d'aller de ville en ville, récitant ses compositions. Une ode lue devant la statue du maréchal Lannes (1834) acheva de le consacrer dans sa région. Alors il réunit ses premières oeuvres sous ce titre, Las Papillotos (1835). Il le conserva pour ses trois recueils suivants (1842, 1854, 1863). La popularité de Jasmin dans le Midi s'attachait déjà autant au diseur qu'au poète. Son génie cependant grandissait. La récitation à Bordeaux, d'un nouvel ouvrage, l'Abuglo de Castel Cullié (1836), retentit jusqu'à Paris et lui valut tous les hommages de le critique. Après Nodier, Sainte-Beuve salua le « troubadour » d'Agen comme un grand poète. La marque de son génie se retrouve, avec moins de sobriété peut-être dans l'émotion, mais plus de variété de ton comme de style, dans un grand poème auquel il travailla sept ans et qui mit le sceau à sa gloire. Françouneto, poème en quatre pauses (lu à Bordeaux, 1840; publié en 1812), est l'épopée touchante et dramatique de l'amour contrarié, parmi les superstitions Après 1840, la vie littéraire du poète se dispersa par tous les chemins du Midi. Pour répandre ses poésies, la langue vulgaire étant si peu écrite, il avait résolu de bonne heure de les réciter lui-même en laissant le profit à des oeuvres de bienfaisance. Il récoltait les hommages du plus reconnaissant enthousiasme, et il les chantait ingénument, en amoureux de la gloire et de la poésie. Le « Rameau d'or de Toulouse » (1840), «l a Coupe d'or d'Auch » (1842), « la Bague d'Albi » (1852), ainsi que les présents du roi Louis-Philippe et de la duchesse d'Orléans, n'étaient cependant rien auprès des ovations spontanées de populations entières, comme il en rencontra plus d'une fois, au cours de sa campagne pour la reconstruction de l'église de Vergt, par exemple (1840-44), qui passionna tout le Périgord. On estime à plus de douze mille les séances que donna Jasmin pendant trente ans, et à plus de 4 300 000 F. les sommes ainsi recueillies pour les pauvres. Tant de gloire et de charité devaient faire estimer haut et loin le poète. Son premier voyage à Paris fut sa consécration littéraire (1840). Il reçut la croix de la Légion d'honneur et une pension qui, avec ses livres, lui permit de renoncer à son état de coiffeur, qu'il reprenait modestement au lendemain de ses tournées triomphales. Enfin, l'Académie française attribua un prix extraordinaire de 5 000 F « au poète moral et populaire » (1851). Mais la plus souhaitée et la plus douce de ses couronnes fut celle que sa ville natale lui décerna solennellement en 1856. A tous les heureux dons de Jasmin, l'amour passionné du sol patrial et de la poésie, le vif instinct populaire, le goût du naturel, la simplicité dans l'expression, il manqua une qualité primordiale chez un grand écrivain. Sa langue s'est ressentie toujours de son défaut de culture. S'il l'a constamment épurée, à force de recherches dans le vocabulaire du peuple, il n'a pu suppléer au sens philologique que seule une éducation classique peut donner. Sa muse resta « la muse des prairies, des guérets, des bergers ». Le rôle de Jasmin fut-il bien, cependant, celui que le patriotisme méridional pouvait attendre de son génie? Pendant quarante ans, le saint Vincent de Paul de la Lyre fit vibrer de l'Océan au Rhône et de la Loire aux Pyrénées, le sentiment confus d'une communauté de langage entre les populations du Midi. Mais l'action d'un précurseur d'une « renaissance nationale-» était au-dessus de ses forces et de son idéal. Il entrevit, à ses débuts, cette noble tâche de représentant d'un peuple et de défenseur d'un passé qui n'abdique jamais. Cette fière ardeur du poète devait se tempérer aux sourires de Paris. Un réveil des énergies provinciales semblait alors s'annoncer de toutes parts. L'année de Françouneto (1840) voyait surgir les premiers livres de Gelu, de Bénédit à Marseille et de Peyrottes en Languedoc Il entrait dans la vieillesse comblé de lauriers personnels, mais indifférent au mouvement dont son oeuvre et sa renommée avaient favorisé l'éclosion. A ce titre, l'Aquitaine |
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