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Jacques Coeur

Jacques Coeur est un célèbre marchand, financier et ministre, né à Bourges vers 1395, mort à Chio le 25 novembre 1456. Il était fils de Pierre Coeur, riche pelletier de Saint-Pourçain (Allier), qui était venu s'établir à Bourges. Il est probable que Jacques Coeur se destina d'abord à l'Eglise, car il étudia comme clerc et reçut la tonsure, mais il préféra ensuite le commerce. Vers 1418, il épousa Macée de Léodepart, fille du prévôt de Bourges, qui était lui-même gendre du maître de la Monnaie de cette ville. C'est par là que Jacques Coeur fut amené à s'occuper de la fabrication des monnaies, sous la direction de Ravant Ledanois. Vers 1427, il s'associa même avec Ledanois et avec Pierre Godart, changeur à Bourges. 

Peu après, accusés d'avoir fabriqué des monnaies d'un poids trop faible, ils furent condamnés à une amende, mais ils obtinrent, moyennant 1000 livres tournois, des lettres de rémission (6 décembre 1429) et conservèrent leurs fonctions. Ils formèrent aussi une autre société commerciale avec Barthélemy Godart, frère de Pierre. Pendant la durée de cette société, qui prit fin en 1439, Jacques Coeur entreprit, pour son compte personnel, d'autres opérations plus vastes dans le Levant. Il alla en Syrie porter et chercher des marchandises. Il était à Damas en 1433. Jacques Coeur fonda ainsi une maison de commerce qui prit bientôt un développement colossal. Il établit d'abord une succursale à Montpellier. Il conservait toujours la direction de la Monnaie de Bourges. En 1436, il obtint celle de Paris, quand Charles VII eut recouvré cette ville. A la même époque, il fut chargé de percevoir dans le Languedoc mille moutons d'or pour la reine.

Jacques Coeur abandonna la direction de la Monnaie de Paris pour de plus hautes fonctions. Des documents authentiques prouvent qu'il était « commis au fait de l'argenterie » en 1438, et argentier du roi en 1440. Il est certain que Jacques Coeur avait déjà prêté au roi et qu'il lui prêta encore dans la suite des sommes considérables. Il prit une part prépondérante à la réorganisation des finances du royaume, mit fin à l'altération des monnaies et fut chargé de missions importantes. Anobli en 1441 (avril), il prit désormais le titre d'écuyer. Déjà conseiller et argentier de Charles VII, il fut encore commissaire royal auprès des Etats du Languedoc depuis 1442, « général visiteur des s à sel » en Languedoc et en Guyenne, capitaine de Saint-Pourçain. D'autre part, ses opérations commerciales s'étendaient sans cesse.

Jacques Coeur avait fondé une papeterie à Bourges; il exploitait des mines de cuivre, de plomb et d'argent dans le Beaujolais et le Lyonnais; il avait des succursales non seulement à Montpellier, mais encore à Marseille, à Lyon, à Paris, des agents en France et à l'étranger; il trafiquait avec l'Angleterre, la Flandre, l'Espagne, l'Italie, la Turquie, l'Asie, l'Afrique. Ses nombreux navires faisaient partout concurrence à ceux de Barcelone, de Lisbonne, de Gênes, de Venise. Il avait acheté quarante terres et seigneuries qui comprenaient plus de vingt paroisses ou villages. Il possédait, en outre, des maisons et des hôtels dans beaucoup de villes, deux à Paris, à Tours et à Lyon, d'autres à Montpellier, à Marseille, à Beaucaire, etc. Il faisait construire à Bourges son merveilleux hôtel de la Chaussée, une sacristie pour la cathédrale, avec une bibliothèque pour le chapitre, et une chapelle où son frère Nicolas, évêque de Luçon, fut inhumé en 1450.
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Jacques Coeur (ca. 1395 - 1456). Statue érigée à Bourges en 1879.
© Photo : Serge. Jodra, 2009.

Avec ses richesses son rôle grandissait. Il va, en 1444, installer à Toulouse le nouveau parlement du Languedoc. En 1445, il intervient comme arbitre dans un conflit entre le comte de Comminges et les Etats de ce pays; il facilite aux chevaliers de Rhodes la conclusion d'un traité avec le soudan d'Egypte. En 1446, il essaie, avec T. du Chastel, de rétablir la domination française à Gênes; en 1447, il envoie J. de Village, qui venait d'épouser sa nièce, Perrette, en ambassade auprès du soudan d'Egypte et obtient pour la France des privilèges qui relèvent son influence dans le Levant. La même année il est lui-même envoyé par le roi auprès de l'antipape' Félix V, pour négocier son abdication et mettre fin au schisme.

En 1448, Jacques Coeur fait partie d'une autre ambassade chargée de poursuivre les mêmes négociations auprès du pape Nicolas V. Après avoir ravitaillé Finale, il se rendit à Rome, où l'ambassade française fit, grâce à lui, l'entrée la plus magnifique (10 juillet 1448). L'antipape Félix V abdiqua peu après (avril 1449) et Jacques Cœur obtint de Nicolas V, comme auparavant d'Eugène IV, la permission de commercer avec les Musulmans. Il était alors à l'apogée de sa fortune. En 1449, il prêta au roi 200,000 écus pour la conquête de la Normandie et encore 60,000 en 1450 pour le siège de Cherbourg. Il prêtait non seulement au roi, mais encore à la reine, à sa fille Radégonde, à une foule d'officiers royaux, de grands seigneurs et se créait ainsi des envieux qui travaillaient sourdement à sa perte.

Agnès Sorel étant morte le 9 février 1450, Jacques Coeur, qu'elle avait choisi comme un de ses exécuteurs testamentaires, fut accusé de l'avoir empoisonnée. Peu après, il vit arrêter (octobre 1450) et condamner (juin 1451) son compatriote et ami, Jean Barillet, ou Saincoins, trésorier général, coupable comme lui, d'être trop riche. Jacques Coeur se sentait menacé, lui aussi, mais il ne croyait pas à l'ingratitude du roi. Le 22 juillet 1451, Charles VII lui donnait encore 762 livres tournois « pour l'aider à entretenir son estat »; quelques jours après, il le faisait arrêter au château de Taillebourg (31 juillet 1451). L'affaire fut instruite par deux ennemis acharnés de Jacques Coeur, Antoine de Chabannes, comte de Daumartin; un de ses principaux débiteurs, et Otto Castellani, trésorier des finances à Toulouse, qui aspirait à le remplacer. 

Vainement Jacques Coeur réclama le bénéfice de la juridiction ecclésiastique; vainement l'évêque de Poitiers, l'archevêque de Tours et le pape lui-même soutinrent cette demande; il fut traduit, comme Saincoins, devant une commission extraordinaire, qui comprenait plusieurs de ses ennemis. Jeanne de Vendôme et l'Italien J. Colonna, qui l'avaient accusé d'avoir empoisonné Agnès Sorel, ne purent rien prouver et furent même condamnés, plus tard, comme calomniateurs. Bien que le roi eût promis de renoncer à toute autre poursuite, Jacques Coeur n'en fut pas moins prévenu d'avoir fait un commerce illicite avec les Musulmans, fabriqué des monnaies d'un poids trop faible, commis des exactions dans le Languedoc, etc. Transféré de Taillebourg à Lusignan, à Maillé, à Tours et à Poitiers, il ne put obtenir ni l'assistance d'un conseil, ni la permission de voir son fils, Pierre Coeur, archevêque de Bourges, et son principal agent G. de Varye, ni le temps et les moyens nécessaires à la préparation de sa défense. Une nouvelle commission instituée le 13 janvier 1453, et dont Castellani faisait toujours partie, termina l'instruction. 

Il est probable que, malgré la torture, Jacques Coeur n'avoua rien, quoi qu'en dise l'historiographe officiel, Jean Chartier. Le 29 mai 1453, Jacques Coeur fut condamné à restituer 100,000 écus, à payer au roi une amende de 300,000 écus et « à tenir prison jusqu'à complète satisfaction ». En outre, tous ses biens étaient confisqués. Le 5 juin, il fit amende honorable au château de Poitiers. Ses domaines furent donnés ou vendus à vil prix et passèrent entre les mains de ses ennemis et de ses débiteurs, malgré les protestations de ses enfants. Antoine de Chabannes, Guillaume Gouffïer, Antoinette de Maignelais, la nouvelle favorite, et bien d'autres courtisans s'enrichirent de ses dépouilles. On poursuivit même ses enfants et ses agents principaux. L'un d'eux, J. de Village, son neveu et son représentant à Marseille, fut protégé par René d'Anjou, qui refusa de le livrer au procureur général, J. Dauvet (juin 1454). Vers la fin de 1454, le condamné parvint à s'enfuir de Poitiers et vint chercher asile dans un couvent de cordeliers à Beaucaire. Poursuivi jusque-là par la haine de Castellani, il échappa plusieurs fois à la mort, fut enfin délivré par J. de Village, et s'embarqua pour Rome. Nicolas V proclama solennellement son innocence, le 16 mars 1455. Calixte III lui donna même le commandement d'une petite flotte qu'il envoyait contre les Turcs

Après avoir ravagé les côtes d'Asie Mineure, Jacques Coeur mourut dans l'île de Chio. En janvier 1457, Otto Castellani et G. Gouffier furent arrêtés, condamnés et destitués; J. de Village et G. de Varye obtinrent des lettres de rémission (février); enfin, le 5 août, les enfants de Jacques Coeur furent autorisés à reprendre une partie de ses biens. Louis XI accorda la révision du procès devant le parlement, mais l'affaire traîna en longueur et ne put aboutir. 
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Jacques Coeur.
Macée de Léodepart.
Représentations (supposées) de Jacques Coeur et de Macée de Léodepart
sur la façade du palais Jacques Coeur, à Bourges. © Photos : Serge. Jodra, 2009.

Th. Basin a dit avec raison que Jacques Coeur disputa aux Vénitiens, aux Génois et aux Catalans le monopole commercial qu'ils avaient conservé jusque-là. Il aurait pu donner à la France la marine dont elle avait besoin pour lutter contre l'Angleterre et la faire participer aux découvertes déjà commencées par les Portugais. On pouvait tout espérer de celui qui avait pris pour devise « à vaillans cuers riens impossible ». Il signait J. Cuer

Jacques Coeur laissait une fille, Perrette, et quatre fils : Henri, Jean, Ravaut et Geoffroy. Sa fille était mariée à Jacquelin Trousseau, fils du vicomte de Bourges. Henri et Jean Coeur étaient : le premier, chanoine à la Sainte-Chapelle de Bourges, l'autre archevêque de cette ville. Ravant Coeur ne joua aucun rôle. Quant à Geoffroy, il devint échanson de Louis XI, épousa une fille de J. Bureau et obtint la restitution de la seigneurie de Saint-Fargeau (1463) qu'il dut rendre ensuite à Antoine de Chabannes rentré en grâce. Il mourut en 1488. Après un long procès, J. de Chabannes, fils d'Antoine, garda Saint-Fargeau, à condition de payer 10,000 écus d'or et une rente de 400 livres tournois à la veuve et aux enfants de Geoffroy Coeur. Il existe à Paris, au n° 40 de la rue des Archives (ancienne rue de l'Homme-Armé), une maison qui a appartenu à Marie, petite-fille de Jacques Coeur et épouse d'Eustache Luillier, prévôt des marchands. (E. Cosneau).



Jean-Yves Ribault, La route Jacques Coeur, Monum- Editions du Patrimoine, 2007.
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Dictionnaire biographique
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