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Henriette d'Angleterre

Henriette-Anne d'Angleterre duchesse d'Orléans, née à Exeter le 16 juin 1614, morte à Saint-Cloud le 30 juin 1670, était la fille de Charles Ier, roi d'Angleterre, et d'Henriette-Marie de France. Quinze jours après sa naissance, sa mère dut la quitter pour se rendre en France. Elle tomba au pouvoir des troupes du Parlement lors de la prise de la ville en avril 1646, mais fut, trois mois plus tard, renvoyée en France. Sa mère l'éleva dans la religion catholique. Ses premières années furent tristes; sa mère, abandonnée par la cour pendant la Fronde, connut, s'il faut en croire une anecdote célèbre, la misère pendant son séjour au Louvre. Henriette prit part cependant aux fêtes de 1654, 1655 et 1659 et y fut déjà remarquée. Sa mère, après avoir essayé de la marier à Louis XIV, l'emmena en Angleterre en novembre 1660. Presque aussitôt son mariage fut décidé avec Monsieur, duc d'Anjou, qui reçut à cette occasion le titre de duc d'Orléans. Le comte de Soissons vint demander sa main. Le Parlement lui vota une pension de 10.000 livres sterling. Le mariage eut lieu le 30 mars 1661.

Ce ménage fut très malheureux. Monsieur ne cachait pas ses infidélités et n'en était pas moins fort jaloux; il affichait pour le chevalier de Lorraine une faiblesse qui enhardissait son favori, presque insolent pour Madame. Celle-ci, qui, sans avoir une jolie figure, était affligée d'une épaule un peu forte, était infiniment gracieuse et spirituelle, mais coquette, imprudente. On lui attribua, non sans vraisemblance, une intrigue avec le galant comte de Guiche, dont la soeur, la duchesse de Valentinois, avait reçu le titre de « surintendante de sa maison ». « C'est, dit Saint-Simon, la seule fille de France qui en ait jamais eu. » On dit aussi qu'elle fut sensible à l'admiration de Vardes et de Lauzun. Des pamphlets sanglants contre la princesse furent imprimés en Hollande.

On soupçonna surtout les relations de très tendre affection qu'elle eut pour le roi. Celui-ci se montrait avec elle fort galant, et il semblait que toutes les têtes de la cour fussent données pour elle. Mais leur commerce, imprudent peut-être tout d'abord, finit, comme dit Voltaire, « par se réduire à un fonds d'estime et d'amitié inaltérable ». On dit que c'est en pensant au danger que son vif penchant pour le roi avait fait courir à sa vertu que Madame demanda à Racine de traiter le sujet de Titus et Bérénice, qui lui rappelait sa propre histoire. Il est impossible de ne pas rappeler à cette occasion la protection que Henriette accordait aux lettres. Elle encouragea Racine, Boileau, Molière. Elle appréciait aussi particulièrement Bossuet.

En janvier 1670, elle obtint du roi l'exil du chevalier de Lorraine, à la suite duquel Monsieur alla bouder pendant trois semaines à Villers-Cotterets. Le prince mit, en revanche, beaucoup d'obstination à interdire à sa femme de se rendre en Angleterre, où depuis longtemps Louis XIV, désireux d'user du crédit qu'elle avait sur Charles II, se proposait de l'envoyer remplir une mission politique secrète. Monsieur céda enfin aux instances de son frère. Madame passa près de trois semaines à Douvres (24 mai-12 juin). Elle réussit à obtenir de son frère la conclusion d'un traité d'alliance contre les Provinces-Unies que Louis XIV se proposait d'attaquer. Charles détestait depuis longtemps les Hollandais, et était trop heureux de recevoir de la France les subsides que son Parlement lui marchandait. Pour le décider, il n'était pas nécessaire de recourir à d'autres arguments : sa soeur sut habilement les lui présenter. Elle avait, d'autre part, emmené avec elle une de ses demoiselles d'honneur, Mlle de Keroualle, dont la beauté frappa beaucoup le roi. Peu de temps après, Mlle de Keroualle revint en Angleterre; elle ne tarda pas à devenir la maîtresse du roi, et les ambassadeurs de France utilisèrent habilement son crédit.

Madame était revenue à Saint-Germain le 18 juin. Son mari, jaloux des bruits qui avaient couru sur les assiduités qu'elle aurait tolérées de la part du beau duc de Monmouth, la reçut assez mal; mais, accueillie par le roi avec la reconnaissance qu'elle méritait, « elle était plus triomphante que jamais ». Dans la nuit du 29 au 30 juin, elle fut atteinte de douleurs terribles : en huit heures, elle fut emportée par une maladie mystérieuse. Naturellement, on soupçonna un empoisonnement. L'ambassadeur d'Angleterre voulut assister lui-même à l'autopsie. On dut constater que sa mort fut le résultat foudroyant d'une imprudence (abus de boissons glacées) sur une constitution depuis longtemps ruinée; d'après Littré, elle serait morte d'une péritonite aiguë résultant de la perforation de l'estomac; elle avait d'ailleurs une prédisposition à la phtisie et était épuisée par les fatigues mondaines. Néanmoins Charles II fit faire une nouvelle enquête par son secrétaire d'Etat, le comte d'Arlington, et, en Angleterre comme en France, l'opinion accusa formellement, quoique à tort, le chevalier de Lorraine et le marquis d'Effiat; plusieurs historiens modernes ont cru très fermement à l'empoisonnement.

Sa mort a été racontée en détail par Mme de La Fayette. Bossuet a consacrée un admirable oraison funèbre  à Madame, qui était morte avec une courageuse résignation et dans de grands sentiments de piété. «-On perdait avec elle, dit Mme de Sévigné, toute la joie, tout l'agrément et tous les plaisirs de la cour. » Elle laissa deux filles qui épousèrent., l'une, Charles II, roi d'Espagne, l'autre, Victor-Amédée, duc de Savoie. (L. Del).

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