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Jean Baptiste Joseph,
baron Fourier, est un mathématicien
et physicien né à Auxerre
le 21 mars 1768, mort à Paris le 16 mai 1830.
Fils d'un tailleur d'origine lorraine, il devint orphelin à huit ans,
fut d'abord recueilli par un maître de pension qui lui donna les premières
notions du latin, puis, Ã la recommandation d'une dame charitable qui
avait remarqué ses précoces dispositions, fut placé par l'évêque d'Auxerre
à l'école militaire de cette ville, que dirigeaient alors les bénédictins
de la congrégation de Saint-Maur. Ce fut un brillant élève. Les mathématiques,
qu'il aborda en 1781, le passionnèrent surtout; on le vit renoncer subitement
à tous les plaisirs de l'enfance; il se levait même la nuit, content
ses biographes, et allait se cacher dans un placard où, à la lueur de
bouts de chandelle dérobés un peu partout, il dévorait les livres de
Bezout et de
Clairaut.
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Joseph
Fourier (1768-1830).
A seize ans, d'élève il passa professeur.
Il aurait bien voulu entrer dans l'artillerie ou dans le génie, et les
inspecteurs de l'école firent dans ce but des démarches : le ministre
objecta son humble naissance et sa pauvreté. Il se rabattit sur le cloître,
se rendit en 1787 à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire pour y faire son
noviciat de bénédictin, mais, sous l'influence des événements politiques,
quitta deux ans après l'habit religieux et revint à son ancienne école
où, à l'enseignement un instant délaissé des mathématiques, il joignit
celui de la rhétorique, voire de l'histoire et de la
philosophie
(1789-93). Entre temps (fin 1789), il était allé présenter à l'Académie
des sciences de Paris son premier mémoire, écrit en 1787, « sur la
résolution des équations numériques de degré quelconque ».
Dès la formation des fameux comités de
surveillance (avril 1793), il fut élu membre de celui d'Auxerre; admirateur
enthousiaste de la Révolution, il ne
remplit toutefois ses terribles fonctions qu'avec modération et arracha
plus d'un suspect à l'échafaud, entre autres la mère du futur maréchal
Davout. Lui-même fut quelque temps incarcéré
sur l'ordre du comité de Salut public (juin 1794); il faillit l'être
encore après la réaction du 9 thermidor, cette fois sous la prévention
de jacobinisme (mars 1795). Lors de la création de l'École normale, le
district de Saint-Florentin (Yonne) l'y avait envoyé comme élève (janvier
1795); il y devint presque tout de suite maître de conférences et, après
sa fermeture, entra à l'École polytechnique, où il fut d'abord simple
surveillant des leçons de fortification, mais où il obtint bientôt une
chaire d'analyse (1795-98).
L'expédition d'Égypte fut l'une des plus
importantes étapes de sa vie. Emmené par Monge
et nommé, dès l'arrivée, secrétaire perpétuel de l'institut du Caire
(août 1798), il déploya une prodigieuse et intelligente activité, organisant
des fabriques pour les besoins de l'armée, inventant des machines, se
livrant à des recherches de tous genres et remplissant ensuite de ses
intéressantes communications les séances de la savante compagnie ou les
colonnes des publications locales. Un peu avant le départ de Bonaparte
(août 1799), il fut mis à la tête de l'une des deux expéditions scientifiques
envoyées dans la vallée du haut Nil. Il fut ensuite chargé de fonctions
administratives et diplomatiques des plus délicates : chef de l'administration
de la justice, commissaire auprès du divan égyptien, etc. Très éloquent
et très persuasif, il s'en acquitta avec un tact et une habileté rares;
ce fut lui, en particulier, qui négocia le traité d'alliance avec Moûrâd
Bey (avril 1800). Aux funérailles de Kléber (17 juin 1800), il adressa,
dans une émouvante oraison, le suprême adieu de l'armée à l'infortuné
général. Quelques mois avant l'évacuation, ses collègues de l'Institut
lui confièrent la réunion des matériaux du grand ouvrage sur l'Égypte
et la rédaction de son introduction générale.
A son retour en France (septembre 1801),
il sollicita un emploi dans l'instruction publique. Mais Bonaparte le nomma
préfet de l'Isère (2 janvier 1802). Sa prudente administration apaisa
rapidement les esprits, et, sous son active impulsion, la plupart des services
de son département furent améliorés (écoles, chemins vicinaux, etc.),
en même temps que d'importants travaux étaient entrepris (dessèchement
des vastes marais de Bourgoin [1807-12], qui infectaient une quarantaine
de communes; ouverture d'une route de Grenoble
à Turin par le mont Genèvre, etc.). Il trouva
encore des loisirs pour travailler à la Description de l'Égypte
et pour continuer ses recherches scientifiques; c'est même de cette époque
que datent ses plus belles productions analytiques et thermiques. En 1808,
il avait reçu de l'empereur le titre de baron, avec dotation. La révolution
de 1814 ne le gêna pourtant pas autrement : il envoya son adhésion au
gouvernement des Bourbons, qui le maintint dans
sa préfecture. Le retour de l'île d'Elbe le rendit plus perplexe; il
tenta d'organiser à Grenoble une résistance, puis s'enfuit vers Lyon,
mais, rejoint et admonesté par Napoléon, fit
sa soumission. Il fut, en récompense, promu au titre de comte, que, du
reste, il ne porta jamais, et mis à la tête de la préfecture du Rhône
(10 mars 1815).
Les exigences d'une politique pour laquelle
il n'était pas fait l'obligèrent à démissionner au bout de quelques
semaines (1er mai 1815); il rentra
à Paris, où, naturellement mal accueilli par la nouvelle Restauration,
il serait tombé dans le plus grand dénuement si son ancien élève et
ami, le comte de
Chabrol de Volvic, alors préfet
de la Seine, ne lui avait confié la direction du bureau de statistique.
Le 27 mai 1816, l'Académie des sciences l'élut
à une place de membre libre: Louis XVIII
refusa de ratifier. Désigné de nouveau, et à l'unanimité, le 12 mai
1817, pour succéder à Rochon dans la section de physique générale,
il obtint, celte fois, l'agrément royal. Il devint ensuite secrétaire
perpétuel pour les sciences mathématiques en
remplacement de Delambre (novembre 1822), membre
de l'Académie française en remplacement
de Lemontey (décembre 1826), président du conseil de perfectionnement
de l'École polytechnique en remplacement de Laplace
(1827), et mourut presque subitement d'une hypertrophie du coeur le 16
mai 1830. La Société royale de Londres
et nombre d'autres académies étrangères se l'étaient attaché.
Joseph Fourier a exercé sur le développement
de la physique mathématique une influence décisive. Les méthodes analytiques
qu'il a dû créer de toutes pièces pour arriver à poser ses lois de
la thermodynamique présentent, en effet, un caractère de généralité
absolue et trouvèrent par la suite un vaste champ d'applications nouvelles,
particulièrement en électricité. En réalité, c'est bien plus la science
dans son universalité abstraite qui a profité de ses découvertes que
telle branche sur laquelle ses efforts semblent, de prime abord, avoir
spécialement porté, et si le titre de physicien ne peut lui être refusé,
au fond et avant tout il a été un grand mathématicien. Ses plus mémorables
travaux se partagent en deux groupes les uns se rapportant à la théorie
de la chaleur, les autres à la résolution des équations numériques.
La théorie mathématique de la chaleur fut l'objet de ses recherches dès
la fin du XVIIIe siècle. Il en communiqua
les premiers résultats à l'Académie des sciences le 21 décembre 1807
dans un mémoire longtemps cru perdu et retrouvé près un siècle plus
tard Darboux à la bibliothèque de l'École
des ponts et chaussées (ms. n° 267). En 1811, l'Académie proposa comme
sujet du grand prix de mathématiques :
« Donner
la théorie mathématique des lois de la propagation de la chaleur et comparer
le résultat de cette théorie à des expériences exactes.»
Fourier envoya un travail très étendu :
Théorie des mouvements de la chaleur dans les corps solides (Mém.
de l'Acad. des sc., 2 parties, t. IV et V), qui fut couronné le 6
janvier 1812 et dont la première partie a paru à part sous le titre :
Théorie analytique de la chaleur (Paris, 1822, in-4; Breslau, 1883,
in-4). Nous ne pouvons donner ici un aperçu, même sommaire, des richesses
contenues dans cette oeuvre capitale, qui a fait époque dans l'histoire
des mathématiques et de la physique. Fourier part de ce principe que tous
les phénomènes de propagation dépendent de quatre conditions spécifiques,
et il formule, tant pour la surface que pour l'intérieur des corps, des
équations différentielles au moyen desquelles, trois des conditions étant
connues, la quatrième peut se déduire mathématiquement et sans expériences;
il intègre ensuite ces équations. Des mémoires et des notes du même
auteur, disséminés dans les Annales de chimie et de physique(t.
IV, VI, X, XIII, XXII, XXV II, XXVI I, XXXVII), dans le Bulletin de
la Société philomathique (années 1818 et 1820), dans les Mémoires
de l'Académie des sciences (t. VII, VIII, XII), et relatifs aux propriétés
de la chaleur rayonnante, à la température des habitations, au refroidissement
séculaire du globe terrestre, à la température des espaces planétaires,
à des expériences thermo-électriques (en commun avec
Oersted),
au mouvement de la chaleur dans les fluides, etc., sont venus compléter
et vérifier sa théorie.
Quant à la résolution des équations
numériques de degré quelconque, il avait, nous l'avons vu, écrit dès
1787 et présenté à l'Académie des sciences dès 1789 son premier mémoire
sur la question. Il la reprit en 1796 et 1797 dans ses cours d'analyse
à l'École polytechnique (les cahiers manuscrits en sont conservés Ã
la biblothèque de l'École des ponts et chaussées), y travailla encore
en Égypte (mémoires sur la Résolution générale des équations algébriques,
sur les Méthodes d'élimination, etc., dans la Décade égyptienne
de l'an VI et de l'an VII), puis à Grenoble, et publia en 1820, dans le
Bulletin de la Société philomathique, une note du plus haut intérêt:
Sur l'Usage du théorème de Descartes dans
la recherche des limites des racines. La méthode de séparation des
racines qui s'y trouve exposée, et qui a donné naissance au beau théorème
de Sturm, marque un progrès considérable sur celle de
Lagrange;
Arago en a contesté la priorité à Fourier en
faveur de Budan de Bois-Laurent, mais Darboux a indiscutablement établi
que le mérite en revenait tout entier au premier, dont la démonstration
s'applique, du reste, aux équations transcendantes, au lieu d'être purement
algébrique comme celle de Budan ( Mém.
de l'Acad. des sc., 1831, t. X). Fourier n'a pas eu le temps de terminer
ces recherches, devenues fécondes entre les mains de ses successeurs,
et son Analyse des équations déterminées, que Navier a fait paraître
d'après ses notes après sa mort (Paris, 1834, in-4), est un ouvrage inachevé.
Au même ordre de travaux se rattachent quelques vues nouvelles qu'il a
émises sur la théorie des inégalités (Bullet. de la Soc. philom.,
1836, et Hist. de l'Acad. des sc. pour 1823 et 1824).
(Léon
Sagnet).
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En
bibliothèque - On
doit encore à Fourier : un remarquable mémoire sur la Statique
(Journ. de l'Éc, polyt., 1797-98, II), qui contient une démonstration
tout originale et encore généralement adoptée du principe des vitesses
virtuelles; - une série d'études écrites à l'occasion de ses fonctions
à la préfecture de la Seine et touchant au calcul des probabilités et
à la statistique : Mémoire sur la théorie analytique des assurances
(Annales de chim et de phys., 1819, t. X); Rapport sur les tontines
(Mém. de l'Acad. des sc., 1826, t. V), et plusieurs chapitres et
tableaux des Recherches statistiques sur la ville de Paris et le dép.
de la Seine (Paris, 1821-29, 4 vol.), ouvrage publié sous sa direction;
- des études sur les monuments, les moeurs et les révolutions de l'Égypte,
sur ses oasis, sur les explorations et les fouilles à entreprendre dans
la vallée du Nil, sur les aqueducs à y construire, etc., parues dans
le Courrier d'Égypte et dans la Décade égyptienne; - la
Préface historique, un peu surfaite à tous les points de vue par
ses panégyristes, et un long chapitre (Recherches sur les sciences
et le gouvernement de l'Égypte), du grand mémorial de l'expédition
d'Égypte; - les éloges académiques de Delambre
(1823), de W. Herschel (1824), de Bréguet
(1826), de Charles (1828), de Laplace (1829),
et l'analyse annuelle, de 1822 à 1828, des travaux mathématiques de l'Académie
(Mém. l'Acad. des sc., 1823-29); - des articles de la Biographie
universelle de Michaud (anonymes) et de la Revue encyclopédique -
Darboux a donné, sous le titre Oeuvres de
Fourier, (Paris, 1889-90, 2 vol. in-4), une édition annotée et soigneusement
revisée de sa Théorie de la chaleur et de ses principaux mémoires
scientifiques. |
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La
ville d'Auxerre lui a élevé en 1849 une
statue en bronze due à Faillot. |
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Fourier
(François Marie Charles), philosophe socialiste,
né à Besançon
le 7 avril 1772, mort à Paris le 9 novembre 1835. Il était fils d'un
marchand de drap qui l'éleva pour le commerce et lui laissa une fortune
de 80 000 livres. Commis à Lyon, à Rouen, il voyagea pour diverses maisons
en Allemagne et en Hollande. En 1793, il fonda un grand magasin d'épicerie
et denrées coloniales Ã
Lyon : il s'y ruina
moins par maladresse que par suite des malheurs politiques que traversait
alors cette ville. Incorporé dans le 8e
régiment de chasseurs à cheval, il obtint son congé au bout de deux
ans, pour raison de santé. Il rentra dans la « commission ». Il rapporte
qu'en 1799 une maison de Marseille, qui
l'employait, le chargea de couler à fond secrètement une cargaison de
20 000 quintaux de riz qu'elle n'avait pas voulu vendre afin de maintenir
le haut prix des subsistances, et qui s'était gâtée. Il est possible
que cet événement ait stimulé les réflexions du futur socialiste sur
les abus de la spéculation commerciale; mais, dès la maison paternelle,
les occasions antérieures n'avaient pas manqué à son esprit observateur
et élevé.
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L'utopie
fouriériste
Le Fouriérisme est
un système de morale et d'organisation sociale
imaginé par Fourier. Ce système repose tout entier sur ce que son auteur
appelle l'attraction passionnelle, c.-à -d. l'entraînement de la passion,
sur les penchants naturels de l'humain. Son but est le bonheur ainsi défini
:
"Le bonheur
ne consiste qu'Ã satisfaire ses passions... Le bonheur, sur lequel on
a tant raisonné ou plutôt tant déraisonné, consiste à avoir beaucoup
de passions et beaucoup de moyens de les satisfaire."
Or, selon Fourier, toutes
les passions des humains se réduisent à douze :
1° cinq
appétits, qui correspondent aux cinq sens du goût, du tact, de la vue,
de l'ouïe et de l'odorat;
2° quatre passions
affectueuses qui lient les humains entre eux, l'amitié, l'ambition, l'amour,
le familisme (sentiment de la paternité);
3° trois passions
distributives ou mécanisantes, qui sont : la cabaliste, qui porte les
humains à l'intrigue aux rivalités, aux cabales; la papillonne, qui les
porte à changer d'occupation, à varier ses travaux et ses plaisirs; la
composite, entraînement des sens et de l'âme qui résulte de l'assemblage
de plusieurs plaisirs. De la satisfaction de toutes ces passions résulte
l'unitisme ou harmonie parfaite des forces de l'humain.
Mais cette harmonie
ne saurait se produire dans notre état social, que Fourier appelle dédaigneusement
la civilisation. II faut une organisation différente, qui sera l'harmonie
même, et cette organisation ne peut être créée que par le phalanstère.
Le phalanstère comprend 1 800 personnes, hommes, femmes et enfants. Il
est divisé en séries et en groupes composés de sept personnes au moins.
Chaque série représente un genre de travail, et chaque groupe une des
variétés de ce genre; ainsi, dans la série des poiristes on de ceux
qui cultivent les poires, il y a des groupes particuliers pour la culture
des poires d'Angleterre, pour celle des poires de beurré, des poires de
crassane, etc.
La rivalité s'établit
entre les divers groupes d'une même série; la cabaliste est satisfaite,
et le travail en devient plus actif et plus productif. Chaque groupe ne
travaille qu'un petit nombre d'heures, et chaque membre du phalanstère
fait partie de plusieurs groupes; il donne par là satisfaction à la papillonne,
et jamais la satiété ne rient ralentir son ardeur pour le travail. Comme
il est entièrement libre de choisir les groupes qui lui conviennent, il
le fait d'après ses penchants, et trouve toujours quelque moyen de satisfaire
ses goûts; celui qui aime à boire cultivera la vigne ,
celui qui est gourmand fera la cuisine, celui même qui se plaît dans
la malpropreté sera employé aux travaux de vidange et de curage; tout
le monde travaillera, sans aucune contrainte, parce qu'il trouvera dans
la nature et dans la diversité de ses travaux la satisfaction de toutes
ses passions et par conséquent soit plaisir.
"Chaque
phalange, organisée par groupes et séries, exploitera en commun une lieue
carrée de terrain. La vie sera commune. Les membres du phalanstère habiteront
un grand bâtiment disposé de la manière la plus agréable et la plus
commode, où seront réunies en même temps les différentes spécialités
de l'industrie manufacturière. Le produit se distribuera ainsi : un tiers
formera le dividende du capital, et appartiendra aux propriétaires du
terrain et des bâtiments du phalanstère; cinq douzièmes seront attribués
au travail; un quart au talent. Un même individu pourra participer au
produit à ces trois titres : comme capitaliste, comme travailleur, comme
capacité. Mais un minimum de consommation Sera garanti aux simples travailleurs.
Cette distribution n'exigera aucune opération d'échange. Chaque individu
participera à la consommation dans la proportion du dividende auquel il
aura droit. II y aura diverses classes de tables, de logement, de jouissances
de toute sorte; chacun consommera suivant son revenu, et une simple balance
de compte suffira chaque année pour établir sa situation. Chaque phalanstère
cultivera les produits les mieux appropriés à son sol et à son climat,
et les phalanstères des diverses parties du monde échangeront entre eux
leurs produits. II sera créé en outre des armées industrielles, qui
parcourront le globe et exécuteront tous les grands travaux d'utilité
générale. Ainsi s'établira l'harmonie universelle."
Fourier admettait dans
son système la communauté des femmes, bien qu'il ait plusieurs fois varié
à cet égard, et il enveloppait sa réforme sociale dans un vaste et bizarre
système cosmogonique qui a donné lieu à plus d'une plaisanterie. Suivant
lui, le monde aura une durée de 80 000 ans, 40 000 d'ascendance, 40 000
de descendance; dans ce nombre sont enveloppés 8 000 ans d'apogée. Le
monde est à peine adulte; il a 7 000 ans. II n'a connu jusqu'ici que l'existence
irrégulière, chétive, irraisonnable de l'enfance; il va passer dans
la période de jeunesse, puis dans la maturité, point culminant du bonheur,
pour descendre ensuite dans la décrépitude. Ainsi le veut la loi d'analogie;
le monde, comme l'humain, comme l'animal, comme la plante, doit naître,
grandir,
se développer et périr. La seule différence est dans la durée. Quant
à ce qui est de la création, Dieu fit seize espèces d'hommes, neuf sur
l'ancien continent, sept en Amérique, mais toutes soumises à la loi d'unité
et d'analogie universelle. Néanmoins, en créant le monde, Dieu se réserva
d'autres créations successives, pour en changer la face : les créations
iront à dix-huit.
"Toute création
s'opère par la conjonction du fluide boréal et du fluide austral."
Fourier a développé
ses idées dans les ouvrages suivants :
Théorie des quatre mouvements
et des destinées générales, 1808, in-8°; Traité de l'association
domestique et agricole, Paris, 1822, 2 vol. in-8°; Sommaire de
la théorie d'association agricole, ou attraction industrielle, Besançon,
1828, in-8°;
Le Nouveau monde industriel, ou invention du procédé
d'industrie attrayante et combinée, distribuée en séries passionnées,
Paris, 1831, in-8°: La Fausse Industrie morcelée, répugnante, mensongère,
et l'antidote, l'industrie naturelle combinée, attrayante, véridique,
donnant quadruple produit, Paris, 1835-36, 2 vol. in-12. Il a donné
de nombreux articles dans le journal le phalanstère ou la Réforme
industrielle. Ses disciples ont continué et modifié son système
dans divers écrits et dans deux recueils : la Phalange, revue mensuelle,
et la Démocratie pacifique, journal quotidien. (L.). |
L'utopie perce néanmoins dès son premier
écrit remarqué, un article anonyme du Bulletin de Lyon, intitulé
Du Triumvirat continental et de la paix perpétuelle sous trente ans,
où il prédisait que la France et la Russie, après avoir partagé avec
l'Autriche le sceptre de l'Europe, écraseraient cette puissance, puis
se feraient la guerre jusqu'à l'extinction de l'une des deux. Napoléon,
qui n'aimait pas que de simples particuliers s'abandonnassent aux rêveries
politiques qu'il s'était réservées, fit prendre des informations sur
l'auteur et sur l'imprimeur, mais sans les inquiéter davantage.
Toutefois, c'est sous la rubrique de Leipzig
(pour Lyon), que Fourier publia son premier grand ouvrage, la Théorie
des quatre mouvements et des destinées générales (1808, in-8), développée
et précisée dans le Traité d'association domestique agricole
(Besançon et Paris, 4822, 2 vol. in-8); ensuite parurent: le Nouveau
Monde industriel, ou Invention du procédé d'industrie attrayante et combinée,
distribuée en séries passionnées (Paris, 1829, in-8), précédé
d'un Livret d'annonce publié à part et portant le même titre;
Pièges et charlatanisme des deux sectes, Saint-Simon et Owen, qui promettent
l'association et le progrès; Moyen d'organiser en deux mois le progrès
réel, la vraie association, ou Combinaison des travaux agricoles et domestiques,
donnant quadruple produit, et élevant à 25 milliards le revenu de la
France, borné aujourd'hui à 6 milliards un tiers (Paris, 1831, in-8);
la fausse Industrie morcelée, répugnante, mensongèe, et l'antidote,
l'industrie naturelle, combinée, attrayante, véridique, donnant quadruple
produit (Paris,1835-36, 2 vol. m-12; le deuxième volume était sous
presse lorsque l'auteur mourut; il fut terminé par les soins de ses disciples).
Les fouriéristes ont publié les Oeuvres
complètes de Fourier en six volumes (Paris, 1840-45); ils n'y ont
pas compris toutefois divers articles du journal le Phalanstère,
devenu à partir du n° 15 la Réforme industrielle, ni de la
Phalange, qui succéda en 1836 à la Réforme industrielle et
qui prit en 1845 le sous-titre de Revue de la science sociale.
(H. Monin).
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En
bibliothèque. - Charles
Pellarin, Charles Fourier, sa vie et sa théorie, Paris, 1813, 2e
ed., in-16; Jean Czvnski, Notice bibliographique sur Charles Fourier,
suivie des statuts du comité de la souscription phalanstérienne,
Paris, 1841, in-32; Parisot, Fourier, sa vie, ses oeuvres, simple
esquisse extraite de la Biographie universelle; Paris, 1826, in-18;
AI. Estignard, Portraits franc-comtois; Paris, 1887, t. II, in-8;
E. Ferraz, le Socialisme, le naturalisme et le positivisme,
Paris, 1877, pp. 83 Ã 152, in-8. |
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