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Éginhard
ou Einhard, historien de l'époque carolingienne ,
né de parents nobles, à Maingau, dans le bassin du Main,
vers 770. Il fut élevé au célèbre monastère
de Fulda avec lequel il resta toujours en relations
et qui était alors un des centres les plus actifs de la civilisation
chrétienne dans la France orientale ( L'Europe
latine ).
Les aptitudes qu'il y montra étaient telles que l'abbé Baugulf
l'envoya à la cour de Charlemagne,
entre 791 et 796, afin qu'il y put compléter son éducation
dans le commerce des humains instruits qui y étaient réunis.
Il y compta bientôt parmi les beaux esprits de l'Ecole palatine et
y gagna de nombreux amis; si on y raillait sans aigreur sa petite taille
qui lui fit donner le surnom de Nardulus (diminutif de Nardus,
Einhardus),
on estimait beaucoup son savoir et son caractère. Théodulfe
d'Orléans, dans un de ses poèmes,
disait de lui :
«
Le Nardulus qui court çà et là à petits pas
comme une fourmi loge une grande âme dans un petit corps. »
Il était poète, prosateur; il
était aussi architecte, d'où le surnom de Béséleel
sous lequel on le désignait à l'Ecole palatine. Il prit part
aux travaux de construction du palais impérial d'Aix-la-Chapelle.
Charlemagne
lui témoigna une grande confiance qu'attestent plusieurs faits :
en 806, il l'envoya en mission auprès du pape pour obtenir de celui-ci
l'approbation du partage éventuel de l'empire entre ses fils; en
813, ce fut en partie d'après ses conseils, paraît-il, qu'il
couronna empereur son fils Louis.
Après la mort de Charlemagne, Eginhard
conserva la faveur de son successeur. En 815, par exemple, Louis
le Pieux donnait à Eginhard et à sa femme Imma,
la terre de Michelstadt. Ce fut là qu'il songea d'abord à
élever un monastère, en 827, lorsqu'il se fut procuré
des reliques
des saints Marcellin et Pierre, mais une vision le fit changer d'avis et
l'église destinée à contenir ces reliques fut construite
à Mühlheim-sur-le-Main, qui prit le nom de Seligenstadt.
Au milieu des luttes qui agitèrent alors l'empire carolingien ,
Eginhard, par la modération de son caractère, s'efforça
toujours de ramener la concorde. Louis le Pieux l'avait, en 847, donné
comme conseiller à son fils Lothaire; plus tard, Eginhard travailla
à réconcilier le père et le fils. Ces dissensions
l'affligeaient; il se retira peu à peu de la cour, n'y apparaissant
plus que de temps à autre. En 830, il s'établit à
Seligenstadt. En 836, la mort de sa femme Imma, qui était peut-être
la soeur de l'évêque de Worms,
Bernard, lui causa une profonde douleur; il mourut lui-même le 14
mars 840.
On a de lui des oeuvres nombreuses; la
plus célèbre est sa Vie de Charlemagne. L'influence
de la littérature romaine, si sensible dans toutes les oeuvres de
la littérature carolingienne, y domine. Eginhard imite le plan et
le style de Suétone dans ses Vies des
Césars; il lui emprunte jusqu'à l'ordonnance des récits,
jusqu'à des expressions. De là une trop grande absence d'originalité;
Eginhard ne donne évidemment qu'une image affaiblie et latinisée
à l'excès de son héros. Il déclare lui-même
qu'il n'a pas voulu composer une histoire complète du grand empereur
et que son but a été surtout d'indiquer les traits principaux
du caractère de Charlemagne et de
son gouvernement. On a même pu relever dans cette courte biographie
des erreurs de dates et de faits graves et nombreuses. Malgré tout,
on ne trouve nulle part ailleurs un tableau plus complet de la cour de
Charlemagne. Eginhard écrivit cet ouvrage peu de temps après
la mort de l'empereur; on le trouve déjà mentionné
en 820; le succès en fut grand et durable; aujourd'hui encore on
connaît plus de soixante manuscrits de la Vie de Charlemagne.
Une autre oeuvre historique lui a longtemps
été attribuée sans discussion : il s'agit d'un remaniement
des Annales de Lorsch
qui comprend la période de 741 à 829. On les appelait les
Annales d'Eginhard; aucune source n'est plus importante pour le règne
de Charlemagne et pour la première partie de celui de Louis
le Pieux. Aujourd'hui, on s'accorde en général
pour y reconnaître l'oeuvre d'un personnage qui a vécu à
la cour; quelques critiques veulent même y voir une véritable
chronique officielle, des
annales royales (Reichsannalen),
mais l'attribution à Eginhard a été fort contestée.
A partir des années 1870 environ,
en Allemagne, les dissertations relatives à cet ouvrage se sont
multipliées : quelques-uns des plus illustres historiens modernes
au delà du Rhin, Ranke, Giesebrecht, Sybel ont pris part à
ce débat. Il n'est pas possible de donner ici une analyse de cette
polémique, ni des arguments qui ont été échangés
de part et d'autre. On s'abstiendra ici de toute conclusion, et on se contentera
d'indiquer que les anciennes affirmations ne doivent plus tout au moins
être acceptées avec la même confiance.
D'autres écrits d'une valeur historique
moindre sont certainement d'Eginhard. Dans la Translation des reliques
des saints Marcellin et Pierre, il a raconté la passion de ces
martyrs sous Dioclétien, comment il
se procura leurs reliques, comment il les transféra à Seligenstadt,
quels miracles s'accomplirent grâce à elles c'est un document
curieux pour l'histoire des croyances et des pratiques religieuses de ce
temps. Les Lettres d'Eginhard donnent aussi d'intéressants
détails sur la société à cette époque.
(C. Bayet). |
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