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Courtilz de Sandras

Gatien de Courtilz de Sandras  est un écrivain mort en 1712, capitaine au régiment de Champagne. Il quitta le service en 1785, se rendit en Hollande pour y faire imprimer des ouvrages, qui pour la plupart ne sont que des romans historiques ou des pamphlets, rentra en France en 1702 fut mis à la Bastille pour des publications qui avaient été jugées scandaleuses et y resta 9 ans. Parmi ses nombreux écrits, on remarque une Histoire de la guerre de Hollande (1672-1677), La Haye 1689, et les Mémoires de M. d'Artagnan, 1700, où Alexandre Dumas paraît avoir puisé les matériaux des Mousquetaires.

Gatien de Courtilz (ou de Courtils) était, au dire du Père Lelong qui paraît l'avoir connu, un homme de grande taille et de haute mine, et qui avait de l'esprit, mais tourné du côte de l'intrigue. Sa biographie présente bien des obscurités. Il naquit vers 1641 à Paris, et s'il se dit lui-même dans divers actes « de la paroisse de Chuelles » (Loiret), c'est seulement parce qu'il y possédait le petit château du Verger, où le peintre Girodet vécut après la Révolution, et qui existe encore. Il était fils de Jean de Courtilz, seigneur de Tourly, et de Marie de Sandras, dont il prit aussi le nom quand elle fut morte.

Gatien de Courtilz fut marié trois fois. On ne sait rien de sa première femme. La seconde, qu'il prit vers l'âge de trente-quatre ans, le 14 mars 1678, s'appelait Louise-Barbe Pannetier. La troisième et dernière, épousée à Paris, le 4 février 1711, était veuve comme lui. Elle avait nom Marguerite Maurice, veuve d'Amable Auroy, libraire. Courtilz ne survécut guère à cette union. Il mourut le 8 mai 1712 à Paris, rue du Hurepoix (quai des Augustins), chez M. de Billy, libraire à l'Image Saint-Jérôme, gendre de sa femme, et le lendemain on le porta en terre au cimetière de Saint-André-des-Arts, sa paroisse.

La carrière militaire et littéraire de Gatien de Courtilz ne paraît pas avoir été moins agitée que sa vie conjugale. D'abord cornette au Royal-Étranger, il avait, lors de son second mariage, en 1678, le grade de capitaine au régiment de Beaupré-Choiseul, et Beuchot, dans la Biographie de Michaud, dit qu'il fut aussi capitaine au régiment de Champagne. La paix de 1678 lui ayant procuré des loisirs, il lui vint à l'esprit de les utiliser en commençant la série des innombrables ouvrages qui lui valurent, en même temps que de réels succès de librairie, quelques exils et au moins deux emprisonnements à la Bastille.

L'écrivain.
Courtilz de Sandras, ou Sandras de Courtilz, qu'on a appelé un des primitifs du roman moderne, fut un des auteurs les plus féconds et, semble-t-il, un des pamphlétaires les plus redoutés de son époque. Dans une série de volumes, bien entendu anonymes, il s'attaque à Louis XIV lui-même, publiant successivement Les conquestes amoureuses du grand Alcandre dans les Pays-Bas, avec les intrigues de sa cour (Cologne, Pierre Bernard, 1681), Les dames dans leur naturel, ou la galanterie sans façon sous le règne du grand Alcandre (Cologne, Pierre Marteau, 1686), Le grand Alcandre frustré (Cologne, Pierre Marteau, 1696), Les annales de la cour et de Paris pour les années 1697-1698 (Cologne, Pierre Marteau, 1701). 

Dans d'autres publications, il feint de se faire simplement l'éditeur des mémoires de divers personnages et, à la faveur de ce subterfuge, il raconte sur eux et sur les affaires auxquelles ils furent plus ou moins mêlés tout ce qu'il sait et même ce qu'il ne sait pas. A cette série appartiennent, choisis entre vingt : les Mémoires de M. L. C. D. R. (le comte de Rochefort) (Cologne, Pierre Marteau, 1687), les Mémoires de Jean-Baptiste de la Fontaine (id., 1698), les Mémoires de M. d'Artagnan (id., 1700-1701), les Mémoires de la marquise de Fresne (id., 1701). 

L'ouvrage de Courtilz qui paraît contenir le plus de souvenirs personnels - et pour cause - est l'Inquisition française ou l'Histoire de la Bastille, qui parut après sa mort sous le nom de Constantin de Renneville (Amsterdam, 1724, 5 vol. in-12). L'attribution est sans doute exacte, car dans nombre de passages des Mémoires de Jean-Baptiste de la Fontaine par exemple, il ne fait pas mystère de l'intention où il était de composer ce qu'il appelle un « Traité de la Bastille ».

Il va sans dire que Pierre Marteau ou Du Marteau, le prétendu éditeur des ouvrages de Courtilz, n'a jamais existé. Il semble démontré que Jean Elzevier, imprimeur à Leyde, se servit pour la première fois de ce nom fictif dont, après lui, de nombreux imprimeurs hollandais, belges ou même français, firent un fréquent usage pour leurs productions clandestines. La collection qui porte ce nom va jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Elle comprend des ouvrages d'histoire générale et spéciale, de polémique religieuse et politique, des pamphlets, satires et libelles, des productions anecdotiques, érotiques, dus pour la plupart à des plumes exercées et, dans l'ensemble, supérieurs aux Mazarinades.

Les ouvrages de Courtilz de Sandras sont longs, diffus, encombrés de digressions. N'étaient la clarté, l'enjouement, la vivacité du style, qualités auxquelles les contemporains, comme le Père Lelong et Bayle, ont d'ailleurs rendu hommage, on ne les lirait pas sans fatigue. Les Mémoires du comte de Rochefort sont, de tous ces écrits, celui qui recueillit le plus généralement l'estime des lettrés. Quant aux Mémoires de M. d'Artagnan, ils eurent aussi un véritable succès, et il faut reconnaître qu'ils sont encore, malgré de nombreuses longueurs, d'une lecture supportable. Pour Dumas ils furent la révélation d'une époque, et Victor Hugo, dit-on, les goûtait beaucoup, particulièrement l'épisode, qu'il était tenté de s'approprier, de Milady et de la chambrière.
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Mémoires de d'Artagnan.
Début de l'avertissement des Mémoires de M. d'Artagnan, de Courtilz.

L'historien (ou pas).
Le mérite littéraire des ouvrages de Courtilz est une chose. Une autre en est la question de leur valeur historique, car la question se pose bien de savoir quel crédit on peut leur faire et dans quelle mesure un historien a le droit d'utiliser les renseignements de tout genre dont ils abondent.

Quelques auteurs se sont refusé à accorder à Courtilz la moindre créance. Comme ils l'ont pris souvent en flagrant délit de mensonge ou d'ignorance, ils ne veulent pas qu'il y ait rien de sérieux ni d'exact dans ses récits. D'autres au contraire, à l'opinion desquels le long commerce qu'ils ont entretenu avec les hommes et les choses du XVIIe siècle donne une autorité singulière, font à Courtilz un grand mérite de « sa connaissance surprenante des faits et des gens du temps ». 

Il faut citer ici tout ce passage du savant Ravaisson

« En 1701, un correspondant de M. d'Argenson, chargé d'examiner les Annales de la cour et de Paris, y reconnut sans peine la plume de l'auteur des Mémoires de Rochefort et de ceux de M. d'Artagnan qui avaient eu tant de succès [...]. Même genre, disait-il, même style, et même hardiesse de médire de tout le monde et de s'y débiter pour un personnage; qui a eu part aux intrigues et qui sait quid rex reginae dixerit et quid Juno fabulata est cum Jove. Cependant, c'est un petit particulier sans bien, sans fortune, et qui apparemment n'écrit tout cela que pour le vendre aux libraires de Hollande. Il faut pourtant qu'il ait quelque habitude avec les fainéants de Paris qui lui apprennent tout ce qui s'y conte de vrai ou de faux entre les nouvellistes  [...]. Il faut convenir qu'il débite des faits fort curieux et fort singuliers; mais quelle impudence de donner pour des mémoires de M. d'Artagnan trois volumes dont il n'y a pas une ligne faite par M. d'Artagnan! » (Ravaisson, Archives de la Bastille, X, 8-9).
Et M. de Boislisle ajoute : 
« Moyennant quelques précautions, l'historien a le droit de se servir de ses publications, si apocryphes qu'elles soient. Le jeune Brienne a bien cru devoir discuter sérieusement dans ses Mémoires plusieurs passages du Testament politique de J.-B. Colbert. »
Un autre historien, Jules Lair, qui a beaucoup pratiqué le XVIIe siècle à l'occasion de mademoiselle de La Vallière et de Fouquet, a porté sur les ouvrages de Courtilz un jugement semblable à celui de M. de Boislisle. Citant les Mémoires de M. de Bordeaux, il fait remarquer qu'ils ne doivent pas être considérés comme complètement apocryphes.

Il ne pouvait entrer dans notre intention de passer au crible d'une sévère critique tous les ouvrages de Courtilz de Sandras, mais il nous sera permis d'observer que, d'une part, les écrivains du temps n'ont pas dédaigné de les examiner avec attention et d'y noter des renseignements véridiques à côté de négligences, d'erreurs ou de fantaisies, que, d'autre part, dans ceux que nous avons pu lire, comme les Mémnoires du comte de Rochefort, les Mémoires de M. de Bordeaux, les Mémoires de J.-B. de La Fontaine, l'Inquisition française, il y a, non seulement sur les événements généraux, mais sur les faits et gestes de tels ou tels personnages, des détails d'une exactitude surprenante.

Si, restreignant la discussion aux seuls Mémoires de M. d'Artagnan, on observe que des auteurs presque contemporains de Gatien de Courtilz, des auteurs sérieux, comme Le Père Daniel, Le Pippre de Neufville et Pinard, ne se font pas faute de citer souvent cet ouvrage et paraissent lui accorder confiance pour tout ce qui concerne la carrière militaire de notre mousquetaire, on se rendra compte de l'embarras on se trouve.

Courtilz a-t-il connu d'Artagnan? Il avait, semble-t-il, de vingt-cinq à trente ans à la mort du mousquetaire, et, par conséquent, il a pu le voir aux armées ou à Paris, en tout cas entendre beaucoup parler de lui. Mais les détails de la vie de d'Artagnan étaient-ils assez répandus dans le public pour qu'on pût en apprendre l'essentiel dans des conversations de gens de cour ou de nouvellistes?

Quoi qu'il en soit, lorsque l'on étudie ces Mémoires aussi scrupuleusement que possible, il apparaît que le cadre d'événements historiques dans lequel se meut le récit y est généralement exact. Sur ce point, on peut les suivre pas à pas, les annoter avec soin : on ne les trouvera pas souvent en défaut. Il est certain que l'auteur était admirablement au fait de l'histoire de son temps, et qu'il a utilisé de bonnes sources. (Ch. Samaran).

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Dictionnaire biographique
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