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L'histoire du commerce
Le commerce de l'Inde
Le commerce de l'Inde a toujours excité la convoitise des autres pays; la longue étendue des côtes et la continuité presque ininterrompue des barrières qui isolent l'Inde favorisaient les peuples navigateurs. 

Les Phéniciens vinrent de bonne heure chercher sur les côtes du Malabar et du Konkan les épices et les curiosités précieuses et y portèrent peut-être leur alphabet. La flotte de Salomon paraît avoir aussi fréquenté ces parages, où l'on a voulu reconnaître l'Ophir biblique, localisé d'ailleurs sur tous les points du globe. Les matelots arabes y vinrent trafiquer de longs siècles avant Mohammed, précurseurs lointains des Moplahs ultérieurs. Des marchands de Babylone leur faisaient concurrence; le souvenir de Babérou (Babilou) survit dans les jatakas bouddhiques. Le bouddhisme, avec son esprit de prosélytisme, encourageait le commerce maritime que le brahmanisme réprouvait; selon Manou, l'individu qui va sur la mer est exclu des banquets funéraires. Dès avant l'expédition d'Alexandre, une route de terre faisait communiquer l'Inde avec l'Europe; les marchandises traversaient l'Hindou-Kouch, étaient embarquées sur l'Oxus, le descendaient jusqu'à la Caspienne et étaient expédiées ensuite sur le Pont-Euxin où des vaisseaux venaient les reprendre. Les informations de Ctésias et d'Hérodote supposent des relations de commerce entre l'Inde et l'empire perse. 

La conquête d'Alexandre mit en contact direct l'Inde et l'hellénisme; le marché international se déplaça au profit de l'Egypte transformée en royaume grec. Eudoxe de Cyzique, explorateur aventureux, reconnut la route de mer entre la mer Rouge et la côte indienne; Hippale signala la périodicité des moussons. La navigation, d'abord timide, s'enhardit; au lieu de suivre prudemment la côte pour atteindre Patala, aux bouches de l'Indus, les vaisseaux firent voile directement du cap Syagrus, en Arabie, aux ports indiens de Sigerus et de Muziris; on avait soin d'embarquer des archers pour se défendre contre les pirates qui infestaient le chemin, signe manifeste d'un commerce prospère. Une ligne de ports fréquentés s'échelonnait de l'Indus au Gange; les listes de Ptolémée en ont préservé le nom, mais sans en fixer le site avec une précision suffisante. 

Le Périple de la mer Erythrée est le manuel du parfait trafiquant en ces régions : le Sind demandait des draperies simples, des cotonnades à fleurs, des parfums, du métal monnayé, et offrait en échange des épices, des teintures, des fourrures et des soies de Chine. Barygaza (Broach) achetait du vin, des métaux, des draperies, des gommes d'Arabie, des parfums, et vendait des onyx, des mousselines, etc. Des fortunes colossales s'échafaudaient à Alexandrie, mais déjà les économistes constataient avec inquiétude que l'Inde absorbait l'or et l'argent et ne les rendait pas. Le commerce indo-hellénique disparut à la chute de l'empire romain : Cosmas est le dernier témoin de sa prospérité.

Le commerce de l'Inde et de l'Occident se fait désormais, pendant presque mille ans, par des intermédiaires. Les Arabes, maîtres de l'Egypte, entreposent à Alexandrie les marchandises de l'Inde, et les vaisseaux des républiques italiennes vont les y chercher; Venise et Gênes sont alors à l'apogée. Le voyage de Vasco de Gama renoue la tradition perdue, mais en suivant une voie nouvelle. La rivalité des Européens aux Indes n'est que l'histoire brutale d'une concurrence commerciale à main armée. L'Angleterre finit par triompher, par le mérite d'une politique persévérante et aussi par l'habile choix de ses établissements; la fortune éclatante des trois capitales, Bombay, Calcutta, Madras, créées de toutes pièces par les Britanniques, a justifié le choix des premiers agents de la Compagnie.

La route par le Cap et l'Atlantique favorisait le commerce britannique; l'ouverture du canal de Suez rendit aux ports de la Méditerranée une grande part du commerce de l'Orient : sans les chances supérieures d'un fret de retour avantageux, Londres aurait vu déjà diminuer sensiblement sa clientèle navale.

Le XIXe siècle.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le commerce indien, qui prend une importance considérable à la fin du siècle, ne consiste pas en un trafic d'échanges; l'exportation y surpasse de beaucoup l'importation. L'Inde fournit une grande abondance de produits au reste du monde et ne lui en emprunte que fort peu. Une somme considérable en or et en argent entre ainsi chaque année dans l'Inde pour n'en plus sortir. Pline évaluait le métal ainsi drainé à 100 millions de sesterces par an. De 1840 à 1884, l'Inde a absorbé 358 millions 3/4 de livres sterling en monnayage. De 1881 à 1891, le commerce y a laissé 1,309,899,000 roupies. Le mouvement commercial s'est chiffré, en 1881-1882, par 2,017,257,410 roupies, et en 1891-1892 par 2,684,041,810 roupies, en augmentation de 30 % sur 1881-1882, de 80 % sur 1871-1872, de 160% sur 1861-1862, de 400% sur 1851-1852. L'importation passe de 901,337,730 roupies en 1881-1882 à 1,214,218,510 roupies en 1891-1892, et l'exportation, dans le même laps de temps, s'élève de 1,115,919,680 roupies à 1 milliard 469,823,300 roupies. 

Le cabotage entre à peu près pour 28%,, dans ce mouvement ; le reste se fait presque tout entier par des navires à long cours.

Les cinq ports de Bombay, Calcutta, Madras, Rangoon, Karachi absorbent 94% du commerce étranger; Bombay 43%, Calcutta 35%, Madras moins de 6%. Tuticorin, Cocanada, Mangalore, Calicut font à la capitale de la présidence une concurrence effective. Karachi a vu son chiffre d'affaires avec l'étranger croître de 118% entre 1887-1888 et 1891-1892.

Les principales marchandises d'importation sont : les cotonnades (35% du total des importations), le coton tressé et filé, la quincaillerie, le fer, l'étain, le cuivre, le charbon, les pierres précieuses, l'huile minérale, la soie brute, les soieries, les lainages, le sucre raffiné, le sel, le vin, la bière et les spiritueux.  Les principaux articles d'exportation sont : le blé, le riz, les graines oléagineuses), le coton brut, l'opium, le jute brut, le thé, les cotons tressés et filés, le jute manufacturé, les peaux et cuirs, la laine brute.

Au cours des deux dernières décennies du XIXe s.,  plupart des pays maritimes participent à ce mouvement commercial. Le Royaume-Uni vient en tête; avant l'ouverture du canal de Suez, il prenait 63 % du trafic total; il n'y entre plus que pour 47,5%. La France suit, mais de loin, avec près de 7%, et Hong Kong avec 6,5 %. Viennent ensuite les Straits Settlements, 4,35; l'Allemagne, 3,8; la Belgique, 3,8 ; les Etats-Unis, 2,9 ; les ports chinois, 3 ; l'Egypte (comme simple entrepôt), 4,2; l'Italie, 2; Ceylan (Sri Lanka), 2; l'Autriche, 1,7; Maurice, 1,7; Perse, 1,6.

Le Royaume-Uni importe surtout des cotonnades grises, moitié moins de cotonnades blanches ou teintes, et compte pour 72,5 °% an total des importations. Ses exportations sont moins considérables 32 % du total; elles consistent surtout en blé, en thé, en graines oléagineuses, en riz, en peaux. La France exporte sept fois plus qu'elle importe: 1,5% d'une part, 10% de l'autre; elle importe surtout des vêtements, des soieries, des spiritueux; elle exporte le blé, les graines oléagineuses, le coton brut.

L'Allemagne a fait des progrès remarquables au cour de la dernière décennie du XIXe siècle: ses importations ont passé de 0,01% à 2,3 et ses exportations de 0,1 à 4,7. Elle importe des lainages, du sucre raffiné, du sel, et exporte du coton brut, du jute brut, des graines oléagineuses et des cuirs. La Belgique (imp., 1,5; exp., 5) importe surtout du fer, de l'acier, des couleurs d'aniline, et exporte du blé, du coton brut, des graines oléagineuses. L'Autriche (imp., 1,2 ; exp., 2) importe de l'habillement et du papier, exporte du coton brut et de l'indigo. L'Italie (imp., 0,8; exp., 2,7) importe du corail, des cotonnades de couleur, de la verrerie, des soieries, et exporte du coton brut, des graines oléagineuses, du blé. Les Etats-Unis (imp., 1,8 ; exp., 3,6) importent presque exclusivement de l'huile minérale, et exportent du jute brut, des peaux, de l'indigo. Les Etablissements du détroit de Malacca (imp., 3,5; exp., 4,8) importent de l'étain, de la soie brute, des noix de bétel, du poivre, et exportent du riz et de l'opium. Hong-Kong (imp., 3,3 : exp., 8,5) importe de la soie brute, des soieries, du cuivre, et exporte de l'opium et des cotonnades. Ceylan (imp., 1 ; exp., 2,7) importe surtout des noix de bétel et de l'huile de noix, et exporte du riz. Maurice (imp., 2,6; exp., 1,2) vend à l'Inde du sucre et lui achète du riz. Les ports chinois (imp., 4 ; exp., 4,2) importent de la soie brute et du thé, et exportent de l'opium et du coton. La Perse (imp., 1 ; exp., 1,8) fournit du coton brut, des dattes, des fruits, de la laine brute, et reçoit des cotonnades et du thé. Zanzibar vend de l'ivoire, des clous de girofle, et achète des cotonnades et du riz. L'Australie importe des chevaux et du cuivre, et exporte des sacs en fibres de jute et du thé.

Le commerce par la frontière de terre est beaucoup moins important. Il oscille annuellement entre 80 et 400 millions de roupies. Le trafic afghan passe par trois routes : la passe de Bholan, qui sert de débouché à Kandahar et à Khélat, et conduit au marché de Shikarpour dans le Sind; la passe de Gomal qui mène de Ghazni à Dera Ismail Khan; la passe de Khyber, de Kaboul à Peshawar. 

L'importation consiste surtout en laine, en fruits et noix de toute sorte; l'exportation en cotonnades, thé, indigo, sel. Le Cachemire, le Ladakh, le Tibet, Yarkand et le Kachgar ont pour marchés, dans le Penjab, Amritsar et Jalandar, d'où la route passe par Kangra, Palampour et Leh. Le transport s'y fait surtout à dos de yacks et de chèvres; mais les Anglais ont introduit aussi l'usage des mules. Le commerce avec le Cachemire se monte à 13 millions, avec le Ladakh à 530,000, avec le Tibet à près de 2 millions de roupies. Le Cachemire importe des bois et des lainages; les châles, jadis si fameux, sont moins demandés. Le commerce avec le Népal, qui dépasse 30 millions de roupies, se fait tout le long de la frontière; la route principale part de Patna et va à Katmandou; mais elle n'est pas carrossable sur tout le parcours. Le Népal importe des grains et des graines, du bétail, du bois, des cornes, du musc, du borax, des queues de yack, des fourrures, et achète des cotonnades, du sel, du sucre, des épices.

Le commerce intérieur est tout entier aux mains des Indiens. Les banians hindous et les marchands parsis sont connus et appréciés à Mascate, à Aden, à Zanzibar, à Singapour. Chaque communauté villageoise de l'Inde a son fournisseur local, souvent un marvari, à la fois débitant et banquier, détesté et indispensable. Les pèlerinages si nombreux et si fréquentés sont, sous couleur de religion, de vastes foires où des régions entières viennent s'approvisionner. Dans des localités presque inhabitées le reste de l'année s'élève tout à coup une ville improvisée, grouillante de boutiquiers de colporteurs et de chalands.. (A.-M. B).

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