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Christophe Colomb
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Aperçu Les jeunes années Le projet de Colomb
La découverte de l'Amérique Les trois derniers voyages [La famille  de Colomb]*
Le premier voyage de Colomb

L'expédition fut organisée par les soins de Hernando de Talavera, évêque d'Avila, aux frais de la couronne de Castille. Il y fut dépensé 1 140 000 maravedis. Quoi qu'on en ait dit, le roi d'Aragon, Ferdinand, bien que personnellement favorable à Christophe Colomb, ne prit aucune part dans la dépense. Aussi tous les profits de l'entreprise furent-ils réservés à la Castille. Les autres dépenses furent supportées par la ville de Palos; à titre d'amende pour des méfaits commis, elle dut fournir, équiper et armer deux caravelles. Nous ignorons comment Colomb se procura la somme qu'il donna pour le huitième des frais qui lui incombaient. On a dit qu'elle lui fut avancée par les Pinzon, importante famille de marins du port de Palos. Cette assertion, produite par les Pinzon eux-mêmes, au cours du procès soutenu par eux en 1508, afin de revendiquer la moitié de la part de bénéfices réservée, à Christophe Colomb, est peu vraisemblable. Les Pinzon, habiles gens de mer, intelligents et résolus, ont rendu à Colomb des services assez considérables pour qu'il ne soit pas nécessaire de les exagérer; les trois frères Pinzon s'occupèrent activement des préparatifs matériels de l'expédition et c'est l'exemple donné par eux et deux de leurs parents qui décida les marins de Palos et de Moguer à s'engager; jusqu'alors la crainte les retenait et on n'avait, pour former les équipages, que des criminels incarcérés dans la prison de Palos. 

Nous reproduisons le détail des préparatifs d'après l'excellent exposé de Harrisse (Christophe Colomb, t. I, pp. 405.408).

« Le 30 avril 1492, l'ordre d'armer l'expédition à Palos fut enfin donné. Par armement, il faut entendre l'équipement de trois caravelles appartenant à des particuliers et qui furent mises en réquisition au nom de Ferdinand et d'Isabelle, pour un temps illimité. La ville de Palos devait payer le loyer de deux de ces caravelles pendant deux mois et la solde des équipages pendant quatre mois. Le 23 mai 1492, les autorités municipales de Palos (ou de Moguer) se déclarèrent prêtes à obéir aux ordres de Leurs Altesses. Ce ne fut cependant qu'après une sommation datée du 20 juin suivant qu'elles s'exécutèrent.

La plus grande et la seule pontée des trois caravelles, appelée la Santa-Maria ou la Marigalante ou simplement la Capitane (seul nom employé par Colomb), était montée par Christophe Colomb; elle appartenait à Juan de la Cosa qui la commandait, avec Pero Alonso Niño et Sancho Ruiz pour pilotes. La meilleure voilière, nommée la Pinta, était commandée par Martin-Alonso, l'aîné des frères Pinzon. Un autre frère, Francisco-Martinez, y servait en qualité de pilote. Elle appartenait à deux citoyens de Palos, Gomes Rascon et Cristobal Quintero, qui étaient à bord. La plus petite, appelée la Niña, était sous le commandement de Vincente Yañez Pinzon, frère cadet des précédents. Selon Pedro Martyr et Oviedo, la flottille portait en tout cent vingt hommes. Las Casas dit qu'il n'y en avait que quatre-vingt-dix, tant civils que marins. C'est aussi le chiffre qu'on relève sur l'épitaphe de Fernand Colomb dans la cathédrale de Séville et que nous croyons
seul exact. 

L'équipage était presque entièrement composé d'Espagnols, de Palos principalement, assurent Oviedo et Las Casas. Le rôle des embarqués n'a pu être retrouvé ; mais, à en juger par la liste des matelots laissés à la Navidad pour garder le fortin que Colomb avait fait construire lorsqu'il revint en Espagne, nous ne pensons pas que l'équipage contint un si grand nombre d'Andalous. On relève, dans cette énumération, des natifs de Guadalajara, d'Avila, de Ségovie, de Léon, de Caceres, de Castrojeriz, de Ledesma, de Bermeo, d'Aranda, de Villar, de Guadalupe, de Talavera, c.-à-d. des Castillans et des Aragonais. Il y avait même dans le nombre un Anglais et un Irlandais. »

Il y avait dans cet équipage des criminels en faveur de qui on avait suspendu le cours de la justice, mais aussi des marins de valeur comme les Pinzon, Juan de la Cosa et Pero Alonso Niño.

Le vendredi 3 août 1492, à huit heures du matin, Christophe Colomb appareilla de la barre de Salles, à l'embouchure de l'Odiel et du rio Tinto, en face de Huelva. L'équipage s'était confessé et avait communié. Le journal de bord que l'amiral tint régulièrement depuis le commencement de sa navigation nous est pour cette mémorable entreprise un document inappréciable; nous n'en possédons malheureusement qu'un abrégé fait par Las Casas et conservé dans la bibliothèque du duc d'Ossuna (publié par Navarrete, puis par Varnhagen) à Madrid. Ce journal témoigne de ses préoccupations religieuses, de l'influence de Toscanelli, et nous donne de curieux renseignements sur son état d'esprit.

Il cingla droit sur les Canaries, avec l'intention de se diriger ensuite à l'Ouest sur le parallèle de cet archipel, vers l'île d'Antilia et Cipangu. Dès le quatrième jour le gouvernail de la Pinta se détacha, par la malveillance des deux propriétaires qui voulaient revenir. On s'arrêta sur la côte de la Grande Canarie pour réparer cette avarie; du 9 août au 6 septembre la flottille fut retenue à la Gomera; un calme plat de deux jours la retarda encore jusqu'au 8 septembre. Dès le lendemain, Christophe Colomb prit le parti de donner à son équipage, sur la distance parcourue, des chiffres inférieurs à la réalité, pour éviter que le trop grand éloignement les intimidât. Cette bizarre supercherie paraît avoir réussi; le 10 septembre, il  inscrit quarante-huit lieues au lieu de soixante réellement parcourues. La nuit du 13 au 14 septembre, il constata la déclinaison de l'aiguille aimantée, fait connu depuis deux siècles, mais qui le surprit fort; en même temps, le climat se modifiait. Le 16 septembre, on entra dans la mer des Sargasses, dont les végétations flottantes firent croire au voisinage d'une terre; d'autres signes entretinrent l'illusion les jours suivants. Le vent était très propice, soufflant régulièrement de l'Est. Les matelots commencèrent à s'inquiéter, craignant que la persistance de ce vent ne rendit leur retour impossible. Les mutineries de plus en plus violentes de ses hommes furent pour l'amiral un terrible, sujet de préoccupations. 

A partir du 25 septembre, Christophe Colomb parvenu aux parages où sa carte marquait l'île d'Antilia la cherchait obstinément; à plusieurs reprises il crut l'apercevoir. Il ne se laissait pas ébranler par les prières, les objurgations ou les menaces de son équipage, décidé à poursuivre son entreprise jusqu'au bout ; le fameux récit d'après lequel il aurait transigé et demandé seulement trois jours de répit est purement légendaire. Une pension annuelle de 10 000 maravédis avait été promise à celui qui signalerait : terre; que de fois ce cri résonna à tort! Il fallut décider que le matelot qui commettrait cette erreur serait exclu de la récompense promise. Le 7 octobre, Colomb mit le cap au Sud-Ouest, remarquant que les oiseaux venaient de cette direction et supposant que la terre était proche. Le 10 octobre, il tint tête à ses matelots, qui tous voulaient retourner, les réconforta par l'espoir d'un gain considérable et affirma sa résolution de passer outre. On était alors à 750 milles des Canaries; Colomb n'avouait qu'un chiffre moindre et les pilotes de ses deux petites caravelles faisaient comme lui, probablement par erreur. Le 11 octobre, on pêcha une branche d'arbre encore verte, un morceau de bois travaillé au feu, un rameau couvert de baies rouges. Le soir, Colomb lui-même aperçut du haut du château d'arrière de son navire une lueur; il appela et d'autres la reconnurent. Plus tard, il se fit donner la pension promise à celui qui aurait vu la terre le premier. Le 12, à deux heures du matin, le matelot Rodrigo de Triana, de la Pinta, vit au clair de lune une plage de sable. Un coup de feu signala la découverte aux autres navires et quand le jour se leva ils aperçurent une belle île couverte de verdure. Il y avait trente-deux jours qu'on était parti des îles Canaries.

La découverte de l'Amérique

Ravi, les larmes aux yeux, Christophe Colomb entonna le Te Deum, accompagné par tous les siens. Les commandants des navires se firent conduire au rivage par des barques armées; ils se jetèrent à terre pour l'embrasser et arborèrent des pavillons portant la croix verte et les initiales F et I de leurs souverains. Christophe Colomb donna à cette île le nom de San Salvador, les indigènes l'appelaient Guanahani. Les insulaires, à peau brune, se pressaient autour des étrangers descendus de la mer. Pour se les concilier on leur distribua de la verroterie et des menus cadeaux. Ils étaient à peu près nus, quelques femmes portant seulement de petits tabliers; ils étaient sans armes et ne connaissaient pas le métal; plusieurs étaient peints, rayés de noir, de blanc ou de rouge. Bientôt on commença à troquer les verroteries et menus bibelots contre les ornements d'or que portaient les indigènes. On leur demanda d'où ils les tenaient; ils indiquèrent le Sud-Ouest. Leurs canots creusés dans un tronc d'arbre leur permettaient de communiquer avec les terres voisines, mais n'auraient pu servir pour de longues courses sur mer. Confirmé ainsi dans l'opinion que cette première île signalait l'approche de terres plus considérables, auxquelles il appliqua sans hésiter le nom d'Indes, Colomb reprit la mer; il toucha à deux nouvelles îles qu'il dénomma Santa Maria de la Conception et Fernandina. Empêché par des vents contraires de dépasser cette île, il revint à la Conception, la contourna par la côte orientale, cherchant l'île Saomet où les Indiens lui avaient dit qu'il trouverait de l'or. Il la dénomma Isabella en l'honneur de la reine. Cette île était, comme les précédentes, bien boisée. On lui signala plus au Sud une grande île, appelée Colba (Cuba) par les Indiens; supposant que c'était Cipangu (Japon), il s'y rendit et le dimanche 28 octobre 1492 y arriva.

Guanahani et compagnie.
Avant de poursuivre le récit des voyages de Christophe Colomb et de ses explorations sur la côte septentrionale de Cuba, nous examinerons la question très controversée de savoir où il aborda d'abord et avec quelles îles doivent être identifiées celles qu'il releva jusqu'à ce qu'il atterrit à Cuba. Le seul point certain, c'est que ces îles font partie de l'archipel des Lucayes ou Bahamas, vaste ensemble d'îles, d'îlots, de bancs de sable et de récifs qui s'étend en avant de la Floride du 73e au 83e degré de longitude Ouest. On y compte une douzaine de grandes îles, vingt-quatre plus petites, six cents quatre-vingt-sept îlots ou grands récifs (Keys, Cayes) et plus de deux mille quatre cents roches. Toutes sont formées de bancs de coraux émergeant au-dessus d'un plateau sous-marin de calcaire coralliaire et de bancs de sables. Aucune ne dépasse 60 m d'altitude; bien que répandues sur une grande superficie, elles ne couvrent toutes ensemble qu'une étendue de 4000 km². Elles sont à peu près plates, entourées de récifs coralliaires, couvertes de verdure. Laquelle de ces îles fut la première terre américaine découverte par Colomb? Il est difficile de s'en rendre compte et, des nombreux érudits qui se sont attachés à ce problème, aucun ne l'a tout à fait résolu. 

Les connaissances astronomiques de Christophe Colomb étaient médiocres ; il a fait d'énormes erreurs, indiquant pour Cuba la latitude de 42° N, et ne donne pendant sa traversée aucun relevé de latitude. Il s'était efforcé de maintenir le cap droit à l'Ouest; l'île de Guanahani ou San Salvador doit donc être sous la latitude de l'île de Fer; mais ceci n'est qu'approximatif à plusieurs degrés près; par le travers de l'île de Fer (27°50') il n'y a aucune île. On a voulu s'aider des anciennes cartes et de la description donnée par Colomb lui-même. Il faut croire que ces deux moyens d'informations laissent à désirer puisque l'on a proposé cinq solutions qui toutes ont des défenseurs autorisés. Washington Irving et Humboldt tenaient pour Cat Island, l'île du Chat, par 24° 09' N et 77° 40' W; Peschel, Munoz, le capitaine Becker, etc., pour Watling par 21° 31' N et 76° 50' W; le cap. Fox pour Samana ou Atwood Cay par 23° 05' N et 76° W; Varnhagen pour Mayiguana ou Mayaguana, par 22° 17' N et 75° W; Navarrete pour les îles Turk par 21° 34' N et 73°30' W; enfin Harrisse penchait pour l'île Acklin par 22° 20' N et 76° 20' W.

Bahamas
Bahamas, premier groupe d'îles rencontré par Colomb.
(sur cette carte, l'île Waitling figure sous le nom de San Salvador).
Passons à la description de Christophe Colomb. Il dit que Guanahani est une grande île, plate, sans nulle hauteur, boisée, avec une grande lagune au milieu; elle était entourée entièrement d'une ceinture de récits; au milieu est une échancrure donnant accès dans un port assez vaste pour contenir tous les navires de la chrétienté. Les habitants étaient très nombreux. Las Casas, qui était certainement bien informé, dit que l'île figure sur les cartes de son temps sous le nom de Triango, qu'elle avait la forme d'une fève et 15 lieues de long; au centre, une lagune d'eau douce et potable. La population a péri et les bois ont été coupés; mais le reste de la description ne correspond exactement à aucune des îles Bahamas; un vaste port formé par une ceinture de récifs, on en peut trouver plusieurs, mais nulle rade justifiant l'admiration de Colomb. Watling seule a une véritable lagune intérieure (dont l'eau n'est pas potable), mais celle dont parle Colomb pourrait avoir été un petit lac desséché depuis le déboisement. Aux partisans de Cat Island (dont le Sud possède un lac), on objecte que Colomb a contourné San-Salvador par le Nord, ce qui n'est guère admissible pour cette île, car la suite de la navigation ne se comprendrait plus; à ceux de Watling, on oppose l'absence évidente de port; on ne trouve réellement de rade intérieure que celle formée par les îles Acklin et Crooked; mais si l'on fait arriver Colomb directement à Acklin, la navigation ultérieure depuis San-Salvador jusqu'à Cuba reste peu compréhensible. Les anciennes cartes sont médiocrement exactes; cependant, c'est vers le Sud de l'archipel qu'elles placent Guanahani, dans les parages de Samana, Acklin ou Mayaguana; seulement cette dernière île est figurée sur ces cartes comme distincte de Guanahani. En somme, les hypothèses les plus défendables sont celles de Muñoz et Becher (Watling), du capitaine Fox (Samana) et de Varnhagen (Mayaguana); mais à toutes on oppose de fortes objections, des objections décisives n'était la nécessité de choisir.

De San-Salvador, sans s'arrêter longtemps aux autres îles, Christophe Colomb avait gagné la côte septentrionale de Cuba; les Indiens lui dirent que c'était une île dont on faisait le tour en vingt jours; il se croyait à Cipangu, et retrouvait aux Antilles la magnifique végétation des Indes. Martin Alonso Pinzon le persuada même qu'on était arrivé à la côte d'Asie, et Colomb le consigna sur son journal, évaluant à cent milles la distance de la cité de Quinzay décrite par Marco Polo. Il s'étonne même de n'avoir pas encore vu de sirènes. Il fit descendre à terre deux Espagnols, dont l'un, Luis de Torres, savait l'hébreu, le chaldéen et un peu d'arabe, leur donnant pour compagnons deux Indiens et les chargeant de porter au grand khan les lettres du roi d'Espagne. Le quatrième jour les émissaires revinrent; ils avaient été accueillis avec vénération par les Indiens, et avaient appris à fumer le tabac. Le 12 novembre, Colomb remit à la voile, continuant son voyage vers l'Ouest; mais ne trouvant pas le bout de la côte, et craignant l'approche de l'hiver, il s'arrêta, par 79° ou 80° de longitude Ouest environ; il exagérait de 30° son éloignement des îles Canaries. Le 13 novembre, il mit donc le cap vers l'Est; au 21 novembre, il atteignit la pointe orientale de l'île. Ce jour, la Pinta, commandée par Martin Alonso Pinzon, s'éloigna secrètement pour visiter la première l'île aurifère de Babeque dont parlaient les Indiens. L'amiral, après avoir poussé une pointe en mer, revint à Cuba, d'où il appareilla le 5 décembre, quittant le cap Mansi, qu'il appela Alpha et Omega, le prenant pour la pointe extrême de l'Asie. Le lendemain, il était en vue d'Haïti qu'il baptisa Española ou Hispaniola. La richesse de cette terre l'enchanta. 

Survinrent alors des mauvais temps au bout desquels Christophe Colomb, épuisé de fatigue, s'alla reposer; le pilote s'endormit aussi, et la Capitane s'échoua sur un banc de sable (près du cap Haïtien). Il fallut l'abandonner et passer sur la Niña. Décidé à revenir en Europe, et frappé de la richesse en or de cette contrée, il y fonda une colonie, ne pouvant pas ramener sur la Niña l'équipage de son grand bateau; un grand nombre de matelots s'offrirent pour rester et s'enquérir à loisir des mines d'or. Cette colonie reçut le nom de Navidad ( = Noël), et 37, 39 ou 40 hommes y furent laissés. Le 4 janvier 1493, Christophe Colomb reprit sa route; le 6, il retrouva Martin Alonso Pinzon qui avait visité l'Île d'Inagua, Haïti, et acquis par troc beaucoup d'or. Il s'excusa, et l'amiral lui pardonna. Le 13 janvier eut lieu un conflit avec les Indiens; le 16, on quitta la côte (au cap Samana) et on se lança dans l'Océan. Du 12 au 14 février survint une tempête au cours de laquelle la Niña faillit périr; Colomb écrivit une relation de sa découverte sur parchemin, et la jeta à la mer dans un tonneau qui ne fut jamais retrouvé.

Le 15 février, on était en vue des Açores; le 18, on entrait au port de Santa Maria; mais le gouverneur portugais, Juan de Castañeda, fit emprisonner la moitié de l'équipage de la Niña descendu à terre pour faire une procession d'actions de grâces à la Vierge. Il le relâcha après quelques jours sur le vu des lettres royales de Colomb. Celui-ci fut jeté par une nouvelle tempête sur les côtes de Portugal, et parvint le 4 mars 1493 à l'embouchure du Tage. Du mouillage de Cascaes, il écrivit au roi Jean II; la vue des Indiens qu'il ramenait et le récit de ses découvertes excitèrent une vive curiosité; le roi lui donna audience le 9 mars dans sa villa de Valdeparaiso, près de Santaran, et insinua que les terres qu'il venait de découvrir revenaient de droit au Portugal, d'après les privilèges octroyés par les papes et les traités avec la Castille. On raconta même ensuite que des courtisans proposèrent de supprimer l'amiral castillan. Le 13 mars, Christophe Colomb remit à la voile, et le 15, à midi, il débarqua à Palos. Son voyage avait duré sept mois et douze jours. Le même jour, arriva Alonso Pinzon avec la Pinta; il s'était séparé une seconde fois de l'amiral en pleine mer, avait abordé à Bajonne de Mino, en Galice. Il mourut peu de jours après. On dit qu'il avait tenté de supplanter Colomb, et sollicité une audience royale qui lui aurait été refusée. Ceci est peut-être faux; mais ce n'eût été que justice. Christophe Colomb fut accueilli en triomphateur à Palos, puis à Séville. Les rois catholiques, qui tenaient leur cour à Barcelone, l'invitèrent à y venir. Les titres et dignités promis lui furent décernés, et on décida l'armement d'une grande flotte. A la cour, où il parvint au milieu d'avril, il fut reçu avec les plus grands honneurs.
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Gravure du débarquement de Colomb en Amérique
Débarquement de Colomb à Hispaniola.
Gravure du XVIe siècle.

Propagation de la nouvelle.
Pas un instant Christophe Colomb ne mit en doute qu'il n'eût réellement atteint le but de son voyage, les Indes. Il exprimait cette conviction dans la relation qu'il rédigea tandis qu'il était encore en mer, et qu'il envoya aux rois d'Espagne. Elle fut communiquée sur-le-champ par le trésorier Gabriel Sanchez à un imprimeur barcelonais et imprimée; une traduction latine, une édition catalane la reproduisirent aussitôt; le manuscrit latin fut imprimé à Rome dans l'été de 1493, puis en moins d'une année à Paris, Anvers et Bâle; de cette ville sortit une édition illustrée. A Paris, Guyot Marchant ne fit pas moins de trois éditions en quelques mois. La même année, en France, en Italie, en Allemagne, des plaquettes en prose et en vers célèbrent la découverte. Mais le bruit fait autour du nom de Colomb ne dura pas; son voyage de 1492 tomba presque dans l'oubli. On ne s'occupa de rechef du nouveau monde qu'après la publication de la lettre d'Amerigo Vespucci et c'est ainsi que ce dernier passa pour le véritable auteur de la découverte et eut l'honneur de donner son nom au nouveau continent. 

Il faut dire que les théories de Christophe Colomb, qui avaient si bien servi pour l'exécution de son projet, lui nuisirent ensuite. Il est infiniment plus important d'avoir trouvé une autre partie du monde qu'une autre route vers les Indes, et en s'acharnant à son idée, Colomb diminuait la portée de son exploit. Il la diminuait d'autant plus qu'en cherchant cette route vers l'Inde, on cherchait surtout à s'enrichir : tel était le but même de l'amiral. Or les profits qu'on pouvait tirer des terres visitées par lui apparurent moins grands qu'il n'espérait; il avait pris une euphorbiacée pour l'aloès; une gomme pour du mastic, des gousses rouges pour du poivre; en somme, sauf du coton, il ne rapportait nul produit utilisable; une certaine quantité d'or, mais nullement extraordinaire; il proposait de recruter des esclaves pour l'Europe, parmi les doux et timides Indiens et promettait d'une autre expédition de grands bénéfices. Mais jusque-là les produits matériels restaient inférieurs aux dépenses. 

Remarquons aussi les exagérations de l'amiral; il double la longueur des côtes de Cuba et d'Haïti, fait celle-ci une île plus grande que l'Espagne. Il croit que Cuba est la côte de Cathay (Chine), Haïti l'île de Cipangu (Japon); il place Cuba par 42° N, Haïti entre 34° et 26°. On lui objectait qu'il n'était pas allé au pays des épices, ni au royaume de Cathay. Les doutes se multiplient et Pierre Martyr les exprime dès le 1er octobre 1493 ; il pense, avec raison, que la terre est plus grande que ne l'admet l'amiral. Néanmoins celui-ci est traité avec grande faveur, on lui confirme son titre d'amiral, celui de vice-roi, on lui donne un blason. Enfin on lui confie une seconde expédition beaucoup plus importante que la première. (André Berthelot).

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Dictionnaire biographique
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