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Le Portugal au XVIIIe siècle

Aperçu
Le Portugal avait été englouti dans la monarchie espagnole en 1580. Cette servitude lui fit perdre ses plus belles colonies, dont les Anglais et les Hollandais s'emparèrent.  Lorsque le pays se fut affranchi de ce joug, en 1640, la dynastie de Bragance, issue des anciens rois avait  accéda au trône. Redevenu indépendant, le pays s'était allié avec la France et fut d'abord sous l'influence de cette puissance; mais Pierre II , devenu roi en 1683, conclut avec l'Angleterre le traité de Methuen, qui allait être la cause de la ruine économique et de la décadence politique du Portugal (1703). De fait, à partir de cet instant et encore au-delà de la fin du XVIIIe siècle, les Anglais devaient avoir tout en leurs mains : industrie, agriculture, commerce, finances, politique. ils réduisirent ainsi les Portugais à n'être plus que leurs facteurs. Toujours sous l'inspiration de ses nouveaux amis, et changeant brusquement de politique, Pierre Il s'engagea à leur suite dans la guerre de la succession d'Espagne (1701) (L'Espagne au XVIIIe siècle).  Il envahit l'Estremadure et mourut d'apoplexie à la fin de la campagne. Le poids désastreux de cette politique retomba désormais sur son fils, le roi Jean V.

Jean V, après avoir vu, dès le début de son règne, infliger à ses troupes une défaite mémorable par l'armée française à la journée d'Almanza (1707), s'estima heureux de conclure avec l'Espagne le traité de paix d'Utrecht (1715), que des mariages réciproques dans sa famille cimentèrent ensuite (1728). Au dehors, il secourut les Vénitiens contre les Turcs (1716) et la Perse (Iran) contre les Arabes (1719). À l'intérieur, où régnait l'influence monacale, sous l'égide de ce prince bigot, amoureux des pompes religieuses, c'est à peine si l'on constate quelque progrès intellectuel; mais, en revanche, l'architecture y fleurit abondamment.

Sous le roi Joseph qui succède à Jean en 1750, le ministre Carvalho de Pombal, véritable détenteur du pourvoir pendant toute cette période, voulut secouer le joug auquel son pays était soumis; ses efforts furent insuffisants.  Il essaya de délivrer le Portugal non seulement de l'influence étrangère, mais aussi de l'Inquisition. Ce fut une secousse galvanique, accompagnée de nombreuses réformes, mais aux résultats décevants. Pombal fut écarté sous le règne de Marie Ire parvenue au trône en 1777. Le Portugal se ressentit ensuite violemment des suites de la Révolution française, principalement à cause de ses alliances avec l'Angleterre. Napoléon dans sa lutte contre l'Angleterre, força le Portugal à fermer ses ports aux Anglais; puis, étant convenu, par un traité secret signé avec l'Espagne en 1807 à Fontainebleau, de partager le pays avec cette puissance, il en entreprit la conquête; mais l'Angleterre le défendit comme sa province; elle embarqua la famille royale et l'établit au Brésil. Le Portugal, passé de fait sous protectorat anglais, ne retrouvera une véritable souveraineté qu'en 1820.

Dates clés :
1703- Traité de Mathuen avec l'Angleterre

1707 - Bataille d'Almanza.

1715 - Traité d'Utrecht.

1750 - Début du règne de Joseph Ier

1755 - Un séisme détruit Lisbonne.

1755 -1760 - Pombal s'oppose aux jésuites.

1777 - Début du règne de Marie Ire

1788 - Régence de Jean VI


Jalons
La succession des règnes

Jean V
Jean V (João V), vingt-quatrième roi de Portugal, né à Lisbonne le 22 octobre 1689, mort le 31 juillet 1750, était le fils de de Pierre II et de Marie-Sophie-Elisabeth de Bavière-Neubourg. Il succéda à son père 1er  janvier 1707, et malgré lui, il continua, avec peu de chance d'ailleurs, la lutte contre la France dans la succession d'Espagne. Ses troupes furent défaites à Almanza (27 avril 1707) aux environs de Campo Mayor (7 mai 1709), etc.; le Portugal perdit successivement plusieurs places importantes, entre autres Miranda de Duero (juillet 1740), et Duguay-Trouin s'empara de Rio de Janeiro, au Brésil (13 septembre 1711). 

La paix d'Utrecht le rendit libre de suivre ses penchants pour les pompes religieuses, et tous ses efforts politiques ne tendirent qu'à obtenir à cet égard du Saint-Siège des privilèges particuliers, ainsi que le titre de « Majesté Très Fidèle ». Son action au dehors ne se traduisit qu'en envoi d'une flotte de secours d'abord aux Vénitiens contre les Turcs (1716), ensuite au roi de Perse contre les Arabes (1719). Ce monarque d'une rare bigoterie, qui confia le gouvernement à un moine ignare, frère Gaspard, fut cependant un zélé protecteur des études et un bibliophile; on lui doit la fondation de l'Académie d'histoire (1720) et de plusieurs autres, ainsi que l'enrichissement considérable de la bibliothèque royale. 

De son mariage (1708) avec Marie-Anne d'Autriche, fille de l'empereur Léopold Ier, Jean V eut six enfants; son second fils, Joseph, lui succéda. 

Joseph
Le règne de son fils Joseph (1750-24 février 1777) ne fut en réalité que celui de son grand ministre Carvalho, devenu marquis de Pombal. On trouvera plus bas les détails de ses nombreuses réformes, et de ses luttes contre l'ordre des jésuites et avec la papauté. Le développement rapide du Brésil et des colonies portugaises en Afrique fit renaître l'ancienne prospérité.

Marie lre
L'avènement de la fille aînée de Joseph, Marie lre (1777-88), marque une période de réaction politique, malgré d'importantes conventions internationales et d'utiles fondations qui eurent lieu sous ce court règne. Marie ou maria Ire, reine de Portugal, née à Lisbonne le 17 décembre 1734, morte à Rio de Janeiro le 20 mars 1816, était la fille aînée du roi Joseph Ier, et de Marie-Anne-Victoire, infante d'Espagne, elle succéda à son père le 24 février 1777. Depuis le 6 juin 1760, elle était mariée à son oncle don Pedro, infant de Portugal, fils cadet de Jean V et frère de Joseph II, qui prit le titre de roi (Pierre III ou don Pedro  III), sans en exercer les fonctions.

Le ministre de son père, Pombal, qui avait cherché, dans l'intérêt de l'État, à éloigner du trône cette princesse, douée de toutes les qualités du coeur, mais faible de caractère et d'une dévotion excessive, fut renvoyé, non sans récompense. D'autre part, la reine fit mettre en liberté tous les détenus politiques. La réaction leva alors la tête et le ministre déchu ne dut qu'à la bonté de sa souveraine d'échapper à une peine afflictive. Le règne de Marie Ire est marqué par d'importantes conventions internationales et des fondations utiles, entre autres celle de l'Académie de Lisbonne (1780), due à l'influence de Jean de Bragance, duc de Lafoens. Après la mort de son époux (1786), elle commença à se désintéresser des affaires de l'État ; la mort de son fils aîné (1788) la plongea dans une mélancolie profonde qui dégénéra en aliénation mentale. Son second fils, le futur roi Jean VI (né en 1767) prit alors la régence.

Dès la chute de Louis XVl, Jean VI rompit les relations diplomatiques avec la République française jusqu'en 1797. Obligé par ses traités de se solidariser avec, l'Angleterre dans sa lutte contre la France, il ne tarda pas à sentir la lourde main de Napoléon. Déjà humilié par le traité de Badajoz (1801), puis déclaré déchu du trône, avec toute la maison de Bragance, il s'enfuit au Brésil avec sa famille (29 novembre 1807), devant l'invasion de l'armée française sous les ordres de Junot. (G. P-i.).
 

Le gouvernement de Carvalho de Pombal

Sebastião José de Carvalho e Mello, comte d'Oeiras, marquis de Pombal, né à Lisbonne le 13 mai 1699, mort le 8 mai 1782, ministre de Joseph restera par son action la figure politique portugaise la plus importante du XVIIIIe siècle. Il naquit de Manuel de Carvalho e Athayde, capitaine de cavalerie, gentilhomme (hidalgo) de province, et de dona Theresa-Luisa de Mendonça e Mello. Il aurait, mais le fait est contesté, fait des études de droit à l'Université de Coïmbra. Jeune homme, il entra dans l'armée, aux gardes, mais il y resta peu de temps. Il demeura à Lisbonne jusqu'au moment ou il dut se retirer à Soure, sur une terre de sa famille, après avoir enlevé et épousé une nièce du comte d'Arcos, dona Theresa de Noronha, veuve d'Antonio de Mendonça. 

En 1733, le cardinal da Motta le fit charger par le roi d'écrire l'histoire de divers monarques portugais. En octobre 1738, Carvalho fut nommé ambassadeur à Londres, occupa ce poste jusqu'en 1745 et fut, en juin de cette année, envoyé à Vienne, avec mission de travailler à un rapprochement entre le pape et l'impératrice. Carvalho avait perdu sa première femme, morte à Lisbonne le 7 janvier 1739.  Pendant son séjour à Vienne, il épousa, le 18 décembre 1745, Leonor-Ernestina Daun, fille du général comte Daun. Cette alliance ne devait pas être étrangère à la faveur que lui témoigna par la suite la reine Marie-Anne, fille de l'empereur Léopold Ier, et femme de Jean V de Portugal. Carvalho fut rappelé à Lisbonne en 1749. Le roi Jean V étant mort le 31 juillet 1750, Carvalho fut nommé le 2 août secrétaire d'Etat des affaires étrangères et de la guerre, et presque aussitôt il prit un ascendant sans bornes sur l'esprit léger et paresseux du roi Joseph; il devint le chef absolu du gouvernement. 

Le temps des réformes.
Voici, dans l'ordre chronologique, les principaux actes de son administration : En janvier 1751, Carvalho réduisit les droits sur le tabac et le sucre et créa une raffinerie. Cette même année, il fit établir une manufacture de poudre. Un décret régularisa les lois de succession. Enfin un autre décret soumit à l'avenir, à l'approbation préalable du gouvernement, l'exécution des sentences de l'Inquisition. En 1752, le ministre, pour remédier au défaut de numéraire, interdit l'exportation de la monnaie ainsi que de l'or du Brésil. Cette même année, un décret réglementa l'industrie de la soie. En 1753, Carvalho commença son oeuvre de réorganisation des finances, simplifiant les impôts, réglant leur perception, établissant des habitudes de comptabilité régulière. Depuis longtemps le commerce était tombé aux mains des étrangers, surtout des Anglais. Carvalho voulut affranchir le Portugal de cette dépendance. C'est dans ce but qu'il chercha à créer une, industrie nationale et qu'il institua des compagnies à charte, mieux susceptibles, à son avis, de lutter contre la concurrence étrangère que les commerçants isolés. Ceci ainsi qu'en 1753 il forme une compagnie de pêcheries du thon et de la sardine dans l'Algarve; il concède en 1754 à une compagnie, dirigée par Feliciano Velho Oldembourg, le droit exclusif de commercer aux Indes orientales et en Chine. Le 7 juin 1754, le roi signe la charte d'une autre compagnie puissante, celle du Gran Para et de Maranhão, avec le privilège de vendre seule les denrées portugaises dans ces provinces brésiliennes. Le 5 janvier 1757 , il devait autoriser les nobles à posséder des actions de cette compagnie. Quelque temps après, le 13 août 1759, une charte semblable était concédée à la compagnie de Pernambuco et de Parahiha. Tout en s'efforçant d'éveiller l'activité colonisatrice au Brésil, Carvalho cherchait à protéger les indigènes contre les immigrants portugais. Une ordonnance du 8 juin 1754 déclara libres les Indiens des provinces de Gran Parà  et de Maranhão, ne reconnaissant d'autres esclaves que les Noirs. En 1755, une catastrophe épouvantable arracha Carvalho à son oeuvre commerciale. Le 1er novembre, Lisbonne fut entièrement détruite par un tremblement de Terre, qui fit 30 000 morts, suivi de nombreux incendies.

Le ministre se multiplia. En quelques mois il promulgua deux cents décrets pour pourvoir à la subsistance des habitants, faire ensevelir les cadavres, mettre en sûreté l'argent et les objets précieux. La loi martiale fut appliquée pour maintenir l'ordre. On ne permit pas aux habitants de s'éloigner, et la réédification de la ville commença immédiatement. L'année suivante (1756), Carvalho revient à ses projets commerciaux. Le 30 septembre, il dissout la Meza dos homens de negocio de Lisbonne, sorte d'association de négociants, coupable d'avoir fait des représentations contre la compagnie du Gran Parà et il la remplace par une sorte de chambre de commerce, Junta do commercio. Le 10 septembre de cette même année, il fondait la Companhia geral da agricultura dos vinhas do Alto Douro qui acquérait presque le monopole des vins de Porto. Le but était de favoriser la viticulture et d'empêcher les adultérations des vins, de réagir aussi contre l'avilissement des prix obtenu par une sorte de syndicat des acheteurs en gros, presque tous Anglais. Cette création lésa des intérêts. Le 23 février 1757, il y eut une émeute assez sérieuse à Oporto. La répression fut féroce : 478 accusés furent traduits devant des juges spéciaux. Il y eut 26 condamnations à mort prononcées (14 octobre) et 17 exécutions.

Guerre aux jésuites.
C'est vers cette époque que commence la lutte de Carvalho contre les jésuites. Le 7 juin 1755, il leur avait enlevé la direction des communautés indiennes du Parà et du Maranhão, dont il réglementa lui-même l'administration par un décret du 3 mai 1757. Il accusait la société de Jésus d'avoir eu la main dans l'émeute d'Oporto, d'avoir tenu des propos démoralisants au peuple de Lisbonne après le tremblement de terre, d'exciter la discorde entre les cours d'Espagne et de Portugal, de s'opposer à l'occupation par les Portugais de certaines missions du Paraguay cédées par l'Espagne en échange de la colonie de Sacramento, etc. Le 19 septembre 1757, le ministre faisait congédier par le roi Joseph tous les jésuites confesseurs de la famille royale. Il faisait réunir contre eux et contre leur administration en Amérique les éléments de deux mémoires, en date du 8 octobre 1757 et du 10 février 1758, qui furent envoyés à Rome. A sa requête, le pape Benoît XIV, par un bref du 1er avril 1758, nomma le cardinal Saldanha visiteur et réformateur de l'ordre en Portugal. Le 15 mai, Saldanha défendait aux jésuites de continuer à commercer aux colonies, et le 7 juin le patriarche de Lisbonne leur interdisait de prêcher et de confesser dans les limites de son patriarcat. Sur ces entrefaites survint un événement grave, dans lequel, à tort ou à raison, les jésuites furent compromis. Dans la nuit du 3 au 4 novembre 1758, le roi Joseph, rentrant en voiture au palais d'Ajuda, fut blessé au bras droit et au côté de deux coups de feu. Certains détails ont donné lieu de supposer que l'attentat aurait été dirigé contre son valet de chambre, mais ce point ne semble pas suffisamment élucidé. 

Quoi qu'il en soit, après une instruction mystérieuse, le 13 décembre 1758, Carvalho fit saisir doña Theresa, marquise de Tavora, son fils José-Maria de Tavora, son mari le marquis Luiz-Bernardo de Tavora, le duc d'Alveiro, Francisco d'Assis, marquis de Tavora, Jeronimo de Ataide, comte d'Atouguia, Manuel Alvares Teixeira, Braz-José Romeiro, João Michel, Antonio Alvarez Ferreira, d'autres encore.  Un des assassins, José Polycarpo, s'était enfui. Carvalho lui-même présida le procès. Le 12 janvier 1759, la sentence fut rendue, et les accusés dont nous avons cité les noms furent exécutés le lendemain. Du coup, la haute aristocratie était décapitée. La vieille marquise de Tavora avait pour confesseur un jésuite, le P. Malagrida. Il fut saisi le 11 janvier 1759, plus tard condamné comme hérétique par l'Inquisition (septembre 1761), garrotté et brûlé. Sept autres jésuites furent impliqués dans le complot. Le 19 janvier 1759, le séquestre fut mis sur les biens et les papiers de la Compagnie de Jésus; le 28 juin, un décret déclara pernicieuse l'instruction que les Pères donnaient à la jeunesse et prohiba leurs livres; enfin le 3 septembre fut signé un décret, publié le 5 octobre, les expulsant du Portugal et de ses colonies, décret aussitôt exécuté avec une extrême rigueur. Au cours de sa procédure contre les, jésuites, le ministre avait fait adresser au pape un mémoire justificatif (20 avril 1759). Tout en autorisant les poursuites, Clément XIII avait fait appel à la clémence du roi (2 août). Bientôt les rapports se tendirent au sujet de la Compagnie de Jésus entre la cour de Portugal et le Saint-Siège. D'autres griefs s'élevèrent entre eux et, le 17 juin 1760; Pombal invita brusquement le nonce à quitter Lisbonne. Les rapports avec la papauté devaient rester suspendus de longues années, pendant lesquelles le ministre de Joseph s'attaqua à d'autres congrégations religieuses. Les relations avec le Saint-Siège ne furent officiellement renouées que lorsque Clément XIV eut dissous la Compagnie de Jésus (21 juillet 1773).

Nouvelles réformes
La façon rigoureuse dont il avait puni l'attentat contre le roi valut à Carvalho, le 16 juin 1759, le titre de comte d'Oeiras. Plus tard, le 17 septembre 1770, il devait être créé marquis de Pombal. Sa lutte contre les jésuites n'avait pas absorbé toute son activité. Le 19 mai 1779, il fonde l'École de commerce. En 1760, il remplace le tribunal ecclésiastique pour la censure des livres par une institution laïque, la mensa censoria. Cette même année, une grave difficulté avec l'Angleterre est réglée à son avantage. L'amiral Boseawen avait brûlé quatre navires français de M. de La Que sur la côte portugaise, près de Lagos. Pombal réclama si énergiquement que lord Kinnoull fut envoyé pour apporter au roi les excuses du gouvernement anglais. Le 7 mars 1764, le ministre faisait signer le décret organisant le collège des nobles, doté des biens des jésuites, ouvert le 19 mars 1766. Cette même année 1761, il réorganisait le Trésor royal. En 1762, la conclusion du Parte de famille, l'injonction qui suivit, adressée au Portugal, de fermer ses ports aux Anglais, forcèrent Pombal à s'occuper de l'armée, que Jean V avait laissée réduite à 5 000 ou 6 000 hommes. Pombal appela le comte de Schaumbourg-Lippe et le prince Charles de Mecklembourg-Strelitz pour la réorganiser. Grâce à eux, près de 50 000 hommes furent mis sur pied et permirent de résister à l'Espagne jusqu'à la paix conclue par le traité de Fontainebleau (1763). 

Après cette alerte, Pombal garda une armée de 30 000 hommes. La marine de guerre, restaurée en même temps, comptait, en 1766, 12 vaisseaux de ligne et  14 frégates : il n'y avait que 2 navires au début, du règne. Quant à la marine marchande, elle se voyait octroyer, le 10 septembre 1765, une liberté précieuse : des vaisseaux isolés pourraient quitter Lisbonne, à toute époque, pour trafiquer au Brésil avec les provinces non engagées aux Compagnies à charte. En 1768, le marquis créait l'imprimerie royale, confiée à Nicolas Pagliardini. Il soutenait de son mieux les manufactures de soie, de laine, de papier, installait à grands frais une verrerie. En 1764-65, une attaque de paralysie; en 1768, une tumeur à la cheville, arrêtaient à peine son travail. Le départ des jésuites avait laissé le Portugal et ses colonies presque dénués de professeurs. Par, décret de 1772, Pombal ouvrait 837 écoles primaires ou secondaires. Il se faisait  nommer cette même année lieutenant général de l'Université de Coimbra, réformait celle-ci, y créait des chaires d'histoire naturelle et de mathématiques, un jardin botanique, lui donnait les statuts qui la régiront longtemps. Le 12 août, il instituait un collège des arts au couvent de Mafra. Le roi, reconnaissant, faisait placer le portrait en relief de Pombal sur le socle de sa statue équestre, inaugurée à Lisbonne le 6 juin 1775. A ce moment, on découvrait un complot : un Génois, Jean-Baptiste Pelle, avait formé le projet de faire sauter l'appartement du marquis.

Les dernières années.
Cependant la domination de Pombal touchait à sa fin. Il ne devait pas présider lui-même au règlement d'une question qui le préoccupa longtemps et amena de nombreux conflits avec l'Espagne, jusqu'en 1777-78 : la délimitation entre les possessions espagnoles de l'Uruguay et le Brésil. Le roi Joseph, malade depuis 1774, mourut le 24 février 1777. La reine, sa femme Maria-Ana-Victoria, était régente depuis juin 1776. Le 5 février 1777, Pombal, prévoyant la mort de Joseph, demanda à résigner ses fonctions, annonçant qu'il laissait 78 millions de cruzados dans le Trésor royal. La demande n'ayant pas été agréée, il la renouvela le 1er mars. La nouvelle reine, dona Maria Ire, l'autorisa le 4 à se retirer dans sa ville de Pombal, en lui maintenant ses appointements de secrétaire d'État et en lui donnant la commanderie de Santiago de Lanhozo, de l'ordre du Christ. Une réaction immédiate suivit sa chute. 

Tous les prisonniers du règne précédent furent mis en liberté. Dans le cours de l'année 1777, les privilèges des Compagnies du Gran Para et de Pernambuco étaient dénoncés, ceux de la Compagnie d'Oporto étaient restreints. La reine Marie et son époux, d'une très grande dévotion, s'entouraient de membres du clergé et de nobles, hostiles au marquis. Un libelle de José Caldeira Soares Calhardo e Mendanha commença  l'attaque. Pombal riposta par un procès et publia une Défense. Le 3 septembre 1779, la reine ordonna la suppression du libelle et de la défense, mais le 9 octobre elle faisait commencer, auprès de l'ancien ministre, une enquête qui dura, jusqu'au 15 janvier 1780. Au mois d'octobre suivant, elle autorisait la révision du procès des conjurés de 1758. Le 3 avril 1781, quinze juges sur - dix-huit se prononçaient pour la réhabilitation des Tavora, en exceptant le duc d'Aveiro. Cependant il se produisit des hésitations; l'avis des juges ne fut pas publié par la reine; cela ne l'empêcha pas, le 16 août suivant, de promulguer un décret par  lequel, revenant sur l'enquête de 1779, elle déclarait le marquis de Pombal « réellement coupable et digne d'un châtiment exemplaire », l'exemptant, à cause de son âge, de toute peine corporelle, mais le soumettant à toutes les restitutions, dommages et intérêts dont pourraient statuer les tribunaux. Le vieillard ne survécut guère à ce dernier coup. Il mourut le 8 mai 1782, à Pombal. (H. Léonardon).



En bibliothèque - J.-M. de Souza Monreiro, Historia de Portugal desde o reinado da senhora D. Maria I, Lisbonne, 1838, 2 vol. in-8. - Vida, successos e fallecimento do rey João V; Lisbonne, 1750.

Mémoires de Sébastien-Joseph de Carvalho et Mélo, comte d'Oeyras, marquis de Pombal,  Lisbonne et Bruxelles, 1754, in-12. - Anecdotes du ministère de Pombal; Varsovie, 1783, in-12. - L'administration de Sébastien Joseph de Carvalho et Mélo, comte d'Oeyras, marquis de Pombal; Amsterdam, 1786, in-8. - Memoirs of the marquis of Pombal, with extracts from his writings and from despatches in the State papers Office, publisbed by John Smith; Londres, 1843, in-8. - Oppermann, Pombal and die Jesuiten; Hanovre, 1845. - F.-L. Gomes le Marquis de Pombal, esquisse de sa vie publique; Lisbonne, 1869, in-8. - Michel Chevalier, le Marquis de Pombal, dans la Revue des Deux Mondes, 1er septembre 1870. - Cannota, Marquis de Pombal; Londres, 1871. - J.-M. Latino Coelho, Historia politica e militar de Portugal desde os fins do XVIII seculo até 1814; Lisbonne, 1874, t. 1, in-8.  - A. Cardoso, O marquez de Pombal,  Lisbonne, 1882, in-16. - Une conjuration en Portugal, dans Revue Bleue, 1889, 1re semaine. - B. Duhe, S. J., Pombal, sein Charakter und seine Politik, Fribourg-en-Brisgau, 1891, in-8. - J. Du Hamel du Breuil, Un ministre philosophe; Carvalho, marquis de Pombal, dans Revue historique, 1895-96.

En librairie - José-Augusto Franca, Une ville des Lumières, la Lisbonne de Pombal, EHESS, 1995.

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