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Haïti, République dominicaine |
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Avant l'arrivée
des Européens, l'île d'Hispaniola (divisée aujourd'hui en deux
Etats, Haïti et la république Dominicaine) était peuplée, comme Cuba,
par les Taïnos, qui avaient cependant développé une culture distincte
de celle des Taïnos de Cuba. Comme à Cuba,
les Taïnos d'Hispaniola pratiquaient l'agriculture, la pêche et la chasse.
Ils étaient organisés en villages dirigés par des chefs. Hispaniola
était également connue pour sa richesse en or, qui a attiré l'attention
des premiers explorateurs européens.
Longtemps appelée en Europe Saint-Domingue, Hispaniola ou Haïti ou encore Ayti (c'est-à -dire le pays montagneux en langue caraïbe) l'île fut atteinte par Christophe Colomb le 6 décembre 1492 et fut le siège du l'établissement européen en Amérique. Les Espagnols y fondèrent en 1495 Santo-Domingo, dont la prompte prospérité fit donner à toute l'île le même nom. Ils eurent bientôt soumis et exterminé les indigènes, à tel point qu'à peine il restait 150 Indiens au milieu du XVIe siècle. On pallia alors le manque de main-d'oeuvre avec des esclaves importés Afrique. La colonie n'avait encore que peu d'importance lorsque l'amiral anglais Drake la ravagea en 1586. Vers 1640, des boucaniers qui s'étaient établis dans l'île de la Tortue près de la côte septentrionale d'Haïti, dévastèrent les établissements espagnols, et après avoir été reconnus par le gouvernement français, ils finirent par s'établir dans la partie occidentale de l'île; le traité de Ryswick, en 1697, céda définitivement cette partie à la France. La colonie française s'accrut rapidement. Mais ses nombreux esclaves, traités de façon ignoble, se révoltèrent en 1722; cette première tentative fut facilement réprimée; Un nouveau soulèvement général eut lieu en 1791. En 1793, Mayaca, chef noir, s'empara du Cap-Français (Cap-Haïtien) et en massacra tous les habitants libres. L'année suivante, un autre chef, Toussaint Louverture, enleva les principales places de la colonie française, chassa une armée anglaise que les colons de la Jamaïque avaient envoyée au secours des Blancs, et s'empara de la partie espagnole d'Haïti, que l'Espagne venait de céder à la France (1795). En 1802, le général Leclerc, à la tête de 20000 Français, débarqua à Saint-Domingue, s'empara par surprise de la personne de Toussaint Louverture et l'envoya en France. Les hostilités, un instant suspendues, recommencèrent en 1803 sous la conduite du général noir Dessalines, l'un des lieutenants de Toussaint les Français furent refoulés ,jusqu'au Cap, et Rochambeau, qui avait succédé à Leclerc, fut obligé de se rendre à une flotte anglaise. L'indépendance fut proclamée en 1804. Toutefois ce n'est qu'en 1805 que l'île fut complètement évacuée par les troupes françaises. Dessalines, maître de l'île, prit le titre d'empereur d'Haïti sous le nom de Jacques Ier; il fut assassiné en 1806. Christophe s'empara aussitôt du pouvoir; après une lutte acharnée contre Pétion, son rival, il resta maître de la plus grande partie de l'île, et prit en 1811 le titre de roi, sous le nom de Henri Ier. Pétion conserva néanmoins jusqu'à sa mort la partie Sud de l'île et y maintint le gouvernement républicain. Christophe périt dans une insurrection militaire en 1820. Alors Boyer, qui avait succédé en 1818 à Pétion dans le gouvernement du sud, fut proclamé président. Il soumit la partie espagnole et devint maître de toute l'île. Plusieurs présidents se succédèrent Boyer, Hérard, Guerrier, Pierrot, Riché et, enfin Soulouque, en 1847. Ce Dernier se fit proclamer empereur en 1849 sous le nom de Faustin Ier. Il fut renversé en 1859, et la république fut rétablie sous la présidence de Geffrard, que remplaça Salnave (1867). Au milieu de tous ces troubles, la partie orientale de l'île s'était définitivement séparée. Elle formait depuis 1843, sous le nom de République dominicaine, un État à part. Santana fut le fondateur de cette république qui eut ensuite pour président Bonaventure Baez. La République dominicaine résista aux efforts de Faustin Soulouque, empereur d'Haïiti, tendant à réunir l'île entière sous son pouvoir, et remporta sur lui une victoire en 1856. L'intervention des diplomaties européennes mit fin à une guerre civile en 1858. Baez assiégé dans Saint-Domingue par le général Santana, consentit à se démettre de la présidence et à quitter le pays, où Santana s'engagea à maintenir l'ordre. Le général Valverde fut ensuite élu président. L'Espagne renonça en 1865 à cette ancienne possession qui s'était replacée volontairement sous sa domination en 1861. Au XXe siècle, Haïti, première république noire indépendante de l'histoire, a continué, aussi bien dans sa partie occidentale qu'orientale, d'être déchirée par les luttes internes, attisées souvent par les intérêts d'affairistes nord-américains ou européens. La République de Haïti et la République dominicaine se sont trouvées placées longuement sous la botte de dictatures sanglantes et de régimes corrompus. Mais alors que la République dominicaine semble aborder le XXIe siècle, avec des perspectives d'apaisement, la république de Haïti a célébré le bicentenaire de son indépendance, en 2004, dans un climat d'agitation et de misère persistantes. Dates-clés : 1492 - Arrivée des Européens (Colomb). |
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Haïti
à l'arrivée des Européens
L'histoire d'Haïti
commence à être écrite avec lal'arrivé sur l'île de Christophe
Colomb le 6 décembre 1492. Venant de Cuba Au point de vue politique, l'île était partagée en cinq royaumes principaux ayant chacun son cacique. Au Nord-Ouest, le royaume de Marien, gouverné par Guacanaric, s'étendait de l'embouchure du Yaqui Grande à celle de l'Artibonite; au Sud-Ouest, le Xaragua, gouverné par Bohechio, occupait la bande du Sud, presqu'île du cap Tiburon et alentours; au Nord, le Maragua ou royaume de la plaine, gouverné par Guavionex, occupait là plaine aujourd'hui dénommée Vega Real; la pointe orientale de l'île formait le Higuey ayant pour cacique Gayacoa; enfin, entre ces districts, était celui de Maraguana, soumis à Caonabo; il était séparé du Higuey par le cours de la Javna, du Maragua par le massif du Cibao, du Xaragua par celui de Bahuruco et touchait au Marien dans le haut bassin de l'Artibonite. Il existait encore en Haïti d'autres cantons de moindre importance, comme le Ciguay dans les montagnes centrales, le Bahuruco. Au-dessous des caciques principaux, monarques héréditaires, chefs politiques et religieux, étaient des caciques inférieurs, sorte de gouverneurs de province, tributaires des précédents. C'est avec Guacanaric, cacique du Marien, que Christophe Colomb fut d'abord en rapport. Il accueillit avec empressement les étrangers, et c'est chez lui que s'éleva le fort de la Nativité construit avec les débris du navire Santa Maria, jeté à la côte et où l'amiral laissa quarante Espagnols. La tyrannie de ceux-ci irrita les Indiens; le cacique du Maraguana, Caonabo, d'origine caraïbe, envahit le Marien et les massacra; le vieux Bohechio, cacique du Xaragua, s'attaqua également au Marien. A son retour, le 28 novembre 1493, Christophe Colomb bâtit une nouvelle colonie sous le nom d'Ysabela, à l'Est du cap Monte Cristi; il vengea ses soldats; il prit Caonabo qui fut noyé dans un naufrage, et infligea une sanglante défaite à son frère. Cette victoire détermina la soumission de la plupart des petits chefs. La colonie d'Ysabela fut mise sous les ordres du frère de Christophe Colomb, Bartolomé. Celui-ci la transféra en 1496 sur la côte méridionale, sous le nom de Nueva Ysabela, plus tard Santo Domingo (1496), à l'Est de l'Ozama, puis à l'Ouest de ce fleuve (1502). A l'intérieur de l'île, dans la région des sables aurifères du Cibao, objectif de la cupidité des envahisseurs, s'éleva le fort Saint-Thomas. Bohechio, auprès de qui s'était réfugiée sa soeur et héritière Anacoana, veuve de Caonabo, vit son pays envahi par Bartolomé Colomb et paya tribut. Le cacique du Maragua, Guavionex, se souleva; traqué dans les monts du Ciguay, il fut pris et exécuté à Santo Domingo. Bientôt la mort de Bohechio laissa le Xaragua à sa soeur. Celle-ci fut attaquée par Ovando, pour un retard dans le payement du tribut ; le Xaragua fut dévasté et la princesse Anacoana pendue (1503). Cayacoa, cacique du Higuey, se souleva en 1506, détruisit le fort espagnol bâti sur ses terres et résista vaillamment, mais inutilement; il fut pris et exécuté. En 1507, les massacres des indigènes, les morts causées par le travail des mines avaient réduit la population à 60 000 personnes; en une armée, dit-on, 300 000 avaient péri. En 1514, eut lieu une dernière révolte, menée par un cacique de Bahuruco; après une lutte de treize années, on lui laissa un vallon boisé près de Santo Domingo, au lieu où se trouve le village actuel de Boya. Les descendants de ces derniers Indiens libres y vivaient encore en 1750, et on les y retrouve, mais mélangés aux mulâtres du voisinage. En 1517, il ne survivait plus que 14000 des indigènes d'Española; en un quart de siècle, ils avaient diminué dans la proportion de 70 à 1; en 1533, on en comptait 4000 à peine; en 1717, on n'en retrouve qu'une centaine. Toutefois leurs métis forment encore le fond de la population du Nord de l'île. Les mines d'or de San Cristoforo découvertes par Bobadilla, exploitées ensuite par Ovando, avaient achevé d'user les Indiens et, après ceux d'Haïti, avaient en quelques années coûté la vie à 40 000 autres amenés des îles Bahamas. La destruction de l'élément indigène fut un grand malheur pour l'île. Le massacres systématiques, le travail des mines, les maladies, les famines avaient en quelques années consommé l'extermination de cette population douce et incapable de résistance. Elle a du moins légué à ses successeurs, un certain nombre de mots qui ont passé dans les langues européennes : patate, tabac, cassave, gayac, maïs, igname, cacique, canot. L'institution de l'esclavage des Noirs Les Espagnols, maîtres
d'une île dont ils avaient pratiquement exterminé la population, se trouvèrent
embarrassés pour l'exploiter, car ils se souciaient peu de travailler
eux-mêmes. Afin de suppléer à la main-d'oeuvre indienne, ils importèrent
des esclaves d'Afrique. Commencée dès 1505, elle fut régularisée par
l'édit de 1517, autorisant l'importation annuelle de 4000 Noirs africains
en Haïti. Cette immigration était indispensable à la colonie. Le dur
travail des mines, bien que rémunérateur puisqu'il fournit plus de 36
millions par an et un total de près de 400, fut délaissé et n'a plus
été repris; le vide se fit dans l'île quand on se jeta sur le Mexique
et le Pérou, dont les trésors attirèrent tous les aventuriers en quête
d'une fortune rapide. Haïti, de colonie minière, devint une colonie agricole.
L'origine des plantations remonte à Pedro d'Atenza qui y apporta des Canaries Ces aventuriers français, anglais, etc., à partir du premier quart du XVIIe siècle, prirent pied en Haïti, à l'île de la Tortue, sur la côte septentrionale et occidentale. Ces boucaniers vivaient de la chasse, des boeufs sauvages, et s'entendaient avec les corsaires. Les Espagnols ne réussirent pas à les éliminer. Aidés par les commerçants français de Saint-Christophe, ils créèrent des établissements sédentaires sur la côte septentrionale de l'île, restée à peu près déserte. Ils se consolidèrent au Petit-Goave vers 1654, puis au Port-de-Paix, obtinrent de Louis XIV l'envoi d'un gouverneur français, Dageron (1661) et organisèrent une véritable colonie (1665). Saccagée par les Espagnols (1676), elle n'en comptait pas moins, en 1687, 8000 habitants, dont 4411 Blancs et 3582 Noirs ou gens de couleur. Plus pratiques que les Espagnols, les colons français créaient une population servile, amenant autant de femmes que d'hommes et élevant les enfants de ces familles d'esclaves, de sorte que les Noirs se reproduisirent normalement, au lieu d'être sans cesse renouvelés par la traite. Celle-ci continua d'amener surtout des travailleurs mâles, mais le Saint-Domingue français ne connut pas une disproportion entre les deux sexes aussi grande que les autres îles. Saint-Domingue, colonie française Lorsque la colonie, restaurée par Ducasse (1691), fut définitivement reconnue au traité de Ryswick, qui céda à la France le tiers occidental de l'île, elle prit un grand essor. Celui-ci date surtout de 1722, quand les règlements qui paralysaient le commerce furent modifiés. Au XVIIIesiècle, la colonie française de Saint-Domingue fut le type des colonies à plantations et de beaucoup la plus riche du Nouveau-Monde. Bien que plus petite que sa voisine, la colonie espagnole, elle était trois ou quatre fois plus peuplée et plus prospère. Au moment de la délimitation de 1776, qui a fixé les frontières conservées par la suite entre la région française et la région espagnole de l'île, la première, vaste de 28 000 km² au plus, possédait plus de 11 500 plantations, tandis que la seconde, sur 48 000 km², n'en comptait que 5528. Le recensement de 1788 constatait dans le Saint-Domingue français 27 717 blancs, 21808 gens de couleur (Noirs et Métis) libres et 405 464 esclaves, soit un peu plus de 455 000 habitants. Le Saint-Domingue espagnol (Est de l'île) n'avait que 125 000 habitants, dont seulement 15 000 esclaves. La moindre importance des plantations rend compte de cette différence et de l'écart moindre entre les éléments blanc et noir. Au XVIIIe siècle, il semblait que tout l'avantage fût pour le système des planteurs français. La culture de l'indigo et surtout celle de la canne à sucre leur procurèrent d'énormes bénéfices. Ils purent ainsi « se procurer un personnel de Noirs vraiment exceptionnel pour sa vigueur et sa beauté. Sur les marchés des Antilles, les hommes d'élite étaient réservés noir les « habitations » de Saint-Domingue, tandis que les Nègres de rebut étaient laissés aux acheteurs moins fortunés des Petites Antilles. Par un procédé de sélection analogue à celui qu'emploient les éleveurs d'animaux, les Blancs d'Haïti obtinrent pour la culture de leurs terres et le service de leurs équipages de sucriers sur une race de nègres sans égale dans les autres îles. Mais singulier retour des choses ce fut peut-être ce choix attentif de beaux et vaillants Nègres qui fut la cause déterminante de la défaite et du massacre des propriétaires blancs. Les solides «-ateliers-» de noirs recrutés pour l'esclavage s'étaient peu à peu fondus en une race énergique, mûre pour l'indépendance. Les planteurs, enivrés par la fortune, ne songeaient qu'à augmenter l'étendue de leurs domaines et les bandes de leurs esclaves. Très puissants en cour, alliés par les mariages aux familles nobles de France, ils faisaient encourager la traite par les exemptions de taxe et les faveurs royales. Bordeaux, la cité française par laquelle se faisait le commerce de Saint-Domingue avec l'ancien monde, avait alors le premier rang parmi les ports d'Europe pour l'ensemble des échanges. » (Elisée Reclus).La période de la plus grande prospérité de la colonie fut celle du quart de siècle qui précéda la Révolution française. En 1791, la production de sucre atteignait 73 500 tonnes, celle du café (en 1789) 43 000 tonnes. L'exportation de l'île vers la France, en 1789, représentait 203 370 067 livres coloniales. Elle fournissait à l'Europe presque tout son coton et son sucre. Les esclaves, qui faisaient les frais de cette fortune, unique dans l'histoire des Antilles, étaient soumis à l'oppression la plus dure; les iniquités et l'aveuglement des planteurs amenèrent leur ruine. |
Au
temps de la Révolution
Au moment où éclata la Révolution française (1789), il y avait dans la colonie française, en dehors des esclaves, trois classes d'habitants dont une seule accaparait tous les droits. C'était celle des Grands Blancs, propriétaires des plantations qui formaient l'aristocratie foncière; au-dessous, les Petits Blancs, bourgeoisie et peuple des villes, commerçants, artisans, employés, gens d'affaires réclamaient, comme en France, l'égalité. Puis venaient les Mulâtres, au nombre de 25 000 environ, à peu près égaux en instruction aux Blancs et désireux d'obtenir, eux aussi, l'égalité. Enfin, au-dessous de ces trois classes d'hommes libres étaient les esclaves, sept ou huit fois plus nombreux, et qui allaient prendre conscience de leurs droits et de leur force. Cependant, au début, les réclamations ne vinrent que des « Petits Blancs » et des Mulâtres. Mais en Europe se constituait la société des « Amis des Noirs », qui demandait l'abolition de l'esclavage. Les aristocrates ne voulaient faire nulle concession. Maîtres du gouvernement colonial, ils bravaient leurs adversaires. Aux constitutionnels s'opposaient les monarchistes. L'Assemblée constituante procéda timidement, hésitant à prendre parti contre les planteurs. Elle promulgua, en 1790, une loi électorale qui ne reconnaissait pas explicitement le droit de vote des hommes de couleur. Elle avait fait convoquer une assemblée coloniale; celle-ci entra bientôt en conflit avec le gouverneur. Les Mulâtres, dirigés par Ogé, revendiquèrent en déclarant qu'ils « ne s'occupaient pas des Nègres dans l'esclavage ». Ogé fut traqué, extradé par les Espagnols chez qui il s'était enfui et périt sur la roue. L'Assemblée constituante finit pourtant par donner aux mulâtres, nés de père et de mère libres, l'éligibilité aux assemblées coloniales. Exaspérés, les planteurs se mirent en hostilité ouverte avec la métropole. Revêtant l'uniforme anglais, leurs délégués allèrent à la Jamaïque mendier le secours des Anglais. Un soulèvement éclata inaugurant ce que l'on a appelé alors « la guerre de races ». Le 23 août 1791, les Mulâtres et les Noirs s'insurgèrent aux environs de Cap-Français (auj. Cap-Haïtien). La confusion était telle qu'une partie des Noirs s'armèrent au nom de Louis XVI et à l'appel des prêtres comme « gens du roi », contre les autorités constitutionnelles; mais la lutte prit vite un caractère ethnique. Dans les campagnes, les Noirs égorgeaient les Blancs, qui leur faisaient subir d'atroces représailles aux alentours des villes. De part et d'autre, on commit d'effroyables atrocités, torturant les captifs avant de les tuer. Ces carnages devaient tourner contre les Blancs, beaucoup moins nombreux, d'autant que l'émigration les affaiblissait. « Cette révolte, écrit Onésime Reclus, fut pour nous un désastre immense, car presque toutes les familles nobles du Sud-Ouest, dans le pays de la basse Dordogne, de la Garonne et de l'Adour, avaient des parents ou des amis à Saint-Domingue. De mois en mois, de semaine en semaine, l'île perdit tous ses Blancs car ceux qui échappèrent aux combats ou aux surprises se dispersèrent de tous côtés; les uns passèrent le canal du Vent et s'établirent à CubaNous ne pouvons retracer ici les mille épisodes de cette lutte poursuivie durant des années. La division des Blancs, l'hostilité des Espagnols et des Anglais ravitaillant d'armes les Noirs insurgés, leur assurèrent l'avantage. Les Blancs avaient d'abord concédé l'égalité aux Mulâtres; mais, le décret ayant été rapporté, les Mulâtres s'allièrent décidément aux esclaves soulevés et maîtres du haut pays. Les Blancs entrèrent en lutte avec la République établie en France, de sorte que les commissaires envoyés par la Convention pour administrer l'île, Polverel et Sonthonax prirent parti pour les Noirs. Ils leur donnèrent la liberté (1793) et, l'année suivante, la Convention ratifia cette mesure en donnant aux Noirs l'égalité politique (4 février 1794). Ils s'emparèrent alors de Cap-Français (21-23 juin 1793) dont les habitants blancs furent massacrés. Ce fut le sort de milliers de colons. En revanche, les Noirs combattirent les Anglais et les Espagnols qui, après avoir pris Port-au-Prince ![]() Le traité de Bâle
(22 juillet 1795) donna à la France la partie espagnole de Saint-Domingue.
Toussaint Louverture fut nommé par le Directoire général en chef des
troupes de Saint-Domingue. Ce dictateur fit preuve d'un très grand savoir
faire; il pacifia l'île, y fit reconnaître partout son autorisé. Les
25 000 Anglais débarqués en 1797 furent anéantis par la fièvre jaune,
et la poignée de survivants durent se rembarquer. Toussaint
Louverture essaya de tirer profit pour lui-même de cette situation.
Il forma une assemblée centrale de sept Blancs et trois Mulâtres qui
vota une constitution (9 mai 1801) et l'élut gouverneur à vie de la colonie
de Saint-Domingue. Son gouvernement était modéré et il cherchait l'entente
avec les Blancs. Ceux-ci la rejetèrent. Le premier consul Bonaparte,
époux d'une créole, voulut reconquérir Saint-Domingue et y expédia
son beau-frère, le général Leclerc, avec 25 000 hommes et une flotte;
Toussaint ne pouvait résister de front, mais ses partisans et lui restaient
maîtres de l'intérieur. Leclerc l'attira dans un guet-apens aux Gonaïves
et l'embarqua pour Brest Indépendance et sécession La proclamation officielle d'indépendance eut lieu le 1er janvier 1804, au congrès réuni aux Gonaïves. Dessalines, élu président, rendit à l'île son ancien nom d'Haïti. Il fit procéder à l'extermination méthodique des Blancs, et se comporta en tyran capricieux et violent, se fit couronner empereur sous le nom de Jacques ler (8 octobre 1804), fabriqua une nouvelle constitution (20 mai 1805), fut assassiné dans une émeute (17 octobre 1806). Les chefs du mouvement étaient le Mulâtre Alexandre Pétion et le Noir Henri Christophe. Les vainqueurs se divisèrent; la cause de cette scission fut double : d'une part, une question ethnique, l'hostilité entre Mulâtres et Noirs, les premiers se jugeant supérieurs; d'autre part, une question sociale, le régime de la grande propriété n'ayant pas été modifié, de sorte que l'immense majorité des habitants, et spécialement les Noirs, quoique affranchis, n'avaient pas de terres. Ce double antagonisme s'est perpétué depuis lors, et, plus que la différence de couleur, l'antagonisme entre propriétaires et prolétaires est au fond de la plupart des guerres civiles et des révolutions, si nombreuses en Haïti depuis cette époque. Les Espagnols avaient
réoccupé l'Est de l'île; Christophe se fit proclamer président par
une assemblée constituante qu'il réunit à Port-au-Prince La moitié occidentale s'était, avons-nous dit, morcelée en trois fragments. Rigaud, délaissé par les siens, se laissa mourir de faim; son lieutenant et successeur, Borgella, se soumit à Pétion; celui-ci fut un des meilleurs souverains qu'ait eus Haïti; il s'efforçait de remédier à l'inégalité sociale, et distribuait des terres aux officiers et soldats de son armée. Mais il ne put établir solidement son pouvoir sur la presqu'île méridionale, où, après Rigaud, un Noir, le cacique Henri, se rendit indépendant. Du côté du Nord, un compromis était intervenu avec Christophe, et on sépara les deux États par une bande inculte de dix lieues de large, qui fut bientôt couverte d'inextricables fourrés constituant une barrière naturelle. Christophe se fit proclamer roi sous le nom de Henri ler (mars 1811) et calqua la constitution de l'Empire français. Il promulgua un code (code Henri), organisa une cour parallèle à celle de Napoléon, maintint l'esclavage. Pétion donna, au contraire, sa république (2 juin 1816) une constitution modèle (abolition de l'esclavage, liberté de la presse, responsabilité des fonctionnaires, deux Chambres, président à vie). En face des prétentions de la Restauration qui rêvait de reconquérir Saint-Domingue, il s'entendit avec son rival. A sa mort (27 mars 1818), Christophe essaya d'annexer la république mulâtre. Mais celle-ci avait pour chef l'habile général Jean-Pierre Boyer. Ce furent, au contraire, les Mulâtres du Nord qui rendirent intenable la position de Christophe. En face d'une insurrection, il se suicida le 8 octobre 1820; son fils, le prince royal, fut égorgé. Le général Paul Roman fit proclamer la république, mais ne put y prévaloir; l'armée reconnut le président Boyer qui occupa le Cap et réunit ainsi en une république haïtienne toute la partie occidentale de l'île. Il réussit aisément à s'emparer de la partie orientale qu'il enleva à l'Espagne, de sorte que, le 19 février 1832, il se trouva maître de l'île entière. Les principales nations
européennes avaient reconnu le nouvel État. Les États-Unis,
où prévalait la politique esclavagiste, furent les derniers à reconnaître
l'indépendance d'Haïti, et seulement en 1862. La France l'avait fait
en 1825, mais elle stipula une indemnité de 150 millions en faveur des
anciens colons expropriés. Cette indemnité fut une charge écrasante
que la jeune république ne put supporter. Elle subit de graves crises
financières et finit par obtenir, par le traité du 11 février 1838,
faisant à la France des concessions commerciales, que le paiement serait
réduit à 60 millions; les versements furent réguliers jusqu'en 1844,
puis suspendus et repris à dater de 1848. Boyer se maintint au pouvoir
durant vingt-cinq années. Ses perpétuels conflits avec la Chambre des
représentants finirent par amener sa chute. D'abord vainqueur de son adversaire,
Hérard Rivière, il succomba en face d'une insurrection qui éclata en
février 1843. Il s'enfuit à la Jamaïque, puis en France, où il mourut
(1850). Après quelques mois d'anarchie, Rivière fut élu président (décembre
1813) et on vota une constitution imitée de celle des États-Unis ( Après la naissance
de la République dominicaine.
Le Sénat lui donna
pour successeur le Noir Faustin Soulouque (1er
mars 1847). Il débuta par le massacre des principaux bourgeois de Port-au-Prince Geffrard se comporta
avec une grande modération, fit une large part aux Noirs dans son administration.
Il eut bientôt les complots du général Salomon, ministre de Soulouque.
Sa clémence envers les premiers conspirateurs (général Lespérance,
général Prophète) ne réussit pas. Il réprima sévèrement les suivants
après le meurtre de sa fille; les tentatives faites à Gonaïves (septembre
1861), aux Cayes (mai 1862), Ã Dessalines (mai 1863), Ã Port-au-Prince Salnave, qui avait
renversé Geffrard, lui succéda. Mais il eut à lutter contre deux
rivaux ; le général Domingue dans le département du Sud et le général
Nissage-Saget, maître du Nord, s'intitulaient l'un président de l'État
méridional, l'autre président d'Haïti; Salnave n'était reconnu que
dans les villes principales. Ses adversaires s'intitulaient parti des Cacos
(perroquets Le parti des nationaux, qui l'avait culbuté, porta à la présidence le général Boisrond-Canal. Celui-ci s'empressa de faire banqueroute, déclarant illégaux les emprunts contractés par son prédécesseur. Il fut incapable de maintenir l'ordre et vit s'insurger contre lui le parti libéral ayant pour chef Boyer-Bazelais (1879). On se battit à la Chambre où quarante députés furent tués ou blessés, puis dans les rues de la capitale qui fut incendiée. Boisrond-Canal abdiqua. Alors le général Salomon renversa le gouvernement provisoire installé au Cap-Haïtien et en organisa un autre qui le fit élire président (8 octobre 1879). C'était un homme instruit et énergique qui se maintint près de dix ans, non sans lutte, car en mai 1882 on se soulevait sans succès au Cap-Haïtien, puis Boyer-Bazelais débarqua à Miragoane et s'y fortifia (mars 1883). L'insurrection gagna le Sud et la capitale qui fut saccagée par les émeutiers. Le président rétablit l'ordre et réprima la révolte avec une extrême cruauté, exterminant ses ennemis. Il fut réélu président pour sept ans (juin 1886). Il s'engagea ensuite dans un conflit avec l'Angleterre qui appuyait les prétentions d'ailleurs fantaisistes d'une Haïtienne, qui se disait Anglaise, sur l'île de la Tortue, et cherchait à se saisir de cette île. Les Haïtiens, grâce
à l'intercession de la France, s'en tirèrent moyennant une rançon de
800 000 F (avril 1887). Le général Salomon avait essayé de faire supprimer
la clause de la constitution de 1879 interdisant aux étrangers les acquisitions
de biens-fonds, espérant vivifier l'agriculture; mais le mécontentement
déchaîné par cette proposition fut une des causes de l'insurrection
de 1883. La chute du général Salomon fut le signal d'une nouvelle période
d'anarchie. Cette chute eut lieu en juillet 1888, Ã la suite d'une insurrection
où Port-au-Prince Et pendant ce temps, en république Dominicaine... L'histoire de la république orientale n'a été guère moins troublée que celle de sa voisine depuis leur scission. Celle-ci était presque inévitable dans des pays aussi fréquemment livrés à la guerre civile, attendu qu'il existe entre les deux moitiés de l'île un contraste qui est la conséquence de leur histoire antérieure. Depuis le milieu du XVIIe siècle, une partie est espagnole, l'autre française. Nous avons vu que la colonie espagnole, plus pauvre et moins peuplée, renferme une population de Mulâtres, alors que dans l'ancienne colonie française les Noirs sont en écrasante majorité : différence de langue, de moeurs, tout concourt à les séparer. Momentanément réunies, de 1822à 1844, elles se sont ensuite détachées complètement. Les gens de Saint-Domingue
refusaient de participer au paiement de l'indemnité payée à la France
pour dédommager les anciens colons de la moitié occidentale, alléguant
que c'était une question qui ne les regardait pas. Le 27 février 1844,
une insurrection éclata, dirigée par don Pablo Dunte. Elle réclamait
l'autonomie sous le protectorat français et était le résultat de manoeuvres
concertées avec le consul général de France et l'amiral de Moges, commandant
la station française des Antilles. Ceux-ci furent désavoués par Louis-Philippe,
et les Dominicains constituèrent un État indépendant. Ils se donnèrent
une constitution, imitée de celle du Venezuela, et élurent président
un éleveur, Pedro Santana, homme énergique et capable, qui battit Soulouque
( La république Dominicaine, qui avait été reconnue en 1848 par la France, en 1850 par l'Angleterre, conclut le 2 octobre 1854 un traité d'amitié, de commerce avec les États-Unis; mais la France et l'Angleterre, désirant sauvegarder l'indépendance de la jeune république, protestèrent et firent rejeter le traité par le congrès dominicain. Santana repoussa de nouvelles agressions de Soulouque, mais il sentait diminuer sa popularité et abdiqua (juin 1857). Le vice-président Manoel de Reglamotte, qui lui succéda, le réconcilia avec Baez, et ce dernier revint prendre la présidence; son retour fut salué par une insurrection dirigée par Balverde, qui rappela Santana. Baez fut battu, enfermé dans la capitale et capitula (juin 1858). Santana reprit le pouvoir. On désirait se débarrasser de l'hostilité des Haïtiens, avec lesquels on n'avait que des trêves. Lassé des dissensions intestines et soucieux de trouver une protection efficace, Santana se prêta à un retour sous la domination espagnole. La situation était très délicate. Pour obtenir de l'Espagne la reconnaissance de l'indépendance de son ancienne colonie, on avait inséré dans le traité du 16 février 1856 une clause dite d'immatriculation, aux termes de laquelle les sujets nés espagnols et leurs enfants pouvaient reprendre la nationalité espagnole en se faisant inscrire sur un registre spécial. Comme, d'autre part, on exemptait des impôts publics et du service militaire les Espagnols habitant l'île, il s'ensuivit que tous les gens riches se firent immatriculer comme Espagnols. Le gouvernement devenait impossible; Santana n'ayant pu empêcher cette manoeuvre à cause de l'attitude de l'Espagne, se retira et céda la place à Baez. Le mal gagnant sans cesse, tout ce qui avait quelque ressource devenait espagnol. Santana jugea que le seul remède était de procéder à l'annexion complète, de manière à rétablir les charges sur la généralité des habitants. Il s'entendit avec le gouvernement de Madrid et, le 18 mars 1861, proclama la réunion du territoire dominicain aux possessions espagnoles. Baez et Cabrai protestèrent, armèrent, mais ne purent tenir. La reine d'Espagne accepta et nomma capitaine général Santana, qui le resta peu de temps. Haïti et le Pérou protestèrent; la France appuya l'annexion; l'Angleterre fut mécontente ; les États-Unis, paralysés par la guerre de Sécession, n'intervinrent pas. Mais le 16 août 1863 éclata un soulèvement; un gouvernement provisoire présidé par Salcedo fut établi à Santo Domingo. Une guerre de partisans épuisa les forces des Espagnols, contre lesquels un nouveau président, Polanco, dirigea la lutte avec énergie. Cabral les vainquit à La Canela, près de Neyba (4 décembre 1864), et l'insurrection devint générale. Les Cortès espagnoles votèrent l'évacuation de l'île, et le décret d'incorporation fut rapporté (5 mai 1865). On élut président Baez (novembre 1863), bientôt renversé par Pimentel (juin 1866) et remplace par Cabral. Celui-ci déclara la guerre à la république d'Haïti parce qu'elle avait appuyé Baez; mais ce dernier souleva le Nord de la république Dominicaine et chassa son rival (janvier 1868). Baez s'engagea alors
dans une longue négociation avec les États-Unis.
Ceux-ci avaient offert à Cabral d'acheter pour deux millions de dollars
la baie de Samana (1868). Baez, qui avait voulu en faire un port libre,
la loua à des capitalistes de New York Le XXe siècle La violence qui n'a cessé de se déchaîner dans l'île depuis l'arrivée des Européens s'est poursuivie au XXe siècle. Le début du siècle s'est signalé par l'intervention des États-Unis, soucieux des menaces que l'agitation intérieure et les convoitises européennes font peser sur leurs investissements, et qui envoient les marines occuper la République de Haïti de 1915 à 1934, et la République dominicaine de 1916 à 1924. La République
de Haïti.
En janvier 2010, un tremblement de terre massif de magnitude 7,0 a frappé Haïti avec un épicentre à environ 25 km à l'ouest de Port-au-Prince. Selon les estimations, plus de 300 000 personnes ont été tuées et quelque 1,5 million se sont retrouvées sans abri. Le tremblement de terre est considéré comme le pire dans cette région au cours des 200 dernières années. Plus récemment, en août 2021, un tremblement de terre de magnitude 7,2 a fait plus de 2000 morts et environ 500 000 personnes nécessitant une aide humanitaire d'urgence. Cette catastrophe est survenue deux mois seulement après l'assassinat du président dans sa propre maison, ce qui avait déjà plongé le pays dans le chaos. La République
Dominicaine.
L'ancien président Leonel Fernandez Reyna (premier mandat 1996-2000) a été élu pour un nouveau mandat en 2004 à la suite d'un amendement constitutionnel permettant aux présidents de remplir plus d'un mandat. Il a ensuite été réélu pour un deuxième mandat consécutif. Suite à la présidence de deux mandats de Danilo Medina Sanchez (2012-2020), Luis Rodolfo Abinader Corona a été élu président en juillet 2020. (A.-M. Berthelot). |
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