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Histoire de la Grèce antique
La Grèce sous la domination de Rome
La domination romaine fut un peu plus douce pour les Grecs, à la fin de la République, qu'elle ne l'était pour d'autres, protégés par de moins illustres ancêtres. Mais la décadence fut ici plus complète, et, même sous l'Empire, la Grèce ne retrouva pas de prospérité matérielle comparable à celle de l'Asie ou de l'Europe occidentale. Elle connu aussi de nombreuses périodes de troubles alternant avec quelques périodes de tranquillité relative. Mithridate lui apparut vainement comme un libérateur, et la prise d'Athènes par Sylla, en 86 av. J.-C., fut le résultat de la participation des Grecs à la lutte du roi de Pont contre Rome. Après ce dernier effort, la Grèce demeura se montra le plus souvent résignée et n'aspira plus qu'à dominer par les lettres et les arts, dans lesquels elle instruisit les Romains; ce qui a fait dire au poète : 
Gracia capta ferum victorem cepit et artes
Intulit agresti Latio. 
Province romaine sous l'Empire, la Grèce fut ensuite rattachée à l'Empire d'Orient, lors du partage de Théodose, la Grèce fut sans cesse désolé par les invasions des barbares : les Wisigoths, sous la conduite d'Alaric (395-398), ravagent le pays en tous sens; les Vandales (466), les Ostrogoths (475), les Bulgares (500), l'envahissent à leur tour, en attendant que n'arrivent et ne s'installent les Slaves.
Pax romana et autres troubles

Souis l'occupation romaine, les confédérations subsistèrent, occupées surtout de leurs fêtes religieuses et attendant que l'administration romaine les utilisât. Les principales furent celles des Thessaliens, des Amphictions, des Étoliens, des Phocidiens, des Locriens orientaux, des Béotiens, des Eubéens et des Péloponnésiens. Les Spartiates formèrent un groupe distinct, à côté des Éleuthéro-laconiens qui avaient la moitié de la Laconie; Sparte, Athènes et probablement Delphes avaient le privilège de l'immunité. Elles conservaient leur constitution, avec leurs magistrats : à Sparte les patronomes institués par Cléomène; à Athènes, les archontes, stratèges, le grand conseil, l'assemblée, l'Aréopage qui reprit le premier rang. Délos, devenue clérouquie athénienne, hérita du commerce maritime de Rhodes et de Corinthe et devint le grand marché de la mer Égée, marché d'esclaves où les Romains en amenèrent jusqu'à 100 000 à la fois, après la prise de Carthage et de Corinthe; les simples trafiquants en amenaient parfois jusqu'à 10 000, vendus en un seul jour. Les pirates, les usuriers romains se livraient à une véritable chasse à l'homme qui fut une des plus graves causes de la ruine des pays grecs et de l'extension de l'esclavage. La sécurité qu'assuraient les anciennes organisations politiques, les Romains ne s'en préoccupèrent pas.

En face des populations désarmées et dégénérées, reparut la piraterie, fléau de l'Archipel. Les Crétois s'y acquirent une détestable notoriété. Les côtes furent dévastées. Un soulèvement d'esclaves ruina les mines du Laurion. Polybe évalue à 6000 talents à peine la valeur totale de tous les biens meubles et immeubles du Péloponnèse. Les guerres continuelles de 228 à 168 avaient épuisé le pays; le désordre économique consommait sa ruine. Une grande partie de la population émigre; négociants, artisans, médecins, acteurs, professeurs d'escrime, pédagogues surtout, vont chercher fortune à Rome. Ce courant d'émigration dura des siècles et justifie tout à fait le mot d'Horace sur la conquête de l'Italie par les Grecs vaincus.

Mithridate.
Pendant un demi-siècle les historiens sont muets sur la Grèce continentale; nul événement ne s'y accomplit qui mérite d'être rappelé. La suppression du royaume de Pergame met sous l'autorité directe de Rome les Grecs d'Asie, qui, plus riches que leurs frères, furent écrasés d'impôts et victimes d'exactions terribles. La paix romaine fut rompue au Ier siècle et Rome se vit menacée dans les territoires helléniques d'Asie et d'Europe par un redoutable adversaire, le roi de Pont, Mithridate. La plupart des Grecs d'Asie se rallièrent à lui dès ses premiers succès et beaucoup prirent part au massacre général des Italiens; seuls les Rhodiens lui résistèrent. Dans l'Hellade, le parti populaire releva la tête. A Athènes, le philosophe Aristion, décida le peuple à se rallier au roi qui se posait en libérateur des Hellènes. La démocratie fut rétablie dans toute son étendue, les amis de Rome persécutés et mis à mort. Il est vrai qu'un détachement envoyé par Aristion pour s'emparer de Délos fut exterminé, mais l'escadre de Mithridate le vengea par la destruction totale de la ville. Les Cyclades, l'Eubée furent conquises par les généraux du roi de Pont, Métrophane et Archélaüs. Thèbes seule resta fidèle aux Romains; les contingents du Péloponnèse décidèrent la défaite du légat romain Bruttius Sura devant Thèbes. Les choses changèrent à l'arrivée de Sylla (Sulla); presque tous les Grecs se rallièrent ou se soumirent; les trésors des temples furent saisis par Sylla pour payer les frais de la campagne. Le siège d'Athènes et du Pirée défendu par Archelaus l'arrêta longtemps (87-86). Athènes fut prise d'assaut et les défenseurs de l'Acropole obligés de se rendre faute d'eau. Le Pirée fut ensuite pris et détruit. L'armée asiatique, qui avait achevé la conquête de la Macédoine, fut détruite à Chéronée. Les Athéniens furent sévèrement châtiés et replacés sous le gouvernement oligarchique. La victoire d'Orchomène termina la guerre en Hellade. Les Grecs d'Asie, déjà las de la tyrannie de Mithridate, bien qu'il s'appuyât sur les prolétaires, se déclaraient pour Rome, jugeant sa souveraineté encore préférable à celle du Barbare hellénisé. Ils n'en furent pas moins durement punis après la paix, à l'exception des cités fidèles, Ilion, Chios, Magnésie et Rhodes. Ainsi finit la dernière guerre qui ait mis en cause la domination des Romains sur la Grèce d'Asie et d'Europe (84).

Quand Sylla repassa par la Grèce, il se montra clément; de nombreux bataillons macédoniens et péloponnésiens l'accompagnèrent en Italie pour y combattre les démocrates. Un corps d'occupation romain resta dans la péninsule. Celle-ci avait énormément souffert, surtout la Thessalie, la Béotie et l'Attique. Thèbes était dépeuplée et ne se releva pas; ce n'était, deux siècles plus tard, qu'un petit hameau; la plupart des villes de Phocide, de Béotie, restaient désertes; Délos également et plusieurs des îles. L'importance économique conservée par Athènes disparut. Les cinquante années qui suivirent furent des années de décadence, les plus lamentables qu'ait connues la Grèce avant les désastres du IIIe siècle de l'ère chrétienne. Les cités asiatiques furent la proie des usuriers à un degré inimaginable.  La province d'Asie, frappée d'une énorme contribution de 20 000 talents par Sylla, se trouvait quatorze ans après dans cette situation d'en avoir payé 40 000 et d'avoir vu le total des dettes monter à 120 000. Elle n'eut même pas la paix pour se relever; Mithridate la rompit en 74 et ses corsaires dévastèrent les côtes, ses armées, les cantons du Nord. La piraterie aggravait et généralisait les maux de la guerre; organisés en une véritable puissance sur le littoral méridional de l'Asie Mineure, à Crète et à Chypre, les pirates étaient maîtres de la mer. Les temples furent dépouillés les uns après les autres, les villes les plus considérables pillées ou rançonnées (Cnide, Colophon, Samos, Samothrace, etc.). Il fallut plusieurs années à Metellus (68-66) pour venir à bout des Crétois qu'il traita avec la plus grande cruauté. L'île dépeuplée par ses massacres ne se releva jamais. Elle fut annexée à la province de Macédoine, puis organisée en province romaine séparée (59) et bientôt réunie à la Cyrénaïque. Cette conquête assujettit la dernière portion de Grèce qui fût restée indépendante. La conquête de la Cyrénaïque (vers 74), des villes de la côte orientale de Thrace (72) et de l'île de Chypre (58) complétèrent la subordination des Hellènes aux Romains. La répression de la piraterie était d'ailleurs un grand bienfait pour les Grecs. Quelques milliers de pirates furent employés par Pompée à repeupler la cité achéenne, Dyme, complètement déserte. Bien des pertes étaient irréparables, observe Finlay, car les fondements de la prospérité publique étaient ruinés, et il était dès lors impossible d'économiser sur la consommation annuelle des habitants ce qu'il eût fallu pour remplacer le capital accumulé pendant des siècles et anéanti. Dans certains cas, la fortune des villes ne suffisait plus pour tenir en état les édifices publics existants. Les ravages de la guerre tarissaient pour longtemps les ressources du pays, car, dans un pays comme la Grèce, il faut le travail de plusieurs années, les économies accumulées de générations entières pour mettre d'arides terres calcaires en état de fournir d'abondantes moissons, pour couvrir d'oliviers et de figuiers, pour construire des citernes et des canaux d'irrigation. La piraterie avait dépeuplé les côtes; à intérieur, les exploitations serviles et les grands pâturages s'étendaient, le nombre des personnes libres décroissait. Les exactions des gouverneurs romains aggravaient le mal; le vol des objets d'art était particulièrement sensible à l'amour-propre des Grecs. Le fameux Verrès passa par l'Achaïe et l'Ionie avant de saccager la Sicile. Pison rançonna de toutes les manières les cités grecques, imposant des amendes arbitraires, vendant aux débiteurs le droit de ne pas payer leurs dettes, accaparant le blé et le revendant à son profit, etc. 

L'arrogance des nobles Romains qui passaient ou s'installaient était invraisemblable; ils agissaient en maîtres. Par compensation, des touristes venaient visiter les lieux fameux ou faire une saison balnéaire à Epidaure, Anticyre, Aedipsos (Eubée); les étudiants romains affluaient aux écoles d'Apollonie, et surtout de Rhodes et d'Athènes. La ville de Périclès dut un regain de splendeur à cette nouvelle industrie. Les fils de l'aristocratie romaine dépensaient largement, à en juger par la pension du fils de Cicéron. Athènes devint et resta pendant un siècle une ville universitaire. Les rois hellénistiques de l'Orient, les Ptolémées, les Attales de Pergame, même les Ariobarzanes de Cappadoce et les Hérodes de Judée se faisaient gloire de lui prodiguer des cadeaux, d'y élever des monuments qui associaient leur nom à celui des grands hommes d'autrefois. Le droit de cité athénien était très recherché et se vendait un bon prix. Les autres villes vivaient aussi de leur mieux par l'exploitation de leur passé. A défaut de la politique, les fêtes, les exercices athlétiques étaient devenus la grande préoccupation. Les jeux Olympiques conservaient leur vogue. La Grèce s'endormait dans une existence tranquille.

Changement de régime à Rome.
Elle en fut tirée par les guerres civiles où sombra la république romaine. Ces guerres qui durèrent vingt années (49-30 av. J.-C.) furent faites avec les ressources militaires et financières des provinces ou des protectorats dont disposaient les chefs de parti. Les vassaux de Rome y eurent donc un très grand rôle. La péninsule gréco-macédonienne fut le principal théâtre de ces guerres; elle vit les trois engagements décisifs (Pharsale, Philippes, Actium) et par malchance elle fut chaque fois du parti du vaincu. Les oligarchies gouvernantes embrassèrent naturellement la cause de Pompée; de toutes les contrées grecques, des milices ou des mercenaires vinrent grossir son armée, compléter ses légions ou former des corps auxiliaires; à sa flotte, malgré son dévouement, Athènes ne put donner que trois navires. Les Epirotes, au contraire, accueillirent César avec enthousiasme; les Etoliens suivirent leur exemple, et le pays entre les Thermopyles et l'Isthme se soumit volontiers, à l'exception d'Athènes. Mais, dans la Thessalie et dans le Péloponnèse où le parti démocratique était plus faible, on resta pompéien. Après la bataille de Pharsale, où les contingents grecs firent piètre figure, Mégare seule résista encore : prise d'assaut, elle eut le sort de Corinthe. Cette guerre de deux ans accrut la désolation du pays. César se préoccupant de le relever y fonda une nouvelle Corinthe. Après le meurtre du dictateur, Brutus fut acclamé à Athènes comme tyrannicide; sa statue et celle de Cassius furent placées près de celles d'Harmodius et d'Aristogiton. La Grèce entière reconnut son autorité; Rhodes qui résista fut saccagée par Cassius. Les Hellènes étaient nombreux dans l'armée républicaine, à côté des Macédoniens. L'armée des triumvirs comptait 2000 Lacédémoniens. Après la victoire, Antoine se montra très aimable, mais demanda d'énormes contributions décuplées par les vols de ses lieutenants. Les douze années de sa domination furent désastreuses pour les Grecs d'Asie et d'Europe ; de la province d'Asie il tira 200 000 talents en un an. Quand le Péloponnèse fut cédé à Sextus Pompée, Antoine eut soin de l'épuiser à fond; il finit d'ailleurs par le garder. Au moment de la lutte dernière, c'est en Grèce que s'assembla l'immense armée d'Antoine. Les Spartiates et les Mantinéens se déclarèrent seuls pour Octave. Au lendemain de la bataille d'Actium, la situation de la Grèce était désespérée. Strabon en a fait le tableau lamentable. Dans l'Epire on voyait plus de ruines que de lieux habités; les terres du haut bassin de l'Achéloos n'étaient plus cultivées; les Athamanes avaient disparu; l'Acarnanie, l'Etolie étaient vides; en Thessalie, Larissa et Démétriade, en Béotie, Thespies et Tanagra, étaient les seules villes dignes de ce nom; Mégalopolis n'était plus qu'une bourgade; la plupart des villes d'Arcadieétaient abandonnées; les îles de la mer Egée étaient désertes et incultes et servaient de lieu de relégation. 

La Messénie, la Laconie, le Nord-Est du Péloponnèse et les îles Ioniennes conservaient seules une certaine prospérité. Octave fut conscient des risques de rébellion que cette misère pouvait engendrer et ouvrit à la population affamée les magasins où étaient accumulés les approvisionnements militaires. Reprenant le plan de César, il s'appliqua au relèvement des provinces et en premier lieu de la Grèce.

La Grèce sous l'Empire

Vie de province.
L'empire romain se signala par une organisation nouvelle; on vit naître des institutions qui réglèrent la vie hellénique durant des siècles. Un ordre de choses nouveau commençait. Des éléments nouveaux furent introduits en Grèce par la fondation de trois grandes colonies romaines, Nicopolis, Patras et Corinthe; dans chacune, à côté des colons italiens, on obligea les habitants des cités voisines à s'établir; ceux d'Ambracie, d'Amphilochie, de Leucade, Anactorion, Calydon, de l'Acarnanie et de l'Etolie presque entière furent réunis à Nicopolis qui reçut la moitié du sol de l'Acarnanie; ceux de l'Achaïe occidentale (Dymé, Olénos, Pharae, Tritaea, Rhypès, etc.) à Patras qui fut dotée d'un vaste territoire (Achaïe occidentale, Etolie maritime, Locride Ozolienne, moins Amphissa). Dans la nouvelle Corinthe les Italiens furent plus nombreux que les Hellènes. Ces trois cités devinrent les plus importantes de la Grèce. Sparte, que le souverain tenait en haute estime, fut dotée de cantons messéniens, de l'île de Cythère; mais les vingt-quatre communes des Eleuthérolaconiens restèrent une confédération indépendante. La situation politique de la Grèce fut fixée de la manière suivante. Elle fut séparée de la Macédoine. Les Grecs de Cyrène et de Crète formaient une province; ceux de Rhodes restaient libres; ceux de l'Asie et des îles étaient incorporés à la province d'Asie ou à celle de Bithynie. La Grèce proprement dite forma la province sénatoriale d'Achaïe, administrée par un gouverneur sénatorial annuel, c.-à-d. par un proconsul aidé d'un légat et d'un questeur. Elle commençait à l'Olympe et aux monts Acrocérauniens, comprenant l'Epire et la Thessalie, et, de plus, les îles de la mer Egée et les îles Ioniennes. Plus tard, ces frontières furent modifiées; la Thessalie et l'Epire (y compris l'Acarnanie et les îles Ioniennes) furent détachées à la fin du Ier siècle. La capitale de l'Achaïe était Corinthe. Quelques cités seulement gardèrent leur « liberté » nominale : Athènes, Sparte, les Eleuthérolaconiens, Elatée, Abae, Delphes, Thespies, Tanagra, Amphissa, Pharsale, Egine, Corcyre, Céphalonie, Zacynthe, et les trois nouvelles colonies qui jouissaient de faveurs spéciales.

La condition des Grecs fut celle des provinciaux, administration et justice romaine; cependant on laissa aux cités leurs constitutions municipales; le conseil des amphictyons fut rajeuni; on institua comme dans d'autres provinces une diète générale (koïnon) qui siègeait à Argos. La passion des titres et des honneurs reçut ample satisfaction. Pendant trois siècles, la Grèce jouit des bienfaits de la paix. C'est alors qu'on vit à quel point elle était épuisée et son peuple usé. Tandis que la province d'Asie se relevait promptement et devenait un des pays les plus riches de l'Empire, l'Achaïe ne réparait que lentement ses pertes et ne retrouvait ni sa prospérité agricole, ni son activité industrielle ou commerciale. Les chevaux de Thessalie, d'Etolie, d'Acarnanie, d'Argoset d'Epidaure, les vins de Lesbos, Samos, Chios, le miel de l'Hymette, les marbres de l'Hymette, du Pentélique, du Taygète, du Ténare, de Paros, de Thasos, de Caryste et de Sayros, les porphyres de Laconie, n'alimentèrent qu'un commerce médiocre; celui des objets d'art avait une grande importance; l'exploitation des touristes fut aussi une ressource précieuse, compensant un peu les exportations de capitaux par les tributs payés à Rome. Les écoles d'Athènes avaient décliné devant la concurrence de celles d'Alexandrie, de Tyr, d'Antioche, de Tarse, de Rhodes, de Mytilène, de Smyrne, d'Ephèse, de Byzance, de Naples, de Marseille. Elles ne reprirent tout leur éclat qu'au IIe sièce. Athènes, Sparte, Tégée et Argos étaient des villes de troisième ordre, sensiblement inférieures aux trois cités nouvelles, Corinthe, Patras et Nicopolis. La décadence de la population urbaine était aussi grave que celle de la population rurale, et dans l'Empire la vieille terre des Hellènes n'eut aucun rôle politique et économique.

Les trois siècles de paix romaine s'écoulèrent obscurément; les moeurs romaines s'implantaient, apportées par des immigrants relativement nombreux ; les noms romains se répandent même parmi les indigènes. La tradition des glorieux ancêtres se perdait et aucun lien moral ne leur rattachait plus la population de leurs héritiers.

Embellie passagère.
Les grands faits de cette période sont, en dehors des jeux Olympiques, Isthmiques, Pythiques auxquels s'ajoutèrent les jeux Actiaques, les visites d'empereurs. On sait voyage artistique de Néron qui vint recueillir 1800 couronnes et récompensa les Hellènes de leurs adulations en leur rendant leur liberté, ce qui avait l'avantage positif les affranchir du tribut; Néron fit aussi commencer le percement de l'isthme de Corinthe. L'économe Vespasien révoqua la liberté octroyée par Néron et en priva même Rhodes, Samos et Byzance, qui l'avaien gardée jusqu'alors et la recouvrèrent après lui. La visite d'Hadrien apporta des bienfaits réels et durables. Jusqu'alors la Grèce était restée dans une situation peu enviable. Le tableau qu'en trace Plutarque montre qu'au début du IIe siècle elle était encore bien misérable. Hors les sept villes que nous avons nommées, plusieurs régions s'étaient encore appauvries depuis Auguste, l'Eubée par exemple; les brebis paissaient sur le marché de Chalcis, le gymnase était devenu un champ labouré; la Béotie orientale était déserte. Quelques grands propriétaires, quelques dizaines de milliers de prolétaires affluant dans les villes et dix fois plus d'esclaves, dans les campagnes surtout; à peine deux ou trois mille familles représentant la classe moyenne des bourgeois ou petits propriétaires qui avait fait la force des cités grecques et fourni encore à Philopoemen des armées dix fois plus nombreuses que n'en eût pu équiper la Grèce de Plutarque. Les nouvelles industries (ver à soie, raisins de Corinthe), qui enrichirent la Grèce byzantine, étaient encore inconnues. Les cités avaient à peine fini de payer les dettes contractées au temps de Sylla et d'Antoine. Le luxe et les prodigalités insensées des riches soulignaient la détresse générale. Le goût des Méridionaux pour le clinquant, la pompeuse rhétorique dont ils masquaient leur gêne leur faisaient une vie factice. Ils souffraient des grands maux économiques de l'Empire, la disparition des hommes libres et de la petite propriété, l'avilissement des prix par la cherté croissante des métaux précieux. L'administration romaine négligeant la sécurité publique, les brigands se multipliaient dans ce pays montagneux.

Hadrien remédia à beaucoup des maux de la Grèce, et de son règne date une nouvelle époque de prospérité. Il adorait la Grèce et la visita souvent, faisant remise des impôts arriérés, construisant des aqueducs, des ponts, des temples, surtout à Corinthe et à Athènes, et où il édifia une ville nouvelle. L'ouvrage de Pausanias permet de juger de l'étendue des progrès accomplis à la fin du IIe siècle ap. J.-C. L'Attique, le Nord et l'Ouest de la Béotie, toute la vallée du Céphise sont prospères, l'Arcadie méridionale est encore désolée, mais le reste du Péloponnèse compte une foule de villes et de bourgs florissants. L'université d'Athènes avait repris tout son éclat.

Cette situation favorable se maintint pendant la première moitié du IIIe siècle. Alors survint la terrible crise monétaire qui ruina l'Empire; les pièces d'argent ne renferment plus que 5% de métal fin à partir de 256; parfois seulement 0,5%. Le drainage des métaux précieux par l'étranger, l'Inde surtout, la falsification des monnaies par les empereurs provoquèrent une crise sans précédent dans le monde antique. A ce moment, trente années de guerres civiles et d'invasions mirent l'Empire à deux doigts de sa perte.

La fin de l'hellénisme antique.
La Grèce, si longtemps couverte par la Macédoine et les provinces danubiennes, fut envahie par les Goths; les guerres serviles se renouvelèrent, apportant aux Barbares un concours redoutable. Les Goths et les Hérules, embarqués sur mer, pillèrent les côtes et îles de la Mer Egée et s'avancèrent dans les terres sans rencontrer de résistance. Sparte, Argos, Corinthe furent incendiées, Athènes rançonnée et pillée; la population des campagnes égorgée ou emmenée en masse. La dépression économique ne permit pas de réparer ces désastres, et la décadence de la Grèce fut rapide. Elle fut toutefois enrayée par Dioclétien et Constantin, les restaurateurs de l'Empire. Constantin était l'ami des Grecs et dans le Bas-Empire les éléments helléniques devinrent prépondérants. La fondation de Constantinople eut cependant pour effet le dépeuplement de nombreuses cités et îles à son profit et la spoliation d'une quantité d'oeuvres d'art. Mais entre le gouvernement nouveau et la vieille Hellade se manifesta un dissentiment profond. L'Hellade restait fidèle à ses dieux et ne voulait pas adopter le christianisme. Les communautés chrétiennes étaient encore peu nombreuses au IIe siècle; même après l'édit de tolérance, la masse de la population resta fidèle aux anciens dieux. L'université d'Athènes fut le dernier foyer de la philosophie païenne. Julien, restaurateur du paganisme, fut regardé comme le bienfaiteur de la Grèce. L'adoption par les classes dirigeantes de la religion nouvelle fut marqué par de violentes persécutions, surtout au temps de Théodose; les temples antiques d'Helios, d'Artemis, d'Aphrodite furent transformés en hôpitaux, en maisons de jeu, en maisons de prostitution. Les jeux Olympiques furent interdits. C'était la fin de l'hellénisme antique : il fait place à la civilisation byzantine. Mais il ne lui fut pas donné de descendre paisiblement au tombeau. Il fut noyé dans le sang par une nouvelle invasion, celle des Wisigoths d'Alaric. Les villes furent presque toutes détruites, les temples démolis, les habitants égorgés ou emmenés en esclavage. A partir de ce moment se perd la trace de la plupart des chefs-d'oeuvre de l'ancienne Grèce (396). Athènes seule avait été épargnée. Son université ne fut fermée que par Justinien (529). La culture antique n'était plus qu'un souvenir. (A.-M. Berthelot).

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