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Histoire de la France
Le Second Empire
1852-1870
Le coup d'Etat du 2 décembre 1851, qui mettait fin à la Seconde République préparait en même temps le Second Empire. Dans la Constitution que le prince-président Louis-Napoléon fit sanctionner par un « plébiscite », il lui suffit de changer quelques mots pour que l'Empire fût rétabli (décembre 1852). Pour l'anniversaire de son coup d'Etat du Deux-Décembre (1851), le prince-président prit le titre d'empereur des Français, « par la grâce de Dieu et la volonté nationale », et, comme si le roi de Rome avait régné, le nom de Napoléon III. Il épousa en 1853 une Espagnole de grande famille, Eugénie de Montijo, comtesse de Téba, dont il eut un fils.

Il y eut un Sénat nommé par l'empereur, un Corps législatif trié par la « candidature officielle», un Conseil d'Etat qui fut le principal organe du travail législatif. Toute liberté de la presse, de réunion ou d'association, fut supprimée. L'université, la magistrature avaient été décimées par l'obligation du serment, les républicains déportés, les monarchistes déçus dans leurs espérances du 24-Février, les commerçants et les industriels séduits par le rétablissement de l'ordre, le clergé gagné d'avance par la restauration du pouvoir temporel du pape.

L'Empire s'appuya principalement sur les classes rurales; les paysans voyaient les bonnes récoltes se succédant, leurs produits se vendre bien; ils étaient ravis que l'on multipliât les constructions de routes, de chemins de fer, d'églises, de mairies. Les classes ouvrières savaient gré à l'empereur d'avoir rétabli le suffrage universel. Il leur accorda le droit de grève (1864); il encouragea la Société mulhousienne des cités ouvrières (1853), fit voter la loi sur les Sociétés coopératives (1867), créa des hospices. En 1867, il présenta un projet de loi sur la Caisse des invalides du travail; les grands travaux de Paris assainirent les quartiers laborieux. 

Le Second Empire mena plusieurs guerres; certaines furent victorieuses, comme la Guerre de Crimée, d'autres furent des désastres comme l'Expédition du mexique. Au final, la Guerre de 1870, déclenchée à l'initiative de Napoléon III fut fatale à son régime. La révolution du 4 septembre 1870, qu fut surtout une insurrection du sentiment national, fit succéder au Second Empire la Troisième République.

Le régime de décembre.
L'année 1852 avait été employée à organiser le régime. La Constitution, promulguée dès janvier, fut, comme l'avait annoncé l'appel du 2 décembre, la copie de celle de l'an VIII, avec quelques variantes point de Tribunat, un Corps législatif élu pour six ans, un président nommé pour dix ans, au lieu d'un consul, dont il n'y eut ensuite qu'à changer le titre.

Le Corps législatif perdit tout droit d'initiative; la publicité de ses débats fut interdite. Comme le gouvernement propose les lois aux députés, il proposera les députés aux électeurs et les préfets les leur imposeront. Autant les nommer lui-même.

La juridiction correctionnelle fut rétablie pour les, délits de presse, les journaux placés sous la surveillance de l'administration; ils pouvaient être suspendus ou supprimés par décret ou, même, par arrêté préfectoral. La liberté de réunion fut à peu près abolie.

Les biens des princes d'Orléans furent confisqués par décret. Comme c'est le propre des périodes troublées de finir par un besoin de soumission, le système était rationnel, puisqu'il fondait sur le silence du peuple, découragé de lui-même, l'autorité absolue du prince.

Mais c'était aussi dans la nature des choses que le système ne durerait qu'autant que les fautes du pouvoir absolu ne démontreraient pas à nouveau l'avantage de la liberté politique, même pour la sécurité des intérêts matériels.

Politique économique du régime. 
Le développement considérable de la richesse publique pendant les années qui suivirent le coup d'Etat avait été préparé par les initiatives de la Monarchie de Juillet et de la Seconde République; les chemins de fer étaient amorcés dans tous les sens.
Le Second Empire fut un continuateur actif et intelligent de ces gouvernements de liberté.

Le réseau ferré s'accrut de 4000 à près de 20 000 kilomètres; les compagnies de navigation furent subventionnées pour l'ouverture de nouvelles lignes; les grandes villes, et d'abord Paris, furent transformées par des travaux d'une utilité à la fois stratégique et hygiénique. La percée de larges voies de circulation rendit impossible la classique insurrection par les barricades et fit pénétrer la lumière et l'air dans des quartiers qui étaient des foyers de pestilence.

D'autres grands travaux publics (construction de ports et de canaux, de halles, de casernes, d'églises, achèvement du Louvre, par sa jonction aux Tuileries, création de parcs) employèrent des milliers d'ouvriers dont les salaires s'accrurent pendant que des traités de commerce avec l'Angleterre et les principaux pays du continent abaissèrent le prix de la vie. Le libre échange stimula l'industrie par la concurrence.

Cette véritable révolution économique fut surtout l'oeuvre de l'anglais Richard Cobden et d'un ancien saint-simonien, Michel Chevalier; elle fut réalisée en dehors des Chambres, par décret, comme un autre coup d'Etat.

La Révolution avait interdit les coalitions entre les ouvriers (pour obtenir des patrons de meilleures conditions de travail); l'Empire supprima le délit de grève et autorisa les coalitions.

Les paysans ne furent guère moins favorisés. L'organisation des chambres d'agriculture, l'établissement de comices et de concours agricoles, les lois sur le déboisement et sur le drainage. l'abolition de l'échelle mobile, en trave au commerce du blé, l'institution des médecins cantonaux, accrurent la prospérité et le bien-être des classes rurales.

L'empereur prit à la Révolution l'idée d'expositions universelles (1855 et 1867). Grandes foires de plaisir, mais où se manifestait la puissance industrielle, agricole, artistique, du pays et qui, par la comparaison avec celle des autres peuples, provoquèrent de nouveaux progrès.

La constitution de nombreuses sociétés de crédit facilita les affaires et aida au succès des emprunts d'Etat.

Politique étrangère de Napoléon III. 
La grande majorité du pays se satisfaisait de cette politique des intérêts. Si Napoléon Ill avait mieux compris les siens, il serait demeuré fidèle au discours de Bordeaux par lequel il préluda au rétablissement de la monarchie césa rienne : «L'Empire, c'est la paix », et il n'aurait jamais fait la guerre.

Mais le souvenir de Napoléon Ier le hantait, il rêva de gloire militaire; il fallait à l'armée d'autres batailles que celle du boulevard Montmartre. Enfin, du droit qui appartient aux peuples de se choisir et de se créer une patrie, il avait déduit une politique nouvelle : la politique des nationalités.

Il avait rêvé dans sa jeunesse d'une Italie affranchie de la domination autrichienne et d'une Allemagne affranchie de la réaction autrichienne. Il continua de penser, durant la plus grande partie de son règne, que sa tâche était de réaliser « la justice » pour l'Allemagne comme pour l'Italie. A cet effet, il rechercha jusqu'en 1867 deux alliances : l'Angleterre, non moins favorable à l'Allemagne qu'à l'Italie, et la Prusse, « amie inséparable de la France », disait son père le roi Louis.

Napoléon Ier avait prophétisé à Sainte-Hélène : « Le premier souverain qui, au milieu de la grande mêlée, embrassera de bonne foi la cause des peuples, se trouvera à la tête de l'Europe »; Napoléon III se crut cet homme.

La pensée du Rhin lui fut étrangère. « La reine Victoria lui trouvait l'esprit plus allemand que français » (Emile Ollivier). Il appelait l'Italie « sa seconde patrie ». S'il poursuivit la revision des traités de 1815, le principal avantage ne fut pas pour la France. Tout au plus, il réclama la Savoie et Nice. Louis XV seul a été aussi désintéressé que lui et il n'y a jamais eu de prince plus cosmopolite.

Il ne fit pas seulement la guerre de Crimée pour repousser dans l'ombre le 2 décembre, rompre ce qui restait de la Sainte Alliance, s'imposer à l'Europe, mais aussi pour préparer son intervention en Italie.

Quand les devoirs qu'il se croyait envers ses idées l'eurent conduit à faire la guerre pour chasser l'Autriche de l'Italie et à aider la Prusse à chasser l'Autriche de l'Allemagne, et lorsqu'il se trouva ainsi, à son insu, l'artisan de l'unité italienne et de l'unité allemande, tout à coup ses devoirs envers son pays lui apparurent et il aperçut que le premier des grands intérêts français, c'est l'équilibre. Mais alors il ne sut que tomber au piège de la Prusse, - d'où la catastrophe dont les conséquences ont pesé sur le monde pendant presque un siècle.

La Guerre de Crimée.
Napoléon III s'engageait dès le mois de mars 1853, dans une politique hostile à la Russie, qui devait aboutir à la guerre de Crimée. Les Russes ayant envahi la Moldavie et la Valachie, 13 juillet, la France et l'Angleterre firent entrer leurs flottes dans la mer Noire, 4 janvier 1854, et, sur la réponse hautaine du tsar Nicolas Ier à la lettre conciliante de Napoléon III, elles déclarèrent la guerre à la Russie, 27 avril. Le 14 septembre suivant, une armée franco-anglaise débarqua en Crimée et les victoires de l'Alma, 20 septembre, d'Inkermann, 5 novembre 1854, de Traktir, 16 juin 1855, le siège et la prise de Sébastopol, 29 septembre1854 - 8 septeptembre 1855, amenèrent le traité de Paris, 30 mars 1856, qui maintenait l'intégrité de l'Empire ottoman. La mer Noire, ouverte à la marine marchande de tous les pays, fut interdite à tout bâtiment de guerre. D'autre part, la Russie renonça à tout protectorat sur la Valachie et la Moldavie. 

La Guerre d'Italie.
En 1859, l'invasion du Piémont par l'Autriche décida la France à une guerre nouvelle. Les victoires de Montebello, 20 mai, de Magenta, de Marignan, de Solferino, 4, 8 et 24 juin, enlevèrent à l'Autriche la Lombardie, que les préliminaires de Villafranca, 11 juillet, et les traités de Zurich, 16 octobre - 10 novembre cédèrent à Victor-Emmanuel. Mais l'Italie ne s'arrêta pas au point où Napoléon l'aurait voulu : elle fit son unité, malgré la France, qui réclama et obtint comme compensation la cession de la Savoie et de Nice, traité de Turin, 24 mars 1860. Elle reconnut le royaume d'Italie, mais en lui imposant l'obligation de laisser Rome au pape et de respecter ce qui restait encore des États pontificaux. Cette condition fut renouvelée dans la convention du 15 septembre 1864.

Les Guerres lointaines
Comme s'il n'avait jamais promis que l'Empire serait la paix, Napoléon III ne fut pas plutôt sorti de la guerre d'Italie qu'il entreprit des expéditions lointaines, de caractères d'ailleurs fort différents.

Les premières, en Asie, accrurent le domaine colonial de la France ou fortifièrent sa politique traditionnelle dans le bassin oriental de la Méditerranée et dans l'Océan Indien. La dernière, en Amérique, dirigée contre l'indépendance d'un peuple, annoncée comme a la grande pensée du règne, finit par une catastrophe.

Expédition de Syrie.
En Syrie, ce fut à titre de mandataire de l'Europe, que l'empereur envoya une forte brigade pour châtier les Druzes, qui avaient assailli les vieux clients de la France les Maronites. Beyrouth fut occupé jusqu'à la refonte des institutions et la nomination d'un chrétien comme gouverneur du Liban. Pour courte qu'ait été cette apparition du drapeau français en Syrie, elle ne fut pas inutile au succès d'une autre entreprise.

Le creusement du canal de Suez. 
Déjà l'Antiquité avait voulu percer l'isthme de Suez qui unit l'Asie à l'Afrique et sépare la Méditerranée des mers d'Extrême-Orient. Proposé vainement par Leibniz à Louis XIV, le percement de l'isthme figura au programme de l'expédition de Bonaparte en Egypte. On retrouva les traces du canal ébauché par les Pharaons. L'école saint-simonienne reprit les travaux de Laplace et de Fourier. Un ancien diplomate, Ferdinand de Lesseps, chez qui la foi à l'humanité et à la science touchait au génie, obtint la concession de l'affaire. En quinze années, il remporta sur le désert une belle victoires, en menant à bien le creusement du canal de Suez.

La Cochinchine.
En Indochine, les mauvais traitements exercés contre des missionnaires amenèrent l'intervention d'une escadre française; Saïgon, puis toute la Cochinchine furent ajoutés au domaine colonial français (L'histoire du Vietnam).

La France imposa aussi son protectorat à un Cambodge fragilisé par les ambitions du Siam.

Prise de Pékin. 
L'expédition de Chine associa de nouveau l'Angleterre et la France. Le vieil Empire ne s'était entrouvert qu'à regret au commerce de l'Europe et à la propagande arrogante des missions; les traités qu'il avait consentis étaient constamment violés.

Une armée de 20 000 hommes, où le contingent français était commandé par le général Cousin-Montauban, s'empara de Takou, mit en déroute au pont de Pali-Kao une énorme cohue de Chinois et de Mongols et occupa Pékin. Le pillage du Palais d'Eté entacha cette rapide victoire (octobre 1860).

Un traité solide confirma les anciennes conventions, ouvrit aux Européens de nouveaux ports et accorda la liberté des cultes.

L'Expédition du Mexique.
Mais l'expédition du Mexique fut, pour l'Empire, le commencement d'une décadence qui devait être rapide et conduire la France à une épouvantable catastrophe. Abandonnée par ses alliés anglais et espagnols, l'armée française s'empara de  Puebla, 17 mai 1863, et installa à Mexico, avec le titre d'empereur, l'archiduc Maximilien, frère de l'empereur d'Autriche. Mais les républicains du Mexique, sous la direction du président Juarez, firent une guerre acharnée au nouveau gouvernement. Ils furent appuyés par les réclamations menaçantes des États-Unis, qui obligèrent Napoléon III à rappeler ses troupes, mars 1867, et l'empereur Maximilien fut pris et fusillé, 19 juin. Cette fin déplorable d'une expédition impolitique et mal conduite remua profondément l'opinion publique, d'autant plus que la guerre du Mexique avait empêché la France d'avoir une politique ferme dans les affaires européennes. 

Les dernières années du Second Empire

Tandis qu'au dehors l'Empire descendait ainsi, poussé par ses propres fautes, de l'apogée où l'avait porté la guerre de Crimée, d'importantes transformations s'étaient opérées au dedans.

Déclin du système de Décembre.
Le régime de 1852 étant la dictature, il n'y avait qu'un mot que l'empereur ne pouvait pas prononcer impunément c'était celui de liberté. D'instinct, quand les ouvriers du faubourg Saint-Antoine applaudirent à la guerre « démocratique » d'Italie, ils saluaient la fin prochaine de l'Empire autoritaire.

Napoléon III ne fut pas plutôt revenu d'Italie qu'il se sentit obligé à relâcher le carcan. Ayant mené la guerre contre l'absolutisme de la maison d'Autriche, le moins qu'il devait à la France, c'était « la liberté comme en Autriche ». Mais du moment qu'il cessa d'être logique avec lui-même, qui s'était proposé puis imposé comme l'homme providentiel, il sapa son oeuvre en pensant la consolider.

Les sénatus-consultes. 
Pas mal de lassitude physique aidant, Napoléon III décida de donner aux grands corps de l'Etat, Sénat et Corps législatif, « une participation plus directe à la politique générale ». Un décret de 1860, puis deux sénatus-consultes rétablirent le droit pour les Chambres de répondre au discours impérial par une adresse, la publicité de leurs séances et la plénitude de leurs pouvoirs financiers.

Dès qu'un peu d'air eut pénétré dans le régime jusqu'alors hermétiquement clos, l'activité politique se réveilla; nécessairement, elle se tourna contre celui qui avait interrompu son sommeil.

Les Cinq. 
Jusqu'en 1863, et seulement depuis 1857, il n'y eut, sur les bancs du Corps législatif, que cinq députés hostiles : Hénon, Darimon, Emile Ollivier, Ernest Picard et Jules Favre. Ces cinq opposants républicains tenaient tête avec beaucoup de force, mais sans violence, aux ministres sans « porte-feuille », dont le rôle était de plaider pour le gouvernement devant les Chambres. Ils prirent dans l'opinion une importance considérable.

Moins la presse est libre, plus elle est favorable au développement des vrais talents; les grands journalistes de l'époque (Nefftzer, Peyrat, Prévost-Paradol, J.-J. Weiss, Emile de Girardin, John Lemoinne, Veuillot) appartinrent tous à la presse d'opposition.

Elections de 1863.
L'organisation de la candidature officielle aux élections de 1863 fut confiée par l'empereur à Persigny, l'un de ses complices de Strasbourg, qui ne s'embarrassait pas de légalité, passait pour habile et fâcha jusqu'aux bonapartistes les plus complaisants.

Les anciens partis, républicains, légitimistes et orléanistes, formèrent une coalition sous le nom d'Union libérale. Divisés dans le passé et sans dissimuler qu'ils le seraient dans l'avenir, ils étaient d'accord contre l'Empire.

Nul ne pouvant être candidat sans prêter serment à l'empereur, les « purs » s'abstenaient, non sans fierté, mais sans profit pour la cause. Le refus de serment continua à être le mot d'ordre des grands proscrits républicains, qui avaient repoussé l'amnistie, Hugo, Charras, Schoelcher, Quinet, et des féaux du comte de Chambord. L'opinion des « assermentés » l'emporta dans les réunions préparatoires des partis. L'opposition fit passer tous ses candidats à Paris, trente-cinq dans tout le pays.

Thiers et Berryer furent élus. Les adversaires de l'Empire réunirent deux millions de voix.

Le pays ne se sentit pas moins soulagé en rentrant dans la liberté que, dix ans auparavant, en entrant dans le silence.

L'unité allemande. 
La restauration d'un peu de liberté à l'intérieur ne fut que la moindre conséquence de la guerre d'Italie; l'unité italienne fut la préface de l'unité allemande.

II y a de grandes différences entre les deux entreprises et les deux oeuvres. Les Italiens se sont volontairement unis en un seul corps de nation, sous une monarchie constitutionnelle et démocratique les Allemands, de gré ou de force, ont été réunis, sans rompre entièrement leur organisation fédérative, sous une domination militaire et féodale. Les uns et les autres étaient las des divisions qui font d'un peuple fragmenté la proie facile de l'étranger.

Comme Cavour, Bismarck eut d'abord l'appui de Napoléon III.

Avènement de Bismarck. 
C'était un hobereau brandebourgeois, d'une vieille famille militaire dont la devise rappelle celle de Fouquet : Noch lange nicht genug, « bien loin d'être assez ».
Prussien dans la moelle, et s'en targuant, il annonça, dès ses débuts dans la vie publique, son ambition : 

« La Prusse restant Prusse et donnant la loi à l'Allemagne. »
Avec moins de brutale franchise, il entendit pas autrement, à aucun moment, l'unité allemande.

Il a raconté lui-même que sa résolution de chasser l'Autriche de l'Allemagne data de son séjour à Francfort, comme ministre de Prusse auprès de la Diète, et qu'il amorça son entreprise comme ambassadeur à Pétersbourg et à Paris. Il eut vite fait de constater chez le tsar une violente animosité contre l'Autriche.

Ce fut Napoléon III qui, le premier, lui parla d'« alliance diplomatique ». Le danger était à Berlin, l'empereur continua de le voir à Vienne.

Bismarck et les lois militaires. 
Quand le roi Guillaume appela Bismarck à la présidence du Conseil (1862), le général de Roon était déjà ministre de la Guerre et le général de Moltke chef de l'étatmajor.

Ils étaient tous trois liés d'ancienne date; ils le restèrent toute leur vie. Il y a peu d'exemples d'une aussi longue et redoutable association. Bismarck se fit tout le suite l'homme du parti militaire.

La hambre prussienne était opposée aux projets de Roon sur la réorganisation, c'est-à-dire sur l'accroissement de l'armée. Bismarck fit simplement rétablir par la Chambre des seigneurs les crédits rejetés et, mis en minorité, resta aux affaires.

Loin de s'en cacher, il proclama son mépris des assemblées parlementaires et des politiques pacifiques. Il dit crûment que « les grandes questions du temps ne seraient pas décidées par des discours et des décisions de majorité », mais « par le fer et par le sang ». La fameuse formule : « La force prime le droit » n'est que la traduction synthétique (par le comte Schwerin) de l'un de ses discours.

Guerre des duchés. 
L'Empire allemand des Hohenzollern est sorti des trois grandes guerres qui furent déchaînées en moins de six années (1864-1870) par cet homme d'Etat plein de génie et de ruse, sans humanité et sans scrupule, L'impéritie de ses adversaires et l'imprévoyance des autres gouvernements ne le servirent pas moins que sa puissante intelligence et l'armée prussienne.

Il commença par associer l'Autriche à son entreprise contre les duchés de l'Elbe; la possession en avait été reconnue au Danemark par le traité de Londres (1852) qui portait les signatures de l'Autriche comme de la Prusse. On doit accorder que, si le Slesvig du Nord était certainement danois, le Holstein n'était pas moins certainement allemand et que la question, posée par l'avènement de la dynastie de Glucksburg, après la mort du roi Frédéric, était complexe.

Pendant que Bismarck poursuivit la campagne diplomatique dont il a dit lui-même que c'est son oeuvre maîtresse, Roon, le ministre de la Guerre, dit plus simplement : 

« La question est de force, non de droit. »
L'Angleterre n'eut que des velléités d'intervenir; Napoléon III répondit « qu'une guerre entre l'Allemagne et la France serait la plus impie et la plus risquée » et « qu'il n'y fallait pas songer ». Le petit Danemark fut écrasé à Duppel, malgré une héroïque résistance (1864).

Conflit entre la Prusse et l'Autriche. Cette complicité morale des grandes puissances dans l'affaire danoise fut l'origine des malheurs qui s'abattirent par la suite sur l'Europe, et, d'abord, sur l'Autriche.

Bismarck, alléguant la géographie, réclama la proie commune pour la Prusse seule, quitte à indemniser l'Autriche en argent. Il sut manoeuvrer si bien qu'en moins de deux ans, ce fut l'Autriche, au printemps de 1866, qui parut vouloir la guerre. Elle refusa de prendre part au Congrès qu'avait proposé l'Angleterre si on ne lui garantissait pas par avance le Holstein et la Vénétie, que réclamait l'Italie.

L'entrevue de Biarritz. 
Cette fois encore, Bismarck mit Napoléon III dans son jeu. Thiers qui, du premier jour, vit clair dans les desseins de Bismarck et les dénonça dans des discours prophétiques au Corps législatif, avait remué l'opinion. Bismarck s'adressa directement à l'empereur.

Venu en France à l'automne de 1865, il eut avec lui à Biarritz, de longs entretiens secrets où il joua le rôle de tentateur.

Selon ses propres récits, Bismarck aurait expliqué seulement que les remaniements qu'il préparait en Allemagne étaient conformes au système napoléonien des « grandes agglomérations »; hostile par principe à « la mosaïque disjointe » des Allemagnes, l'empereur profitera de la guerre pour achever à Venise son oeuvre italienne interrompue à Villafranca.

Bismarck lui fit-il, en outre, entrevoir une compensation territoriale sur le Rhin? En tout cas, il lui parla de la Belgique; puisqu'il fit savoir au roi des Belges que Napoléon lui en avait parlé, et Venise fut son grand argument, puisqu'il ne se gêna pas de dire en s'en allant que, «si l'Italie n'existait pas, il faudrait l'inventer ».

Alliance italo-prussienne. 
L'empereur, toujours son propre ministre des Affaires étrangères, travailla au traité d'alliance entre la Prusse et l'Italie contre l'Autriche. Il fit dire à La Marmora :

« Il est indispensable que vous déterminiez la Prusse à la guerre et que vous vous mettiez vous-même en état de la faire. »
Quand la guerre éclata, la France n'eut pas un seul homme sur le Rhin. Bismarck a reconnu que le moindre rassemblement de troupes aurait empêché la Prusse de porter le gros de ses armées en Bohème.

Sadowa
En moins d'un mois, l'Autriche et les Etats de la confédération germanique qui s'étaient joints à elle furent écrasés. La victoire de Sadowa (3 Juillet 1866) mit l'armée prussienne aux portes de Vienne. Il ne servit de rien à l'Autriche qu'elle eût, dans le même temps, battu les Italiens sur terre et sur mer, à Custozza et à Lissa.
Bismarck, en grand réaliste, ne voulut de la victoire que les « résultats imposés par les nécessités politiques ». Il dut tenir tête au roi qui voulait une entrée triomphale à Vienne et des morceaux de Bohème. Il se refusa à ruiner et à humilier l'Autriche, exigea seulement qu'elle sortît de l'Allemagne. Il l'avait vue sans déplaisir céder la Vénétie à Napoléon III pour qu'il eût la gloriole d'en faire remise aux Italiens, qui se blessèrent du procédé.

La confédération du Nord. 
En Allemagne, il alla exactement jusqu'au bout de la première étape de son grand dessein. Par la réunion des duchés de l'Elbe, du Hanovre, de la Hesse, du Nassau et de la ville libre de Francfort, la Prusse gagna 4 millions d'habitants, s'agrandit plus qu'elle n'avait fait à aucune autre époque et, de la Sarre au Niémen, ne fut plus que d'un seul tenant. Les vingt États, que Bismarck laissa subsister au nord du Mein, entrèrent dans la confédération du Nord dont la Prusse eut la présidence avec la direction de la politique étrangère et le commandement suprême des armées.

Les Etats du Sud, en reconnaissance pour leurs territoires respectés, conclurent des conventions militaires qui assuraient le concours de leurs forces en cas de guerre.
Ce n'était pas encore l'Empire des Hohenzollern; mais c'en était le cadre.

Les compensations. 
Sadowa éclata à Paris (selon le langage du temps) comme « un coup de tonnerre ».

C'était les prévisions de Thiers justifiées : 

« Alors que, de Marignan à Almanza, la France avait lutté avec ténacité pour abattre l'Empire des Habsbourg, elle allait rééditier elle-même le colosse germanique. » 
Celles de Quinet seront vérifiées à leur tour : 
« L'Allemagne qu'on a déchaînée ne s'arrêtera pas là ».
On prêta ce mot au maréchal Randon, ministre de la Guerre :
« C'est la France qui a été vaincue à Sadowa ».
L'empereur se sentit atteint et suivit la politique la plus incohérente. Dans la même journée (5 juillet 1866), il ordonna et contremanda la convocation des Chambres et la mobilisation. Tantôt il déclara dans une circulaire aux puissances, écrite tout entière de sa propre main, que « la France ne devait prendre aucun ombrage de la Prusse agrandie », que e la Prusse assurait l'indépendance de l'Allemagne » et que, tout ce qui s'était passé, la France (c'est-à-dire lui) l'avait voulue.

Tantôt il demanda à la reconnaissance de Bismarck des compensations territoriales qui calmeraient l'opinion.

Les refus de Bismarck.
Nécessairement , Bismarck, vainqueur, refusa tout : le 15 août, la rive gauche du Rhin jusqu'à Mayence; le 20, son alliance offensive et défensive avec des facilités pour acquérir le Luxembourg et le concours éventuel des troupes prussiennes pour la conquête de la Belgique, car l'empereur, pour s'excuser devant lui-même, venait de découvrir et d'écrire à Rouher qu'il « n'y avait pas de nationalité belge»; - enfin, au printemps suivant, la simple adhésion de la Prusse à la vente, consentie par le roi de Hollande, du duché de Luxembourg.

Après avoir ameuté le Reichstag contre « l'aliénation d'un domaine allemand » et forcé le roi de Hollande à retirer sa parole, Bismarck consentit seulement, au milieu d'un premier tumulte de guerre, à un arbitrage.

La conférence de Londres décida le retrait des troupes prussiennes de la forteresse du Luxembourg, démantelée et déclarée neutre (mars-mai 1867).

Mentana.
A l'automne, Garibaldi avant tente un coup de main contre Rome, l'empereur envoya un corps d'armée au secours du pape. Garibaldi fut battu à Mentana et Rome de nouveau occupée,

au grand mécontentement des Italiens. Ainsi, moins d'un an après que Napoléon III avait lui-même coalisé la Prusse et l'Italie contre l'Autriche, son entreprise contre l'équilibre de l'Europe ne tournait pas autrement que celle de Louis XV au siècle précédent. Bismarck avait continué Frédéric, etThiers pouvait dire : « Il n'y a plus une faute à commettre. »

L'Exposition universelle. 
L'Empire reçut un dernier rayonnement de l'Exposition universelle de 1867, où s'empressèrent tous les peuples et tous les souverains de l'Europe (le tsar, le sultan, l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse avec Bismarck et Moltke).

Bismarck est convenu (dans une lettre à l'historien Sybel), que, pendant les trois dernières années de l'Empire, « les velléités hostiles ne firent que des apparitions temporaire ».

En effet, passé le vif mouvement d'humeur d'après l'ascension soudaine de
la Prusse, le pays redevint très résolument pacifique : s'il y eut désormais un parti de la guerre, ce fut une minorité qui s'inquiétait moins de l'unité allemande que de l'ébranlement de l'Empire depuis le Mexique et Sadowa.

Le projet du maréchal Niel.
L'empereur vit très exactement qu'il y avait deux choses à faire : fortifier l'armée, par application du vieil adage que « préparer la guerre, c'est vouloir la paix », et étayer l'Empire par la liberté. Puis, à son ordinaire, il ne fit encore qu'ébaucher et ne porta dans l'une et l'autre entreprise qu'une décision vacillante, où la volonté parut parfois comme abolie.

Après avoir étudié avec le maréchal Niel un projet de loi militaire qui, par la fixation du contingent annuel à un chiffre immuable, aurait donné un effectif de combat de 600 000 hommes et, avec les réserves de la garde mobile, une armée de 1 200 000 hommes, il céda au Corps législatif qui, majorité et opposition, refusait de « militariser toute la jeunesse ». Les députés gardèrent le droit de fixer le contingent, sans pouvoir jamais dépasser 100 000 hommes.

L'Empire libéral. 
Pareillement, il continua si bien à flotter entre son habitude de ses anciens ministres, Rouher, qu'on appelait « le vice-empereur », Magne, Baroche, et son goût pour les hommes du Tiers Parti, bonapartistes ralliés à la liberté et opposants ralliés à l'Empire, que ses concessions successives se retournèrent contre lui, mécontentant ses amis de la première heure, et, loin de désarmer ses adversaires, les excitant.

Thiers inclinait à aider à la transformation de l'Empire, mais il ne pardonnait pas le 2 décembre. Pour lui, comme pour Berryer et les républicains, c'était une question d'honneur.

Au contraire, Emile Ollivier, fils d'un ancien proscrit, lui-même préfet de la République de 1848, puis l'un des Cinq, et, avec Jules Favre, leur plus bel orateur, s'était
laissé gagner par Morny, le demi-frère de l'empereur, président du Corps législatif, en coquetterie avec la gauche, puis par l'empereur lui-même; il avait rapporté la loi sur les coalitions. La lutte fut entre Rouher et lui.

La souscription Baudin.
L'abolition du régime discrétionnaire de 1852 avait été suivie de l'apparition de nombreux journaux, pour la plupart républicains et très ardents, le Rappel des fils de Victor Hugo, le Réveil de Delescluze, la Lanterne d'Henri Rochefort, pamphlet hebdomnadaire qui menait moins la guerre contre les idées que contre les personnes.
Du moment que l'Empire rendait la main à la presse, il eût fallu prendre son parti du bruit que fait la liberté; au contraire, le ministère public multiplia les procès devant les tribunaux correctionnels, seuls compétents et qui condamnaient toujours.

La suppression du pamphlet de Rochefort fit de cet amuseur un personnage; le procès intenté aux journaux qui avaient ouvert une souscription publique pour élever un monument au représentant Baudin, évoqua les origines du régime dans le même temps où il travaillait à les faire oublier.

Le procès Baudin.
Le plaidoyer de Gambetta, jeune avocat qui avait déjà attiré l'attention des vieux politiques, surtout de Thiers, eut un retentissement énorme.

Le défenseur de Delescluze se fit accusateur. Ce fut le procès du 2 décembre. Tous les régimes qui se sont succédé se sont honorés du jour qui les a vus naître. Il n'y a que deux anniversaires; le 18 brumaire et le 2 décembre, qui n'ont jamais été mis au rang des solennités d'origine par crainte que la conscience universelle les repousse.

« Cet anniversaire dont vous n'avez pas voulu, nous le revendiquons, nous le prenons pour nous. »
Ce flot passionné « submergea » les juges; Gambetta fut porté du premier
coup au premier rang des orateurs et des chefs républicains.

Les élections de 1869. 
Au lendemain du procès, l'opposition prit partout l'offensive; l'Empire, qui avait perdu ses serviteurs les plus résolus (Billault, Morny, Fould), passa à une défensive hésitante.

Les élections de mai 1869 donnèrent 40 sièges aux républicains, 50 à l'union libérale, 116 au Tiers Parti. Les bonapartistes « purs» se trouvèrent en minorité.

Gambetta fut élu deux fois, à Paris et à Marseille. Paris ne nomma que des candidats de l'opposition : Thiers, Favre, Jules Simon, Jules Ferry, Ernest Picard, Bancel, Garnier Pagès, Pelletan. Belleville, à une élection partielle, nomma Rochefort.

L'Empire craquait. L'empereur se résigna à rétablir le régime parlementaire et donna le pouvoir à Ollivier.

Le ministère Ollivier. 
La tentative de concilier l'Empire et la liberté ayant été interrompue chaque fois par une catastrophe, il sera toujours difficile de décider si l'Acte additionnel de 1815, rédigé
par Benjamin Constattt, et le sénatus-consulte de 1869), conseillé par Emile Ollivier,
et qui l'un et l'autre remettaient en vigueur les principales dispositions de la Charte, étaient des oeuvres viables.

D'Ollivier et de ses collaborateurs dans le ministère du 2 janvier 1870, on peut répéter le mot de Mme de Staël :

« Quelques amis de la liberté, cherchant à se faire illusion à eux-mêmes, ont voulu se justifier de se rattacher à Bonaparte en lui faisant signer une Constitution libre. »
Le ministère fut bien accueilli, surtout des hommes de tempérament orléaniste. Thiers, montrant le banc des ministres : « Ce sont, dit-il, mes idées qui sont sur ces bancs.  » Les « libertés nécessaires », qu'il réclamait depuis 1863, étaient à peu près rétablies.

Les républicains ne désarmèrent pas à visage découvert ou sous le masque orléaniste, l'Empire resta l'ennemi. La première fois que Gambetta se heurta à Ollivier, il lui dit : « Vous n'êtes qu'un pont entre la République de 1848 et la République à venir, et ce pont, nous le passerons. »

Une manifestation, où grondait la révolution, se produisit aux obsèques de Victor Noir, journaliste tué par le prince Pierre Bonaparte, cousin de l'empereur, au cours d'une dispute. Deux cent mille Parisiens suivirent son cercueil.

Repoussé par ses anciens amis, pour qui sa conversion était une trahison, Ollivier se rapprocha de la droite, mais elle ne lui pardonnait pas d'avoir été républicain. Il s'obstina à vouloir concilier les contradictoires.

Le plébiscite. 
Comme les transformations de l'Empire avaient été réalisées par des sénatus-consultes que d'autres pouvaient révoquer, Ollivier imagina de faire ratifier par un plébiscite un dernier sénatus-consulte qui, réunissant et complétant les réformes déjà acquises, deviendrait la constitution définitive de l'Empire libéral.

L'introduction du droit plébiscitaire dans la Constitution parut aux libéraux la négation du régime parlementaire où le peuple n'agit que par ses représentants. Daru et Buffet, puis Talhouët, quittèrent le ministère qui perdit l'appui de Thiers. Gambetta ne répudiait pas le plébiscite, mais il déclara que la souveraineté nationale est incompatible avec tout ce qui a un caractère permanent et héréditaire dans le pouvoir.

Ollivier fit voter sur cette formule :

« Le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1868 par l'empereur. » 
Mais on ne vota pas sur la liberté; c'était l'Empire lui-même qui se remettait aux voix. Il eut 7 millions et demi de oui contre 1 million et demi de non (8 mai 1870). Malgré les progrès de l'opposition, Napoléon III, pendant quelques jours, se crut plus fort que jamais. Cependant, le vote de l'armée, où l'on constata 40,000 opposants, l'atteignit dans son autorité morale. Ce vote révéla d'ailleurs à la Prusse la faiblesse numérique de l'armée française, et l'encouragea à une rupture. 

La Guerre de 1870.
Napoléon III,de son côté, pensa qu'un grand succès militaire était indispensable pour ramener l'opinion. La candidature d'un prince prussien au trône d'Espagne lui parut une occasion favorable. Bien que Léopold de Hobenzollern se fût désisté après les premières réclamations de la France, on voulut que le roi de Prusse prit l'engagement, pour l'avenir, de s'opposer à une candidature semblable; Gramont, ministre des affaires étrangères, déclara n'avoir pas reçu de réponse satisfaisante, et le maréchal Leboeuf, ministre de la guerre, affirma qu'on était prêt à la lutte; la guerre fut déclarée à la Prusse, 19 juillet, avec l'assentiment unanime du Sénat et celui de la grande majorité du Corps législatif, malgré l'energique opposition de Thiers.

L'entreprise tourna rapidement au désastre. Les nouvelles du front jetèrent la stupeur dans Paris. Les Chambres furent convoquées pour le 10 août, et le cabinet Ollivier remplacé par un ministère pris dans la droite, sous la présidence du général Cousin-Montauban, comte de Palikao.

Déchéance de Napoléon III.
Napoléon III, qui prétendait conduire en personne la guerre sur le champ de bataille dut céder le commandement en chef à Bazaine, mais n'en resta pas moins à l'armée, gênant par sa présence les mouvements déjà si difficiles des troupes.

Bazaine, défaillant, s'enferma dans Metz; de son côté, Mac-Mahon, rejoint par l'Empereur le 16 août,  fut forcé de se replier sur Sedan. Le 31, les troupes allemandes franchissent la Meuse après de nouveaux succès à Remilly, et, le 1er septembre, attaqnent l'armée française à Sedan. Mac-Mahon, grièvement blessé, cède le commandement au général Ducrot; mais le général de Wimpffen, arrivé d'Algérie la veille, le réclame par droit d'ancienneté. Il est bientôt forcé de rentrer dans la ville et de capituler le lendemain, par ordre de Napoléon III. Un maréchal de France, 39 généraux, 2225 officiers, 55,000 soldats dats, sans compter 14,000 blessés, étaient prisonniers, et l'ennemi s'emparait de 450 pièces de campagne et de siège, et de 10,000 chevaux. Environ 15,000 hommes avaient pu se réfugier sur le territoire belge. Napoléon III fut envoyé au château de Wilhemshoehe, près de Kassel.

Pendant ce temps, Paris avait été mis en état de défense, et le général Trochu en avait été nommé gouverneur. Le ministère fit connaître la défaite de Sedan et la captivité de Napoléon III, et proposa la création d'un conseil de défense; il était trop tard, l'indignation nationale exigeait la déchéance de l'empereur et de sa dynastie. Ainsi s'achevait, ptiteusement, le Second Empire.

Début de la Troisième République.
La Troisième république  fut proclamée; le Corps législatif, impuissant et envahi, se dispersa sans résistance, et les députés de Paris, Jules Favre, Gambetta, Crémieux, Jules Simon, Magnin, Picard, Rochefort, Glais-Bizoin; Jules Ferry, formèrent le gouvernement de la Défense nationale, sous la présidence du général Trochu, avec adjonction de Do, rian, du général Leflô et de l'amiral Fourichon, 4 septembre. 

Le nouveau gouvernement, aussitôt reconnu dans toute la France; annonça, par un manifeste, qu'il était prêt à traiter avec l'Allemagne et à lui payer une indemnité de guerre, mais qu'il ne cèderait ni un pouce de terrain, ni une pierre de de forteresses françaises. La guerre, si sottement engagée par Napoléon III, continua. Elle se solda par la défaite de la France, qui perdit l'Alsace et une partie de la Lorraine. (J. Reinach).

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