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Histoire de l'Europe > La France > Le XIXe siècle
Histoire de la France
Le Consulat
1799-1804
On appelle Consulat la première période de la dictature de Bonaparte, les quatre années pendant lesquelles le premier consul de la république française régna, de fait, comme souverain absolu. On a établi entre le Consulat et l'Empire une distinction qui ne porte sur rien de réel. Le 18 brumaire mit la République au tombeau et commença la monarchie. premier acte des consuls fut de condamner à la déportation, sans jugement, par un simple arrêté, cinquante-neuf citoyens, et de supprimer tous les journaux, à l'exception de treize, organes dévoués du gouvernement. De telles mesures indiquaient suffisamment l'esprit. du pouvoir nouveau. Cet esprit présida à la rédaction de lè constitution de l'an VIII. Le peuple perdit toutes les conquêtes politiques de 1789, exercice de sa souveraineté, ses droits électoraux, le choix de ses représentants, de ses maires et de ses juges, le moyen même de contrôler indirectement l'admistration des affaires et l'emploi des recettes publiques.

La Constitution de l'an VIII.
Après la chute du Directoire, une constitution nouvelle, dite Constitution de l'an VIII, fut élaborée, soumise au peuple, et acceptée par plus de trois millions de suffrages. Le chiffre des votes contraires fut seulement de quinze cents. Ce plébiscite fut un véritable triomphe pour Bonaparte, car il semblait ainsi que la nation presque entière approuvât le coup d'Etat qui venait de renverser le Directoire (Le 18 Brumaire)

La Constitution de l'an VIII organisait le gouvernement de façon suivante : trois consuls, dont l'un, Bonaparte, portait le titre de premier consul, furent investis du pouvoir exécutif, c'est-à-dire qu'ils furent chargéss de veiller à l'exécution des lois. Le Conseil d'État eut la mission de préparer les loi; le Tribunat, de les discuter; Ie Corps législatif, de les accepter ou de les rejeter. Enfin une quatrième assemblée, nommée le Sénat conservateur. devait veiller au maintien de la constitution.

Ce nouveau gouvernement laissait subsister les apparences de la liberté, mais en réalité Bonaparte devenait tout puissant. Sous la Convention, le pouvoir exécutif avait été exercé par l'Assemblée elle-même; sous le Directoire, par cinq personnages, les directeurs : sous le Consulat, il fut concentré dans les mains d'un seul homme, car les deux collègues du premier consul n'eurent aucune autorité. La France, qui avait fait la république en 1792, glissait ainsi peu à peu vers la monarchie, bien que Bonaparte eût pris le soin de conserver au Consulat les dehors d'un gouvernement republicain.

Les guerres du Consulat.
Bonaparte avait besoin de la paix pour consolider son pouvoir, et surtout pour se consacrer tout entier à l'oeuvre de réorganisation qu'il méditait. Comme les armées françaises venaient de remporter deux grandes victoires à Bergen et à Zurich, il n'y avait rien d'humiliant pour la France à faire des ouvertures pacifiques à ses ennemis. Le premier consul écrivit donc au roi d'Angleterre et à l'empereur d'Allemagne une lettre très digne par laquelle il offrait de mettre fin à la guerre qui depuis huit ans désolait l'Europe. Mais la haine aveuglait les puissances alliées : elles refusèrent de traiter.

Bonaparte, irrité par ce refus, forme alors avec une rapidité extraordinaire le plan d'une nouvelle campagne. Il envoie en Allemagne le général Moreau avec ordre de marcher sur Vienne. Lui-même rassemble dans le plus grand secret une importante armée au pied des Alpes et s'apprête à reparaître en Italie sur le théâtre de ses premiers exploits. Tel était la science militaire de Bonaparte qu'il put, avant de partir, indiquer sur la carte l'endroit précis où il battrait le baron de Mélas, général en chef de l'armée autrichienne en Italie.

Passage du Grand Saint-Bernard. Bataille de Marengo.
L'armée franchit les Alpes au col du Grand Saint-Bernard, Tout le sommet se trouve à près de 2300 mètres de hauteur. Comme route, il y avait un simple chemin de mulets mal entretenu. Il fallut placer les canons dans des troncs de sapin creusés en forme de traineaux; une centaine d'hommes s'attelaient à chacun de ces véhicules et les tiraient : dans les endroits les plus difficiles, quand la pente trop rude empochait les hommes d'avancer, les clairons sonnaient une joyeuse fanfare. les tambours battaient la charge, et les soldats, réconfortés par cette musique guerrière, trouvaient de nouvelles forces poursurmonter l'obstacle.

Quand on fut enfin parvenu au sommet du col, l'armée, pleine d'enthousiasme, salua son chef par d'unanimes acclamations. Les plus jeunes conscrits comprenaient en effet la manoeuvre audacieuse et savante que Bonaparte venait d'exécuter. Il avait à dessein passé les Alpes à un endroit que l'ennemi jugeait impraticable, afin de mieux le surprendre. Les Autrichiens, consternés par cette irruption soudaine des Français en Italie, reculent devant eux dans le plus grand désordre, vaincus avant même d'avoir combattu. Mais Bonaparte les rejoint, les attaque auprès de Marengo (14 juin 1800), et remporte après un combat acharné la victoire qu'il avait annoncée avant de quitter Paris. 

Ce grand succès fut payé par la mort de Desaix. Desaix avait rejoint l'armée depuis trois jours seulement : il revenait d'Egypte. Le 13 juin, il avait été détaché avec sa division loin du champ de bataille. An bruit du canon, il accourut, et trouva Bonaparte en grande discussion avec son éttat-major, qui voulait abandonner la lutte, jugeant la bataille perdue.

« La bataille est perdue », dit Desaix. consulté par Bonaparte, « mais il n'est que trois heures : nous avons encore le temps d'en gagner une ». 
Bonaparte, fort de cet avis, prit ses dispositions en conséquence. Pendant ce temps, Mélas, croyant les Francais battus, était rentré dans Alexandrie, et envoyait partout la nouvelle de sa victoire. Tout à coup ses lieutenants furent attaqués par les colonnes françaises. Desaix, qui s'élançait à la tête d'un régiment, fut frappé d'une balle dans la poitrine dès les premières décharges, et tomba sans prononcer une parole. Ses soldats, exaspérés, s'élancèrent sur l'ennemi. Kellermann, d'un autre côté, exécutait avec sa cavalerie une charge décisive. Le succès des Français fut complet.

Traités de Lunéville et d'Amiens.
Six mois après, Moreau remportait en Allemagne une grande victoire à Hohenlinden, et arrivait aux portes de Vienne. L'Autriche, accablée par ce double désastre, demanda la paix, qui fut signée à Lunéville en février 1801. La France gardait toutes ses conquêtes; l'empereur d'Allemagne reconnaissait en outre l'existence des républiques que les Français avaient fondées en Hollande et dans le nord de l'Italie. Les hostilités avec l'Angleterre continuèrent pendant une année encore. En 1802, cette puissance, qui n'avait cessé de montrer la plus grande hostilité envers la France, signa enfin le traité d'Amiens. Pour la deuxième fois, les efforts des rois alliés venaient d'échouer.

Réorganisation de la France. 
Bonaparte put alors aborder l'exécution d'un vaste plan de réorganisation intérieure. L'industrie, le commerce reçurent de précieux encouragements. L'ordre régna dans les finances, et pour la première fois depuis un siècle l'équilibre fut rétabli entre les dépenses et les recettes de l'Etat. La rédaction du Code civil, vaste ensemble de lois  applicables, à tous les Français, sans distinction de naissance, de fortune ou de religion : la création de l'Université, qui eut pour mission de donner à la jeunesse francaise « un enseignement viril, moral et patriotique »; l'institution de la Légion d'honneur, qui récompensa les services rendus au pays; l'exécution de grands travaux d'utilité publique, canaux, routes, ports, etc., font partie des principales réalisations du Consulat. Mais c'est aussi à l'époque du Consulat que Bonaparte rétablit l'esclavage, qui avait été aboli en 1794.

En même temps, Bonaparte ouvrait de nouveau les églises, fermées depuis plusieurs années, rappelait les prêtres fugitifs, abolissait la constitution civile du clergé;
enfin il rétablissait solennellement la paix religieuse en signant le Concordat, qui réglait les droits respectifs du gouvernement et du Saint-Siège dans les affaires ecclésiastiques. Le clergé perdait définitivement les vastes domaines que la Révolution lui avait enlevés pour les mettre en vente sous le nom de biens nationaux; mais l'État s'engageait à donner aux ministres du culte un traitement en échange de leurs anciens revenus (1801).

Complots contre Bonaparte. Proclamation de l'Empire. 
Chemin faisant, le premier consul s'abandonnait à ses instincts autoritaires et ne supportait plus ni discussion ni opposition. Les royalistes, qui avaient d'abord compté sur lui pour restaurer la monarchie, conçurent un vif ressentiment quand ils virent Bonaparte consacrer par ses institutions les plus précieuses conquêtes de 1789, surtout quand ils comprirent que ce grand ambitieux n'entendait pas donner à la France un autre maître que lui-même. Ils tramèrent contre le premier consul un abominable complot : mais la machine infernale qui éclata sur le passage de sa voiture, un soir qu'il se rendait à l'opéra, fit seulement des victimes dans la foule. Cinquante-deux personnes furent tuées ou blessées. La France, indignée, répondit à cette tentative coupable en donnant à Bonaparte le consulat à vie avec le droit de choisir son successeur (août 1802). 

Quelques mois après, l'Angleterre, inquiète de voir la France grandir plus encore pendant la paix que pendant la guerre, saisit un prétexte pouir rompre la paix d'Amiens. La lutte, un moment suspendue, allait donc recommencer : elle prit bientôt, et garda jusqu'à la fin, de 1803 à 1815, le caractère d'un duel à mort entre Bonaparte et l'Angleterre. Un nouveau complot fut, à l'instigation de cette puissance, dirigé contre le premier conseil, par le royaliste Cadoudal. Bonaparte, afin d'en finir avec le parti qui, pour la seconde fois, tentait de le faire périr, usa de représailles. Le duc d'Enghien, de l'illustre famille des Condé, avait connu et approuvé la conspiration de Cadoudal. Il fut enlevé par des hussards français dans une petite ville allemande voisine de la frontière, conduit à Vincennes, et fusillé après un procès sommaire.

Les tentatives d'asassassinat dirigées contre Bonaparte peuvent servir d'explication, mais non d'excuse à cette sanglante exécution Quelque temps après, l'Empire fut proclamé (18 mai 1804) et remplaça le Consulat. Les derniers vestiges de la République fondée le 21 septembre 1792 disparaissaient. Le pouvoir personnel, proscrit par la Convention. était rétabli. De grands malheurs allaient sortir de là. (V. Duruy).

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