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Histoire politique et sociale > Le Moyen âge] |
L'Europe Latine |
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L'époque
qui a suivi la disparition de l'Empire
romain d'Occident se signale par la formation ou la consolidation de
nouvelles entités politiques sur les territoires où s'étendait
auparavant la puissance de Rome![]() A la mort de Charlemagne (814),
l'empire franc, devenu le plus puissant État de l'Europe articule
une vaste portion de l'histoire du Haut Moyen âge. Il comprenait
toute la Gaule, la Germanie jusqu'à l'Elbe et à la Bohème
et, en outre, il avait fait reconnaître plus on moins efficacement
son autorité sur les pays de l'Est jusqu'à l'Oder, sur la
Bohème et sur l'ancien royaume des Avars
jusqu'à la Tisza et à la Save; en Italie il s'étendait
jusqu'au Sud de Rome et comptait le duché de Bénévent
comme un vassal; au Sud des Pyrénées L'empire de Charlemagne se brisa en trois morceaux - France, Italie, Allemagne - après sa mort. Sur un vaste espace, la chrétienté s'organisa alors en une hiérarchie puissante qui engloba à la fois les personnes et les terres, l'ordre laïque et l'ordre ecclésiastique, et dans laquelle durent trouver place tous les organismes du corps social. Ce fut le régime féodal. Établi en fait selon des modalités diverses selon les lieux, il commença à devenir le moule social dans lequel une grande partie des populations européennes (principalement en France et en Angleterre) demeurèrent pressées pendant plusieurs siècles. Ce milieu donna naissance à des institutions, à des moeurs, à des idées, à une littérature et à un art très particuliers et d'un développement très original, dont l'ensemble constitue la civilisation médiévale (de l'Europe latine). L'Europe connu une dernière vague
d'invasions, mais qui eurent un caractère différent de celles
qu'avait affecté l'Empire romain finissant. Les Vikings,
pirates arrivant de Scandinavie par mer sur les côtes de l'Europe
occidentale, puis partant de la Normandie
pour conquérir l'Angleterre et la Sicile,
représentent ainsi le dernier ban de la curée germanique.
A l'Est, des Finnois étaient venus
d'Asie; après les Huns et les Avars,
c'étaient les Hongrois (Magyars)
qui, par la vallée du Danube En Europe centrale, la Germanie
avait rapidement grandi; ses souverains étaient devenus, avec Othon
le Grand, héritiers de la couronne de Charlemagne (962),
régnant de la Meuse Durant cette période, l'unité du sentiment religieux, à défaut d'unité politique, avait entraîné les chrétiens d'Europe à la conquête de la Palestine (1095). C'est le temps des Croisades, il durera deux siècles, se soldera par un désastre politique et militaire, mais aura au moins le mérite de pousser les Médiévaux à sortir de leur enlisement culturel. Le combat contre les Musulmans en Espagne a, lui, été beaucoup plus long. Cette guerre, dite de Reconquête (Reconquista), menée depuis le VIIIe siècle, avait repoussé les musulmans dans le Sud de la péninsule lbérique et donné naissance aux royaumes de Léon, de Navarre, de Castille, d'Aragon, dont Isabelle et Ferdinand , dits les Catholiques, réunirent, vers la fin du XVe siècle, les couronnes sur leur tête, et au royaume du Portugal. La conquête et la conversion avaient amené au christianisme les Slaves de l'Ouest. Les Hongrois s'étaient fait baptiser (1000), et leur royaume, qui s'étendait des Carpates à l'Adriatique, couvrait de ce côté le monde chrétien contre de nouvelles invasions asiatiques. Guillaume de Normandie avait conquis l'Angleterre (1066), et le pape avait consacré sa conquête. Ainsi, pendant la longue et laborieuse période du Moyen âge, les principaux États de l'Europe moderne se constituèrent-ils progressivement. Après le croisades, c'est-à-dire aux XIIIe et XIVe siècles, la puissance féodale, essentiellement rurale, s'effaça progressivement au profit de la puissance royale, elle-même en relation avec la montée en puissance des centres urbains. Cela est peut-être moins vrai pour l'Allemagne où l'affirmation impériale devra encore attendre un peu. Pour la France et l'Angleterre, cette période coïncidera aussi avec une interminable succession de conflits, la Guerre de Cent ans. La France, ruinée, s'en tirera au moins en parvenant, avec Louis XI, à l'unité politique (1459). Dates clés :476 - Disparition officielle de l'Empire romain d'Occident |
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Le
Haut Moyen âge
L'intervalle de temps qui sépare la chute de l'Empire romain d'Occident de l'époque des Croisades correspond à ce que l'on nomme ordinairement le haut Moyen âge. Le
Ve siècle.
C'est du Ve
siècle que datent encore plusieurs établissements
des peuples dits barbares en Europe. Les
Burgondes
ou Bourguignons viennent de la Germanie s'établir sur la Saône Le
VIe siècle.
La puissance des Ostrogoths est comme anéantie en Italie, mais celle des Wisigoths est seule maîtresse du Sud-Ouest de la France et de l'Espagne, depuis l'incorporation des Suèves; ils la garderont, au milieu de discordes que perpétue le mode de succession élective, jusqu'à l'invasion des Arabes au VIIIe siècle. La Gaule présentait un singulier mélange d'anciens débris de la population gauloise que vinrent renforcer des Celtes chassés de la Bretagne insulaire par les Germains, de familles romaines, de Wisigoths qui vont être refoulés dans la Septimanie, d'Ostrogoths et de Bourguignons qui ne gardent pas longtemps leur indépendance, de Francs enfin à qui restera la possession du pays. Clovis a fait beaucoup de ruines et n'a point fondé un empire régulier comme Théodoric l'avait tenté en Italie. Sa conversion sert puissamment à ses conquêtes. Cinquante ans après lui, sur cette terre, morcelée en plusieurs royaumes suivant l'usage germanique, on ne voit qu'un chaos de batailles et d'assassinats que dominent les noms de Frédégonde et de Brunehaut. La Bretagne, contrairement aux autres pays de l'Occident, a accepté et gardé en même temps dans son sein deux peuples venus des terres germaniques, les Saxons, dont les établissements au commencement du siècle étaient presque complets dans le sud de l'île, les Angles, qui fondent trois royaumes au nord-est et au centre. Le principal fait de l'histoire de l'Heptarchie au VIe siècle , est l'introduction du christianisme catholique dans le royaume saxon de Kent par le moine Augustin, envoyé du pape Grégoire. Le
VIIe siècle.
Les Francs sont ceux qui ont subi la révolution
intérieure la plus décisive. Le pouvoir passe, après
Dagobert,
des mains des rois fainéants ( Les progrès de la foi catholique sur l'arianisme, l'accroissement des privilèges de l'Église qui, en Espagne, s'élève même jusqu'à la puissance politique, dominent l'histoire des Anglo-Saxons, des Wisigoths et des Lombards. Les moines de l'Irlande auront des émules dans ceux de la Grande-Bretagne; et il ne sera pas rare que des rois germains préfèrent le couvent au trône. Le
VIIIe siècle.
Pépin le
Bref, maire du palais des trois royaumes, après la retraite
de Carloman, avait détrôné
le dernier roi fainéant. Vainqueur des Saxons, des Bavarois, des
Musulmans, des Lombards, du duc mérovingien d'Aquitaine,
il avait tracé la voie des conquêtes et des améliorations
sociales à son fils Charlemagne. La puissance de Charlemagne s'étendra
sur presque tout l'Occident. La royauté lombarde est détruite.
Quoique le maître de l'Italie se réserve la dignité
de patrice et reçoive bientôt celle d'empereur, les évêques
de Rome trouveront l'affermissement de leur pouvoir temporel dans cette
révolution qui semblait devoir l'annuler complètement. Rome,
siège de l'Église, ne sera pas la résidence du nouvel
auguste; et les papes administreront le territoire romain comme délégués
de l'empereur d'Occident, en attendant qu'ils s'affranchissent de toute
tutelle étrangère.
Le
IXe siècle.
Les pirates scandinaves (Vikings)
s'élancent sur les côtes de la Manche En Italie et en Allemagne, les divisions
de principautés que Charlemagne avait
eu de la peine à faire rentrer sous sa domination, imposée
à tous, sont des cadres tout faits pour la féodalité
: les ducs de Spolète, de Bénévent,
de Frioul; les ducs de Saxe,
de Bavière, de Souabe,
ne permettront pas au pouvoir royal de s'affermir. Entre le Rhin supérieur Les Sarrasins, qui font de la Sicile leur repaire, tiennent dans l'effroi les côtes de la Gaule et de l'Italie dévastées. Les Hongrois ou Magyars recommenceront dans l'Allemagne chrétienne les courses des Huns. Un pays, au nord-ouest, sort de l'anarchie, pendant que les autres s'y plongent. En Angleterre, l'heptarchie a fait place au gouvernement d'un seul roi; celui de Wessex, qui s'impose à toute la Bretagne. Les trente dernières années de ce siècle appartiennent au règne d'Alfred le Grand : les Anglais reconnaissent en lui le fondateur de leur puissance, de leur marine, de leur liberté, de leurs meilleures institutions; il a repoussé les Danois, établi l'université d'Oxford, encouragé et cultivé les sciences et les arts, affermi l'usage du jury. Dans ces conditions, on n'est pas surpris de l'accroissement de l'autorité pontificale; la cour de Rome humilie Louis le Débonnaire, excommunie un de ses petits-fils et dispose de la couronne impériale d'Occident. Il faut qu'Hincmar, archevêque de Reims, prenne la défense des droits du pouvoir temporel et de l'Église gallicane, et empêche l'institution d'un légat du saint-siège pour la France. Le
Xe siècle.
La dynastie carolingienne avait fini dans la péninsule italienne avec le roi Bérenger Ier, qui ne pouvait, défendre le territoire contre les Hongrois venus du Nord et contre les Sarrasins venus du Midi. L'anarchie féodale était au comble dans ce malheureux pays : deux courtisanes ambitieuses, Théodora et Marozie , ont été à la tête des factions et ont disposé même du siège de saint Pierre. Un fils de Marozie a exercé seul l'autorité civile à Rome. Un de ses petits fils s'est emparé du ministère pontifical et l'a uni ainsi au pouvoir civil. Tour à tour bienfaiteur des papes et leur maître, Othon le Grand détrône le roi Bérenger Il d'Ivrée, ceint la couronne des Lombards et se fait sacrer à Rome en qualité de chef de l'empire. La dignité impériale doit être inséparable dés royaumes de Germanie et d'Italie. En échange des serments et de l'hommage du pape, Othon fait à l'Église romaine de magnifiques promesses. Les trois premiers Othon laissent poindre en Italie les institutions municipales et quelques germes de liberté publique qui se développeront contre les empereurs. Les privilèges accordés aux évêques allemands, qui sont faits ducs et comtes avec des droits régaliens, sont aussi des semences d'anarchie et de révolutions. En France, la dynastie carolingienne se flétrit de plus en plus. La Neustrie est cédée aux Vikings (Normands), à titre de vassaux de la couronne; les Hongrois pendant près d'un demi-siècle dévastent la France à l'est, et les Sarrasins au sud. Les chefs de la féodalité se font rois : Hugues Capet, duc de France, le possesseur d'une des sept grandes principautés, subdivisées elles-mêmes, et presque à l'infini, en petites seigneuries, prend la place du dernier carolingien, et commence une troisième dynastie, en réunissant à son duché le titre de roi et la faible puissance que le système féodal avait laissée à cette dignité. Le pape donne à son autorité
spirituelle une extension qui devient redoutable même pour les rois
: la politique a autant de part que les raisons canoniques à l'excommunication
et à l'interdit dont sont frappés Robert le Saint, fils de
Hugues
Capet, et le royaume de France. Il ne se tient au Xe
siècle aucun concile Le temps des Croisades Le
XIe siècle.
Les Byzantins, ennemis du saint-siège,
perdent l'Italie méridionale, dont les nouveaux conquérants,
venus de la Normandie française,
font hommage au pape qu'ils ont vaincu : les coutumes féodales et
la langue de la France prennent possession de l'Italie comme de l'Angleterre.
La Sicile, disputée aux Sarrasins
par les Normands, est maintenant le poste avancé de la chrétienté
contre l'islam La France, illustrée par les conquérants
de l'Angleterre, de la Pouille et de la Sicile, par les fondateurs du comté
de Portugal, qui sera ravi aux Maures,
ne se signale pas alors par la vie de ses rois. La maison capétienne
est une des moins puissantes entre les grandes maisons féodales,
la royauté reste comme un droit sans exercice.
Mais pendant les dix-sept années qui suivent sa mort, les scandales de simonie, de cupidité, et de violence, qui signalent le gouvernement des ministres de son jeune fils Henri IV, font un étrange contraste avec la grande oeuvre de réformation universelle qu'accomplit le moine toscan Hildebrand, pour rendre à l'Église sa moralité et son indépendance, lesquelles serviront à fonder l'autorité temporelle de Rome. Hildebrand, devenu Grégoire VII, suit sans fléchir sa pensée dominante, pour soutenir et étendre les droits du sacerdoce engagés surtout dans la triple question du célibat des prêtres, de la simonie, et de l'investiture laïque; il menace et la France et l'Angleterre, et les États du Nord, mais surtout l'Allemagne. Pour la première fois un empereur est excommunié et déposé, comme si le pape pouvait ôter des couronnes qu'il ne peut pas donner. Telle est la force de ces anathèmes que, même après la mort d'Hildebrand, que l'amitié et les secours de la comtesse Mathilde et du Normand Robert Guiscard n'ont pu maintenir à Rome, l'empereur est incapable de réprimer ni les révoltes de ses sujets, ni les attentats de ses propres fils. Alors que l'Europe
et l'Orient chrétien étaient en proie au schisme ou à
l'anarchie féodale; au milieu des passions religieuses et politiques
que réveillait la querelle du sacerdoce et du pouvoir temporel;
quand des peuples, nouvellement établis sur des terres qu'ils veulent
garder, bornent leur horizon au pays conquis, Pierre
l'Ermite, un pèlerin qui a vu le triste état des chrétiens
de la Palestine, et le pape Urbain II, Français
comme lui, appliquent encore une des pensées de Gerbert
et de Grégoire VII, en prêchant la croisade.
Pierre entraîne vers les lieux saints, contre les Turcs
seldjoukides et contre les Fatimides, six cent mille soldats, multitude
indisciplinée qui essuie de sanglants revers, surtout avant l'arrivée
de l'armée des chevaliers venus de la France ou de l'Italie normande.
Pour la masse de ce peuple fanatisé Le
XIIe siècle.
Pacificateur de l'Italie et de l'Allemagne, défenseur des droits des papes légitimes, mais jamais au détriment des libertés particulières à chaque nation, docteur ardent contre les hérétiques, sermonaire savant et enthousiaste, habile à manier la langue vulgaire à l'aide de laquelle il fait descendre les vérités de la foi à l'oreille du peuple, prédicateur de la croisade, conseiller des papes et des rois, saint Bernard remplit de son nom trente années du XIIe siècle. Vers le moment où il meurt, les deux grands principes qui sont en rivalité dans le monde la puissance des rois et celle de l'Église, viennent de se forger de nouvelles armes; mais ces armes pacifiques ne suffiront pas aux passions avides de combat. La renaissance du droit romain, enseigné par les jurisconsultes de Bologne, avant qu'un manuscrit du Digeste de Justinien' fût trouvé dans le pillage d'Amalfi, favorisait l'extension de l'autorité des rois, surtout de celle des empereurs. L'Église opposera au droit romain le droit canonique : le recueil du moine Gratien « Concorde des canons discordants» devient le texte d'une jurisprudence ecclésiastique fondée sur les maximes de suprématie, que cherchait à appliquer la cour de Rome. L'honnête et modeste royauté des Capétiens, Louis le Gros et Louis le Jeune, semble bien pâle à côté de la vie turbulente et passionnée des rois d'Angleterre et de Germanie, Henri Il Plantagenet et Frédéric de Souabe. Le pouvoir royal, sous Louis VI, s'est fait aimer en protégeant les faibles : cependant l'établissement des communes, prouvé par les chroniques et les chartes, n'est pas l'oeuvre directe du roi; son intervention, souvent acquise à prix d'argent, se borne à confirmer les privilèges que les transactions avec les seigneurs ou que l'insurrection a valus aux bourgeois. La piété de Louis le Jeune donne une nouvelle force morale à la royauté sans ajouter beaucoup à sa force matérielle. En Angleterre, la maison de Guillaume le Conquérant se renouvelle; Henri Plantagenet, le fils de Mathilde, qui elle-même n'avait pu garder le trône, possède, au moment où il devient roi, la Normandie, le Maine, l'Anjou, le Poitouet la Guyenne; il réunit ainsi les droits de son père, de sa mère et de sa femme. La Bretagne, fief de France, et l'Irlande n'auraient sans doute pas été ses seules acquisitions, s'il n'avait entrepris de lutter contre l'Église, si sa force ne s'était brisée contre la résistance inébranlable de l'archevêque Thomas Becket. Thomas, assassiné, devient un martyr: Henri Il est réduit à s'humilier devant le tombeau du saint. Ses enfants se révoltent, et il ne laisse en mourant, à l'Angleterre, qu'un fils féroce et un fils lâche : Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre. Le jeune roi de France, Philippe-Auguste, protégé, par politique, les fils contre le père, comme Louis le Jeune a protégé l'archevêque contre le roi. En Allemagne, les commencements de Frédéric Barberousse promettent un heureux règne. Neveu et successeur de Conrad de Souabe, et par là chef des gibelins, il tient en même temps par les liens du sang à la famille guelfe qui a donné un empereur, Lothaire de Saxe; il semble destiné à éteindre ou à suspendre les fureurs des deux factions. Lorsqu'il tente de replacer l'Italie sous la domination impériale, il a contre lui le saint-siège, qui n'a plus à craindre Arnaud de Brescia, et les villes lombardes confédérées; le pape soutient une cause nationale, en se mettant à la tête du parti de l'indépendance italienne. Le règne d'Alexandre III est le plus long et le plus célèbre pontificat du XIIe siècle. Cependant les antipapes, que l'empereur lui oppose pendant vingt-deux ans, affaiblissent l'autorité du chef de l'Église. Les Italiens auraient dû saisir cette occasion de se réunir en un seul corps de nation par les liens d'un gouvernement fédéral : avec une constitution réglée selon les voeux des peuples et l'importance politique de chacun, l'Italie serait demeurée libre. Lorsque Frédéric, après une défaite de ses armées, est forcé de consentir à la paix, la ligue lombarde se dissipe d'elle-même, et les discordes intestines recommencent. Les papes, les Vénitiens, les Vikings
n'ont pas les mêmes vues que les autres Italiens. Venise,
dont les armes sont victorieuses en Syrie, dans l'archipel, en Calabre Ce beau domaine féodal, peuplé
de Normands, de Byzantins et de Sarrasins, passe, par un mariage, à
la maison de Souabe, qui prétend ;aider
aussi la Toscane, portion de l'héritage de la comtesse Mathilde
au nord des États de l'Église. Le nouveau roi des Deux-Siciles,
Henri
VI, succède comme empereur à Frédéric Barberousse
qui a dépouillé la maison Welf de ses fiefs de Bavière
et de Saxe. Ses sept années de règne sont horribles : peu
de princes ont été plus durs; il est surtout le fléau
de la Sicile où il fait abhorrer la maison de Souabe. Richard
Coeur de Lion, en regard d'un tel contemporain, paraît
moins cupide et moins cruel : ses prouesses de Palestine, lors de la Troisième
Croisade, et les lâchetés de son frère Jean sans
Terre font ombre à ses vices. Philippe
Auguste est le premier prince de l'Europe, à la fin du siècle,
en attendant le pape Innocent III. Depuis
Alexandre
III, qui, pour soustraire l'Église au schisme, a réglé
que l'élection d'un pape serait consommée par la réunion
des deux tiers des suffrages des cardinaux Le sud-ouest et le nord-est de l'Europe ne sont plus tout à fait en dehors des destinées communes de la chrétienté. La première partie du siècle est employée, par les chrétiens de l'Espagne, à se constituer à l'intérieur, tout en repoussant les Maures. Saragosse et Lisbonne, enlevées aux infidèles, cette dernière avec le concours d'une armée de croisés, deviennent les capitales des royaumes d'Aragon et du Portugal : ce sont des maisons d'origine bourguignonne qui occupent les trônes de Portugal et de Castille; les comtes de Barcelone deviennent rois d'Aragon. Le peuple des villes et des campagnes, appelé, comme le clergé et la noblesse, à la guerre sainte sous, l'étendard de la foi et de l'indépendance, commence à participer, par ses députés, aux délibérations des cortès, qui forment l'assemblée nationale en Aragon et en Castille. Lorsque les Almohades, fondateurs d'un nouvel empire maure, se jettent sur la péninsule, la création des ordres religieux militaires entretient, le zèle des chevaliers : les États chrétiens ne périront pas. Le
XIIIe siècle.
La suprématie politique ne fléchit guère entre leurs mains; mais leurs prétentions semblent empreintes d'iniquité, quand ils dépouillent les derniers princes de la maison de Souabe pour leur substituer, dans les Deux-Siciles, les indignes princes de la maison d'Anjou. Boniface VIII, qui ferme le siècle, compromettra la puissance du saint-siège par les efforts téméraires qu'il fera pour l'accroître. La science, arme si nécessaire même ceux qui ont déjà la force, ne manque pas à la cour de Rome : les Décrétales, de Grégoire IX, complétées par un sixième livre, le Sexte, de Boniface VIII, contribuent à étendre la juridiction ecclésiastique. Les légats, dans chaque royaume de la chrétienté, font respecter les décisions du Saint-siège, comme autrefois les proconsuls romains celles du sénat. La prise de Constantinople
par les Grecs de Nicée, Les États de l'Europe occidentale
subissent de grandes vicissitudes. Les Anglais expient un crime domestique
de leur roi Jean sans Terre, par la perte de tout ce qu'ils ont sur le
continent, à l'exception de la Guyenne. Le règne de Philippe-Auguste
est une des époques de l'agrandissement du pouvoir royal en France
et de l'affaiblissement de la puissance des seigneurs : la victoire française
de Bouvines frappe du même coup l'aristocratie
rebelle, le roi d'Angleterre et la maison des Welfs dans la personne d'Othon
IV de Brunswick. La Grande charte Le roi d'Angleterre, son contemporain Henri III, est aux prises avec l'aristocratie, qui veut réformer elle-même le gouvernement. L'ambition du chef de la rébellion, le comte de Leicester, est cause de la première convocation des députés des communes au parlement. L'enfantement douloureux des libertés constitutionnelles en Angleterre ne fut pas stérile pour la paix. Édouard Ier, exalté par ses triomphes dans le pays de Galles et en Écosse, fort de ses alliances sur le continent, s'il n'eût été maintenu par la grande charte et par les parlements, eût imité le despotisme de Philippe le Bel. Ce petit-fils de saint Louis, roi plus habile, mais moins honnête que son père, Philippe le Hardi, qui a jeté maladroitement la France dans les affaires de l'Espagne et de la Sicile, voit bien les intérêts réels du royaume et de la royauté : il est célèbre par ses guerres avec l'Angleterre et la Flandre, par son alliance avec l'Écosse, par la substitution de la loi royale aux coutumes anarchiques de la féodalité, et des légistes aux pairs-chevaliers. Il se rencontre avec un pape despote comme lui : la lutte commence quand s'ouvre le XIVe siècle. L'Allemagne et l'Italie surtout sont remuées
bien plus profondément. La maison de Souabe L'anarchie de l'Allemagne, depuis le milieu du siècle, favorable à la puissance des seigneurs et à l'affranchissement des villes, qui forment la ligue du Rhin et l'association commerciale de la Hanse, ne cesse que par l'élévation au trône impérial de Rodolphe de Habsbourg. Le puissant roi de Bohème est terrassé; l'Autriche passe aux mains du fils de Rodolphe, qui cependant ne lui succédera pas dans le titre d'empereur. Rodolphe n'a obtenu que par d'importantes concessions la faveur ou l'indulgence de la cour de Rome: il ne vient pas en Italie. Le XIIIe siècle est fécond pour l'Espagne chrétienne. Depuis la défaite des Almohades à Tolosa, plus de cinquante années sont employées par les rois de l'Aragon, par ceux de la Castille et de Léon qui ne forment qu'un royaume depuis 1230, à repousser les Maures vers les montagnes de Grenade. La piété chevaleresque de Ferdinand III le Saint; le goût des lettres, de l'astronomie et de la science des lois d'Alphonse X le Savant; placent la Castille au premier rang ; l'extension de son territoire arrête dans la péninsule les progrès de deux autres États chrétiens, l'Aragon et le Portugal mais déjà l'Aragon cherche fortune dans les îles de la Méditerranée. La Navarre, presque réunie à la France par des alliances de famille, est pour ainsi dire en dehors de l'Espagne. L'invasion nouvelle des Mérinides d'Afrique n'entame pas beaucoup le territoire chrétien c'est à la Castille, le plus puissant des quatre États, à en supporter le poids. L'Aragon et la Castille commencent à éprouver les luttes intestines de l'aristocratie et de la royauté sous des princes dont le règne ne manque cependant ni de force ni d'éclat, sous Alphonse X qui a reçu des électeurs allemands le titre d'empereur, sous Pierre III lui a enlevé la Sicile aux Français. La fin du Moyen âge Le
XIVe siècle.
Le grand schisme met en question la puissance temporelle, et porte atteinte à la puissance spirituelle des papes. L'Angleterre, déjà remuée par l'audacieux Wiclef; la France, dont les discordes avaient été comprimées par Charles V le Sage; la Flandre, formidable par ses corps de métiers, sont le théâtre d'un mouvement révolutionnaire qui semble concerté entre les trois pays. L'Italie a comme donné le signal par les troubles sanglants de Florence. La grande lutte entre Venise et Gènes, la dernière qui soit glorieuse pour les Génois, puisqu'ils n'ont pas su constituer un gouvernement qui les mette à l'abri de l'anarchie; les crimes de la maison Duras, vengeant la maison de Hongrie des forfaits de Jeanne de Naples; en Lombardie, la chute sanglante des maisons de podestats au profit des Visconti de Milan et des oligarques de Venise, couronnent le XIVe siècle pour l'Italie. La liberté et la vraie démocratie ne sont nulle part sur cette terre, dont les héros sont maintenant des condottieri. L'Angleterre, dans ce siècle, renverse deux de ses rois, et retrouve un gouvernement plus ferme sous les princes que le parlement appelle au trône. Les Anglais ont chassé un roi despote, les Allemands un empereur ivrogne et débauché; la France garde en attendant mieux un pauvre roi fou. A l'une des extrémités de l'Europe, en Espagne, les libertés constitutionnelles des différents États chrétiens, et l'énergie guerrière des populations, arrêtent le despotisme de rois souvent cruels, et sauvent la péninsule des invasions africaines des Mérinides, mais les Maures garderont Grenade encore pendant près d'un siècle. En Orient, la décrépitude de l'Empire byzantin et les progrès des Turcs animés par le fanatisme religieux et militaire, annoncent une révolution prochaine : une croisade de chevaliers français et allemands ne peut que fournir aux janissaires l'occasion d'une grande victoire sur les bords du Danube. La première
partie du XVe
siècle.
L'Allemagne semble avoir fait le sacrifice de ses anciens droits sur la péninsule : l'empereur Robert, choisi par les électeurs ecclésiastiques; Sigismond, le second fils de Charles IV; Frédéric III, prince de la maison d'Autriche renouvelée, qui a régné depuis sans interruption, hasardent de courtes apparitions en Italie. Rome pourrait redevenir le centre de la nation italienne, soustraite à la tutelle germanique. Les empereurs songent surtout à agrandir et à faire prospérer leurs États héréditaires. Leur pouvoir impérial est trop limité par la diète, qui fait les lois, les traités, les alliances, les déclarations de guerre, exerce la haute police, et se réserve même clés attributions judiciaires; les membres immédiats du corps germanique sont partagés en quatre classes : le collège des électeurs, celui des princes, le corps des villes libres et impériales, le corps de la noblesse immédiate. Sous des empereurs faibles, sous des papes rivaux, les factions guelfe et gibeline se sont presque éteintes en Italie. A Milan, les Visconti, après avoir longtemps lutté contre Venise pour empêcher ses conquêtes en terre ferme, laissent aux Sforza, famille d'aventuriers braves et heureux, un duché encore considérable , nais difficile à garder. Les Médicis s'étudient à calmer les agitations des florentins pour leur faire goûter tous les fruits de la liberté, du culte des lois, de l'industrie et des lettres; Pise et Livourne, au pouvoir de Florence, lui donnent les avantages des villes maritimes, sans l'exposer aux mêmes périls. Naples, qui a vu se renouveler, sous les princes de la maison de Duras, les anciennes luttes angevines, est enfin conquise par les Aragonais de Sicile. Alphonse, roi d'Aragon et des grandes îles de la Méditerranée, se rend digne de régner sur des Italiens, par la protection qu'à l'exemple du pape et des Médicis il accorde aux beaux-arts. Il domine à la fois les deux péninsules. La Navarre passe par un mariage sous l'influence de son fils dont l'ambition cause des luttes parricides. La Castille ne connaît plus que les guerres, de la noblesse contre le roi. Les Portugais vont chercher sur la côte atlantique de l'Afrique des expéditions saintes et des courses d'aventures qui leur préparent un siècle de gloire et de prospérité commerciale. Le siècle s'ouvre en France par
un lamentable spectacle : la démence du roi, les intrigues et les
perfidies de la reine Isabeau de Bavière,
les rivalités sanglantes des deux maisons d'Orléans et de
Bourgogne, toutes deux d'origine royale; des massacres rendus pour des
massacres au sein de Paris; l'assassinat pour l'assassinat. Henri
V de Lancastre qui n'étant pas, comme son père, obligé
de donner tous ses soins à s'affermir sur un trône usurpé,
avait recommencé la guerre de France. La bataille d'Azincourt
est complétée par le traité de Troyes
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