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L'Égypte musulmane
La conquête arabe
L'Egypte musulmane
La conquête arabe
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La domination ottomane
Les Vice-Rois
Dès 628, le prophète Mohammed avait pensé pouvoir traiter d'égal à égal avec les rois de la terre, ainsi qu'il appelait les potentats voisins de sa péninsule. Chacun d'eux avait été sommé par lui de choisir entre la guerre et l'islam. Ces démarches étranges et hardies à la fois n'obtinrent pas le succès que le prophète des Arabes en attendait. Seul le moqauqis d'Égypte (préfet indigène), Djoreïdj, fils de Minâ, montra des dispositions amicales; il envoya même des présents consistant en un mulet, un âne et une femme, Marie la Copte, que Mohammed s'empressa d'épouser. Quelques années plus tard, sous le règne d'Omar ibn el-Khattâb, deuxième calife (639-644}, les musulmans devaient trouver en lui un utile allié. L'empire sassanide de Perse venait de tomber sous leurs coups; la Syrie tout entière était occupée militairement. Restait l'Égypte, principal objet de leur convoitise. Cette province faisait partie de l'empire romain d'Orient et obéissait alors à Héraclius, treizième successeur d'Arcadius. Sa population, véritable mosaïque de peuples, était formée de deux éléments absolument distincts, vivant juxtaposés, mais nullement mêlés, de deux castes politiques et ethnographiques : les gouvernants et les gouvernés, les melkites et les jacobites (L'Égypte Chrétienne). Les premiers étaient les Grecs affluant de Byzance, tous revêtus d'emplois et de fonctions militaires ou administratives, exacteurs impitoyables, colons insolents, presque tous appartenant à la religion orthodoxe. Les seconds comprenaient les descendants des anciens maîtres du sol, les Coptes ou Égyptiens, peuple d'agriculteurs et d'artisans paisibles, fait au joug depuis plusieurs siècles; ils avaient généralement embrassé la doctrine d'Eutychès ou des monophysites, propagée dans la vallée du Nil par Jacob Baradée, mort évêque d'Edesse en 578. Tout s'opposait donc à une fusion entre ces deux populations d'un même pays : les haines communautaires, l'inimitié du vaincu à l'égard du vainqueur et aussi les divergences religieuses de deux partis également fanatiques. De là de perpétuelles luttes intestines, de réciproques excommunications, qu'entretenaient la tyrannie des agents impériaux et l'exaspération des indigènes. 

Tel est le singulier spectacle qu'offrait l'Égypte en 639, lorsque Amr ibn El-As, l'un des plus brillants généraux de l'armée de Syrie, envahit la contrée par El Arich, Faramâ (Péluse) et Menf (Memphis). Alexandrie était la capitale grecque de l'Égypte (L'Égypte Ptolémaïque), Menf, la capitale copte. La marche des musulmans fut une promenade militaire : les Grecs n'étaient pas en état de tenir la campagne, et, d'autre part, la population copte accueillait Amr en libérateur. Saisissant avec empressement cette occasion inespérée de rompre avec Alexandrie et son gouvernement, le moqauqis de Menf conclut avec Amr un traité par lequel les Coptes promettaient aux musulmans une soumission entière. En échange, Amr leur assurait la liberté religieuse, la sûreté personnelle, l'inviolabilité des biens, une justice exacte et impartiale. Les vexations arbitraires et exorbitantes des préposés impériaux furent remplacées par la redevance fixe et annuelle d'un dinar par tête. Les clauses de ce traité parurent si favorables que toute la population des provinces se mit sous la protection des Arabes. Cependant l'élément grec de la population refusa de se soumettre et se réfugia à Alexandrie ou se retrancha dans la forteresse de Babylone, située sur la rive droite du Nil, un peu au Nord de Menf. Amr attaqua cette forteresse qui fit peu de résistance, grâce aux intrigues du moqauqis. Maître de la partie la plus considérable de l'Égypte, Amr marcha sur Alexandrie, dont la prise pouvait seul lui assurer la possession du pays. Bien qu'abandonnés à leurs propres ressources, les Alexandrins tinrent quatorze mois contre les assauts réitérés des Arabes, dans l'un desquels Amr lui même fut fait prisonnier. Une ruse le fit relâcher. Les Grecs vaincus gagnèrent Constantinople sur leurs vaisseaux. Amr avait perdu dans ce siège vingt-trois mille hommes (22 décembre 640). 

Selon une tradition peu authentique, le calife Omar lui aurait donné l'ordre de faire brûler ce qui restait de manuscrits dans les bibliothèques d'Alexandrie. L'Égypte subjuguée, Amr songea à organiser sa conquête, tandis que ses lieutenants poussaient leurs armes victorieuses jusqu'au pays de Barqa (Cyrénaïque) et jusqu'en Nubie. Il construisit une capitale militaire, Fostât Misr, avec une mosquée cathédrale encore existante; il y établit sa résidence, y forma divers établissements et s'efforça de mettre en pratique un système de sage et prudente administration. Tous les habitants furent soumis à une capitation uniforme; les anciens nilomètres furent réparés, de nouveaux furent construits; l'ancien canal de Qolzoum, qui joignait le Nil à la mer Rouge, fut restauré; d'autres grands travaux furent entrepris et en quelque temps l'Égypte se trouva entièrement régénérée. L'impôt avait rapporté pendant la première année de la conquête un million de dinars; douze ans plus tard il produisait quatorze millions. En 644, le premier soin d'Oçmân ibn Affân, successeur du calife Omar, fut de destituer Amr au profit de son frère de lait, Abd Allâh ibn Saïd. Le nouveau gouverneur augmenta de suite les impôts modérés que son prédécesseur avait institués. Il conserva néanmoins son poste jusqu'à la mort du calife (655). Le vieil Amr ne fut remis en possession de son gouvernement que sous Moâwiya, premier calife omeyyade, qui lui devait son élévation au trône. Malheureusement il mourut deux ans après (663). Dès lors, les Coptes purent se croire revenus aux pires jours de la domination romaine. Le gouvernement de l'Égypte fut confié jusqu'à l'avènement des Abbâsides (750) à une série de créatures avides ou incapables qui mirent en coupe réglée la plus belle province de l'empire des califes. Aux actes d'intolérance et de despotisme des âmil, aux incarcérations, aux amendes, aux confiscations, au pillage des églises et des monastères, aux massacres, les Égyptiens répondirent par d'inutiles révoltes aussitôt étouffées dans le sang. Ils jouirent toutefois d'un repos relatif, et le pays recouvra un instant sa prospérité sous l'administration bienfaisante d'Abd el-Aziz, frère du calife Abd el-Malik, de 685 à 705. (Paul Ravaisse).

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