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L'histoire du Maroc
3 - Les Almoravides 
(1055 - 1120 / 1128)
Aperçu
1- L'Antiquité
2 - La conquête musulmane
3 - Les Almoravides
4 - Les Almohades 5 - L'empire mérinide  6 - Les chérifs saadiens  7 - Les chérifs hasani
Des Lemta et des Lemtouna voilés, ancêtres des Touareg actuels, qui campaient d'ordinaire le long du Sénégal et dans les vastes espaces sablonneux du Sahara, ayant connu l'islam, entreprirent de faire partager leurs croyances les armes à la main, d'une part aux populations païennes du Nord du Soudan et du Sud du Sénégal, de l'autre à toutes les tribus marocaines plus ou moins suspectes d'ignorance ou d'hérésie. De leur surnom d'El-Morâbetin (= les religieux), les Espagnols ont fait AImoravides qui leur est resté. Ils ne connaissaient d'autres montures, même pour la guerre, que les chameaux de course, vivant sobrement du lait et de la chair de leurs animaux; ils atteignaient un âge très avancé. Ils sortaient de la vieille population berbère et sanhadjienne. Les nouveaux sectaires étaient animés d'un esprit de vengeance et de cupidité très accusé contre tout ce qui s'était élevé dans le Nord de l'Afrique. Leur première expédition est de l'an 1053. Elle n'avait d'autre but que d'enlever aux Maghraoua un parc de 50 000 dromadaires à Sidjilmassa; ils y laissèrent des gouverneurs almoravides. Mais le succès de l'entreprise enflamma et encouragea l'ardeur de ces ravisseurs, et dès 1056 le cheikh des Almoravides, un certain Abou-Bekr-ibn-Omar, les ramena vers le Nord, en les conviant à la conquête du pays tout entier, que devait favoriser l'anarchie complète qui y régnait alors.

Les Maghraoua, Ifren et Miknasa s'y disputaient le pouvoir; l'influence de Cordoue avait disparu depuis la chute des Omeyyades. A Tanger commandaient les Edrisites Hanmoudites, et à Sidjilmassa régnaient les Beni-Ouanoudin-ben-Khazroum. Dans l'Atlas la tribu des Masmouda était prépondérante, tandis que les Berghouata où dominait le schisme de Younos vivaient dans l'indépendance. S'étant donc emparés, en 1056, des villes de Massa et de Taraudant, les Almoravides franchirent l'Atlas et occupèrent en 1059 la grande et prospère cité d'Aghmat, capitale de la contrée, qui obéissait à un prince zénatien du nom de Lerhout. Les ruines très frustes d'Aghmat se voient encore de nos jours à une très petite distance de Marrakech. Abou-Bekr, le chef des Almoravides, épouse ensuite la veuve de ce Lerhout, la belle Zeïneb, originaire du Nefzaoua, femme d'une grande intelligence et que les chroniqueurs arabes appellent la Magicienne. Puis la conquête s'étendit au Nord de l'Atlas parmi les Masmouda, et au Tadela, région qui obéissait à une fraction des Beni-Ifren. Cependant la résistance devenait de plus en plus vive; aussi bien les conquérants n'avaient eu à faire jusque-là qu'à des populations animistes ou à des musulmans chiites, ils allaient rencontrer en montant vers le Nord des schismatiques semblables à ceux du faux prophète, Salahben-Tarif, qui leur avait composé un Coran en langue berbère, modifiant à son gré les prescriptions islamiques. Dans un combat, le chef des Almoravides, Ibn-Yacin, périt en 1059, Abou-Bekr, son successeur, réussit cependant à entraîner à nouveau les Almoravides contre les hérétiques, et cette fois les Berghouata furent définitivement vaincus; il y eut dans tout le pays un grand carnage de Beni-Ifren; mais, une révolte ayant éclaté au Soudan, le conquérant est obligé d'abandonner le commandement à son cousin Yousef-ben-Tachfin. A cette même époque le Hammadite Bologguine reparaît dans le Nord du Maroc qu'il envahit et s'empare de Fès où les descendants de Ziri-ben-Atiya achevaient d'user leurs forces en des luttes intestines. Après le départ d'Abou-Bekr, les Almoravides poursuivirent leur marche sous la conduite de Yousef qui avait épousé la belle Zeïneb. Ce dernier fonde dans la plaine qui s'étend au pied septentrional de l'Atlas, en une admirable situation, la ville de Marrakech, puis il organise une redoutable armée où marchent, à côté des Almoravides, des Guezoula, des Masmouda et même des Zenetes. En 1063, il s'empare de Fès et de toutes les places de la vallée de la Molouïa, puis il dompte les Ghomara du Rif, et il se dispose à assiéger Tanger quand une révolte le rappelle soudain à Fez. La répression fut terrible, car tous les hommes valides furent passés au fil de l'épée. 

Sauf Tanger et Ceuta, tout le pays marocain appartenait aux Almoravides. Leur puissance va grandir sans cesse et, vers 1085, El-Motamed, le souverain des musulmans d'Espagne, poussé par son fils, Rechid, se décidera à les appeler pour résister aux progrès des armes d'Alphonse VI après la prise de Tolède. Comme prix de son concours, Yousef-ben-Tachfin exige Algésiras et l'aide d'El-Motamed afin de s'emparer de Tanger et de Ceuta, places auxquelles il ne tardera pas à joindre la possession du Rif et de Tlemcen. Tout le Maghreb lui obéissant, il franchit le détroit avec ses troupes. Le 30 ,juin 1086, il débarqua à Algésiras; son armée offrait, nous dit-on, le plus bizarre assemblage; à côté des Noirs, Arabes, Berbères et Nomades divers du Saharaà la figure voilée, marchait un corps de mercenaires et d'esclaves chrétiens bardés de fer. On y voyait même une troupe espagnole que commandait un certain Garcia Ordoñez, et pour la première fois on vit des dromadaires dans le pays. Le récit de cette expédition faisant partie de l'histoire de l'Espagne, nous reviendrons aux affaires du Maroc qui étaient alors abandonnées à la direction des fekih et où un puritanisme rigoureux pesait sur la religion. La puissance almoravide touchait à son apogée; elle embrassait un des plus vastes empires qui aient existé, des rives de l'Ebre et des Baléares jusqu'au delà du Niger. Avant de mourir à Marrakech à l'âge de cent ans, dans la ville qu'il avait bâtie et où se voit encore son tombeau, Yousef avait pris le titre glorieux de commandeur des croyants, émir el-moumenin; il avait été le véritable fondateur de la dynastie almoravide.

Son fils, Ali-ben-Yousef, lui succéda et régna trente-six ans (1106-43). Ses commencements furent heureux; il passa plusieurs fois en Espagne y faire la guerre aux chrétiens. Sous son règne, son fils Temim se distingua à la victoire d'Ucles (29 mai 1108), où périt don Sanche, le fils unique d'Alphonse VI de Castille. Mais à partir de ce moment la fortune des Almoravides décline, tandis que dans la chaîne de l'Atlas se lève la puissance d'lbn-Toumert, l'apôtre almohade. On assistera à un mouvement populaire analogue à celui qui avait porté les Almoravides au trône du Maroc. Ibn-Toumert avait réuni en confédération religieuse plusieurs tribus des Masmouda; il se donnait pour le mahdi ou le guide de Dieu. Pauvre et misérable, il soulevait ces populations par ses prédications enflammées; blâmant le relâchement des moeurs, il s'élevait contre les docteurs et les grands. Au fond il professait les théories sunnites en voulant ramener l'islam aux doctrines des premiers siècles. Croyant à l'unité absolue de Dieu dans son essence et dans sa nature, il donna à ses adeptes le nom d'Almohades (Almohadoun), ou unitaires, par opposition aux tendances anthropomorphiques des Almoravides. Ce fut encore une secte qui fonda un empire; la réforme religieuse suscitait un nouveau conquérant qui allait profiter des embarras des Almoravides. Ibn-Toumert meurt après la défaite de ses troupes sous les murs de Marrakech, mais son oeuvre est continuée par son disciple Abd-el-Moumen qui ne tarde pas à détruire la puissance de la dynastie almoravide où Ali eut pour successeur son fils, Tachfin, qui périt à Oran durant sa lutte contre les Almohades (1146-47). Ibrahim remplace Tachfin son frère, mais il est déposé pour son incapacité. On appela alors au pouvoir Ishak, fils d'Ali-ben-Yousef, qui ouvre les portes de la ville de Marrakech à Abd-el-Moumen et que le conquérant almohade fait massacrer (1147). L'Espagne envahie ne tarda pas elle-même à reconnaître l'autorité des Almohades. Telle est la fin de la puissance des Almoravides, fondée moins d'un siècle auparavant sous la conduite d'un homme hors du commun. (H.-P. de la Martinière).

Chronologie des souverains almoravides :
Abou-Bekrben-Omar, vers 1055
Yousef-ben-Tachfin, 1061
Ali ben-Yousef, 1106
Tachfin-ben-Ali, 1142;
Ibrahim-benTachfin, 1146
Ishak-ben-Ali, 1447.
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