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Les
Alamans
ou Alemans formaient une confédération de peuples
germaniques, que les écrivains latins appellent Alemanni
ou Alamanni. En l'année 178 de notre ère, les Semnons
ou Semnungs, qui occupaient l'emplacement du Brandebourg actuel, furent
chassés de leur territoire par des invasions de Goths
et de Slaves. Poussés en avant, ils
allèrent jusqu'au Rhin et s'établirent entre le fleuve et
le cours du Main. Les diverses tribus dont se composait ce peuple (Quades,
Hermundures, Marcomans, Iaziges, Taïfales) formèrent une association
guerrière pour la défense et pour l'attaque, et pri rent
le nom d'Alle mann, « tous les hommes ». Les Alamans
se trouvaient en contact avec l'empire romain. Toute leur histoire, dès
lors, consiste en incursions dans les possessions de l'empire; en luttes
tantôt heureuses et tantôt malheureuses et, suivant la fortune
des combats, en alliances ou en guerres avec Rome.
En 214 (date à
laquelle le nom d'Alamanni apparaît pour la première
fois dans l'histoire), Caracalla repousse les Alamans des Champs décumates;
mais ils envahissent de nouveau le territoire romain; Alexandre Sévère
lève une armée contre eux; il est assassiné. Son successeur
Maximien les rejette au-delà du Rhin et ravage tout leur pays (222
à 235). Vers 259 les Alamans se répandent le long du Neckar,
traversent la forêt Noire ,
prennent Aqua Aureliensis (Baden-Baden), tournent les sources du Danube
et menacent la province de Vindelicie. Posthumius les attaque chez eux
et fait élever le long des frontières de l'Empire des remparts
garnis de fossés (mur du diable) (257-260). En 268, les Alemans
passent les Alpes et arrivent au lac de Garde
où ils sont battus par l'empereur Claude
II. Vers 272, Aurélien délivre la Vindelicie et Probus
les chasse de la Rhétie où ils avaient déjà
pénétré (276-282). Dioclétien réussit
à les contenir (285), mais sous Constance Chlore une armée
alamanique envahit la Gaule et surprend l'empereur près de Langres.
Elle est mise en déroute (301) et Constance traite avec un des chefs,
Erech, qui consent à l'accompager en Grande-Bretagne et plus tard
aide son fils Constantin à s'emparer de
l'Empire (306).
Constance évite de nouveaux combats en traitant encore avec les
rois Gondomar et Vadomar, qui s'apprêtaient à traverser le
Rhin pour pénétrer au coeur de la Gaule. Sous Julien, les
Alamans commandés par Chnodomar, Suomar et Hoctar, surprennent Argentoratum
(Strasbourg) et se répandent dans la vallée des Vosges et
de l'Ill qu'ils commencent à coloniser. Julien accourt et, après
une bataille acharnée, les repousse au-delà du Rhin (357).
Il passe lui-même le fleuve et quatre rois se soumettent, s'engageant
à fournir « du bois, du fer et des voitures ». Le gouvernement
romain, impuissant à refouler seul toutes les invasions, emploie
partout des barbares et les oppose à d'autres barbares. A cette
époque un roi des Alamans, Vadomar, est gouverneur de Phénicie
et le roi Hoctar, battu à Strasbourg, passe au service de l'empereur.
Valentinien eut
aussi affaire aux Alamans. Ils avaient passé le Rhin et les Vosges
et pillaient les vallées de la Saône, de la Seine et de la
Marne, sous la conduite de Macrian et de Withicab. Il fallut trois batailles,
dont deux sur la Saône et sur la Marne et une sur le Neckar, pour
repousser les envahisseurs. Encore dut-on jeter sur eux les Burgondes
(360 à 375). En 453, les Alamans prennent part à la grande
invasion des Huns; à la bataille des
champs
Catalauniques, ils combattent à la droite d'Attila.
Refoulés encore au-delà du Rhin, à la suite de la
victoire d'Aetius, ils reprennent bientôt
leur incessante marche en avant. En 496 ils s'étaient étendus
sur la rive gauche du Rhin jusqu'au pied des Vosges. Ils se prennent de
querelle avec les Francs Ripuaires et blessent
leur chef Sigebert. Clovis accourt et les bat à Tolbiac. Sa victoire
fut si complète que les Alamans se rendent à merci :
«
Nous te prions de ne pas exterminer tout ce peuple; dorénavant nous
sommes à toi. »
Dès lors les
Alamans passent, en quelque sorte, au service des Francs.
Ainsi Théodebert ajoute à son armée les peuplades
alamaniques, Suèves
ou souabes, et leur donne pour chefs les ducs Leuthar et Bucelin. Mais
ceux-ci les entraînent par dessus les Alpes et les conduisent jusqu'aux
extrémités de l'Italie: tous ceux qui prirent part à
cette expédition périrent par suite du climat et des excès
ou furent exterminés, en détail, par les populations des
pays qu'ils avaient envahis.
Clotaire
II et Dagobert importent la civilisation
romaine et chrétienne chez les Alamans et font rédiger, améliorer
ou rééditer leurs lois (614 à 638). Les textes portera
le nom de ces princes.
«
Clother II recueillit les coutumes des Alemans et des Bavarois, et pour
que chaque peuple qui vivait sous sa domination fût jugé selon
sa loi, avec le concours d'évêques, de dues et de comtes et
le consentement du peuple, il leur donna force d'exécution. »
Dagobert « changea les usages païens selon les priacipes de
la foi chrétienne et les transmit à chaque peuple par le
moyen de trois hommes nobles, Chadoin, Agilulf et Claudius ».
Un duc alaman,
Landfried, fils de Gottfried, réédita lui-même le texte
de la loi alemanique et améliora les vieilles coutumes « selon
la lumière de la raison romaine et de l'Église romaine qui
virait et se fortifiait de son droit ».
Charlemagne continue
l'oeuvre de ses prédécesseurs. Il comprime les invasions
toujours imminentes des Alamans; il les fixe, les convertit et les civilise.
Sous Louis le Débonnaire les Alamans
prennent le parti de Louis le Germanique contre son père, et, plus
tard, combattent Lothaire. Au traité de Verdun
(10 août 813), l'Alamanie est comprise dans les possessions de Louis
le Germanique.
Aux IXe et Xe siècles
l'existence en Alemanie d'un margrave de Rhétie sur la frontière
suisse, dans les Hautes-Alpes, et de deux officiers royaux ou messagers
de chambre (nuntii camerae) dans les plaines, surtout la rivalité
des seigneurs ecclésiastiques, empêchaient qu'il se format
un duché. Mais la puissance de plusieurs familles y tendait déjà.
En 909, les Hongrois ayant pénétré jusqu'en Alamanie
et y ayant fait un grand butin, les comtes Erkanger et Berthold s'unirent
au duc de Bavière et les battirent sur l'Inn. Fier de sa victoire,
le comte Erkanger attaque Burkhard, margrave de Rhétie, le bat et
ne cache plus son intention de faire de l'Alemanie un duché à
son profit. L'empereur Conrad Ier le fait prisonnier et le condamne à
l'exil, suivant la loi alamanique. Erkanger machine un nouveau complot
où il entraîne le comte Berthold. Tous deux sont saisis et
décapités à Adingen près du Neckar (917). Burkhard,
puissant dans la Thurgovie et les Hautes-Alpes, profite de la chute des
deux comtes pour constituer à son avantage le duché de Souabe.
Dès lors le duché de Souabe ou l'ancienne Alemanie appartient
à l'histoire générale de l'Allemagne. (Pour plus de
détails sur la constitution du duché, Souabe.)
Modes
de vie.
Les Alamans ont
eu les mêmes moeurs que les Germains de Tacite.
Suivant Salvien, Ammien Marcelin et Pompeius Mela, ils sont rudes, hospitaliers,
avec des goûts d'indépendance et de liberté; ils sont
ardents au combat sans dédaigner la paix; ils ont la passion de
la famille. Chez eux il y avait trois classes d'hommes libres avec un whergeld
de 760 sous; une classe de demili-bres ou baros et des esclaves. Les hommes
libres sont maîtres absolus sur leurs propriétés, ils
ne paient pas d'impôts; ils sont jugés par les comtes, mais
nomment les jurés qui siègent au tribunal; Les demi-libres
cultivent les terres d'autrui. Ils sont vendus avec le champ. Quiconque
les vend autrement doit payer tout leur whergeld. Les esclaves de la terre
doivent trois jours de corvée sur six et payent des redevances en
bière, blé, bétail et volaille. Les autres esclaves
sont assez durement traités. Les lois qui régissent, chez
les Alamans, la propriété, l'héritage, le mariage;
les coutumes relatives à la marche; à la répartition
politique et militaire du sol en gaus ou comtés et hameaux de cent
feux, commandés par les centeniers, sont analogues aux lois et coutumes
de tous les peuples d'origine germanique. (R. S.). |
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