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Premières
incursions
Les Français établis
au Sénégal entreprirent à la fin du XVIIe
siècle plusieurs voyages importants pour
reconnaître l'intérieur du pays. Le principal est celui du sieur André
Brue, directeur d'une des compagnies africaines; en 1697,
il remonta le Sénégal sur une longueur de 600 km et pénétra jusqu'Ã
la capitale du roi des Foulas; l'année suivante, il remonta de nouveau
le fleuve jusqu'au royaume de Gallam et dépassa la cataracte de Félou.
En 1714,
Compagnon
entreprit un voyage dangereux à travers des régions très hostiles aux
Européens, le royaume de Bambouk. On explora également la région entre
le Sénégal et le Sahara ,
d'où l'on tirait la gomme. Des missionnaires, portugais surtout, visitaient
l'Abyssinie .
L'Écossais James Bruce les y suivit (1769-71),
explora le Nil Bleu et revint en Égypte par
la Nubie .
En 1788,
fut fondée à Londres l'Association africaine
(African Association) qui donna aux investigations une tournure
scientifique et méthodique, dictant en quelque sorte aux voyageurs un
programme, les invitant à recueillir les données astronomiques et météorologiques,
les notions sur les langues et les croyances, sans lesquelles, expliquait-on,
on ne connaît vraiment pas un pays. Depuis cette époque et pendant tout
le XIXesiècle,
des voyageurs innombrables ont sillonné l'Afrique en tous sens et résolu
la plupart des problèmes restés insolubles depuis l'époque grecque.
Les Anglais ont tenu alors la première place dans cette phalange
de voyageurs ; ils ont attaché leur nom à beaucoup des découvertes fondamentales;
les Français et les Allemands en ont pris leur bonne part et ont contribué
autant qu'eux peut-être à grossir le bagage positif et proprement scientifique
de la géographie africaine.
Toutes ces recherches
et tous ces voyages, comme l'exploration de la région de l'Atlas, de l'Égypte
et du Sénégal par la France, ne peuvent naturellement pas être relatées
en détail dans cet exposé très sommaire. Nous nous contenterons donc
de résumer les principaux voyages et d'indiquer les grandes découvertes
qui ont réduit à fort peu de chose, relativement, les zone encore blanches
des cartes d'Afrique au début du XXe
siècle. Nous répartirons ces voyages
en trois groupes principaux :
1° Les
premiers ont eu pour but l'exploration du Soudan et de l'Afrique occidentale;
elles ont permis de tracer le cours du Niger et de définir le bassin du
lac Tchad.
2° Les seconds se
sont proposé l'exploration du bassin du Nil et de l'Afrique occidentale;
ils ont amené la découverte de la région des grands
lacs et du bassin supérieur du Nil.
3° Les troisièmes,
dirigés dans l'Afrique australe, ont
abouti au relevé du cours du Zambèze et à la découverte du bassin du
Congo.
Explorations du Soudan
et de l'Afrique occidentale.
Les premières explorations
entreprises à l'instigation de l'Association africaine anglaise ne furent
pas couronnées d'un plein succès. John Ledyard, un des compagnons de
Cook,
ne dépassa pas le Caire, où il périt. Lucas
le remplaça, mais ne put mettre à exécution son projet de traverser
l'Afrique septentrionale de Tripoli au Sénégal;
les Arabes l'en empêchèrent. Le major Houghton,
qui abordait le problème par le côté opposé, ne réussit guère mieux.
Il pénétra par la Gambie (1790)
jusqu'à Médine sur le haut Sénégal ; mais il fut dévalisé par des
marchands maures, forcé de rétrograder et mourut à Djarra (1791).
Mungo
Park, chargé de reprendre ces recherches, aux frais du gouvernement
anglais, remonta la Gambie, visita les royaumes de la haute Sénégambie,
passa dans le bassin du Niger qu'il atteignit au point où il porte le
nom de Dhioliba. Il le descendit jusqu'à Ségou, capitale des Bambara.
Son intention était de continuer de suivre le fleuve jusqu'à Tombouctou.
On ne sait pas exactement jusqu'où il alla, car il fût assassiné et
ses papiers furent perdus (1806).
D'autre part, le major Hornemann, parti de l'Égypte, parcourait les oasis,
le Fezzan
et de là se dirigeait vers le Niger; il mourut également en route (1798).
Cette série d'insuccès
et d'autres analogues découragèrent l'Association anglaise qui n'envoya
plus d'expédition et finit par se fondre avec la Société géographique
de Londres. La question du Niger restait pendante; ou n'avait pu encore
eu trouver l'embouchure; les uns faisaient aboutir le grand fleuve de l'Afrique
du Nord-Ouest, dans le lac Tchad; d'autres le conduisaient jusqu'Ã l'estuaire
du Congo; assez rares étaient ceux qui le faisaient déboucher dans le
golfe de Bénin. En 1822,
le problème fut résolu. Le major Dixon Denham,
le capitaine Hugh Clapperton et le Dr Oudney
partirent de Tripoli, tablant sur les renseignements
recueillis dans le Fezzan
par Ritchie et Lyon (1818-20);
ils traversèrent le Fezzan, le Sahara
suivant la direction Nord-Sud et atteignirent le lac Tchad; ils explorèrent
les rives du lac et les contrées environnantes. Oudney périt dans le
Bornou ;
Clapperton, au prix de grandes fatigues, s'avança vers l'Ouest jusqu'Ã
Kano
et Sokoto .
La question du Niger
était résolue, il était prouvé qu'il ne tombait pas dans le lac Tchad
et il était à peu près impossible qu'il débouchât ailleurs que dans
le golfe de Bénin. Clapperton périt en voulant compléter la démonstration.
Il partit de la côte de Guinée, pénétra jusqu'au Niger, le passa et
arriva à Sokoto ,
reliant ainsi ses deux itinéraires (1826).
Il mourut à Sokoto, mais son domestique, Richard
Lander, rapporta en Angleterre le récit des découvertes de son employeur
et acheva son oeuvre. Accompagné de son frère John, il retourna dans
ces contrées; les frères Lander descendirent le Yaouri jusqu'à son embouchure
(1830).
Dans un second voyage ils se portèrent sur le haut Niger et le descendirent
jusqu'à Tombouctou. Leur expédition
eut une fin désastreuse.
Tel fut aussi le
sort de celle que le gouvernement anglais envoya en 1841
pour étudier le Niger. John Duncan, qui avait
survécu à cette tentative, en fit une autre et parvint jusqu'à Adafoudia
(1845-46),
mais périt dans un troisième voyage. Les efforts pour ouvrir une route
à partir du delta du Niger restèrent infructueux jusque dans les dernières
années. Signalons seulement, en 1854,
le Dr Baikie qui remonta la Bénoué. Il y avait,
du reste, à ce moment bien des progrès nouveaux accomplis depuis Clapperton.
Laing
venu du Nord par Tripoli avait atteint la
fabuleuse cité de Tombouctou, il avait
été assassiné à son retour (1826).
En 1827,
le Français Caillié entreprit ce voyage dans
des conditions qui lui font le plus grand honneur. Dénué de tout appui,
il alla à Tombouctou (1828)
par la côte occidentale et revint en Europe en traversant le Sahara et
le Maroc.
En 1849,
fut entrepris un grand voyage, le plus scientifique peut-être qui ait
été fait jusqu'alors sur cette étendue. Le gouvernement anglais mit
James
Richardson à la tête de l'expédition; le but était aussi humanitaire
que scientifique, car l'opinion était très préoccupée des révélations
faites par les missionnaires au sujet de la traite des esclaves.
On adjoignit à Richardson deux savants naturalistes allemands, Barth
et Overweg, à qui revient le principal mérite
des résultats obtenus. Leur itinéraire les conduisit de Tripoli
à Mourzouk ;
ils s'engagèrent dans le Sahara (1850)
à l'Ouest de l'itinéraire de Denham et Clapperton, passèrent à Ghat,
au puits d'Asiou, visitèrent l'oasis très montagneuse d'Azben ou Aïr,
avec ses villes dont Aghadez (Agadès) est la principale. En 1854,
ils atteignirent le Soudan à peu près à mi-chemin entre le Niger et
le lac Tchad. Ils marchèrent vers l'Est, parvinrent au Bornou où Richardson
mourut presque aussitôt à Nuouroutoga (mars 1851).
Ils se livrèrent à une série d'investigations méthodiques sur la région
du lac Tchad. Overweg y mourut (septembre 1852).
Barth restait seul;
il visita l'Adamaoua, l'État le plus méridional du Soudan, et reconnut
la
Bénoué, le grand affluent de droite du Niger. De là , il retourna jusqu'Ã
Sokoto ,
déjà vue par Clapperton. Le Soudan occidental était presque inconnu.
il s'y engagea, alla sur le Niger jusqu'Ã Tombouctou.
On resta deux ans sans avoir de ses nouvelles ; il reparut enfin au Bornou
en 1854
et y trouva Vogel envoyé pour remplacer Overweg.
Il partit alors pour rentrer en Europe (1855).
Vogel, pour achever dignement cette magnifique exploration, voulut reconnaître
le Soudan oriental et revenir par le Nil. Il passa au sud du lac Tchad
et entra dans le Ouadaï où sa trace se perdit (1850).
On a su, une cinquantaine d'années plus tard, qu'ayant voulu gravir une
montagne sacrée des environs de Ouara, la capitale du pays, le sultan
l'avait fait mettre à mort.
Les résultats des
voyages de Barth et Vogel
furent très grands; une grande partie de ce que l'on saura pendant encore
très longtemps sur le Soudan devra être puisée dans leurs ouvrages.
Les deux données fondamentales de la géographie de ces pays, l'altitude
du lac Tchad et la latitude de Kouka ,
point de départ de tous les itinéraires, ont été mesurées et considérablement
rectifiées par Vogel. Ses travaux, et plus encore ceux de Barth, resteront
jusqu'au milieu du XXe
siècle une mine inépuisable pour quiconque
voudra étudier l'histoire, l'ethnographie ou la sociologie des populations
africaines. Leurs opérations ont porté sur un champ immense depuis Tripoli
jusqu'à la Bénoué sur vingt-cinq degrés de latitude, de Tombouctou
jusqu'au Ouadaï sur vingt-cinq degrés de longitude .
Seul Livingstone a parcouru et révélé
à l'Europe des régions aussi étendues.
Il nous reste Ã
mentionner brièvement les explorations dirigées dans l'Afrique occidentale,
depuis ce voyage qui fait époque. Sir Balfour Baikie,
dont nous avons déjà cité la navigation du bas Niger, en 1854,
a beaucoup contribué à faire connaître cette région; il est allé jusqu'Ã
Kano
(1862).
Les Français, maîtres de la Sénégambie et de l'Algérie, ont songé
à relier l'une à l'autre. Vers cette époque encore, la géographie du
Sahara doit beaucoup à Henri Duveyrier et
au colonel Flatters, massacré en 1878
au puits d'Asiou. Soleillet a été au Touât
par l'Algérie; à Ségou sur le Niger, par le Sénégal, et a exploré
le Sahara
du Sud-Ouest.
D'autres voyageurs
méritent encore d'êtres signalés. Le premier est Rohlfs
qui, de 1862
à 1864,
parcourut le Maroc et les oasis situées au Sud de l'Atlas; en 1860,
il partit de la Méditerranée par Mourzouk ,
le Bornou
et Yacoba, atteignit la Bénoué et le bas Niger, d'où il gagna Lagos
sur la côte de Guinée. C'est le premier Européen qui ait été de la
Méditerranée au golfe de Guinée. Plus tard, il a visité les oasis situées
entre l'Égypte et le Fezzan
(1878-79),
notamment celle de Siouah (ancienne oasis d'Ammon ).
Nachtigal,
médecin et naturaliste, a résolu la question où Vogel
a échoué. Parti de Tripoli (1869)
et du Fezzan, il explora le pays des Tibbous (Toubous)
ou Tibesti, se rendit à Kouka ,
étendit ses recherches à tout le Soudan et le Sahara oriental, traversa
le Ouadaï, le Dar-Four, le Kordofan et rentra en Europe par Khartoum
et le Nil
(1874).
Accompli dans des conditions très pénibles, ce voyage a donné de beaux
résultats. Le géologue Long, en 1880,
est parti du Maroc ,
a gagné Tombouctou par le Sahara occidental
et de là s'est rendu aux postes français du Sénégal. Enfin, en 1880,
deux Français, Moustier et Zweifel, ont découvert les sources du Niger.
En somme, si nous
cherchons à nous rendre compte de l'état de connaissances géographiques
dans l'Afrique du Nord-Ouest à la fin du XIXe
siècle, nous verrons que l'Algérie et
la région de l'Atlas, le Sahara
algérien, la Sénégambie et la région du bas Niger sont à peu près
complètement connus. On possède des notions étendues sur le Fezzan ,
le Sahara central, le Soudan central et le moyen Niger. Mais les parties
occidentales et orientales du Sahara et du Soudan sont moins connues. Une
petite portion du cours du moyen Niger, la région de ses sources et les
montagnes qui séparent la Guinée du Soudan sont à peu près inconnues.
Enfin le pays au sud du Soudan, par exemple, le bassin supérieur de la
Bénoué et du Chari, le fleuve du lac Tchad, sont complètement inconnus.
Les
explorations du bassin du Nil
Les explorations
dont la région du Nil a été le théâtre sont au moins aussi intéressantes
que celles qui ont été faites dans le Sahara
et le Soudan; elles ont eu beaucoup plus de retentissement. L'importance
de la vallée du Nil, dans l'histoire des civilisations méditerranéennes
explique l'intérêt passionné que l'on a de tout temps attaché à la
question des sources du Nil. Cette question n'a pourtant fait aucun pas
avant le milieu du XIXe
siècle. Les voyageurs très nombreux
n'avaient guère dépassé la Nubie .
On chercha d'abord les sources du Nil du côté de l'Abyssinie .
Visitée par Covilham (1490),
en relations parfois régulières avec le pape, fréquentée par les missionnaires,
dont le plus hardi fut, au XVIIe
siècle, le jésuite Lobo
qui partit de l'équateur pour tenter de gagner l'Abyssinie en traversant
des régions qui seront véritablement explorées seulement au XXe
siècle, elle fut méthodiquement étudiée
à partir de la fin du XVIIIe
siècle. Les noms de Bruce,
du géologue allemand Russegger (1837),
de Beke (1840-44),
enfin des frères d'Abbadie méritent d'être
retenus entre tous.
Sur le Nil proprement
dit, Cailliaud (1819)
visitait les oasis de Thèbes ,
de Siouah et les ruines de Méroé ;
Rupper (1824-1825)
les régions de Dongola ,
de Sennaar et du Kordofan. Tous deux ont transmis des renseignements d'une
grande exactitude. Si nous y joignons ceux de Russegger
et des frères d'Abbadie, nous aurons pour cette
partie de l'Afrique des matériaux de premier ordre. Aux divers points
de vue, ce restera longtemps une des régions les mieux connues. Mais on
n'avait guère avancé le problème des sources du Nil, car on ne s'était
guère arrêté à la théorie de Bruce qui croyait que le vrai Nil était
le Nil Bleu qui naît en Abyssinie ;
le véritable fleuve, le Nil Blanc, restait inconnu. Le mérite de la solution
revient pour une grande part à Méhémet-Ali,
le pacha d'Égypte, qui ordonna l'exploration du fleuve Blanc. Trois expéditions
eurent lieu (1839-42).
La plus importante est la deuxième (1840).
La partie scientifique était dirigée par d'Arnaud.
Malheureusement, d'Arnaud ne publia pas ses papiers; l'expédition ne nous
est connue que par la relation du docteur Werne. Elle parvint à Gondokoro,
près de Juba, par 4°42' de latitude Nord,
révélant du coup 1000 km du cours du Nil. Non seulement l'on s'était
beaucoup rapproché du but, mais on avait franchi la région des grands
marécages (Soudoud) qui avait depuis les légions de Néron,
semble-t-il, et en tout cas jusqu'alors arrêté tous les explorateurs
et qui les eut peut-être arrêtés longtemps encore, ajournant indéfiniment
la découverte des sources du Nil.
Les conquêtes de
Méhémet-Ali eurent pour résultat de créer à Khartoum un grand centre
et d'appeler dans ces régions une foule d'Européens, commerçants et
missionnaires. Les commerçants poursuivirent la recherche de l'ivoire
sur les grands affluents du Nil, le Sobat et le Bahr-el-Ghazal. La plupart
étaient des Français, Brun-Rollet, Malzac,
Vaissière, les frères Poncet; ils pénétrèrent
loin et la géographie leur doit bon nombre de renseignements que les grands
voyageurs qui vinrent plus tard n'ont eu qu'Ã recueillir. En revanche,
on ne gagna pas beaucoup de terrain du côté des sources du Nil. Une série
d'explorateurs d'un grand mérite se succédèrent sans progresser de plus
d'un degré et demi vers le Sud. Les plus célèbres sont les Italiens
Giovanni
Miani et Andrea Debono, l'Anglais Petherick et le Français Lejean.
Aucun ne put dépasser le 30e degré de
latitude Nord. La découverte devait être faite par des voyageurs venus
d'un autre côté, de Zanzibar
et des rivages orientaux de l'Afrique ( Zanzibar
et la côte swahili).
En passant par
Zanzibar.
Des missionnaires
allemands ouvrirent la voie. De 1847Ã
1852,
Krapf
(dont les publications vont s'avérer essentielles pour l'ethnographie
de l'Afrique centrale) et Rebmann aperçurent à cent lieues de la côte,
puis explorèrent une haute chaîne de montagnes couverte de neiges éternelles.
Rebmann trouva le Kilima-n'djaro (Kilimandjaro) en 1848,
Krapf, le mont Kenya plus au Nord presque sous l'équateur. Ils recueillirent
une quantité de renseignements sur d'autres montagnes et sur de grands
lacs situés derrière cette chaîne ( la
région des Grands Lacs).
Ces récits, publiés
par Petermaan dans les Mittheilungen
de 1856,
décidèrent la Société géographique de Londres à faire un nouvel effort.
Elle envoya le capitaine Burton et Speke.
Après avoir été à Harrar ,
assez avant dans le pays somali ,
ils organisèrent leur expédition à Zanzibar. Elle eut un plein succès
(1857-59)
et les conduisit à travers l'Ounyamouési au lac Tanganyika
(1858).
Ils supposèrent que c'était le réservoir du Nil. Mais Speke s'étant
écarté de son compagnon aperçut par 2° 1/2 de latitude Nord un antre
lac qu'il nomma Victoria. Contesté par Burton, Speke repartit avec Grant
en 1860,
retrouva son lac (lac Kéréoué, Nyanza ou Victoria). Il le longea Ã
l'Ouest en traversant le royaume d'Ouganda, en constata l'étendue et en
vit sortir le Nil. Il descendit le fleuve, vit ses cataractes (chutes Ripon)
mais fut obligé de s'en écarter à un point ou il allait vers l'Est se
jeter dans un autre lac.
Enfin, Speke et Grant
arrivèrent à Gondokoro (février 1863)
on ils rencontrèrent Samuel White Baker, voyageur
et chasseur venu par le Nord. Ils lui firent part de leurs renseignements
sur l'existence d'un second lac et, tandis qu'ils rentraient en Angleterre,
Baker, suivant une route différente de la leur, découvrait de nouvelles
chutes du Nil (chutes de Karouma), entrait dans le royaume d'Ounyoro et
en mars 1864
arrivait au bord d'un lac dominé à l'Ouest par de hautes montagnes, le
Mvoutan Nzigué, qu'il appelait Albert Nyanza et dont il s'exagéra l'étendue.
Les sources du Nil étaient trouvées. La nouvelle fut reçue avec enthousiasme;
quelques contradicteurs firent observer qu'un lac n'est pas la vraie source
d'un fleuve et qu'il faut trouver les rivières qui le remplissent. Il
n'en est pas moins certain que la question, pour l'essentiel, est désormais
résolue; l'étude des affluents du lac Victoria a permis de reconnaître
dans la Kagera et dans l'un de ses affluent qui prend sa source au Burundi,
le tronçon de rivière qui confère au Nil sa plus grande longueur (Stanley,
1875),
mais n'a rien révélé qui approche de l'importance de la découverte
de Speke.
II restait bien Ã
définir les rapports du lac Tanganyika
avec les systèmes hydrographiques voisins et spécialement avec celui
du Nil ,
car on soutint quelque temps que c'était là qu'il fallait chercher l'origine
du Nil. Mais les voyages qui ont élucidé ce point se rattachent plutôt
à l'exploration de l'Afrique australe;
nous en parlerons plus loin. En comparaison de la découverte des sources
du Nil, celles qui ont été faites dans cette région et dont il nous
reste à parler ne présentent qu'un intérêt bien secondaire; elles ont
cependant notablement contribué à augmenter ce que l'on saura de l'Afrique
orientale pendant de nombreuses décennies. Nous avons dit que des marchands,
dont les principaux sont les frères Ambroise et Jules Poncet,
avaient parcouru en tout sens le bassin du Bahr-el-Ghazal. Des explorateurs
de profession, Miani, Antinori
et Piaggia, puis le célèbre botaniste allemand
Georges
Schweinfurth refirent ces voyages d'une manière scientifique et en
tirèrent de précieux éléments spécialement pour l'ethnographie. Les
premiers visitèrent les tribus des Djour et des Nyam-Nyam. Schweinfurth
(1869-71)
alla plus loin; il franchit les montagnes qui limitent le bassin du Nil,
découvrit une autre grande rivière, l'Ouellé. Il ne put, d'ailleurs,
déterminer à quel bassin elle appartenait, qu'il y faille voir la tête
du Chari ou de la Bénoué, hypothèse jugée dès cette époque peu vraisemblable,
ou bien que ce soit un affluent du Congo (Zaïre). Schweinfurth fit connaître
encore la population des Monbouttous, chez qui Miani mourut en 1872.
Le khédive eut pendant
dix ans des lieutenants anglais à Khartoum; mais la géographie n'a pas
tiré de ce fait le profit qu'on aurait pu en espérer. Baker
fut chargé, en 1871,
d'ouvrir des voies régulières, de supprimer le trafic des esclaves et
d'établir jusqu'aux grands lacs équatoriaux la suzeraineté égyptienne.
Il partit avec six vapeurs et 1600 hommes, ne franchit les marécages du
Nil qu'au prix d'effroyables difficultés, soumit les Bari autour de Gondokoro,
puis l'Ounyoro, riverain du lac Mvoutan Nzigué (lac Albert) et finit par
rentrer en Égypte sans avoir rien fait de bien durable. Charles
Gordon déblaya le Nil entre Khartoum et Gondokoro; ses lieutenants
résolurent un certain nombre de problèmes géographiques; le colonel
Long visita l'Ouganda ( l'Afrique
des grands lacs) et trouva un lac qui se déverse
dans le Nil et qu'il regarde comme l'une de ses sources principales. Le
colonel Mason fit la circumnavigation du lac Mvoutan Nzigué et constata
qu'il était bien plus petit qu'on n'avait cru. Les explorations sont malheureusement
arrêtées dans cette direction, l'insurrection du mahdi
au Soudan ayant fermé l'accès du haut Nil aux Européens et ruiné l'oeuvre
de Méhémet-Ali.
Quant aux contrées
situées entre le Nil et l'océan Indien, les contrées des Gallas et des
Somali ,
elles n'ont été véritablement connues qu'au XXe
siècle. Presque tous ceux qui avaient
essayé d'y entrer auparavant avaient péri à la tâche. Van
der Decken, après avoir gravi jusqu'à plus de 4000 m les pentes du
Kilimandjaro (1861
et 1862),
fut massacré avec ses compagnons sur les bords de la Djouba ou Juba
(1865).
Par la suite, plusieurs autres, surtout Brenner
dans la partie méridionale de la péninsule des Gallas, Révoil,
dans la partie septentrionale, ont révélé un grand nombre de faits intéressants.
Les
Explorations de l'Afrique australe et du bassin du Congo
Les conquêtes scientifiques
réalisées dans le domaine de l'Afrique
australe ne sont pas moins vastes que dans les deux régions dont nous
venons de parler. Pour être soulevés seulement à partir de la toute
fin du XVIIIe
siècle et surtout du XIXe
siècle, les problèmes n'étaient ni
moins rares ni moins obscurs. Les visées commerciales ont joué un grand
rôle dans l'exploration du Nord-Ouest et du Nord-Est de l'Afrique, mais
leur importance a été bien moins déterminante dans celle du Sud, et
il faudra attendre de connaître ces nouvelles régions pour comprendre
qu'elles ne sont ni moins riches, ni moins fertiles. Elles étaient simplement
plus loin de l'Europe et les occupants des côtes s'étaient vite désintéressés
de l'intérieur. Ce n'est pas à dire que les Portugais qui possédaient
depuis plusieurs siècles près de 4500 km de côtes sur l'Atlantique,
et près de 2500 sur l'océan Indien, n'aient fait aucune tentative pour
s'avancer dans les terres. Au contraire, ils paraissent avoir été fort
loin, dans la vallée du Zambèze notamment; ils savaient beaucoup de ce
qu'on a retrouvé par la suite. La carte publiée en 1587
par Lopez représente sous l'équateur deux grands lacs, l'un appelé lac
du Nil et d'où sort le fleuve; elle connaît le lac Tanganyika
dénommé lac Lambré et à l'Ouest un autre grand lac d'où sort le Congo .
En 1668
le P. Cavazzi a publié une relation remplie
de détails sur le Congo. Mais comme ces faits avaient été oubliés et
comme les explorateurs du XIXe
siècle n'en ont tiré nul secours immédiat,
les trouvailles de ces derniers conservent toute leur valeur.
Beaucoup d'ailleurs
reviennent encore à des Portugais. En 1798,
Lacerda partit de la côte de Mozambique et pénétra jusqu'à Cazembé
au coeur de l'Afrique australe (entre les lac Moéro et Bangouélo). Il
mourut à la cour du souverain local. Mais les frères Monteiro recommencèrent
son voyage avec plus de succès (1806-1811).
Ils rapportèrent une description complète de ces contrées. Ils avaient
traversé une grande partie du continent, en suivant à peu près le 10e
degré
latitude Sud. En revanche, on ne savait presque rien du Congo, malgré
le volume de ses eaux qui en fait une des plus importants fleuves de la
Terre
et qui avait attiré l'attention. En 1846
le capitaine Tuckey le remonta jusqu'aux chutes de Yélala à 450 km de
la mer. Il succomba et nul n'alla plus loin. En 1846
un marchand portugais nommé Graça, parti de l'Angola, se rendit auprès
d'un roi indigène Mouata Yanvo, le plus puissant des souverains de ces
régions. Il fut suivi par le Hongrois Ladislas Magyar
qui sillonna en plusieurs sens les bassins supérieurs des fleuves côtiers
du Zambèze et de la Kassaï (1847-51).
Gasisiot releva une partie du bassin du Limpopo (1851).
La même année Galton explora complètement les
pays Damara et d'Ovambo entre le tropique du Capricorne et la rivière
Counéné (1851).
Enfin, la première traversée de l'Afrique d'un océan à l'autre fut
accomplie par un autre marchand portugais, Silva Porto. Il quitta le Benguela
en 1853,
suivit une ligne du Nord du bassin du Zambèze et du lac Nyassa pour aboutir
à l'embouchure de la Rovouma. Malgré la hardiesse des voyages que nous
venons de relater, la plus grande partie de ce qui sera appris sur la situation
précise des montagnes, des cours d'eau et des villes, sur les produits
du sol, les habitants, les États et les croyances de l'Afrique
australe, devra attendre Livingstone.
Au temps de Livingstone.
David Livingstone
est le modèle de ces missionnaires anglais qui ont rendu tant de services
à la géographie. Nous le trouvons en Afrique à partir de 1840,
évangélisant les populations au Nord de la colonie anglaise du Cap. En
1849
il s'avança à travers le plateau austral et découvrit le grand lac Ngami,
centre d'un vaste bassin fermé. De 1851
à 1854,
il partit du Cap, alla jusqu'au Zambèze ,
en remonta le cours, puis s'engagea dans l'intérieur et atteignit la côte
de l'Atlantique à Loanda .
Il en repartit pour son troisième voyage (1855-56),
regagna le Zambèze, pour le descendre cette fois jusqu'à son embouchure;
il découvrit la superbe cataracte qu'il baptisa Victoria Falls, et revit
l'océan Indien à Quélimané. L'exploration des pays situés entre cet
itinéraire et le Cap, point de départ de Livingstone, s'achevait rapidement.
Son ami Moffat'
suivait
le fleuve Orange. Un grand nombre de missionnaires, de chasseurs, de naturalistes
étudiaient la faune, la flore du désert de Kalahari ,
des pays des Namaquas, des Betchouanas ou des Zoulous. On s'intéressait
à l'anthropologie, à la langue, aux moeurs et aux religions de ces populations
si curieuses pour les observateurs de ce temps des Hottentots (Khoï-Khoï),
des Bochimans (San), des Cafres. Livingstone cependant ne restait pas inactif;
il portait ses efforts plus au Nord. De 1858
à 1861
il trace avec Kirk le cours du Chiré, un des tributaires du Zambèze,
et retrouve le lac Nyassa auquel il sert de déversoir. Au même moment
Hahn
et Rath achevaient l'exploration du pays Damara et la découverte de mines
d'or entre le Zambèze et le Limpopo allait activer les recherches dans
cette direction (1866-67).
Plus enthousiaste que jamais, Livingstone repartit en 1866
pour son dernier voyage. Il s'enfonça dans l'intérieur par la Rovouma;
il ne devait plus revoir la côte. Il passa au Nord du lac Nyassa (1867),
puis, allant au Nord-Ouest, découvrit le lac Liemba, c'est-à -dire en
fait la partie Sud du Tanganyika
dans lequel il persistait à voir l'origine du Nil. Il continua sa marche
vers l'Est, atteignit, en 1868,
Cazembé et les lacs Bangouélo et Moéro au commenceraient du cours du
Congo (ce qu'il ignorait). Il revint au Nord-Est à Oudjidji (Ujiji) sur
le lac Tanganyika (1869)
et reprit bientôt ses explorations. On ne les connaît pas très bien
: on sait qu'il visita les mines de Manyéma, traça le cours du Loualaba
(Congo supérieur) en 1870-74,
aperçut le lac encore inconnu de Kamalondo et retourna au lac Bangouélo,
près duquel il mourut de la dysenterie à Djitambo (mai 1873).
-
Stanley
retrouve Livingtstone à Ujiji.
Le bruit de sa mort
avait plusieurs fois couru en Europe. Quoique démenti, il inquiéta l'opinion
et un grand journal américain, le New-York Herald, envoya un reporter,
Stanley,
à la recherche de Livingstone. Il le trouva
sur les bords du Tanganyika dont ils explorèrent ensemble les rivages
septentrionaux sans lui trouver d'écoulement vers le Nord. Les voyages
de Livingstone, ce séjour presque ininterrompu de trente ans dans l'Afrique
australe, avaient prodigieusement accru le domaine des sciences géographiques;
il restait pourtant de très gosses questions à résoudre : le Tanganyika
était-il un bassin fermé? Quelles étaient les relations hydrographiques
de ces lacs Bangouélo, Moéro, Tanganyika, etc., avec les bassins du Zambèze,
du Nil et du Congo? On ne savait presque rien sur le Congo. Enfin, une
grande région restait en blanc sur les cartes entre le bassin du Nil,
les affluents du lac Tchad, l'Atlantique et les pays explorés par les
Portugais et par Livingstone. En dix ans la plus grande partie de ce vide
a été comblée et presque toutes les questions essentielles ont été
résolues. L'honneur en revient à Cameron, Ã
Stanley,
aux voyageurs qui ont suivi leurs traces et aux explorateurs français
du bassin de l'Ogôoué .
L'expédition
de Cameron.
L'expédition du
lieutenant Verney Cameron fut organisée aux
frais de la Société géographique de Londres pour continuer les explorations
de Livingstone. Elle était inspirée comme tant d'autres par le désir
d'abolir l'esclavage. Cameron arriva
à Zanzibar en janvier 1873
avec le Dr Dillon et se prépara à traverser l'Afrique en compagnie d'une
trentaine d'hommes seulement. Il avait pour mandat de chercher Livingstone
et de se mettre à sa disposition. Il partit de l'anse de Bagamoyo, située
en face de Zanzibar. Après 107 jours de marches épuisantes dans un pays
noyé, il parvint à Tabora ou Kazeh dans l'Ounia Nyembé (centre de l'actuelle
Tanzanie), et y apprit la mort de Livingstone.
Cameron resta seul; car deux de ses compagnons européens étaient morts
et le troisième rapporta le cercueil et les papiers de Livingstone. Cameron
atteignit Ujiji, détermina l'altitude du lac Tanganyika, fit le périple
de la moitié Sud et en leva la carte. Il prouva que le lac Liemba de Livingstone
était identique au Tanganyika. Il découvrit au lac un déversoir intermittent,
la Loukouga. Convaincu qu'elle se jetait dans la Loualaba, il partit pour
s'en assurer, arriva à Nyangoué dont il releva la véritable position.
Il constata que la Loualaba n'était déjà qu'à 426 m d'altitude audessus
du niveau de la mer, 150 m plus bas que le Nil à Gondokoro; ce ne pouvait
donc en être un affluent. La largeur de 3 km que le fleuve avait à Nyangoué
rendait impossible toute autre identification qu'avec le Congo ou Zaïre.
Mais Cameron ne put obtenir de bateaux pour la descendre et faire la preuve
matérielle.
La mauvaise volonté
des populations locales l'obligea a tourner au Sud; il se rendit à Kiléma
auprès du chef de l'Ouroua, en relations fréquentes avec les marchands
portugais. C'est à Kiléma que ceux-ci venus de l'Ouest se rencontrent
avec les trafiquants arabes venus de l'Est. Il releva le cours du Lomami,
grand affluent de gauche du Congo, vérifia l'exactitude de l'itinéraire
de deux pombeiros (nom donné aux Portugais natifs d'Afrique),
prénommés Pedro Joao Baptista et Antonio José, qui avaient les premiers
traversé l'Afrique, de Loanda
à l'Océan Indien entre 1802
et 1815
(et d'après lequel on connaissait la Loualaba, les lacs Lohemba et Kassali)
et recueillit de précieuses informations sur tout le pays du haut Congo,
notamment sur l'existence d'un lac Sankourou situé au Nord-Ouest. En juin
1875,
il repartit pour arriver par les rives de la Liambaï, puis de la haute
Kassaï jusqu'à Benguéla. Il avait accompli une des plus belles traversées
de l'Afrique, résolu la question du Tanganyika et celle du Congo, au moins
en principe; en outre, il avait fait avec grand soin un nombre d'observations
de longitude, de latitude et d'altitude qui donnent à son voyage une importance
hors ligne. Il est le premier voyageur européen dont la carte s'appuie
sur une pareille quantité d'observations géodésiques.
Les exploration
de Stanley.
Cameron fut suivi
dans ces régions par un autre voyageur dont les découvertes ont eu encore
plus de retentissement, nous voulons parler de Henry
Stanley. II fut chargé en 1874
par deux journaux, le New-York Herald et le Daily Telegraph
de Londres, de continuer les découvertes de Livingstone.
Rien ne fut épargné pour assurer à cette expédition des avantages exceptionnels.
Après l'avoir organisée à Zanzibar, Stanley visita les montagnes hautes
de 1650 m, qui séparent le bassin de l'océan Indien du Tanganyika et
du Nil. II découvrit la source la plus méridionale du Nil (Burundi actuel),
suivit la rivière Chimiyou ou Mouanzah (Mwanza) jusqu'au lac Victoria
et par les bords du lac vint trouver l'Ouganda et son roi Mtésa ; il y
rencontra le colonel Linant de Bellefonds. Il
profita de son séjour à la cour de Mtésa pour faire la circumnavigation
du lac Kéréoué (Victoria), visiter ses îles, et explorer le pays Ã
l'Ouest du lac jusqu'Ã un autre lac qu'il supposa, Ã tort semble-t-il,
être le Mvoutan Nzigué (lac Albert de Baker).
Par l'Ounyamouési, il vint à Ujiji, et au lac Tanganyika, puis, reprenant
l'itinéraire de Cameron, arriva à Nyangoué.
Stanley ne se laissa
pas intimider et entreprit de descendre la Loualaba; elle le conduisit
droit au Nord jusqu'à l'équateur. Entouré d'ennemis, perdant du monde
par la maladie, abandonné par son escorte arabe, il descendit une longue
suite de cataractes qu'il a nommées chutes d'Oullassa et chutes de Bassoua
(0° 30' de latitude Sud). Dès lors il ne pouvait plus reculer, n'ayant
pas la force de descendre à terre, ni de remorquer ses bateaux contre
le courant. Cependant, grâce surtout à son petit vapeur, le Lady
Alice, il triompha de ses ennemis et descendit sans trop de pertes
de nouvelles cataractes. Il découvrit l'embouchure d'un cours d'eau de
700 m de large, l'Arouimi, qu'il supposa être l'Ouellé de Schweinfurth.
Quelque temps après, les indigènes auxquels il demandait le nom du fleuve
prononcèrent le nom de Congo. Soulagé de ses doutes, il continua sa descente.
Le fleuve allait au Sud-Ouest. Il faillit périr dans les cataractes du
Congo inférieur et atteignit enfin la mer au mois d'août 1877.
Le voyage de Stanley ouvrait aux ambitions coloniale
de l'Europe d'immenses régions inexplorées; aux géographes il prouvait
sans réplique l'importance du Congo et révélait l'immense coude fait
par le fleuve dans la direction du Nord, que nul ne soupçonnait. Du même
coup il rétrécissait beaucoup le territoire inconnu au Sud du Soudan.
Enfui il fut le point de départ de visées politiques et commerciales
et d'une organisation dont nous n'avons pas à donner ici le détail.
Du Chaillu et
Brazza.
Sur le Congo inférieur,
Stanley
avait devancé de peu les explorateurs français de l'Ogôoué. Depuis
une trentaine d'années une pléiade de voyageurs énergiques s'étaient
succédé dans ces régions, s'efforçant de pénétrer au coeur de l'Afrique
et recueillant une ample moisson de faits scientifiques. Du
Chaillu pénétra dans la région des Gorilles ;
en 1864-65
il s'enfonça très loin, au Sud de l'Achango. Marche
et le marquis de Compiègne poussèrent leurs
recherches dans la direction de l'Ogôoué. Le grand explorateur de ces
pays a été un officier de marine, Savorgnan de Brazza.
Des recherches de trois ans, poussées jusqu'au Nord de l'Équateur Ã
Okanga, lui permirent d'affirmer qu'on s'était engagé sur une piste médiocre
et que l'Ogôoué était loin d'avoir l'importance qu'on lui prêtait.
Mais s'il ne pouvait conduire au centre de l'Afrique, ni surtout dans la
région du Nil, de l'Ouellé et du Chari, il pouvait servir à gagner le
Congo. En 1878,
Brazza visita les Akkas (Pygmées) et trouva l'Alima, affluent du Congo.
Les Chambres françaises
lui ayant voté les fonds nécessaires, Brazza repartit du Gabon, fonda
Franceville sur l'Ogôoué et Brazzaville
sur le Congo (1880)
et traita avec le roi Makoko. Ensuite, il a continué ses explorations
qui ont fait connaître tout l'espace compris entre le Congo, l'Atlantique
et l'équateur. Stanley, piqué de la rivalité
de Brazza, était retourné sur le Congo en 1879
pour le compte d'une Association internationale. Il devait établir sur
le Congo une ligne de stations jusqu'à Nyangoué, de sorte que des explorateurs
eussent une base permanente de Zanzibar à l'Atlantique. Il fonda Vivi,
auprès des chutes de Yellala, et Léopoldville, en face de Brazzaville,
au bord d'une expansion lacustre du fleuve qui a reçu le nom de Stanley-Pool.
Par la suite, d'autres stations ont été fondées, sous l'équateur et
plus haut encore aux points où l'Arouimi et la Mboura se jettent dans
le fleuve. On commence à cette époque à explorer les grands affluents
du Congo moyen, la Kassaï dont on a relevé le cours inférieur en 1885,
le lac Léopold II, la Liboko, l'Arouimi; mais la presque totalité du
coude du Congo reste alors inconnue.
La fin du XIXe
siècle.
Une série de voyages
ont eu lieu, en partie à cet effet, dans l'Afrique centrale, depuis celui
de Stanley. Nous les résumerons brièvement
en indiquant ce qu'ils ont appris de nouveau. Le naturaliste hongrois Holub
a vécu longtemps dans les pays au Nord du Cap et du Transvaal et amassé
des notes très précieuses sur la faune, la flore et la sociologie de
l'Afrique méridionale. Une expédition envoyée par la Société géographique
de Londres, sous les ordres de Keith Johnston,
puis de Thomson, est allée au lac Nyassa par
le Nord, de là au Tanganyika. Elle a exploré le bassin de la Roufidji
et des deux lacs.
Le major portugais
Serpa
Pinto témoigna de l'activité renaissante de ses compatriotes. Il
alla de Benguéla à Bihé (1877),
étudia la région des sources du Coanza et du Zambèze, dans le pays des
Kuimbandés, des Louchazés et des Ambouellas. En août 1878,
il arriva au Zambèze et le descendit jusqu'aux chutes Victoria. De lÃ
il se dirigea vers le Sud, et par le Transvaal déboucha dans le Natal.
Dans son voyage de 17 mois il avait exploré des contrées presque inconnues
et rectifié sur bien des points les observations de Livingstone.
Ses anciens lieutenants Ivens et Capello ont
refait un peu plus tard (1884)
une expédition analogue; ils ont achevé d'éclairer la question du haut
Zambèze et de ses relations avec le bassin du Congo. Ils ont visité le
pays des sources du Congo sans pouvoir atteindre ni le lac Bangouélo ni
le lac Moéro ,à cause de l'hostilité des indigènes; enfin de là (10°
de latitude Nord) ils se sont rabattus sur le Zambèze, par des territoires
dont ils ont dressé la carte.
Enfin le lieutenant
Wissmann
et le Dr Pogge apportèrent en 1880-82
une contribution utile aux études sur l'Afrique équatoriale. Partis de
la côte en novembre 1880,
de Malandgé en juin 1884,
ils ne purent d'abord traverser le pays de Mouata-Yanvo; déviés au Nord,
ils explorèrent le cours de la Kassaï jusqu'à 6° 20' de latitude Sud;
pour ne pas se faire d'ennemis ils se partagèrent entre deux puissants
chefs qui tous deux les menèrent à Nyangoué par un itinéraire plus
septentrional que celui de Cameron. Ils passèrent la Loubiranzi, grand
affluent de la Kassaï (5° 7' de latitude Sud) et arrivèrent à Nyangoué
d'où Pogge revint par l'Ouest. complétant son exploration, tandis que
Wissmann rentrait par le Tanganyika et Mpouapoua (dans le pays d'Ousagara
soumis alors au protectorat allemand).
En 1885,
le docteur Wissmann refit une partie de son
voyage et ajouta de nouvelles découvertes aux premières. Il descendit
la Kassaï, constata qu'elle recevait la Loubiranzi, le Couango et l'émissaire
du lac Léopold. Tandis qu'on croyait connaître la tête des affluents
de gauche du Congo, on ne connaissait qu'un grand bassin secondaire; l'espace
situé au Nord de la Kassaï, c'est-à -dire tout l'intérieur du coude
du Congo, reste encore absolument ignoré. La même année (1885)
Mgr Grenfell a remonté pendant plus de 600 km jusqu'à 4° latitude Nord
(jusqu'aux rapides de Bangui) le Liboko (Oubangui),
qu'il ne croit pas pouvoir identifier avec l'Ouellé. Un jeune officier
de la marine française,
Giraud, visita, en 1884,
la région située au Nord du Nyassa et rectifia le dessin du lac Banguélo
et du cours supérieur du Congo. Nous ne pouvons que citer sans entrer
dans plus de détails les noms de Comber, du Dr Stecker,
de l'abbé Debaize, de Stewart, Popelin Carter,
Dutrieux, Mohr, Marno, Marchand, etc. Le dernier
mot devant être pour Bottego qui, parti en 1895
de Somalie ,
parviendra jusqu'à la rivière Omo, et comblera ainsi la dernière
zone blanche d'importance qui subsistait encore en Afrique de l'Est. (A19). |
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