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A
la découverte de l'Afrique
Les Phéniciens.
Il est plus que
probable que les Phéniciens ont été les meilleurs connaisseurs de l'Afrique
dès les VIe
et Ve siècles
av. J.-C. Ils avaient été jusqu'au bout de la mer Rouge, dans leurs voyages
à Ophir .
De l'autre côté, ils étaient sortis de la Méditerranée et, franchissant
les fameuses colonnes d'Hercule
(Détroit de Gibraltar), avaient pénétré dans l'océan Atlantique. Un
texte d'Hérodote (IV, 42) nous autorise même
à croire qu'ils avaient fait la circumnavigation de l'Afrique :
« Lorsque
Nécos [Néchao], roi d'Égypte ( la
Basse Epoque), eut fait cesser les travaux du canal qui devait conduire
les eaux du Nil au golfe Arabique, il fit partir des Phéniciens sur des
vaisseaux avec l'ordre de revenir en Égypte par la mer septentrionale
en passant les colonnes d'Hercule. Les Phéniciens s'étant donc embarqués
sur la mer Erythrée, naviguèrent dans la mer Australe. Quand l'automne
était venu, ils abordaient à l'endroit de la Libye
où ils se trouvaient et semaient du blé. Ils attendaient ensuite le temps
de la moisson; et, après la récolte, ils se remettaient en mer. Ayant
ainsi voyagé pendant deux ans, la troisième année ils doublèrent les
colonnes d'Hercule et revinrent en Égypte. Ils racontèrent à leur arrivée
qu'en faisant voile autour de la Libye ils avaient eu le soleil
à leur droite. Ce fait ne me paraît nullement croyable, mais il le paraîtra
peut-être davantage à quelque autre personne. C'est ainsi que la Libye
a été connue pour la première fois.»
Le récit est vraisemblable
précisément pour la raison qui portait Hérodote à en douter. En outre,
l'historien grec raconte aussitôt après une tentative faite pour renouveler
ce périple .
Il n'en reste pas moins singulier que ce voyage, d'une hardiesse sans exemple,
n'ait laissé aucune trace. Nous avons, au contraire, conservé des détails
relativement plus précis sur les explorations carthaginoises accomplies
le long de la côte occidentale d'Afrique. La principale est connue sous
le nom de Périple de Hannon et paraît
dater du VIe
siècle av. J.C ( Périple
de Hannon). Ses principales étapes
furent au-delà des colonnes d'Hercule, l'île de Cerné, peut-être l'îlot
de Herné en face du rio Ouro entre 23° et 24° de latitude
Nord; vingt-six jours plus tard, la Corne du Midi, qu'il faudrait placer,
semble-t-il, un peu au Sud de Sierra-Leone entre 7° et 8° de latitude
Nord. Une autre montagne, un peu plus septentrionale, le Char des dieux
(Theôn Ochema), peut-être notre montagne de Sagrés (10° de latitude
Nord), resta le terme des connaissances courantes des anciens. En général,
ils ne dépassaient guère l'île de Cerné. Un certain Éthymême, navigateur
marseillais, retourna jusqu'à un grand fleuve qui parait être le Sénégal.
Les Grecs.
Sous ce nom de Libye
sous lequel ils connaissaient l'Afrique, les Grecs de l'époque classique
n'avaient qu'une faible idée de l'étendue du continent. En fait, leurs
connaissances se limitaient à la région méditerranéenne. Encore ces
données étaient-elles pour la plupart empruntées aux Égyptiens et aux
Phéniciens. Hérodote, qui puisait aux sources
égyptiennes, connaît le Nil
jusqu'à quatre mois de marche de Syène (Assouan );
ceci nous reporte un peu au-delà de Khartoum ,
au point où s'arrêtaient encore les cartes avant 1839.
Hérodote se figure que le Nil vient de l'Ouest : c'est une idée fausse
qui s'est perpétuée presque jusqu'au XIXe
siècle, et dont le nom de Nil des
Noirs, appliqué parfois au Niger, que l'on a longtemps confondu avec
le fleuve égyptien, est un vestige. Il parle de Méroé ,
la capitale des Éthiopiens
(Nubiens ),
dont les ruines ont été retrouvées par Cailliaud
(1821);
il décrit la chaîne d'oasis qui va du Nil à l'Atlas
et connaît bien des peuples du littoral. Enfin, dans sa division de la
terre habitée en trois parties, il fait de la Libye une de ces trois parties
du monde.
L'époque
hellénistique.
Les Ptolémées
ont fait explorer le rivage de la mer Erythrée jusqu'au cap des Aromates
(cap Guardafui). Au Ier
siècle ap. J.-C., un navigateur nommé
Diogène fut poussé par les vents au-delà du cap des Aromates et navigua
dans la direction du Sud, jusqu'à une île qu'il place à vingt-cinq jours
de route du cap des Aromates. Cette île Menuthias est, soit Zanzibar ,
soit plutôt Pemba, un peu au Nord. Malheureusement une fausse théorie
allait arrêter pour des siècles les progrès de la géographie. Nous
en trouvons le germe dans Aristote; elle fut
adoptée par Ptolémée et prévalut depuis
lors. Cette théorie était que l'Afrique allait en s'élargissant dans
la direction du Sud et qu'elle se réunissait à l'Asie orientale, faisant
de l'océan indien une sorte de grand lac maritime.
Sur l'intérieur
de l'Afrique, les Helléno-Égyptiens et les Romains avaient acquis un
certain nombre de notions importantes. Sous Ptolémée
Philadelphe une expédition pénétra en Éthiopie .
Ératosthène
sait que les inondations du Nil sont dues aux pluies de la zone équatoriale.
Deux centurions envoyés par Néron
(60 ap. J. C.)
pour remonter le Nil vont jusqu'aux immenses marécages situés entre 9°
et 7° de latitude
Nord. Ptolémée sait que les lacs d'où sort
le Nil sont à la même latitude que l'île Menuthias. On plaçait les
sources du Nil dans les montagnes de la Lune, chaîne que les géographes
postérieurs reportent au Nord, et qu'ils étendent à travers toute l'Afrique,
la barrant dans sa plus grande largeur. Ce nom de montagnes de la Lune
est assez significatif, car le mot Ounyamouési, qui désigne le
pays où sont les sources du Nil, signifie précisément pays de la Lune.
Enfin, la Phazanie (Fezzan )
avait été explorée et l'on était allé jusqu'aux montagnes d'Agisymba
(oasis d'Azhben ou de l'Aïr) que Ptolémée place du reste à une distance
absurde, bien au-delà de l'équateur .
Le géographe connaît encore les tribus du Sahara .
Sur la côte occidentale on a plutôt perdu du terrain et les îles
Fortunées (îles Canaries)
paraissent placées aux extrémités du monde.
Les Arabes.
Les Arabes ajoutèrent
quelque chose à ces notions, quoique leurs cartographes soient loin de
valoir ceux des Grecs et des Romains. La Tabula Almamuniana ( Al-Mamoun)
de 833
place la source du Nil à l'endroit mérite du lac Kéréoué, dans un
lac Kourakavas; ce peut n'être qu'une coïncidence. Toutefois, les Arabes
ont dépassé Zanzibar et navigué
au moins jusqu'à Quiloa, et se sont approchés, par conséquent, bien
près de la pointe méridionale de l'Afrique; ils ont découvert Madagascar;
enfin ils disposent de nombreux renseignements sur le pays des Noirs, le
Soudan. On trouve le récit de ces voyages au Soudan et à Tombouctou
dans l'ouvrage d'Ibn-Batouta. Jusque vers la
fin du Moyen âge on s'en tint, en général,
aux données transmises par l'Antiquité. Le voyage du Vénitien Cadamosto
à Tombouctou resta une aventure isolée, et nul n'eut envie de suivre
le conseil de Marco Polo qui, dès le XIIIe
siècle, engageait les marins à se rendre
dans l'Inde en passant au Sud de l'Afrique.
Les Européens.
Au XIVe
siècle, on se hasarda de nouveau sur
la côte Ouest. Le Catalan Jayme Ferrer atteignit le rio Ouro en 1346.
D'autres suivirent et allèrent plus loin deux décennies plus tard. Les
Dieppois ,
en 1364,
fondaient ainsi le Petit-Dieppe sur les côtes du Liberia actuel. Les Portugais
ont également étés présents dans la région vers cette date, ce qui
a donné lieu, au XIXe
siècle à débat de priorité, assez
vain en vérité, mais qu'il convient de replacer dans le contexte colonial
de l'époque.
Portugais
et Dieppois.
Sont-ce les navigateurs
portugais
du XVe
siècle qui ont découvert les côtes
de Guinée et en particulier la Côte des Graines? Ou faut-il admettre
qu'ils avaient été précédés dans cette région par des Français partis
de Dieppe au XIVe
siècle pour explorer le littoral africain?
La première théorie
a été soutenue par Santarem, dans le mémoire
qu'il a publié en 1842
« sur la priorité de la découverte des pays situés sur la côte
occidentale d'Afrique ». D'après lui, si les expéditions des marins
dieppois n'étaient pas chimériques : d'une part, il en serait question
dans Froissart et dans les chroniqueurs français
de la même époque; d'autre part, la mappemonde jointe au manuscrit de
la chronique de Saint-Denis qui porte
le sceau de Charles V contiendrait des renseignements
sur la côte d'Afrique. Mais c'est oublier d'abord qu'au XIVe
siècle les chroniqueurs ne relataient
guère que les faits politiques, religieux et militaires; ensuite, que
les communications étaient alors difficiles et que d'ailleurs les marins
dieppois ont pu vouloir garder pour eux le bénéfice de la découverte.
Les arguments de
Santarem
ont donc été jugé par les auteurs français peu concluants; qui lui
opposent le témoignage concordant de plusieurs vieux auteurs normands
: Asseline, Guibert, Croisé, que confirment les écrits du chroniqueur
arabe Ibn Khaldoun et des savants portugais Barros
et Abren de Galindo. Ces divers écrivains racontent qu'au XIVe
siècle, les navires dieppois firent de
nombreux voyages sur les côtes de Guinée, et, en particulier, qu'ils
découvrirent en 1364
la Côte des Graines. Leur témoignage est d'accord avec celui du voyageur
français, Villault de Bellefond, qui, en 1668,
revenant de la côte de Guinée, publia une étude sur les voyages de ses
prédécesseurs d'après des documents empruntés aux archives de l'Amirauté,
à Dieppe, et qui ont disparu en 1694,
pendant l'incendie de ce monument. Le Hollandais Dapper rapporte, de son
côté, en 1686,
qu'il a vu les Portugais officier dans une chapelle où les armes de France
étaient à peine effacées, que les indigènes parlent d'Européens venus
en Guinée avant les Portugais, enfin qu'il se trouve sur les côtes de
Guinée une batterie
nommée batterie aux Français. La concordance de ces divers témoignages
porterait ainsi à rejeter la thèse de Santarem.
S'il est vrai que
des navigateurs dieppois ont bien découvert ensuite la Côte de l'Or (Ghâna
actuel), cette découverte daterait de 1381
et serait l'oeuvre de trois vaisseaux nommés la Vierge, l'Espérance
et le Saint-Nicolas; les Normands auraient établi sur la côte
de l'Or des comptoirs à Accra et à la Mine;
mais la querelle entre Armagnacs et Bourguignons
d'abord, puis la guerre avec les Anglais, auraient fait abandonner ces
colonies vers 1413,
Si l'on rejette tous ces récits comme chimériques, il faut fixer à l'année
1470
ou
1471
la découverte de la Côte de l'Or par le navigateur portugais
José de Santarem; onze ans plus tard, un fort était construit à Elmina
(la Mine des marins dieppois) et les Portugais prenaient, pour plus d'un
siècle, possession du pays ( Le
long du Golfe de Guinée).
La
circumnavigation de l'Afrique.
Quant à l'exploration
méthodique qui conduisit par une série de progrès ininterrompus à la
circumnavigation de l'Afrique, la primeur en appartient cette fois sans
conteste aux Portugais. L'impulsion fut donnée par le prince Henri
le Navigateur qui pendant un demi-siècle, de 1415
à 1463,
ne cessa de stimuler les marins. On connaissait déjà les îles Açores ,
Madère ,
les Canaries ,
retrouvées depuis un siècle, mais on osait à peine s'aventurer sur les
cotes du Maroc. En 1433,
le cap Bojador fut doublé par Gil Eanez (Gillianez); en 1443,
le cap Blanc par Nuño Tristan qui trois ans après arrivera au Sénégal
et au cap Vert. En 1448,
on est aux côtes de Sierra-Leone vers 9° de latitude de Nord; en 1462,
on a gagné encore 3 degrés. En 1471,
José de Santarem et Pedro de Escalone passent l'équateur et aperçoivent
le Gabon et l'embouchure de l'Ogôoué ;
la même année Fernão Po découvre l'île qui portera son nom (Fernando-Po,
avant de prendre celui de Bioko), mais que lui nomma Formosa. En 1484,
Diego
Cam dépasse l'équateur
de 2300 km, visite le bas Congo et prouve d'une manière péremptoire que
l'Afrique va en s'amincissant à mesure que l'on avance dans la direction
du Sud.
On charge Bartolomeo
Diaz de tirer parti de ce renseignement. II longe la côté jusqu'au
24e degré de latitude Sud; continuant
avec deux petites caravelles il prend le large, et va droit au Sud. Quand
il mit le cap à l'Est, il ne retrouva plus la côte; il l'avait dépassée
et ne prit terre (février 1488) que quarante lieues au-delà de la pointe
australe de l'Afrique, à la baie des Vaqueros (baie Flesh, par 43° 20'
et 4"). Il poussa sa navigation au Nord-Est. Il alla jusqu'Ã la baie d'Algoa,
qu'il appelait Santa-Cruz; puis arrêté par la mutinerie de son équipage
il revint. Il faillit sombrer en doublant le cap auquel il donna le nom
bien mérité de cap des Tempêtes; le roi Jean Il remplaça ce nom par
celui du cap de Bonne-Espérance (1490).
La découverte de
l'Amérique (1492)
détourna un instant l'attention générale; mais informé par Covilham
qui visitait l'Égypte ,
l'Inde et l'Abyssinie ,
qu'en tournant l'Afrique on arriverait à l'lnde, le roi de Portugal ,
Emmanuel,
successeur de Jean II, confia à Vasco de Gama le
soin de vérifier ces assertions. Celui-ci, ayant à son bord le pilote
de Bartolomeo Diaz, doubla le cap de Bonne-Espérance
(1497),
puis (on était le jour de Noël) découvrit la baie qu'il appela
Natal ( l'Afrique
Australe). Ensuite, naviguant au Nord, il parvint
aux établissements des musulmans ,
toucha le cap Corrientes, passa au large de Sofala ,
n'osa pas débarquer à Mozambique de crainte des Arabes, laissa Zanzibar
à gauche et arriva à Mombaz (Mombasa) et
enfin à Mélinde (Malindi) (3° de latitude Sud) ( Zanzibar,
la côte swahili et le Mozambique). Ayant obtenu
un pilote du cheick de la ville, il cingla vers l'Inde (avril 1498).
Le relevé des côtes fut complété quelques années après par Tristan
da Cunha (1506)
; il alla jusqu'au cap Guardafui et à Socotora et côtoya l'île de Madagascar,
d'abord appelée Saint-Laurent.
Madagascar
et les archipels de l'océan indien
Madagascar.
Les premiers habitants de Madagascar
venaient, pour certains, d'Afrique continentale, mais surtout de l'archipel
Indo-Malais. On a parfois voulu voir dans Madagascar la Cerne (Kerné )
de Pline, la Menuthias de Ptolémée
et la Sarandib des Perses; en tout cas, il paraît hors de doute
que les Arabes y sont venus dès le VIIe
siècle. Le géographe El-Edrisi a
donné une description de Madagascar au XIIe
siècle; il nous apprend que les Chinois auraient aussi poussé
jusqu'à cette île. Marco Polo prononce le nom
de Madagascar, mais ses descriptions s'appliquent à un point de la côte
africaine et non à l'île elle-même. Et, jusqu'à la fin du Moyen
âge on n'a eu que des idées très vagues sur l'existence de Madagascar;
néanmoins cette île est marquée sur un planisphère Madagascar; (1153)
et sur une mappemonde de R. de Haldingham (1300).
Les premières notions précises datent
du commencement du XVIe
siècle, époque à laquelle l'île a été visitée par principalement
les navigateurs portugais .
Vasco
de Gama passa auprès sans l'apercevoir en
1497,
mais Diego Diaz la vit en 1500. Fernando
Soarez fut jeté par la tempête, en 1501,
sur la côte Nord-Est. Paulmier de Gonneville
y aborda peut-être en 1503. Lorenzo
d'Almeida, Ruy Pereira et Tristan da Cunha
y abordèrent en 1506. L'île reçut
d'abord le nom de Saint-Laurent. Tristan da Cunha explora la côte et détermina
le roi du Portugal à y établir des comptoirs. Diego Lopez de Siqueyra,
en 1509, Juan Serrano, en 1510,
essayèrent d'y fonder des établissements. La configuration générale
du pays est assez exactement indiquée dans la carte de Pedro Reinel (1517);
celle de Ribero montre, avec des contours mieux dessinés, l'embouchure
de certains fleuves. En 1544, Sébastien
Cabot fait connaître la partie septentrionale du massif central, dont,
pour le surplus, la forme générale et la position n'ont été indiquées
qu'au siècle suivant par Flacourt (1656)
qui donne en même temps des renseignements détaillés sur le Sud.
Plus tard, d'Anville
(1749), Bellin
(1765) apportent des améliorations
au tracé de la partie Nord de Madagascar et d'Aprés
de Mannevillette (1776) résume
les relevés des marins dans une bonne carte des côtes. Vers la même
époque, le centre et le Nord étaient explorés avec soin par Mayenne
(1774-85)
et par Dumaine (1782-95).
Au XIXe siècle,
le littoral est de mieux en mieux connu à la suite des relevés hydrographiques
exécutés par les marines de France et d'Angleterre, mais les renseignements
qu'on a sur l'intérieur manquent encore de précision scientifique.
C'est Grandidier
qui, à la suite d'explorations exécutées de 1865
à 1870, a fait connaître l'orographie
et l'hydrographie de l'île ainsi que la disposition des forêts. Après
lui, d'importants relevés topographiques ont été exécutés dans le
centre par le R. P. Roblet, et l'intérieur a été parcouru par de nombreux
voyageurs. Citons, pour la part de la France, les explorations de la mission
dirigée par le docteur Catat, de Douliot, Muller, Gautier et d'Anthouard,
pour la part de l'étranger les explorations des Cameron,
Mullens, Sibree, Richardson et du capitaine
Oliver. Néanmoins, il restera encore au début du XXe
siècle
dans le Sud, le Sud-Ouest l'Ouest et le Nord des régions peu connues.
Les archipels
de l'Océan Indien.
On n'évoquera ici
que les archipels les plus "africains" de l'Océan Indien : ceux des Seychelles,
des Comores et des Mascareignes (Réunion,
Maurice
et Rodrigues), ainsi que les îles plus
dispersées de leur voisinage. La découverte de ces îles remonte aux
premiers voyages des Européens dans ce qu'ils appellent alors la mer des
Indes, au commencement du XVIesiècle;
mais le peu de certitude des méthodes hydrographiques de ce temps, ,joint
à l'ignorance des géographes qui dressèrent les cartes des explorations
entreprises par l'ordre des rois de Portugal ,
ont rendu impossible l'éclaircissement complet et le classement des découvertes
effectuées par leurs capitaines de mer. La plus inextricable confusion
régna durant plus de deux siècles sur la géographie de ces archipels.
Les portulans
primitifs étant notoirement inexacts, chaque navigateur corrigeait Ã
sa fantaisie la position des terres, imposait arbitrairement de nouveaux
noms à des îles déjà connues, ou trompé par ses calculs, croyait ne
faire qu'une reconnaissance lorsqu'il effectuait une véritable découverte.
De là ces déplacements arbitraires, ces doubles emplois, ces corruptions
d'orthographe, ces méprises ou plutôt ces bévues sans nombre qui défigurent
les cartes des XVIe
et XVIIe
siècles : la nomenclature primitive de
ces archipels est devenue presque méconnaissable. A tel point qu'il
est encore aujourd'hui difficile de proposer une chronologie des découvertes
qui serait affranchie de toute équivoque. Au moins voit-on toujours revenir
les mêmes noms : Vasco da Gama, de Cabral,
de Joaõ da Nova, d'Alfonso et de Francisco d'Albuquerque,
de Diego Péreira, de Francisco et de Lourenço Almeida,
de Tristan da Cunha, de Dom Garcia de Noronha,
de João de Castro, de Pedro (Pero) Mascarenhas,
etc.
La position des différentes
îles, sur les portulans, offre des incongruités non moins frappantes
: les îles dont, à force de recherches et de comparaisons, on parvient
à établir l'identité, présentent au moins deux degrés de différence
entre la latitude
que leur assignent les anciennes cartes, et celle où les placent les travaux
modernes. Nous ne parlerons pas de leurs longitudes ,
obtenues par l'estime; elles variaient en général de 10 à 20 degrés.
Comme on le voit, privée de guides sûrs, la navigation était impossible
dans ces parages parsemés de dangers, et peu de navires se risquaient
à s'y engager pour se rendre dans l'Inde. Lorsqu'on y était absolument
forcé,
« on veillait
de près à la conduite du vaisseau, tant de jour que de nuit, parce qu'il
y avait beaucoup plus d'îles et d'écueils qu'il n'y en a de marqués
sur les cartes; c'est pourquoi il fallait sonder fréquemment, examiner
continuellement la couleur de l'eau et surtout ne point faire voile la
nuit. » (Routier
d'Aleixo da Motta.)
On préférait donc
généralement suivre une route plus longue mais mieux connue, et cela
a retardé significativement la connaissance de ces archipels, alors
mêmes que les mers qui les entouraient était très fréquentées. En
fait, les Comores et les Mascareignes
n'ont pas trop tardé à livrer leurs secrets (même si les errances autour
de la localisation de Rodrigues portent
à relativiser cette assertion); ce sont surtout les Seychelles
et les îles dispersées qui ont représenté le défi de loin le plus
difficile à relever.
Les Comores ne paraissent pas avoir
été connues des anciens. La première carte sur laquelle elles se trouvent
dessinées, est celle de Diego Ribero, en 1527.
Le nom d'Ilhas do Comoro, les îles de Comor, qu'ils leur
donnèrent, était emprunté aux Arabes, car les Arabes connaissaient,
depuis des siècles, toute cette région maritime qu'ils avaient colonisée
jusqu'Ã Sofala
( Zanzibar,
la côte swahili et le Mozambique) où les navigateurs portugais
les trouvèrent établis. Ces îles ont été visitée ensuite par
Cornelis
Houtman en 1598,
par Davis en 1599, par Paris
en 1607 et par Hamilton en 1720.
Les Mascareignes,
à la géographie assez simple ont également bénéficié d'une connaissance
relativement précoce. Avant le navigateur portugais
Pedro (ou Pero) de Mascarenhas, auquel on attribue la découverte de l'île
de la Réunion, qui porta d'abord son nom,
et dont la date même est incertaine, savoir 1505,
1507,1508,
1513,
1528,
1545,
Diego Fernandez Pereira, selon certains auteurs, aurait été son vrai
découvreur, en même temps que des îles Maurice
et Rodrigues, et lui aurait donné son
premier nom, Santa Appollonia. On a aussi dit que les îles Mascareignes
étaient connues des habitants de la côte d'Afrique à l'époque où les
Européens doublèrent le cap de Bonne-Espérance. Dès le commencement
du siècle suivant, en 1508, des cartes
étaient tracées, où figuraient ces îles avec la grande île de Madagascar
(Maillard).
Les Seychelles.
- Malgré la confusion qui règne dans les anciennes cartes, on
ne peut douter que les Portugais
n'aient eu connaissance des Seychelles dès leurs premiers voyages aux
Indes. Les portulans manuscrits du XVIe
siècle portent tous, à l'est des Ilhas do Admirante
(les Amirantes des cartes modernes), une chaîne de petites îles appelées
Mascarenhas, que nous n'hésitons pas à identifier avec les Seychelles.
La découverte de cet archipel devait nécessairement suivre celle des
Amirantes; car il serait difficile de se rendre de ces dernières îles
dans l'Inde, sans apercevoir à l'est les hautes montagnes des Seychelles.
Quoi qu'il en soit, les Portugais ne s'arrêtèrent jamais dans ces îles;
car s'ils l'avaient fait, ils y auraient certainement découvert l'existence
du palmier qui produit le coco de mer; or nous voyons, par leurs propres
écrivains, que l'origine de cette noix curieuse fut encore longtemps un
mystère pour eux comme pour tous les peuples qui attribuaient à ce fruit
d'incomparables vertus médicinales.
De fait, ces îles
n'ont commencé à être connues que lorsque la Compagnie française des
Indes orientales forma un établissement à l'Ile
Maurice, et que le besoin de communiquer promptement avec l'Inde nécessita
l'exploration des divers archipels et groupes d'îles situés entre ces
deux points. La Bourdonnais fut le promoteur
de cette entreprise. En 1742,
il chargea le capitaine Lazare Picault, commandant de deux petits navires
(la tartane l'Elizabeth et le bot le Charles, aux ordre de
Jean Crossen), de pénétrer au milieu des principaux archipels de l'océan
Indien, et d'en tracer la carte. Ce marin y effectua, d'après ses ordres,
plusieurs voyages, et découvrit successivement les Seychelles
et les différentes îles du groupe de Peros-Banhos :
Ce fut le 19 novembre 1742
qu'eut lieu la découverte réelle de l'archipel des Seychelles.
Trompé par ses calculs, Picault crut d'abord avoir découvert les îles
de Tres Irmaös ou des Trois frères, portées sur les anciennes cartes
non loin du point où il croyait être arrivé. Picault et ses compagnons,
ayant pénétré dans l'intérieur de la plus grande du groupe, y trouvèrent
beaucoup d'oiseaux, tels que tourterelles, merles, perroquets ,
etc.; et ils y virent aussi une grande quantité de tortues de terre et
de mer, des crocodiles
de diverses grandeurs. A leur retour, ils s'aperçurent ils avaient commis
une grosse méprise relativement à la position des îles qu'ils venaient
de visiter, car au lieu d'atterrir à Rodrigues
, comme ils le croyaient, ils allèrent donner sur Madagascar
: c'était se tromper de plus de 300 lieues! Ils corrigèrent leur route
tant bien que mal , au moyen de la variation, et se convainquirent que
ces îles étaient inconnues avant leur arrivée; en conséquence, ils
leur imposèrent le nom de Mahé en l'honneur du gouverneur de l'île
Maurice (alors appelée île de France). Le récit avantageux qu'ils
firent de leur découverte, à leur arrivée dans cette colonie, engagea
La
Bourdonnais à y envoyer de nouveau la tartane l'Élisabeth
sous le commandement de Lazare Picault. Celui-ci s'y rendit en effet au
mois de mai 1744, jeta l'ancre à Mahé,
dans une petite anse du sud-ouest que l'on appelle encore l'anse Saint-Lazare,
et, au nom du roi , prit possession du groupe entier, qu'il nomma îles
de La Bourdonnais, réservant à l'île principale le nom de Mahé, qu'elle
a conservé; le port de cette île reçut le nom de Port-Royal.
Malheureusement la
guerre de 1744
vint distraire le gouverneur de ses projets, et son rappel en France mit
un terme aux autres expéditions qu'il méditait. En 1756,
Magon, nouveau gouverneur de l'Ile Maurice, pensa qu'il serait avantageux
de faire poursuivre les explorations entamées par Picault, et de remarquer
la situation des îles, et de recenser leurs ports, la qualité de leur
terrain, les productions naturelles qu'elles renferment, les espèces d'arbres
qui y croissent, enfin, de tout ce qu'elles peuvent contenir de bon, de
curieux et d'utile. C'est dans ce but qu'il y envoya, dans la même année,
la frégate le Cerf, commandée par le lieutenant Morphey, et la
goélette le Saint-Benoît, commandée par le sieur Prejean,
avec ordre
de prendre possession sous le nom d'Isle-de-Seychelles de celle où l'on
serait assez heureux pour trouver un bon port, et d'y laisser pour marque
une pierre gravée aux armes de France.
Cette prise de possession fut effectuée le
1er novembre 1756,
et pour la constater, Morphey fit poser et maçonner une pierre aux armes
de France, et élever, sur le rocher en forme d'éventail que l'on voit
dans le port, un mât de 55 pieds de hauteur, auquel on arbora le pavillon
français. Le procès-verbal en sera conservé aux archives de la cour
d'appel de l'île Maurice.
Le nouveau nom que l'on imposait à l'île
était un hommage rendu au contrôleur des finances et secrétaire d'État
Moreau de Seychelles : cependant La Bourdonnais
mourait à la suite des persécutions dont il avait été l'objet de la
part d'une administration jalouse, ingrate et inique; mais le sort n'a
pas voulu que le souvenir de cette victime d'une politique corrompue fût
entièrement effacé de l'histoire modeste de cet archipel, dont le premier
il avait compris l'importance : le nom de Mahé rappelle encore les généreux
efforts qu'il tenta pour fonder la puissance française dans les mers de
l'Inde, et, quoique restreint à une seule petite île, il éclipse par
sa célébrité le nom de Seychelles, que la flatterie imposa à l'archipel
entier, et dont d'arides recherches peuvent seules aujourd'hui retrouver
l'origine.
Pendant douze ans on ne s'occupa plus des
îles Seychelles. En 1769, le capitaine
Marion-Dufresne,
commandant la flûte la Digue, reçut du duc de Praslin, alors ministre
de la marine, l'ordre d'aller reconnaître les archipels situés entre
les Maldives et l'île Maurice. Ce navigateur envoya son bâtiment vers
les Seychelles à la fin du mois de
septembre : la saison des pluies, qui commence dans ces îles à cette
époque de l'année, ne permit pas aux explorateurs d'en faire un examen
approfondi; mais une découverte à laquelle ils étaient loin de s'attendre,
donna à cette reconnaissance beaucoup d'importance, et excita les administrateurs
de l'île Maurice, Poivre et Desroches, à y envoyer
une seconde expédition. Ils chargèrent de cette
mission le chevalier Grenier, officier d'un rare mérite, qui commandait
la corvette l'Heure du Berger, et mirent sous ses ordres une corvette
plus petite nommée le Vert-Galant, dont le lieutenant de frégate
la Fontaine eut le commandement. Par décision du ministre, l'abbé Alexis
Rochon, depuis membre de l'Institut, fut spécialement chargé de déterminer
la position des îles et des écueils que l'on rencontrerait. Ils arrivèrent
à Mahé le 13 juin 1769. Nous
reproduisons ici en l'abrégeant le récit de Rochon :
« Je ne
fatiguerai pas le lecteur du détail de mes observations : je ne me permettrai
pas même d'énumérer les productions de cet archipel : depuis qu'il est
habité, les colons doivent le connaître beaucoup mieux que moi; mais
je dirai que, pendant que le capitaine faisait caréner sa corvette, il
fit faire une vergue d'un seul arbre d'un bois
blanc dont le suc est laiteux et l'aubier assez semblable à celui de l'ébène;
ces arbres ont soixante-dix pieds de hauteur, et ce n'est qu'au bois de
natte et aux arbres à pommes de singes qu'ils le cèdent en dimensions.
J'ai vu des bois de natte qui avaient cinq pieds de diamètre et quatre-vingts
pieds de haut. En général ces îles sont couvertes de bois de différentes
espèces; la vue en est pittoresque; mais en descendant à terre, le tableau
n'en est pas si riant ce n'est plus qu'un terrain sablonneux, hérissé
de montagnes dont l'accès est difficile, et coupé de vallons tellement
resserrés, qu'on rencontre rarement des plaines d'un demi-kilomètre de
long.
On est surpris
qu'un lieu aussi voisin de la ligne [l'équateur ]
soit aussi tempéré. La position de l'île Mahé et la bonté de son port
là rendent intéressante sous plus d'un rapport; l'air y est pur, et lorsqu'elle
sera habitée, on la délivrera de ces monstrueux crocodiles
qui s'élancent sur les hommes qui ne sont pas sur leurs gardes. Nous avons
couru quelques dangers de ce genre; mais ils étaient moins grands que
ceux auxquels nous nous exposions en nous rendant fréquemment à terre,
tant de jour que de nuit, de la part des requins et des torpilles. Plusieurs
hommes de notre équipage ont été blessés par ces animaux, qui nous
poursuivaient, dès que notre canot était échoué, pendant l'espace d'un
demi-myriamètre, chemin que nous étions forcés de faire dans l'eau pour
atteindre le lieu où mon observatoire était placé...
L'intendant Poivre
nous avait chargés de rapporter à l'Ile-de-France [Maurice]
de jeunes plants de cocotiers de mer;, nous remplîmes avec zèle cette
commission; nous fîmes plus : nous apportâmes, pour le Cabinet d'histoire
naturelle de Paris, une grande palme de vingt
pieds de longueur, et divers renseignements qui furent accueillis avec
intérêt... »
En 1770,
le vicomte du Roslan, secondé du chevalier d'Hercé, continua avec fruit
les recherches du chevalier Grenier; son expédition se composait des corvettes
l'Heure
du Berger et l'Étoile du Matin. Telles sont les principales
explorations qu'entreprirent les Français dans les îles situées au nord
de l'île Maurice. Les travaux exécutés par ces marins servirent à la
confection du bel Atlas
de d'Aprés de Mannevillette, qui parut en 1746
et dissipa la terreur qu'inspirait jusque là aux navigateurs le
passage direct de l'Ile Maurice à l'Inde. Les incertitudes inséparables
d'un travail aussi considérable disparurent peu à peu, par la suite,
grâce aux relations plus fréquentes qui s'établirent entre l'Inde et
Maurice, et entre les différentes îles des archipels, devenues en peu
de temps le but d'un cabotage actif.
En 1819,
Lislet-Geoffroi , correspondant de l'Institut à l'île Maurice, publia
une carte de la mer des Indes, et un mémoire où il rectifia, d'après
des données nouvelles, un grand nombre de positions restées douteuses
jusqu'alors. Le capitaine Moresby, chargé, en 1821,
par le gouvernement anglais, de faire l'hydrographie de ces archipels,
a publié dans le Nautical Magazine le résultat de ses explorations.
Enfin, en 1841,
le capitaine Jehenne visita de nouveau ces îles sur la gabarre la Prévoyante,
et vérifia leurs positions avec un soin particulier. (A19). |
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