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Charles de Lorraine

Charles de Lorraine, dit aussi Charles de France, duc de basse Lorraine, né en mars 953, mort vers 1001, deuxième fils du roi Louis IV d'Outremer et de Gerberge, soeur d'Otton le Grand (Carolingiens) ; son frère jumeau Henri mourut bientôt; lui-même, à qui on destinait le royaume de Bourgogne, ne l'obtint pas à la mort de son père, son frère Lothaire et Hugues le Grand étant d'accord contre lui. Charles se présenta en mai 963 à la cour d'Otton le Grand à Cologne avec sa mère et son frère. Il épousa Adelaïde, fille d'Héribert de Vermandois; en 977, il reçut d'Otton II le duché de basse Lorraine, berceau de sa famille, fiança sa fille Gerberge à Lambert de Hainaut son allié, appuya Otton II dans sa campagne contre Lothaire et ne se réconcilia avec son frère qu'en 984, il tenta alors de conquérir la haute Lorraine. Il voulut s'emparer de la tutelle de son neveu Louis V le Fainéant et même le supplanter. 

A sa mort, il revendiqua la couronne de France; l'hostilité de l'archevêque de Reims Adalbéron lui fut fatale et Hugues Capet fut élu et couronné. Charles de Lorraine surprit Laon avec la connivence du prêtre Arnoul, bâtard de Lothaire, força Hugues Capet à la retraite et s'empara de Reims (989), dont son neveu Arnoul Tenait d'être nommé archevêque. Le nombre de ses partisans croissait et l'issue de la lutte était douteuse, lorsque l'évêque de Laon, son ennemi, qui avait feint une réconciliation, trahit Charles et le livra à Hugues Capet dans la nuit du 30 mars 991. Le prétendant carolingien fut conduit à Senlis, puis à la tour d'Orléans avec sa femme et ses deux filles Gerberge et Adélaïde. Ses deux jeunes fils, Louis et Charles, qui peut-être ne régnèrent que pendant la captivité de leur père, la partagèrent, et leur destinée est inconnue. Son fils aîné Otton mourut en 1005, duc de basse Lorraine.

Charles II le Hardi, duc de Lorraine (1391-1431), est en réalité le premier duc de Lorraine de son nom; mais l'usage ayant officiellement prévalu, depuis le XVIIe siècle, de donner le numéro un au prétendant carolingien Charles, duc de basse Lorraine, il est difficile de s'en écarter. Charles II, né à Toul en 1365, mort le 25 janvier 1431, était fils du duc Jean Ier et de Sophie, fille d'Eberhard III, comte de Wurttemberg. 

Elevé à la cour de son parrain, le roi Charles V, il passa sa vie à batailler : en Flandre, contre les Gantois; avec le duc de Bourbon, contre Tunis; en Hongrie, contre les Turcs; en Lituanie, avec les chevaliers Teutoniques; en Italie et en Allemagne, au service de sont beau-père l'anticésar Robert opposé à Wenceslas. Il combattit aussi dans les rangs de l'armée française à la journée d'Azincourt (La Guerre de Cent Ans). En lutte perpétuelle avec la ville de Neufchâteau, il bafoua l'autorité royale et fut condamné par un arrêt du parlement. 

L'appui des Bourguignons le tira d'affaire et lui valut la charge de connétable (1418) que Charles VII lui retira en 1424. De son union avec Marguerite de Bavière (1393) naquirent plusieurs enfants; deux filles survécurent, Isabelle et Catherine. La première transmit son héritage à René d'Anjou.

Il eut de sa maîtresse Alison du Mai trois fils et cinq filles.

Charles II (ou III), dit le Grand, duc de Lorraine, (1545-1608), né à Nancy le 18 février 1543, mort à Nancy le 14 mai 1608, fils du duc François Ier et de Christine, fille de Christian II, roi du Danemark, nièce de Charles-Quint, veuve de François-Marie Sforza, duc de Milan. Il était sous la tutelle de sa mère et de l'évêque de Metz, Nicolas de Vaudemont, quand Henri II l'enleva, renvoya sa mère en Flandre et le conduisit à Paris. Le jeune duc y reçut l'élégante éducation de la cour où il se fit distinguer. II épousa, en 1559, Claude de France, fille du roi. Rentré en Lorraine, il annexa Bitche, fonda l'université de Pont-à-Mousson,  il fonda également les villes de Clermont-en-Argonne, Lunéville, Stenay, et arrêta le plan de la ville de Nancy.

Il entra dans la Ligue (1588), et comme il avait épousé Claude, fille du roi de France Henri II, il prétendit au trône en 1589.  En 1594 il traita avec Henri IV. 

Charles III (ou IV), duc de Lorraine (1624-1675), né le 5 avril 1604, mort à Larbach, près Birkenfeld, le 18 septembre 1675. Fils de François Ier, comte de Vaudemont, frère du duc Henri II, il devint duc par l'abdication de son père. C'est un des personnages les plus curieux de l'histoire du XVIIe siècle, chevaleresque et brouillon, mêlé à toutes les intrigues de la noblesse française, aux querelles des cours de France, d'Espagne et d'Autriche. Séduit en 1647 par la duchesse de Chevreuse, il négocia contre Louis XIII avec les Anglais, avec les Autrichiens qu'il secourut contre les Suédois, donna deux fois asile à Gaston d'Orléans. Menacé par Louis XIII, il se vit imposer le traité de Vic (31 décembre 1631), par lequel dut livrer la place de Marsal, expulser la mère et le frère du roi. 

Avant de partir, Gaston épousa secrètement Marguerite de Lorraine. Bientôt, tenté par la promesse d'un électorat, le duc Charles s'entendit de nouveau avec Ferdinand II. Louis XIII entra alors dans son duché, prit Pont-à-Mousson, Bar-le-Duc, Saint-Mihiel et lui imposa le traité de Liverdun (26 juin 1632), par lequel il occupait Stenay, Jometz, Clermont-en-Argonne. Une nouvelle infidélité de Charles IV amena la prise de Nancy (septembre 1633), qu'il dut céder pour quatre ans au roi de France. Le duc abdiqua alors en faveur de son frère, le cardinal François de Lorraine (19 janvier 1634), et alla joindre les Impériaux

Un arrêt du parlement le bannit du royaume, et le duché de Bar fut confisqué. Il prit part à la bataille de Nordlingen (1634), tenta vainement de reconquérir la Lorraine (1635), envahit la Bourgogne avec Gallas, échoua devant Saint-Jean-de-Losne (1636), combattit en Franche-Comté et en Lorraine (1637), en Alsace (1638), en Artois (1640) et se résigna enfin à traiter avec la France pour la restitution de ses Etats. Il se rendit à Paris et signa le traité de Saint-Germain (29 mars 1641), qui lui rendait les duchés de Lorraine et de Bar; il rasait Marsal et cédait Stenay, Jametz, Clermont et Dun. S'il rompait le traité, ses Etats devaient être annexés à la France. Presque aussitôt cette éventualité se réalisa; le duc Charles reprit la campagne; ses Etats furent saisis. Ils furent déclarés neutres par le pacte du 24 juin 1644; dépeuplés par une guerre meurtrière, ils gagnèrent peu à la paix de Westphalie. Les envoyés de Charles de Lorraine furent exclus du congrès de Munster; il tenta alors de se faire élever roi des Romains, combina un plan pour secourir Charles Ier d'Angleterre, passa au service de l'Espagne aven ses troupes, puis s'entendit avec les Frondeurs et s'avança en 1652 jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges; après une excursion dans l'Est, il rejoignit Condé sous Paris, mais il se brouilla avec lui et fut arrêté à Bruxelles par les Espagnols qu'il trompait (25 février 1654), emprisonné à Anvers, puis à Tolède

Relaxé lors de la paix des Pyrénées, il n'y souscrivit pas. Le traité de Vincennes (28 février 1661) lui imposa des conditions plus dures : démantèlement de Nancy, cession de Clermont, Moyenvic, Sierek, Sarrebourg et Phalsbourg. Amoureux de Marianne Pajot, fille d'un apothicaire, il s'entendit alors avec Louis XIV et lui vendit ses Etats pour une rente viagère de 200,000 écus (traité de Montmartre, 6 février 1664). Les princes lorrains, ses héritiers, protestèrent. Le traité de Nomény (31 août 1663) annula le précédent et lui enleva Marsal. Il fit ensuite la guerre à l'électeur palatin (1668), fut une dernière fois expulsé de la Lorraine par Créqui en septembre 1670, joua un rôle actif dans la conclusion de l'alliance de l'Empire, de l'Espagne et des Provinces-Unies contre la France, fut défait par Turenne à Sintzheim (1674), mais vainquit à Remiremont et finit par infliger à Créqui le désastre de Consarbruck (11 août 1675) et le prendre dans Trèves. Cet aventurier vaillant et  inconsistant eut trois femmes : Nicole de Lorraine, sa cousine; Béatrix de Cosenza, veuve de comte de Cantecroix; Louise-Marguerite d'Aspremont de Nanteuil (en 1665). Il épousa la seconde du vivant de la première en 1637; elle lui donna un fils, Charles-Henri, prince de Vaudemont (1642-1723), et une fille, Anne, mariée au prince de Lillebonne.

Charles IV (ou V),  (Léopold-Nicolas-Sixte), duc de Lorraine (1673-1690), né à Vienne (Autriche) le 3 avril 1643, mort à Wels, près Lintz, le 18 avril 1690, second fils de François-Nicolas de Lorraine et Claude de Lorraine, neveu de Charles IV. La mort de son frère Ferdinand (1659) en fit l'héritier du duché. Son mariage avec la duchesse de Nemours fut rompu par le traité de Montmartre; il protesta, demanda l'intercession du pape, de l'empereur, revint à Paris et reçut l'ordre de quitter la France dans les quatre jours. Il voua dès lors à Louis XIV une haine implacable. Ses qualités de politique clairvoyant et résolu, de général habile en firent un ennemi dangereux. L'empereur Léopold lui donna un régiment de cuirassiers (janvier 1664) avec lequel il se fit remarquer à la bataille de Saint-Gothard.

Il brigua la couronne de Pologne à deux reprises, en 1668 et en 1674; en 1670, l'empereur le nomma général de cavalerie; il fut blessé à Seneffe (août 1674). En 1675, il prit le titre de duc de Lorraine, mais ne fut pas reconnu par la France et ne put jamais prendre possession de son duché. Nommé feld-maréchal par l'empereur le 18 décembre 1675 et succédant à Montecuculli à la tête de l'armée impériale, forte de 40,000 hommes (dont 5700 fournis par lui), il assiégea et prit Philipsbourg (juin-septembre 1676). Avant rejeté les dures conditions offertes à Nimègue par Louis XIV (échange de Nancy et Longwy contre Toul, cession de quatre routes militaires de 1000 toises de large à travers la Lorraine), il marcha sur la Lorraine ayant écrit sur ses étendards : Aut nunc aut nunquam.

Créqui le repoussa. Il se retira en Autriche, épousa le 6 février 1678 l'archiduchesse Eléonore-Marie, fille de Ferdinand III et soeur de l'empereur Léopold, veuve du roi de Pologne, Michel Wiesnowski, et reçut dans le Tyrol un douaire représentant 100,000 thalers de rente. Il se fixa à Innsbruck et ne reprit les armes que pour la guerre turque. Ne pouvant, avec ses 30,000 hommes, tenir la campagne contre les 200,000 amenés par Kara Mustapha, il se replia sur Vienne et empêcha quelque temps l'investissement complet de la ville. Il marcha alors contre Toekoely, le vainquit sous Presbourg et se réunit à Tuln avec l'armée que Sobieski amenait au secours de Vienne, 84,000 hommes et 168 canons (Le déclin de l'Empire ottoman). Le 12 septembre 1683, Charles de Lorraine et le roi de Pologne gagnèrent la mémorable bataille qui mit fin à l'ascendant des armes ottomanes. Il poursuivit les vaincus, leur enleva Parkany, Gran (octobre 1683). 

En 1684, il prit Visegrad, battit les Turcs à Waitzen, assiégea Bude. En 1685, il prit d'assaut Neuhaeusel, mit le grand-vizir en déroute devant Gran. En 1686, il assiégea et prit Bade (18 juin-2 septembre 1686). La campagne de 1687 fut signalée par la victoire décisive de Mohacz (18 août). En 1688, la maladie l'arrêta. En 1689, il opéra sur le Rhin contre les Français, assiégea et prit Mayence (16 juillet-18 septembre) et Bonn (septembre -12 octobre). Louis XIV dit, en apprenant sa mort, que c'était le plus grand, le plus sage et le plus généreux de ses ennemis. 

L'empereur Léopold lui avait donné la main de sa soeur, l'archiduchesse Marie-Éléonore. Il eut six enfants, dont Léopold qui lui succéda; Charles-Joseph-Ignace Félix, évêque d'Osnabruck puis archevêque-électeur de Trèves.

Charles de Lorraine, cardinal, évêque de Metz et de Strasbourg, né à Nancy le 1er juillet 1567, mort à Nancy le 24 novembre 1607, fils du duc Charles III et de Claude de France, coadjuteur de son oncle, le cardinal Louis de Lorraine, évêque de Metz (1573); il lui succéda le 18 juillet 1578, mais fut exclu de la ville par les Français; il avait été doté de canonicats à Trèves, Cologne, Mayence, Strasbourg, devint cardinal-diacre le 14 décembre 1588, cardinal-prêtre de Sainte-Agathe le 5 avril 1591, abbé de Saint-Victor de Paris, etc. Le 9 juin 1592, il fut élu évêque de Strasbourg par les chanoines catholiques, et se mit en possession (1604) malgré les protestants.
Charles-Alexandre (prince de Lorraine), gouverneur général des Pays-Bas, né à Lunéville le 12 décembre 1712, mort à Tervueren, près de Bruxelles, le 4 juillet 1780. Fils de Léopold, duc de Lorraine, et d'Elisabeth-Charlotte d'Orléans. Il fit ses premières armes dans la guerre contre les Turcs en 1738, fut blessé à la Croska et combattit vaillamment au défilé de la Mehadia. En 1742, pendant la guerre de la succession d'Autriche, il se distingua au premier rang des défenseurs de Marie-Thérèse, défit les maréchaux de Broglie et de Belle-Isle en Bavière, et força l'Electeur à battre en retraite derrière l'Inn. Le 7 janv. 1744, Charles épousa Marie-Anne d'Autriche, seconde fille de l'empereur Charles VI, et devint gouverneur général des Pays-Bas. 

A peine était-il installé que les troupes françaises envahirent la Flandre et s'emparèrent de Menin, d'Ypres et de Furnes; le prince Charles opéra une puissante diversion sur le Rhin et pénétra jusqu'au coeur de l'Alsace; puis, tournant ses armes contre la Prusse, il contraignit Frédéric II à évacuer la Bohème. Frédéric II se réconcilia avec Marie-Thérèse, mais Louis XV continua la lutte. Le maréchal de Saxe battit l'armée anglo-impériale à Fontenoy et cette victoire lui ouvrit les portes de Bruxelles ; puis il défit Charles de Lorraine à Rocour (11 octobre 1746), prit Berg-op-Zoom et Maestricht, et maintint sa supériorité jusqu'à la paix d'Aix-la-Chapelle qui rendit la Belgique à l'Autriche (18 octobre 1748). 

Le prince Charles reprit alors possession de son gouvernement. Les affaires étaient dans le plus grand désordre, les revenus de l'Etat insuffisants à ses besoins, les provinces endettées, l'autorité centrale méconnue. Le prince, habilement secondé par son ministre Charles de Coblenz, créa peu à peu des ressources, subsidia des manufactures, fit creuser des canaux, fonda des collèges, ouvrit au public la bibliothèque de Bourgogne, provoqua l'établissement de l'académie des sciences et des belles-lettres de Bruxelles, et transforma la capitale par de nombreux embellissements.

La guerre de Sept Ans appela de nouveau Charles à la tête de l'armée ; il n'y fut pas heureux : battu deux fois par le grand Frédéric, à Prague et à Leuthen (6 mai et 5 décembre 1757), il se démit de son commandement et rentra définitivement à Bruxelles. Sa modération et sa bonhomie ainsi que son honnêteté scrupuleuse à respecter les privilèges nationaux, l'avaient rendu cher aux Belges. De son côté, il se rendait très exactement compte de leur caractère et il était dans toutes les occasions leur défenseur auprès de l'impératrice. 

« Ces pays-ci, écrit-il confidentiellement à Marie-Thérèse, sont très attachés à leurs privilèges, et même j'ose dire qu'ils poussent cela jusqu'à la folie; ils sont tous élevés dans ce préjugé et il serait fort dangereux de toucher cette corde, d'autant que tous les souverains les leur ont non seulement confirmés, mais jurés, ce qui fait qu'ils envisagent leurs privilèges comme lois fondamentales de l'Etat [...]. Mais la plupart des ministres, pour se faire valoir, veulent gouverner despotiquement. » 
Marie-Thérèse tenait son beau-frère en haute estime et lui témoigna souvent sa reconnaissance pour son dévouement et son habile gestion. Elle le fit grand-croix de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, grand maître de l'ordre Teutonique et lui accorda à diverses reprises des pensions considérables. En 1769, les Pays-Bas, pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l'entrée en fonctions de Ieur gouverneur, lui offrirent un don de deux cent cinquante mille florins et lui érigèrent une statue de bronze. Charles précéda de quelques mois Marie-Thérèse dans la tombe. Il était veuf depuis le 16 décembre 1744 et ne laissait pas d'enfant. Son corps fut transporté à Nancy et déposé dans la chapelle ducale. (E. H.).
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